Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la préparation du volet agricole du prochain cycle de négociations à l'Organisation Mondiale du Commerce, Paris, le 3 juin 1999.

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Circonstance : Négociations agricoles préparant un nouveau cycle de l'Organisation Mondiale du Commerce, à Paris le 3 juin 1999

Texte intégral

Nous voilà maintenant à quelques mois du lancement d'un nouveau cycle de négociations à l'Organisation Mondiale du Commerce. Ce sera à Seatle, en novembre prochain.
Cette négociation sera longue. Certains envisagent qu'elle dure 3 ans, ne serait-ce que parce qu'en 2003 s'achève la clause de paix prévue en matière agricole dans les accords de Marrakech.
Ce sera de toute façon une uvre de longue haleine.
L'enjeu est d'importance. Pour l'agriculture comme pour les autres secteurs, il s'agit de dessiner les contours d'une mondialisation pleinement maîtrisée.
C'est pourquoi je me réjouis de l'initiative prise par Jacques Dondoux visant à réunir ce matin les principaux partenaires intéressés par cette négociation dans le domaine agricole.
Car là résidera très certainement l'une des grandes nouveautés de ce cycle par rapport au précédent : consciente de l'importance de l'enjeu, l'opinion publique entend être pleinement informée du déroulement des négociations. Le Parlement aura certainement l'occasion d'en débattre.
L'AMI constitue à cet égard l'exemple de ce qu'il ne faut plus faire.
Je souhaite pour ma part me prêter régulièrement à ce type de concertation et je vous remercie d'avoir bien voulu être présents pour cette première réunion.
Ce nouveau cycle ne concernera pas seulement l'agriculture. Il sera global et durant plusieurs années on négociera sur l'industrie, les services, l'environnement, les normes sociales, etc
Cette globalité ne doit d'ailleurs pas conduire l'agriculture à constituer une variable d'ajustements au profit d'autres intérêts supposés plus " offensifs ". L'agriculture ne doit pas non plus cristalliser tous les débats, comme lors de la négociation précédente, eu égard au faible poids relatif du commerce agricole dans le commerce mondial. J'y veillerai.
L'agriculture et l'agro-alimentaire constitueront évidemment pour la France un enjeu important dans cette négociation. Il devra d'ailleurs en être de même au niveau européen, où tout se décidera. Il nous faudra pour cela contribuer à l'affirmation d'un consensus communautaire en prenant appui sur le difficile accouchement de la récente réforme de la politique agricole commune.
C'est sur la base de ce consensus que devra être donné, avant Seatle, un mandat de négociation à la Commission européenne.
La discussion interministérielle se poursuit encore sur les positions qui seront les nôtres à partir de Seatle et dans les mois qui suivront. Ces discussions s'enrichissent d'ailleurs des concertations du type de celle que nous menons aujourd'hui.
Je voudrais cependant vous livrer quelques rapides indications sur ma perception d'une négociation qui occupe mon esprit depuis ma prise de fonction et qui le fera de manière croissante dans les mois à venir. Quatre priorités peuvent à mon sens être soulignées.
1 - En premier lieu, la forte présence de l'agriculture et de l'agro-alimentaire français à l'exportation nous conduit à demeurer actifs dans les discussions relatives à la libéralisation des marchés.
Il faut en effet rappeler que cette dernière a été actée à Marrakech. En application de ces accords, il faudra aller plus loin avec ce nouveau cycle.
Nous n'avons d'ailleurs rien à perdre à une libéralisation maîtrisée des échanges agricoles, dès lors que nous avons vocation à participer et à bénéficier de l'expansion des échanges internationaux.
Nous avons en outre des questions à poser à nos partenaires sur certaines de leur pratiques : sur les crédits à l'exportation, certaines formes d'aide alimentaire ou certaines aides directes aux agriculteurs, aux Etats-Unis par exemple.
Il faudra également nous interroger sur la validité du statut dérogatoire accordé à certains grands pays émergents qui nous imposent des disciplines pour mieux s'en exonérer.
2 - En second lieu, l'Agenda 2000 délimite largement la position de négociation de l'Union européenne, s'agissant en particulier de la préférence communautaire. La défense de celle-ci, à travers la protection tarifaire extérieure, devrait constituer à mes yeux une priorité. Les baisses de prix prévues dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, que nous les ayons souhaitées ou non, nous donnent des marges de manuvre qui pourront être utilisées.
3 - Je souhaite en troisième lieu que la spécificité de l'agriculture, en raison de son caractère multifonctionnel, soit pleinement reconnue dans le cadre de la libéralisation des échanges. Car l'agriculture consiste en un acte de production, mais aussi d'occupation du territoire et de préservation de l'environnement.
A ce titre, et lorsqu'ils prennent en compte ces fonctions exercées par les agriculteurs, les soutiens directs aux agriculteurs sont pleinement légitimes. La reconnaissance de la légitimité de ces soutiens doit constituer une priorité dans la négociation à l'Organisation Mondiale du Commerce. Elle conduira en particulier à aborder la classification des aides directes dans les différentes " boites " créées à Marrakech.
A cet égard, la négociation à l'Organisation Mondiale du Commerce constituera une étape vers une réorientation de la politique agricole au demeurant indispensable si l'on veut mieux prendre en compte les attentes de nos agriculteurs et de l'ensemble de nos concitoyens.
Que l'on ne s'y trompe pas. Tous les soutiens ne seront pas découplés. Nous ne renoncerons pas à soutenir la production. Mais ceci devra être fait dans des conditions plus respectueuses des fonctions multiples exercées par les agriculteurs.
Telle est l'orientation choisie au plan national. Telle est celle que je continuerai à défendre au plan communautaire, car elle est la seule à même d'assurer la pérennité des soutiens à nos agriculteurs dans le contexte de la négociation à l'Organisation Mondiale du Commerce.
4 - Ces considérations nous entraînent d'ailleurs vers les sujets non commerciaux évoqués dans les accords de Marrakech et qui devront l'être à nouveau au cours du prochain cycle. C'est le quatrième point que je souhaitais souligner devant vous.
Je pense aux questions sanitaires en lien avec l'accord SPS, dont l'affaire des hormones souligne l'extrême importance. Je pense aussi aux bio-technologies avec les débats en cours sur les OGM et en lien avec l'évolution de l'opinion publique internationale, y compris aux Etats-Unis, sur ce sujet. Mais au-delà pourront être évoqués les coûts liés aux normes en matière de bien-être des animaux, les questions environnementales et sociales. Autant de sujets qui concernent l'agriculture mais pas seulement elle. Et qui devront donc être abordés de la manière la plus appropriée.
Telles sont en première approche nos priorités pour l'agriculture et l'agro-alimentaire en vue de ce nouveau cycle. Elles devront bien sûr être affinées.
Il nous faudra développer un travail approfondi au niveau communautaire et rechercher les alliances les plus larges possibles au-delà de l'Union. C'est ainsi que nous pourrons, avec certains pays, nous retrouver sur la défense de la multifonctionnalité de l'agriculture. Nous devrons aussi mettre à profit les contradictions croissantes qui apparaissent entre certains grands acteurs de la négociation. Je pense aux Etats-Unis, au groupe de Cairns ou encore aux pays en développement dans leur grande diversité.
Notre attitude devra être faite de fermeté pour défendre l'essentiel et d'esprit d'innovation pour appréhender les dimensions nouvelles de l'agriculture.
La concertation que nous engageons aujourd'hui me paraît à même d'encourager le Gouvernement dans cette voie.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 04 juin 1999)