Interview de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le site internet du Parti socialiste en juillet 2001, sur l'augmentation de la contribution financière des agriculteurs au budget des agences de l'eau prévue dans le cadre du projet de loi sur l'eau.

Prononcé le 1er juillet 2001

Intervenant(s) : 

Média : Parti-socialiste.fr

Texte intégral

Dominique Voynet a présenté son projet de loi sur l'eau en Conseil des ministres le 27 juin dernier. Ce projet vise à faire appliquer le principe pollueur-payeur en augmentant la contribution financière des agriculteurs dont les médias ont souligné qu'ils étaient jusqu'à présent largement exonérés. Que pensez-vous de ce projet de loi ?
Le principe pollueur-payeur est tout à fait légitime et je l'ai soutenu. Mais j'ai insisté pour qu'on n'en fasse pas une application aveugle. Ce projet de loi a su éviter l'écueil de la facilité consistant à considérer que l'activité agricole serait en elle-même polluante et devrait, à ce titre et globalement, être taxée. Certains proposaient ainsi de taxer la consommation d'azote au premier kilo, ce qui serait revenu à taxer de la même manière les agriculteurs quelle que soit leur pratique, raisonnée ou excessive, respectueuse de l'environnement ou polluante. Cela aurait été un non- sens environnemental. Le texte ne fait payer que ceux qui ont une pratique individuelle effectivement polluante ; c'est la redevance sur les excédents d'azote calculée par chaque agriculteur redevable.
On a dit que le texte aurait été considérablement affaibli par les pressions des lobbies et à la suite de rudes arbitrages entre ministères ?
D'abord, je ne peux pas laisser dire que mon ministère se serait fait le relais des lobbies. On sait bien que ce n'est pas ma vision ni le sens de mon action à la tête de ce ministère, j'ai d'ailleurs l'impression qu'au moins sur ce point, les syndicats agricoles qui me le reprochent partagent ce point de vue.
Je suis tout autant surpris de lire ou d'entendre que l'élaboration de ce projet aurait donné lieu à de graves désaccords entre ministres alors même qu'un consensus s'est rapidement dégagé sur l'architecture générale de la partie agricole. Il est possible en revanche qu'entre les objectifs dont rêvaient certains pour fixer la contribution financière agricole et le résultat final, il puisse y avoir un écart. J'ai d'emblée accepté le principe d'une augmentation de la contribution financière des agriculteurs au budget des agences de l'eau, car elle me paraissait justifiée par souci d'équilibre par rapport aux autres contributeurs. Mais je ne pense pas que tous les problèmes se résolvent par un surcroît de taxes. La multiplication, par 5 environ, à laquelle on arrive, selon nos estimations, ne me semble, dans son montant, ni symbolique ni anecdotique. L'impact potentiel de ces nouvelles redevances sera loin d'être neutre pour les agriculteurs qui s'exposeraient, par leurs pratiques, à devoir les acquitter ; c'est pourquoi je suis sûr qu'elles auront un effet incitatif fort pour que les pollutions agricoles se réduisent.
C'est cela l'objectif politique de la loi. L'objectif premier n'est pas de faire rentrer de l'argent mais de retrouver une bonne qualité des nappes phréatiques et donc de l'eau consommable en faveur de toute la société, y compris les agriculteurs
Ne risquez-vous pas de vous attirer les foudres des syndicats agricoles ?
Je vous l'ai dit, je n'ai jamais construit mes prises de décisions en fonction des lobbies agricoles. Je crois que les Français s'en sont aperçus à de multiples reprises. Je ne suis pas le ministre des agriculteurs mais celui des agriculteurs dans la société. La noblesse de la politique, c'est de défendre l'intérêt général et l'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers.
Je ne suis pas sûr pour autant de m'attirer les foudres des agriculteurs. Je crois au contraire qu'ils adhérent individuellement à l'évolution engagée depuis quelques années pour passer d'une agriculture productiviste à une agriculture tournée vers la qualité, du "produire plus" au "produire mieux". Au travers du contrat territorial d'exploitation, les agriculteurs s'engagent par exemple à replanter des haies, à respecter les cours d'eau qui jouxtent leurs champs, à réduire les engrais. Beaucoup ont déjà compris la nécessité de se tourner vers une production de qualité et de mettre un terme aux productions intensives pour réconcilier les agriculteurs et la société. Le consommateur citoyen peut lui aussi contribuer à encourager les agriculteurs à privilégier cette voie.
Dans le domaine de l'environnement où beaucoup reste à faire, il faut travailler en mobilisant les acteurs, non en les stigmatisant. La bonne méthode est de miser sur la responsabilité des individus, en encourageant les bonnes pratiques et en sanctionnant celles qui le sont moins. D'une certaine manière, l'esprit du projet de loi sur l'eau ouvre la voie à une écologie fondée sur la responsabilité et non sur l'opposition et le rejet.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 31 juillet 2001)