Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, sur l'avenir de la Fonction publique, à Paris le 10 mars 2015.

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Circonstance : Réunion consacrée à un point d'étape de la négociation "Parcours professionnels, carrières, rémunérations" (PPCR), à Paris le 10 mars 2015

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Nous nous retrouvons ce matin afin de faire, ensemble, un point d'étape sur la négociation que nous avons engagée depuis l'automne dernier sur l'avenir de la fonction publique. Cette rencontre, j'ai souhaité l'organiser afin de pouvoir échanger très directement avec vous, à mi-parcours, avant que nous nous rencontrions de nouveau lors de la réunion conclusive qui se tiendra le 2 juin prochain.
Notre négociation sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, nous avons souhaité l'engager afin de conforter et de moderniser notre fonction publique de carrière ; afin de réaffirmer et de mieux garantir les principes qui font vivre ce modèle :
- l'égalité dans les procédures de recrutement qui reposent sur le principe du concours et l'égalité dans le déroulement des carrières ;
- la séparation du grade et de l'emploi ;
- la possibilité de dérouler une carrière complète dans la durée et la prise en compte de la valeur professionnelle dans le déroulement de cette carrière ;
- la nécessité d'affecter des fonctionnaires sur l'ensemble des territoires, y compris les moins attractifs ;
- l'importance de la mobilité au sein de chaque versant et entre les trois versants;
- l'unité de l'ensemble de la fonction publique.
Cela nous a conduits - dans un premier temps et selon votre souhait, à ne pas aborder les propositions de réforme avant les élections professionnelles, mais à mener des travaux de mise en perspective de ces principes ; cela n'avait pas été fait depuis 30 ans. C'était donc important. Pour que nous puissions tous nous remettre à niveau et réfléchissions ensemble aux évolutions nécessaires de notre fonction publique.
Cette réunion sera l'occasion d'abord, de dresser un bilan de ces travaux, et de débattre des orientations proposées par le gouvernement sur les séquences de la négociation qui se sont déjà tenues : sur la gestion des emplois ainsi que sur l'architecture statutaire.
Il s'agira, ensuite, d'engager de premières discussions sur les sujets qui n'ont pas encore été approfondis, en particulier la rénovation des carrières et des rémunérations.
I. Conclusion des séquences 1 et 2
I.1. Conforter notre modèle de fonction publique
Concernant les travaux que nous avons déjà conduits, je propose, afin de conforter notre modèle de fonction publique, de confirmer les classements hiérarchiques en trois catégories, A, B et C ; le classement des corps et cadres d'emplois dans ces catégories étant fonction non seulement du niveau des qualifications requises au recrutement mais également du niveau des missions confiées aux agents.
Seront également maintenus les corps et les cadres d'emplois, ainsi que les grades et des échelons, principes fondamentaux de la fonction publique de carrière auxquels nous sommes tous attachés. Enfin, nous conserverons un recrutement sans concours en bas de la grille des catégories C ; nous verrons comment améliorer les critères de recrutement.
I.2. Renforcer l'unité entre les trois versants de la fonction publique
Afin de renforcer l'unité entre les trois versants de la fonction publique, je vous propose d'instaurer de nouveaux espaces élargis, communs aux corps et cadres d'emplois dont les missions relèvent de la même filière professionnelle.
Cela nous conduira à mettre en place des statuts communs de corps et de cadres d'emplois, qui disposeront de règles identiques en termes de conditions de recrutement, d'architecture de la carrière, de grille de rémunération, de régime indemnitaire. Cela permettra surtout de faciliter les mobilités entre les corps et cadres d'emplois relevant de ce statut commun. Bien entendu, cela ne remettra pas en cause les spécificités de chaque fonction publique : ces cadres communs conduiront à des statuts particuliers, certes plus simples, dans chaque versant.
Ce nouvel outil statutaire – si nous décidons de l'instaurer - sera mis en oeuvre très progressivement, dans les seules filières où il apparaîtra pertinent : les filières conservation du patrimoine, les bibliothèques ainsi que les filières administrative, technique et sociale. Et cette mise en oeuvre se fera - bien sûr - en concertation avec vous.
Il vous est proposé également - afin de garantir plus de justice - d'oeuvrer à l'harmonisation des parcours de carrière. Ainsi, nous pourrons mieux reconnaître l'expérience et la valeur professionnelle des fonctionnaires dans le déroulement de leur carrière. A cet égard, je suggère que nous fixions les taux d'avancement de grade dans des décrets statutaires et ce, dans les trois fonctions publiques.
Bien évidemment, vous serez associés à la fixation de ces taux et nous tiendrons compte, quand cela sera nécessaire, des spécificités propres à chaque corps ou cadre d'emplois. De plus, des clauses de sauvegarde seront instaurées pour les corps et cadres d'emplois à faibles effectifs.
Enfin, je souhaite que nous puissions rénover les modalités de reconnaissance de la valeur professionnelle par un dispositif plus significatif d'avancement accéléré d'échelon. Ainsi, nous contribuerons aussi à l'allongement des carrières.
Cette réforme – si nous décidons de la conduire - impliquerait que nous supprimions la carrière minimale dans la Fonction Publique Territoriale et les réductions d'ancienneté telles qu'elles sont mises en oeuvre dans les deux autres fonctions publiques. C'est – il me semble – une mesure d'équité entre les trois versants de la fonction publique à laquelle nous pouvons tous souscrire.
Sur la question de l'entretien professionnel, outil aux objectifs diversifiés - de l'appréciation de la valeur professionnelle de l'agent et de son engagement au sein de son collectif de travail à l'évaluation de ses besoins de formation, de ses souhaits et de ses perspectives de parcours professionnels, il nous faudra conduire un bilan. Ainsi, nous pourrons mener une réflexion sur son évolution : cela se fera dans le cadre de notre agenda social, mais en dehors de cette négociation, au cours du second semestre de cette année.
I.3. Renforcer la présence des fonctionnaires sur l'ensemble des territoires de France pour garantir la qualité du service public
Mesdames et Messieurs – vous le savez mieux que quiconque - c'est l'honneur de nos agents publics que de servir sur tous les territoires, partout où les citoyens ont besoin de services publics et de fonctionnaires compétents pour les faire vivre.
Que ces territoires soient urbains, péri-urbains ou ruraux, que le coût du logement y soit élevé ou pas, qu'ils soient riches ou dans une situation plus difficile, il nous faut garantir la présence de services publics adaptés.
Vous avez constaté – comme moi - que les outils statutaires et indemnitaires concourant à l'attractivité sont anciens et ont perdu de leur pertinence. Mais les travaux conduits n'ont pas encore permis d'aboutir à des propositions réellement opérationnelles. Je pense qu'il nous faudra donc continuer à avancer sur ces sujets après la fin de notre actuelle négociation.
II. La suite de nos travaux : séquences 3, 4 et 5
Il nous faut maintenant aborder le reste des sujets sur lesquels nous allons discuter dans les trois mois qui viennent.
II.1. Les problématiques propres à chaque versant de la fonction publique
La prochaine séquence de la négociation, qui se déroulera au courant du mois de mars, sera consacrée aux problématiques propres à chaque versant de la fonction publique. A cette occasion, vous allez évoquer la nécessaire simplification des règles et des procédures propres à chaque versant de la fonction publique.
Cela se fera – pour la Fonction publique hospitalière, sous l'autorité de ma collègue en charge de la Santé, Marisol Touraine. Cette réunion spécifique se tient d'ailleurs dès demain.
Pour la Fonction Publique de l'Etat, la négociation porte sur la relance d'un programme de fusion des corps, dans le respect des métiers et des identités professionnelles. La fusion des corps passe aussi par le développement des corps interministériels à gestion ministérielle (CIGEM) : je vous invite donc à dresser rapidement le bilan des CIGEM existants et à examiner les perspectives d'amélioration de ce dispositif pour que nous puissions débattre de son extension.
Des propositions vous seront également présentées en matière de déconcentration de la gestion des personnels.
Vous évoquerez aussi à nouveau, à cette occasion, le sujet des lignes directrices de gestion dont la mise en oeuvre pourrait être particulièrement pertinente dans ce versant de la fonction publique. Cela pourrait permettre, en effet, de fluidifier les mobilités choisies des agents et de renforcer le dialogue social.
Pour la Fonction Publique Territoriale, vous discuterez essentiellement de thèmes afférents au recrutement : il nous faut introduire une plus grande transparence, offrir aux collectivités les moyens de recruter plus qualitativement.
Vous aborderez donc la question du recrutement sans concours pour laquelle je souhaite que vous puissiez réfléchir à l'introduction d'une obligation de publication des emplois vacants et à la mise en place de comités de sélection comprenant au moins une personne extérieure à l'autorité qui recrute.
Vous serez amenés également à discuter de la problématique des reçus collés – sur laquelle vous êtes auditionnés en ce moment même par Madame la députée Chantal Guittet – et de celle des concours sur titres pour l'accès aux professions réglementées.
II.2. La séquence 4 : rénovation des parcours professionnels et des rémunérations.
La quatrième séquence de notre négociation, que vous attendez - je sais - avec impatience, sera consacrée à la rénovation des parcours professionnels et des rémunérations.
Afin de guider vos travaux, je souhaite vous faire part aujourd'hui de quelques orientations.
Cette séquence devra être - il me semble - l'occasion de reconstruire les parcours professionnels afin que les fonctionnaires puissent effectuer un parcours professionnel valorisant et ce, dans la durée de leur carrière.
Ainsi, il faudra se poser la question des grades au sein des corps et des cadres d'emplois, dans les trois catégories hiérarchiques.
Par ailleurs, une nouvelle amplitude indiciaire doit pouvoir être donnée au sein de chaque catégorie pour que les écarts entre catégories deviennent réellement significatifs.
Il nous faut également allonger les carrières afin d'offrir à nos agents publics des parcours professionnels mieux en adéquation avec la durée réelle des carrières. Les grilles doivent donc pouvoir être portées à une durée de 30 à 35 ans.
Toujours dans cette même optique d'amélioration des parcours et des rémunérations, des primes seraient transformées en points d'indice à l'occasion de la première revalorisation. Et pour qu'il n'y ait pas de perte de pouvoir d'achat, le différentiel de cotisation serait compensé.
En ce qui concerne les revalorisations de grille - vous le savez - elles seront étalées sur plusieurs années. Elles commenceront dès 2016 et continueront au-delà de 2017.
Pour ce faire, je vous proposerai des calendriers d'étalement. Ils pourront être différents selon les catégories et il nous faudra établir des priorités entre le A, le B et le C.
Notre objectif, ce doit aussi être de garantir une plus grande transparence et une plus grande lisibilité de nos grilles : à cet égard, une seule référence demeurerait, les indices majorés. Seraient donc supprimées les notions d'indice brut mais aussi les hors échelle qui seraient affichées en indice.
Une fois l'ensemble de ces discussions conduites, une dernière séquence devrait nous permettre de conclure la négociation lors de la réunion déjà évoquée du 2 juin.
Mesdames et Messieurs, c'est une réforme équilibrée et complète que je vous propose. C'est une réforme ambitieuse qui nous permettra enfin de reconstruire les parcours professionnels des fonctionnaires.
J'ai dressé aujourd'hui devant vous des grandes orientations, je vous ai exposé mes propositions. Mais – vous le savez – j'attends aussi que vous puissiez me faire part de vos propres idées car notre méthode, c'est celle de la négociation et du dialogue social. C'est en nous appuyant sur vos propositions également que nous pourrons renforcer et moderniser notre fonction publique.
Je sais que vous attendez un signal, la revalorisation du point d'indice. Je n'ai pas aujourd'hui, dans le contexte difficile que vous connaissez, de mandat sur ce point.
En revanche, je dispose effectivement d'un mandat pour conduire la négociation PPCR. Et je dispose à cet effet d'une autorisation de négocier dans le cadre du budget triennal pour 2016 et 2017. J'ai également la latitude d'engager la rénovation des grilles sur plusieurs années, telle qu'annoncée précédemment.
J'ai la conviction, donc, qu'il nous est possible – ensemble - de construire une grande réforme. C'est pourquoi j'ai la volonté de conduire cette négociation à son terme et de proposer à votre signature un projet d'accord-cadre redéfinissant la politique salariale pour les prochaines années. C'est aussi la raison pour laquelle je souhaite que cet accord recueille un accord majoritaire.
À cet égard, il me semble important que chacun d'entre nous soit en mesure de prendre ses responsabilités. Si nous n'obtenions pas d'accord majoritaire, vous devez savoir quelles dispositions le gouvernement sera conduit à ne pas retenir. D'ores et déjà, il me semble souhaitable de vous informer qu'il ne sera pas possible d'engager des mesures de nature salariale qui s'imposeront au prochain gouvernement, au-delà de 2017.
Je vous remercie et je vous laisse la parole.
Source http://www.unsa-fp.org, le 18 mars 2015