Texte intégral
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
CHRISTOPHE BORDET
Merci d'être avec nous sur Sud Radio ce matin. La France perd à nouveau un fleuron industriel. Après ALSTOM l'an dernier, ALCATEL fusionne avec le finlandais NOKIA, c'est officiel depuis quelques minutes. Bonne nouvelle ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne dirais pas qu'elle perd. Je dis qu'il y a des mariages, que nous sommes à une époque où il faut avoir à affronter des marchés mondiaux. Ce ne sont même plus des marchés français bien sûr ou des marchés européens. Il faut être présent sur les marchés mondiaux et pour cela, il faut trouver des alliances. Regardez PSA qui s'est allié avec un Chinois et qui est reparti grâce à cette alliance. RENAULT il y a dix ans s'était marié avec le japonais NISSAN et ils ont survécu.
CHRISTOPHE BORDET
Donc là, ça va permettre à ALCATEL de repartir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'il faut évidemment être vigilant, il faut regarder de près les choses, il faut que le gouvernement français soit très actif pour développer la partie française de ce nouveau géant mondial qui est d'abord un géant européen.
CHRISTOPHE BORDET
Parce qu'ALCATEL, ce n'est pas rien. C'est quand même le tuyau dans lequel on parle, c'est de la téléphonie, donc perdre ça
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais encore une fois, on ne perd pas : on se développe. On le fait au plan européen et tout ça avec un acteur européen, ce qui est une chose positive. Vous savez, ALCATEL est très présent aux Etats-Unis, très présent en Chine par exemple. NOKIA est présent sur d'autres marchés donc il y a un intérêt à ce mariage à condition encore une fois d'être vigilant. Mais la France ne part pas. Ne partons pas toujours battus. Nous avons des ingénieurs, des salariés de très grande qualité et donc nous serons toujours compétitifs. La taille des entreprises justifie dans ce type de métier ce qu'on appelle des consolidations, c'est-à-dire la création de géants mondiaux et il faut y participer. Si on regardait passer les trains, on resterait sur le quai.
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, le gouvernement se veut rassurant et on l'a bien compris à travers ce que vous dites ce matin. Mais une fois que l'opération est faite, l'Etat ne peut plus rien pour ALCATEL puisqu'il n'est pas actionnaire d'ALCATEL aujourd'hui. Si par exemple NOKIA décide de licencier, il le fera. NOKIA a déjà licencié 12 000 personnes.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais NOKIA comme ALCATEL a déjà licencié parce que justement il y avait des consolidations. Non, je n'ai pas cette vision négative parce que d'abord les gens s'engagent et la direction de NOKIA s'est engagée vis-à-vis du gouvernement français. Deuxièmement, nous avons une série d'armes offensives et défensives. Le fait que par exemple nous ayons le crédit impôt recherche fait que nous sommes un des pays les plus attractifs au monde aujourd'hui en termes de Recherche & développement. Deuxièmement (sic) nous avons aussi tout un tas de moyens d'intervention parce qu'il y a, parmi les grands clients de ce nouveau géant, des entreprises françaises - je pense notamment à ORANGE - parce que nous avons dans la bataille des réglementations mondiales aussi des choses à dire. Les choses sont donc plus complexes que cela. Et puis, ne partons pas battus ! Pourquoi voulez-vous que le site français industriel soit plus mauvais que le site finlandais ou le site britannique. Nous avons des salariés qui sont compétents, des institutions de formation qui sont puissantes, nous avons un marché qui existe. Le marché n'est pas suffisant au plan mondial mais
CHRISTOPHE BORDET
Il y a quand même de grandes chances que le siège social qui est à Boulogne aujourd'hui parte en Finlande.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je n'ai pas les détails mais encore une fois, je n'ai pas cette approche négative.
CHRISTOPHE BORDET
Qu'est-ce que vous dites ce matin aux salariés d'ALCATEL qui sont inquiets ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'ils sont inquiets et qu'ils doivent comprendre qu'effectivement le gouvernement est à leurs côtés pour garder leur emploi. Il y a des engagements sur le sujet et les moyens de faire respecter ces engagements. Ils doivent aussi savoir que s'il n'y avait pas ce mariage, peut-être qu'un jour ALCATEL n'aurait plus eu la taille pour affronter l'international et donc l'essentiel de son marché. La France aujourd'hui, ce doit être un peu moins de 10 % du marché d'ALCATEL. Tous ceux qui croient que l'on peut rester à l'intérieur des frontières hexagonales, que ce soit pour les entreprises ou que ce soit pour l'économie nationale. On entend le discours par exemple du Front national qui veut sortir de l'Europe, qui veut se retirer. Ce sont des illusions et des perdants, j'allais même dire que c'est une vision « capitulatrice » de l'économie. Il faut être offensif. Ça demande des efforts, des efforts de la part de l'Etat qui met un environnement fiscal et social positif, mais aussi un effort des salariés qui, à un moment ou un autre, peuvent être amenés à se mobiliser, mais il faut avoir confiance dans la France.
CHRISTOPHE BORDET
Il faut avoir confiance. Il faut avoir confiance et ça tombe bien que vous disiez cela.
JEAN-MARIE LE GUEN
Dans la France d'abord.
CHRISTOPHE BORDET
C'est très intéressant que vous disiez cela parce que le gouvernement parie sur une croissance en 2015 aux alentours d'un pourcent. La présidente du FMI a dit hier que la France ferait sans doute mieux que ça, 1,2 %. Bonne nouvelle ! La croissance revient mais j'ai envie de vous dire où et pour qui. Si je vous pose cette question, c'est parce que je suis encore un minimum et heureusement connecté à la vraie vie et quand je vais voir mon boulanger dimanche matin, je lui dis : « Alors les affaires, ça tourner, et caetera » et il me dit : « Vous savez, ce n'est pas fort en ce moment. Y compris à Pâques, ça n'a pas marché ». Quand je vais voir mon maçon la semaine dernière, je lui dis : « Alors, ça tourne en ce moment ? » et il me dit : « Vous savez, pas trop en ce moment. Les gens n'ont pas d'argent ». Elle est où la croissance pour les gens et pour l'économie réelle ?
JEAN-MARIE LE GUEN
D'abord, je ne sais pas ce que vous disent toutes les personnes que vous rencontrez dans la rue. Parfois ils n'en ont pas le sentiment mais la baisse du pétrole, c'est dix milliards d'euros de pouvoir d'achat qui est réinjecté chez les Français. Dix milliards par la baisse du prix du pétrole, c'est énorme. Lorsque vous allez à votre banque aujourd'hui, pour construire une maison par exemple ou pour la rénover, vous pouvez avoir des crédits à 2-3 %, c'est-à-dire des taux qui sont les plus bas qui puissent exister et cætera, bref ! ce qui fait que la croissance et les prévisions de croissance sont là. Mais on voit que dans l'automobile il y a une reprise, dans le bâtiment il y a une reprise, et cætera, et cætera. Ce qui est vrai, c'est qu'on n'a pas encore eu cet impact suffisamment sur la question de l'emploi. Mais d'une part il faut attendre un peu, et deuxièmement il faut accompagner vraisemblablement ces circonstances économiques par une réflexion sur la formation, sur l'apprentissage. Vraisemblablement aussi, pour avoir un marché du travail dans les PME qui soit plus actif, qui soit facilité, il faut une simplification de l'embauche qui permette de donner confiance aux chefs d'entreprise de PME pour qu'ils prennent le risque.
CHRISTOPHE BORDET
Il faut simplifier encore l'embauche ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, il faut la simplifier. Il faut donner sans doute plus de souplesse aussi aux mécanismes de l'emploi dans les PME.
CHRISTOPHE BORDET
De quelle manière concrètement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a une conférence début juin, dans un mois, du gouvernement où on rassemblera les organisations syndicales.
CHRISTOPHE BORDET
C'est quoi les idées qui seront sur la table ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne vais pas moi anticiper cette conférence qui aura lieu dans un mois.
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, François HOLLANDE est en Suisse pour une visite officielle de 48 heures. On ne peut s'empêcher de se poser cette question : à l'heure qu'il est, dans ce pays qui est un coffre-fort du monde on peut le dire, François HOLLANDE veut-il montrer qu'en réalité il n'a jamais été l'ennemi de la finance ?
JEAN-MARIE LE GUEN
S'agissant des sous-entendus que vous mettez en avant, il faut que les Français sachent qu'il y a une bonne nouvelle. C'est-à-dire que l'action forte et coercitive en l'occurrence de l'ensemble des pays européens et pas seulement de la France, et d'ailleurs aussi des Etats-Unis, on a fait sauter le secret bancaire suisse. Ceux qui avaient mis de l'argent en Suisse le savent puisqu'ils rentrent et ils rentrent d'une façon très substantielle dans notre pays. Nous avons mis en place des dispositifs pour faire payer les impôts à tous ceux qui n'ont pas payé les impôts depuis un certain nombre d'années.
CHRISTOPHE BORDET
Il y a un réel retour de ces gens-là et de leur fortune ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a un retour fiscal qui est assez significatif.
CHRISTOPHE BORDET
C'est une réalité ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une réalité sonnante et trébuchante.
CHRISTOPHE BORDET
Au moment où l'on reçoit justement les déclarations d'impôts, puisqu'on parle argent ce matin, le gouvernement martèle que neuf millions de Français voient leur impôt sur le revenu baisser ou qu'ils sont exonérés. C'est bien mais dans le même temps, de nombreuses grandes villes annoncent une forte augmentation des impôts locaux. A Lille, fief de Martine AUBRY, les propriétaires vont passer à la caisse : taxe foncière de 23,56 % aujourd'hui à 29,06 % demain. A Toulouse, ville UMP, taxe foncière et d'habitation + 15 %. J'ai envie de dire elle est où quelle que soit la couleur politique d'ailleurs elle est où la pause fiscale ?
JEAN-MARIE LE GUEN
La pause fiscale, elle est dans l'orbite de ce que décide le gouvernement pour lui-même, c'est-à-dire les impôts en général et en particulier l'impôt sur le revenu. C'est ces neuf millions de Français, tous ceux qui sont à la première tranche ne paieront plus d'impôts et ceux qui sont dans les tranches au-dessus paieront en moins j'allais dire la première tranche. On retire la première tranche de l'impôt sur le revenu. Nous avons décidé, ce qui est vrai, de faire en sorte que les dotations aux collectivités locales soient moins importantes en demandant aux collectivités locales de faire des économies non pas sur l'investissement mais sur le fonctionnement, notamment au niveau du bloc communal.
CHRISTOPHE BORDET
Les maires disent maintenant que c'est à cause de la baisse de ces dotations qu'on est obligé d'augmenter les impôts. Donc c'est la faute du gouvernement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui. J'entends bien mais je constate que la baisse avait commencé précédemment et les hausses interviennent maintenant, notamment à Toulouse, 15 % d'impôts. Ils auraient pu décider ça l'année dernière mais ils ont préféré éviter de le faire pour des raisons électorales puisqu'il y avait les élections départementales cette année. Tout simplement, il faut que les collectivités territoriales elles-mêmes fassent le même effort que fait l'Etat c'est-à-dire d'essayer de baisser la dépense publique d'ailleurs en ne pénalisant pas l'investissement. C'est pour ça qu'il y a tout un tas de dispositifs pris par le gouvernement qui permet de ne pas baisser l'investissement. Je pense à l'aide aux maires bâtisseurs par exemple, je pense aussi à un certain nombre de mesures qui vont être prises dans les jours qui viennent s'agissant de remboursements plus rapides de la TVA payée par les collectivités territoriales, bref ! une vraie conduite. J'entends bien le discours de la droite au plan national qui nous dit systématiquement : Vous ne faites pas assez sur la baisse des dépenses et d'ailleurs nous ferions le double ou le triple de ce que vous voulez faire?. A chaque fois qu'on aborde un domaine ici, c'est les collectivités territoriales, c'est demain la défense nationale, c'est la justice, c'est la sécurité bref, il n'y a pas un domaine où ils n'imaginent pas plutôt faire croître les dépenses, et pourtant ils prétendent qu'ils feraient le double ou le triple de baisse de la dépense publique. Cherchez l'erreur !
CHRISTOPHE BORDET
Autre sujet, un rapport sur l'engagement citoyen après les attentats du mois de janvier dernier est remis aujourd'hui à l'Elysée par Claude BARTOLONE, le président de l'Assemblée nationale. Ce rapport préconise notamment le vote qui serait rendu obligatoire. Est-ce que c'est une bonne idée ?
JEAN-MARIE LE GUEN
A titre personnel, puisque le gouvernement n'a pas délibéré sur le sujet, moi qui étais plutôt opposé à cette idée je n'en voyais pas l'intérêt il y a un certain nombre d'années aujourd'hui je suis plutôt convaincu de la nécessité d'aller vers cette direction. Il faut qu'il y ait un débat public mais je pense qu'effectivement
CHRISTOPHE BORDET
Donc obliger les Français à aller voter.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, pas obliger. On est dans une logique la politique et la démocratie ne doit pas être une valeur commerciale. On consomme, on ne consomme pas et cætera, on n'est pas dans ce domaine-là. J'entends bien qu'il y a une certaine forme d'état d'esprit.
CHRISTOPHE BORDET
Aujourd'hui, c'est un peu le cas.
JEAN-MARIE LE GUEN
« J'y vais si ça me rapporte », non ! On vit tous en société et on prend nos responsabilités. C'est-à-dire que la démocratie, ce sont des droits mais ce sont aussi des devoirs. Il y a des gens dans le monde entier et puis dans notre Histoire qui sont morts pour avoir le droit de vote. Aujourd'hui, on le considère me semble-t-il avec un petit peu trop de légèreté et puis une vision un peu individualiste. L'idée de dire qu'autour du vote il y a une notion de droit et de devoir me paraît une bonne idée. A partir de là, je suis favorable personnellement à ce qu'on réfléchisse à ce droit de vote dit obligatoire. C'est tout simplement être un citoyen, s'assumer comme citoyen et pas comme une espèce de voyageur qui passe et qui consomme ou qui ne consomme pas l'aide à la France. La France mérite mieux que ça. La France mérite que les citoyens s'impliquent et s'ils ne sont pas contents évidemment des formations politiques, qu'ils le disent, qu'ils en construisent d'autres, qu'ils s'abstiennent, qu'ils votent blanc. Le vote blanc doit être reconnu, pourquoi pas. Ce qui est encore mieux d'ailleurs quand on n'est pas content, c'est qu'on s'allie avec d'autres pour faire autre chose. C'est encore mieux, c'est ça la démocratie, mais je pense que le retrait de la vie démocratique n'est pas une bonne solution pour notre société.
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, vous êtes pour le vote obligatoire et vous êtes un républicain.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui.
CHRISTOPHE BORDET
Vous allez pouvoir adhérer aux Républicains de Nicolas SARKOZY.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je vois ! Là, c'est évidemment un abus de pouvoir. Non pas qu'il n'y ait pas une droite qui ne soit pas républicaine ; moi personnellement, je sais faire la différence entre des idées d'extrême droite et la droite. Ce qui est vrai, et on l'a vu avec cette affaire du ni-ni pendant toute la campagne des élections, c'est qu'elle n'est pas toujours au clair. Il y a, à mon avis, un abus de position que de vouloir se réclamer Républicains de la part de l'UMP.
CHRISTOPHE BORDET
Merci Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 avril 2015
Jean-Marie LE GUEN, bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
CHRISTOPHE BORDET
Merci d'être avec nous sur Sud Radio ce matin. La France perd à nouveau un fleuron industriel. Après ALSTOM l'an dernier, ALCATEL fusionne avec le finlandais NOKIA, c'est officiel depuis quelques minutes. Bonne nouvelle ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne dirais pas qu'elle perd. Je dis qu'il y a des mariages, que nous sommes à une époque où il faut avoir à affronter des marchés mondiaux. Ce ne sont même plus des marchés français bien sûr ou des marchés européens. Il faut être présent sur les marchés mondiaux et pour cela, il faut trouver des alliances. Regardez PSA qui s'est allié avec un Chinois et qui est reparti grâce à cette alliance. RENAULT il y a dix ans s'était marié avec le japonais NISSAN et ils ont survécu.
CHRISTOPHE BORDET
Donc là, ça va permettre à ALCATEL de repartir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'il faut évidemment être vigilant, il faut regarder de près les choses, il faut que le gouvernement français soit très actif pour développer la partie française de ce nouveau géant mondial qui est d'abord un géant européen.
CHRISTOPHE BORDET
Parce qu'ALCATEL, ce n'est pas rien. C'est quand même le tuyau dans lequel on parle, c'est de la téléphonie, donc perdre ça
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais encore une fois, on ne perd pas : on se développe. On le fait au plan européen et tout ça avec un acteur européen, ce qui est une chose positive. Vous savez, ALCATEL est très présent aux Etats-Unis, très présent en Chine par exemple. NOKIA est présent sur d'autres marchés donc il y a un intérêt à ce mariage à condition encore une fois d'être vigilant. Mais la France ne part pas. Ne partons pas toujours battus. Nous avons des ingénieurs, des salariés de très grande qualité et donc nous serons toujours compétitifs. La taille des entreprises justifie dans ce type de métier ce qu'on appelle des consolidations, c'est-à-dire la création de géants mondiaux et il faut y participer. Si on regardait passer les trains, on resterait sur le quai.
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, le gouvernement se veut rassurant et on l'a bien compris à travers ce que vous dites ce matin. Mais une fois que l'opération est faite, l'Etat ne peut plus rien pour ALCATEL puisqu'il n'est pas actionnaire d'ALCATEL aujourd'hui. Si par exemple NOKIA décide de licencier, il le fera. NOKIA a déjà licencié 12 000 personnes.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais NOKIA comme ALCATEL a déjà licencié parce que justement il y avait des consolidations. Non, je n'ai pas cette vision négative parce que d'abord les gens s'engagent et la direction de NOKIA s'est engagée vis-à-vis du gouvernement français. Deuxièmement, nous avons une série d'armes offensives et défensives. Le fait que par exemple nous ayons le crédit impôt recherche fait que nous sommes un des pays les plus attractifs au monde aujourd'hui en termes de Recherche & développement. Deuxièmement (sic) nous avons aussi tout un tas de moyens d'intervention parce qu'il y a, parmi les grands clients de ce nouveau géant, des entreprises françaises - je pense notamment à ORANGE - parce que nous avons dans la bataille des réglementations mondiales aussi des choses à dire. Les choses sont donc plus complexes que cela. Et puis, ne partons pas battus ! Pourquoi voulez-vous que le site français industriel soit plus mauvais que le site finlandais ou le site britannique. Nous avons des salariés qui sont compétents, des institutions de formation qui sont puissantes, nous avons un marché qui existe. Le marché n'est pas suffisant au plan mondial mais
CHRISTOPHE BORDET
Il y a quand même de grandes chances que le siège social qui est à Boulogne aujourd'hui parte en Finlande.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je n'ai pas les détails mais encore une fois, je n'ai pas cette approche négative.
CHRISTOPHE BORDET
Qu'est-ce que vous dites ce matin aux salariés d'ALCATEL qui sont inquiets ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'ils sont inquiets et qu'ils doivent comprendre qu'effectivement le gouvernement est à leurs côtés pour garder leur emploi. Il y a des engagements sur le sujet et les moyens de faire respecter ces engagements. Ils doivent aussi savoir que s'il n'y avait pas ce mariage, peut-être qu'un jour ALCATEL n'aurait plus eu la taille pour affronter l'international et donc l'essentiel de son marché. La France aujourd'hui, ce doit être un peu moins de 10 % du marché d'ALCATEL. Tous ceux qui croient que l'on peut rester à l'intérieur des frontières hexagonales, que ce soit pour les entreprises ou que ce soit pour l'économie nationale. On entend le discours par exemple du Front national qui veut sortir de l'Europe, qui veut se retirer. Ce sont des illusions et des perdants, j'allais même dire que c'est une vision « capitulatrice » de l'économie. Il faut être offensif. Ça demande des efforts, des efforts de la part de l'Etat qui met un environnement fiscal et social positif, mais aussi un effort des salariés qui, à un moment ou un autre, peuvent être amenés à se mobiliser, mais il faut avoir confiance dans la France.
CHRISTOPHE BORDET
Il faut avoir confiance. Il faut avoir confiance et ça tombe bien que vous disiez cela.
JEAN-MARIE LE GUEN
Dans la France d'abord.
CHRISTOPHE BORDET
C'est très intéressant que vous disiez cela parce que le gouvernement parie sur une croissance en 2015 aux alentours d'un pourcent. La présidente du FMI a dit hier que la France ferait sans doute mieux que ça, 1,2 %. Bonne nouvelle ! La croissance revient mais j'ai envie de vous dire où et pour qui. Si je vous pose cette question, c'est parce que je suis encore un minimum et heureusement connecté à la vraie vie et quand je vais voir mon boulanger dimanche matin, je lui dis : « Alors les affaires, ça tourner, et caetera » et il me dit : « Vous savez, ce n'est pas fort en ce moment. Y compris à Pâques, ça n'a pas marché ». Quand je vais voir mon maçon la semaine dernière, je lui dis : « Alors, ça tourne en ce moment ? » et il me dit : « Vous savez, pas trop en ce moment. Les gens n'ont pas d'argent ». Elle est où la croissance pour les gens et pour l'économie réelle ?
JEAN-MARIE LE GUEN
D'abord, je ne sais pas ce que vous disent toutes les personnes que vous rencontrez dans la rue. Parfois ils n'en ont pas le sentiment mais la baisse du pétrole, c'est dix milliards d'euros de pouvoir d'achat qui est réinjecté chez les Français. Dix milliards par la baisse du prix du pétrole, c'est énorme. Lorsque vous allez à votre banque aujourd'hui, pour construire une maison par exemple ou pour la rénover, vous pouvez avoir des crédits à 2-3 %, c'est-à-dire des taux qui sont les plus bas qui puissent exister et cætera, bref ! ce qui fait que la croissance et les prévisions de croissance sont là. Mais on voit que dans l'automobile il y a une reprise, dans le bâtiment il y a une reprise, et cætera, et cætera. Ce qui est vrai, c'est qu'on n'a pas encore eu cet impact suffisamment sur la question de l'emploi. Mais d'une part il faut attendre un peu, et deuxièmement il faut accompagner vraisemblablement ces circonstances économiques par une réflexion sur la formation, sur l'apprentissage. Vraisemblablement aussi, pour avoir un marché du travail dans les PME qui soit plus actif, qui soit facilité, il faut une simplification de l'embauche qui permette de donner confiance aux chefs d'entreprise de PME pour qu'ils prennent le risque.
CHRISTOPHE BORDET
Il faut simplifier encore l'embauche ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, il faut la simplifier. Il faut donner sans doute plus de souplesse aussi aux mécanismes de l'emploi dans les PME.
CHRISTOPHE BORDET
De quelle manière concrètement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a une conférence début juin, dans un mois, du gouvernement où on rassemblera les organisations syndicales.
CHRISTOPHE BORDET
C'est quoi les idées qui seront sur la table ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne vais pas moi anticiper cette conférence qui aura lieu dans un mois.
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, François HOLLANDE est en Suisse pour une visite officielle de 48 heures. On ne peut s'empêcher de se poser cette question : à l'heure qu'il est, dans ce pays qui est un coffre-fort du monde on peut le dire, François HOLLANDE veut-il montrer qu'en réalité il n'a jamais été l'ennemi de la finance ?
JEAN-MARIE LE GUEN
S'agissant des sous-entendus que vous mettez en avant, il faut que les Français sachent qu'il y a une bonne nouvelle. C'est-à-dire que l'action forte et coercitive en l'occurrence de l'ensemble des pays européens et pas seulement de la France, et d'ailleurs aussi des Etats-Unis, on a fait sauter le secret bancaire suisse. Ceux qui avaient mis de l'argent en Suisse le savent puisqu'ils rentrent et ils rentrent d'une façon très substantielle dans notre pays. Nous avons mis en place des dispositifs pour faire payer les impôts à tous ceux qui n'ont pas payé les impôts depuis un certain nombre d'années.
CHRISTOPHE BORDET
Il y a un réel retour de ces gens-là et de leur fortune ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Il y a un retour fiscal qui est assez significatif.
CHRISTOPHE BORDET
C'est une réalité ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une réalité sonnante et trébuchante.
CHRISTOPHE BORDET
Au moment où l'on reçoit justement les déclarations d'impôts, puisqu'on parle argent ce matin, le gouvernement martèle que neuf millions de Français voient leur impôt sur le revenu baisser ou qu'ils sont exonérés. C'est bien mais dans le même temps, de nombreuses grandes villes annoncent une forte augmentation des impôts locaux. A Lille, fief de Martine AUBRY, les propriétaires vont passer à la caisse : taxe foncière de 23,56 % aujourd'hui à 29,06 % demain. A Toulouse, ville UMP, taxe foncière et d'habitation + 15 %. J'ai envie de dire elle est où quelle que soit la couleur politique d'ailleurs elle est où la pause fiscale ?
JEAN-MARIE LE GUEN
La pause fiscale, elle est dans l'orbite de ce que décide le gouvernement pour lui-même, c'est-à-dire les impôts en général et en particulier l'impôt sur le revenu. C'est ces neuf millions de Français, tous ceux qui sont à la première tranche ne paieront plus d'impôts et ceux qui sont dans les tranches au-dessus paieront en moins j'allais dire la première tranche. On retire la première tranche de l'impôt sur le revenu. Nous avons décidé, ce qui est vrai, de faire en sorte que les dotations aux collectivités locales soient moins importantes en demandant aux collectivités locales de faire des économies non pas sur l'investissement mais sur le fonctionnement, notamment au niveau du bloc communal.
CHRISTOPHE BORDET
Les maires disent maintenant que c'est à cause de la baisse de ces dotations qu'on est obligé d'augmenter les impôts. Donc c'est la faute du gouvernement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui. J'entends bien mais je constate que la baisse avait commencé précédemment et les hausses interviennent maintenant, notamment à Toulouse, 15 % d'impôts. Ils auraient pu décider ça l'année dernière mais ils ont préféré éviter de le faire pour des raisons électorales puisqu'il y avait les élections départementales cette année. Tout simplement, il faut que les collectivités territoriales elles-mêmes fassent le même effort que fait l'Etat c'est-à-dire d'essayer de baisser la dépense publique d'ailleurs en ne pénalisant pas l'investissement. C'est pour ça qu'il y a tout un tas de dispositifs pris par le gouvernement qui permet de ne pas baisser l'investissement. Je pense à l'aide aux maires bâtisseurs par exemple, je pense aussi à un certain nombre de mesures qui vont être prises dans les jours qui viennent s'agissant de remboursements plus rapides de la TVA payée par les collectivités territoriales, bref ! une vraie conduite. J'entends bien le discours de la droite au plan national qui nous dit systématiquement : Vous ne faites pas assez sur la baisse des dépenses et d'ailleurs nous ferions le double ou le triple de ce que vous voulez faire?. A chaque fois qu'on aborde un domaine ici, c'est les collectivités territoriales, c'est demain la défense nationale, c'est la justice, c'est la sécurité bref, il n'y a pas un domaine où ils n'imaginent pas plutôt faire croître les dépenses, et pourtant ils prétendent qu'ils feraient le double ou le triple de baisse de la dépense publique. Cherchez l'erreur !
CHRISTOPHE BORDET
Autre sujet, un rapport sur l'engagement citoyen après les attentats du mois de janvier dernier est remis aujourd'hui à l'Elysée par Claude BARTOLONE, le président de l'Assemblée nationale. Ce rapport préconise notamment le vote qui serait rendu obligatoire. Est-ce que c'est une bonne idée ?
JEAN-MARIE LE GUEN
A titre personnel, puisque le gouvernement n'a pas délibéré sur le sujet, moi qui étais plutôt opposé à cette idée je n'en voyais pas l'intérêt il y a un certain nombre d'années aujourd'hui je suis plutôt convaincu de la nécessité d'aller vers cette direction. Il faut qu'il y ait un débat public mais je pense qu'effectivement
CHRISTOPHE BORDET
Donc obliger les Français à aller voter.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, pas obliger. On est dans une logique la politique et la démocratie ne doit pas être une valeur commerciale. On consomme, on ne consomme pas et cætera, on n'est pas dans ce domaine-là. J'entends bien qu'il y a une certaine forme d'état d'esprit.
CHRISTOPHE BORDET
Aujourd'hui, c'est un peu le cas.
JEAN-MARIE LE GUEN
« J'y vais si ça me rapporte », non ! On vit tous en société et on prend nos responsabilités. C'est-à-dire que la démocratie, ce sont des droits mais ce sont aussi des devoirs. Il y a des gens dans le monde entier et puis dans notre Histoire qui sont morts pour avoir le droit de vote. Aujourd'hui, on le considère me semble-t-il avec un petit peu trop de légèreté et puis une vision un peu individualiste. L'idée de dire qu'autour du vote il y a une notion de droit et de devoir me paraît une bonne idée. A partir de là, je suis favorable personnellement à ce qu'on réfléchisse à ce droit de vote dit obligatoire. C'est tout simplement être un citoyen, s'assumer comme citoyen et pas comme une espèce de voyageur qui passe et qui consomme ou qui ne consomme pas l'aide à la France. La France mérite mieux que ça. La France mérite que les citoyens s'impliquent et s'ils ne sont pas contents évidemment des formations politiques, qu'ils le disent, qu'ils en construisent d'autres, qu'ils s'abstiennent, qu'ils votent blanc. Le vote blanc doit être reconnu, pourquoi pas. Ce qui est encore mieux d'ailleurs quand on n'est pas content, c'est qu'on s'allie avec d'autres pour faire autre chose. C'est encore mieux, c'est ça la démocratie, mais je pense que le retrait de la vie démocratique n'est pas une bonne solution pour notre société.
CHRISTOPHE BORDET
Jean-Marie LE GUEN, vous êtes pour le vote obligatoire et vous êtes un républicain.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui.
CHRISTOPHE BORDET
Vous allez pouvoir adhérer aux Républicains de Nicolas SARKOZY.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je vois ! Là, c'est évidemment un abus de pouvoir. Non pas qu'il n'y ait pas une droite qui ne soit pas républicaine ; moi personnellement, je sais faire la différence entre des idées d'extrême droite et la droite. Ce qui est vrai, et on l'a vu avec cette affaire du ni-ni pendant toute la campagne des élections, c'est qu'elle n'est pas toujours au clair. Il y a, à mon avis, un abus de position que de vouloir se réclamer Républicains de la part de l'UMP.
CHRISTOPHE BORDET
Merci Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 avril 2015