Déclaration de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur la tolérance et la liberté de cultes et de religions, Saint-Denis-de-La Réunion le 22 octobre 2001.

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Circonstance : Déplacement de M. Christian Paul dans l'Océan indien, La Réunion et Mayotte, du 22 au 25 octobre 2001-déjeuner avec les représentants des cultes de La Réunion le 22

Texte intégral

Il y a une quinzaine de jours, une manifestation a rassemblé 10 à 15 000 personnes dans les rues de Saint-Denis. Des catholiques, des protestants, des musulmans, des tamouls, des juifs. Des citoyens français, d'origines diverses : l'Afrique, Madagascar, les Indes, la Chine, l'Europe. Ensemble pour défendre une certaine idée de la tolérance, qui est aussi une certaine idée de la France. Côte à côte, dans un appel fervent à la paix, et je veux rendre hommage à tous ceux qui, depuis le 11 septembre, ont relayé ce message de paix.
Que nous a dit la population réunionnaise ainsi assemblée ? Elle nous a rappelé son attachement à la tolérance car elle en sait le prix. Elle nous a rappelé que la tolérance n'est jamais définitivement acquise, qu'elle exige une lutte constante contre les préjugés et les opinions trop vite formées. Notre histoire malheureusement nous l'enseigne : l'intolérance, le racisme, la négation de l'autre ont été source d'atrocités sans nom. Nous devons nous en souvenir pour mesurer l'enjeu, aujourd'hui, du message de fraternité que les représentants des cultes nous adressent ensemble.
Une religion fidèle à ses principes, quelle qu'elle soit, ne recherche pas l'anéantissement de l'autre. Pour une religion, l'adhésion à des principes n'autorise pas qu'on condamne celui qui ne les partage pas, encore moins qu'on lui fasse violence.
La tolérance n'est ni acceptation résignée, ni aveugle indifférence. Elle est ouverture à l'autre, invitation au dialogue, promesse d'échanges féconds.
Tolérer, ce n'est pas supporter avec résignation ou indifférence. Tolérer, c'est refuser de considérer l'autre religion, l'autre culture, l'autre communauté, comme un obstacle à ma propre identité. Nous devons bannir le repli communautaire ou le prosélytisme radical, l'assimilation forcée ou l'exclusion haineuse. La tolérance, dans notre République, dessine un idéal de vie en commun que nos institutions garantissent, par la liberté de cultes et par la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

Une religion devient extrémiste en effet lorsqu'elle s'implique dans le jeu politique et lorsqu'elle nie les valeurs démocratiques que nous pratiquons dans la vie de la cité. Le fanatisme, n'est-ce pas la croyance érigée en absolu ? N'est-ce pas la négation de tout dialogue sur les valeurs que nous pouvons partager ? Je sais possible, dans notre République, un débat entre les différentes communautés qui la composent et qui y sont attachées. Je sais possible un rassemblement de ces religions et de ces cultures autour de valeurs communes. C'est ce dialogue qui doit permettre à notre République de reconnaître la diversité qui la constitue, sans dévaloriser un groupe, une identité, une confession, au profit d'un modèle dominant. C'est ce dialogue également, j'en suis convaincu, qui permet à chaque religion de ne pas se perdre dans un isolement ou un extrémisme qui la dénature.
Le comité inter-religieux de l'île de la Réunion, dont je tiens à saluer les membres ici présents, avec respect et chaleur, me confirme dans cette certitude : le dialogue entre les confessions sert cette tolérance sans laquelle la liberté n'est qu'un vain mot.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 novembre 2001)