Déclaration de Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, en réponse à des questions sur l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme, à l'Assemblée nationale le 17 décembre 2014.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Questions d'actualité à l'Assemblée nationale, le 17 décembre 2014

Texte intégral

Monsieur le Député, j'ai reçu la semaine dernière Mme Anne Brasseur, qui préside l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, institution que vous avez vous-même présidée. Avec elle, nous avons fait le tour de ces questions. Vous m'interrogez sur l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. Les représentants des pays membres du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne ont en effet finalisé en avril 2013 ce projet d'adhésion, qui contient quatre textes : un projet de rapport d'adhésion, un projet de rapport explicatif, un projet de déclaration et un projet de règles qui seraient susceptibles de s'ajouter aux règles du comité des ministres.
Le projet de rapport d'adhésion contient également des dispositions visant à préciser, outre la portée de l'adhésion, la compatibilité avec les protocoles et les réserves admissibles. Dès demain, la Cour de justice de l'Union européenne se prononcera sur la compatibilité entre ce projet et les traités de l'Union européenne. Ensuite, évidemment, les pays membres de l'Union européenne devront se prononcer à l'unanimité et la ratification aura lieu selon les règles internes de chaque pays.
Pour ce qui est de la nomination des juges, le protocole 14 modifie la Convention et indique que les juges seront élus pour neuf ans, qu'ils ne seront pas rééligibles, que leurs fonctions prendront fin lorsqu'ils atteindront l'âge de 70 ans et qu'ils ne pourront être relevés de leurs fonctions que si deux tiers des juges se prononcent en ce sens. Vous avez cependant souligné très justement qu'il nous faut être très attentifs aux conditions d'indépendance et de qualité de ces juges.
Quant aux moyens, le ministère des affaires étrangères est très mobilisé autour de la nécessité d'accroître les moyens propres à assurer l'effectivité de l'action du Conseil de l'Europe et des pays de l'Union européenne.
Monsieur le Député, vous avez été en charge des affaires européennes et vous connaissez parfaitement le fonctionnement des institutions européennes. Vous savez que la Cour européenne des droits de l'Homme fonde ses jugements sur la base de la Convention européenne des droits de l'Homme, que les pays membres ont signée et ratifiée. Et la France s'honore de l'avoir fait, d'avoir compté parmi les pays remarquables qui ont signé et ratifié cette convention.
Les jugements de cette Cour sont fondés sur les articles de la Convention européenne des droits de l'Homme. Souvent, cette convention contribue à préciser les libertés et les devoirs qui protègent nos concitoyens.
Vous savez, Monsieur le Député, que les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme, dans laquelle siège un magistrat français de très grande qualité, les magistrats étant désignés par les pays membres, que ces décisions sont respectueuses des droits de ces pays. Par exemple, sur la famille, la Cour européenne a pris la peine de distinguer la situation des parents de celle des enfants, ce qui ne remet nullement en question la souveraineté de la France, qui est libre d'autoriser ou d'interdire la gestation pour autrui et conserve la totale liberté de maintenir dans son droit l'interdiction absolue de la GPA.
Le divorce que vous évoquez est lié souvent à une méconnaissance du fonctionnement des institutions européennes. Nous y contribuons lorsque nous laissons croire qu'il y a de l'opacité. Je ne pense pas qu'il soit sain, ni pour la démocratie française, ni pour l'Union européenne, que nous puissions contribuer à faire croire qu'il y a de l'opacité.
L'Europe, c'est un rassemblement de pays : les pays contribuent à l'Europe et tous les ministres vont régulièrement aux conseils des ministres européens. C'est nous qui contribuons à élaborer les lois européennes.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2014