Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'avenir de la réforme de la politique agricole commune, Dresde, le 1er juin 1999.

Prononcé le 1er juin 1999

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil informel des Ministres de l'agriculture de l'Union européenne, à Dresde, le 1er juin 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Commissaire,
Chers collègues,
En concluant l'accord de Berlin sur la réforme de la politique agricole commune, dans le prolongement de nos travaux de Bruxelles, nous avons répondu à plusieurs exigences.
Nous avons renforcé la construction européenne à un moment difficile de son histoire. Les terribles défis lancés sur notre propre continent ne nous permettaient pas de donner l'image de la division.
Nous avons aussi su prendre les mesures indispensables à une bonne régulation des marchés agricoles menacés d'excédents. Nous l'avons fait avec un légitime souci de maître budgétaire.
Nous nous sommes aussi donné un socle commun pour dessiner les contour du mandat qui sera délivré à la Commission en vue de la négociation agricole à l'Organisation Mondiale du Commerce. C'est donc unis que nous aborderons cette échéance dès la réunion de Seattle en novembre prochain.
Nous avons enfin posé les bases d'une politique agricole commune tournée vers l'avenir à travers deux piliers fondamentaux : les traditionnelles politiques d'organisation de marché d'une part et les politiques de développement rural d'autre part.
Il est désormais temps d'aller plus loin et d'engager sans tarder une réflexion entre nous pour appréhender les défis qui seront lancés à la politique agricole commune dans les toutes prochaines années.
Je pense tout d'abord aux attentes des agriculteurs européens soucieux de voir reconnaître leurs fonction de producteurs créateurs d'emplois, aménageurs de l'espace rural, protecteurs de l'environnement, soucieux aussi de l'équité de la répartition des aides qui leurs sont accordées.
C'est en prenant en compte ces attentes que notre politique agricole répondra à celles d'une opinion européenne toujours plus attentive à la qualité des denrées alimentaires, à la préservation de l'environnement, à l'aménagement de l'espace rural et à la création d'emplois.
C'est dans ce sens que nous devons réorienter la politique agricole commune.
A Berlin, il était sans doute trop tôt. Dans trois ou quatre ans, il sera trop tard.
Car non seulement nous aurons manqué ce rendez-vous des Européens avec leur agriculture, mais nous serons aussi dans l'incapacité d'affronter les deux échéances internationales cruciales qui attendent l'Union européenne.
Il s'agit en premier lieu de la négociation agricole à l'Organisation Mondiale du Commerce. L'accord de Berlin trace les contours des positions qui seront les nôtres dans la négociation. Mais nous avons aussi un modèle agricole européen à défendre. Dans la perspective des négociations, l'importance que nous saurons accorder au développement rural, ne peut que nous renforcer.
A peu près au même moment, nous devons être en mesure d'accueillir les agriculteurs des pays candidats à l'adhésion. Nous devons être cohérents. Les futurs Etats-membres doivent savoir à quoi s'en tenir, s'agissant en particulier de la nature et du niveau des aides accordées aux agriculteurs. D'autant plus que nous serons plus que jamais tenus à un principe de maîtrise budgétaire.
Au croisement de toutes ces préoccupations, internes et externes à l'Union, se trouvent les politiques de développement rural, qui représentent un atout majeur pour donner au soutien à l'agriculture une légitimité renouvelée à travers la prise en compte des fonctions multiples de l'agriculture.
Je remercie donc vivement la Présidence d'avoir consacré cette réunion informelle à ce thème crucial et de nous avoir soumis un document qui permet de lancer notre réflexion.
Je souhaite en effet, comme vous, que nous puissions conduire une réflexion approfondie sur ce sujet d'avenir pour être en mesure de prendre, le moment venu, les décisions qui s'imposeront.
Nous avons posé le socle d'une telle évolution à Bruxelle puis à Berlin puisque la politique agricole commune repose désormais sur deux jambes. Mais l'une, le développement rural, est trop courte par rapport à l'autre, les politiques de marchés, pour que la démarche de l'Union soit pleinement assurée.
La portée de votre deuxième question est essentielle : nous devons de plus en plus inscrire notre soutien du modèle agricole européen dans une perspective durable conjuguant, sans les opposer, objectifs économiques et objectifs agri-environnementaux.
La France a certaines idées pour y parvenir. Elle n'est pas la seule. J'en ai déjà exposées certaines au cours de la négociation que nous venons d'achever. D'autres Etats-membres, comme l'Autriche par exemple, en ont exprimé d'autres. Et je vais donc vous indiquer ici, en réponse à votre première question, les priorités qui sont les nôtres.
Comme vous le savez, les politiques de développement rural outil de rémunération des fonctions multiples de l'agriculture, sont au cur de la loi d'orientation agricole adoptée par le Parlement français. L'ensemble de la démarche que j'entends conduire en France fait l'objet d'un mémorandum qui vous a été transmis. Nous mettons en particulier l'accent sur une démarche contractualisée entre l'Etat et l'agriculteur volontaire favorisant la mise en uvre cohérente et combinée de divers instruments des politiques agricoles et structurelles. C'est un élément de réponse à votre troisième question sur la nécessaire cohérence entre les politiques sectorielles. S'agissant de votre quatrième question, notre loi vise à maintenir le plus grand nombre des exploitations possibles dans une perspective de l'emploi et de maintien des équilibres territoriaux. Quant à la forêt, nous préparons une loi d'orientation destinée à donner un nouveau dynamisme, à la fois économique et environnemental, à cet important secteur. Telles sont nos réflexions et priorités.
Pour les mettre en uvre, j'ai décidé notamment d'utiliser la modulation des aides, instrument mis à la disposition des Etats-membres par l'accord de Berlin pour réorienter les soutiens à l'agriculture. Je me félicite de l'intérêt manifesté par nombre de nos collègues à l'égard de cet outil. Je souhaite que nous poursuivions la concertation sur ce point. J'aimerais en particulier que nous puissions travailler avec la Commission à ce que la mise en uvre des critères de la modulation puisse s'opérer de la manière la plus simple et la plus équitable possible. Je pense en particulier au critère de marge brute standard dont la définition mérite sans doute d'être simplifiée pour être utilisable.
Mais la France n'a pas prétention à imposer un modèle. Elle a simplement la volonté de contribuer à la réflexion commune en vue d'une évolution ordonnée de la politique agricole commune dans le sens souhaité par nos agriculteurs, par nos opinions publiques et que commande le contexte international.
Quelques mois s'ouvrent devant nous pour avancer concrètement sur la voie d'une politique agricole européenne rénovée, susceptible de répondre aux attentes, forcément diverses, de l'ensemble des Etats-membres.
J'invite la Commission, mais aussi les Présidences qui vont se succéder, à jouer pleinement leur rôle dans la conduite de la réflexion et dans l'élaboration d'une politique permettant d'aller plus loin dans le sens d'ailleurs évoqué dès la Conférence de Cork en 1995. C'est pourquoi je vous propose de provoquer, en accord avec la Commission, une réunion à haut niveau sur ce thème.
Nous avons su, en ce début d'année 1999, aller au-delà de nos différences pour trouver un accord à un moment où tout paraissait bien compromis. La Présidence allemande de l'Union doit d'ailleurs en être chaleureusement remerciée.
Trouvons maintenant le dynamisme et la volonté politique indispensables à la réorientation de la politique agricole commune et à l'élaboration d'un nouveau pacte européen en faveur d'une agriculture durable. Nous devrons mener un travail acharné et incessant, vis-à-vis de nos partenaires de l'OMC pour faire reconnaître ce modèle européen de développement agricole.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr ; le 6 août 1999)