Texte intégral
Madame la Commissaire européenne,
[Mesdames] Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je conclus ce colloque consacré aux enjeux de concurrence et de compétitivité du transport aérien, présidé par mon ami Gilles SAVARY qui dirige, avec l'autorité que tous lui reconnaissent, le Conseil supérieur de l'aviation civile : une instance essentielle de réflexion et de concertation sur l'avenir du transport aérien.
Ce colloque, placé sous l'égide du CSAC et organisé par le service des études de la DGAC, nous a permis d'entendre des analyses approfondies et une grande diversité de points de vue sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Je salue sa contribution pour faire progresser la réflexion sur ces questions complexes.
Je tenais à vous dire mon point de vue et celui du gouvernement.
En 2013, Claude ABRAHAM signait un rapport pour le Commissariat d'analyse stratégique dont le titre et le contenu ont frappé les esprits : « les compagnies aériennes européennes sont-elles mortelles ? ». Ce rapport a entraîné une mobilisation forte et immédiate des pouvoirs publics, sous l'impulsion de mon prédécesseur Frédéric CUVILLIER, pour prendre la bonne mesure des enjeux et décider d'un plan d'action.
J'ai voulu encore aller plus loin en demandant, l'été dernier, à Bruno LE ROUX de présider un groupe de travail voué à faire des propositions concrètes pour améliorer la compétitivité du secteur. Il m'a remis un remarquable rapport dès le mois de décembre. Rapport qui a connu une première concrétisation immédiate, avec le vote au Parlement de la suppression de la taxe de l'aviation civile sur les passagers en correspondance.
Le constat, nous le partageons tous sur l'essentiel.
D'abord, le secteur aérien est un formidable facteur de croissance et de dynamisme. Le transport aérien a augmenté en France de plus de 45% depuis 2000 (en nombre de passagers) créant autant d'opportunités de mobilité et d'ouverture sur le monde. Et cette croissance profite à l'ensemble de l'économie : « Oxford economics » cité dans le rapport de Bruno LE ROUX mentionne le chiffre d'un million d'emplois créés directement ou indirectement par le transport aérien en France, correspondant à une contribution économique de 3,2% du PIB français.
Pour autant, nombre de compagnies françaises et européennes ont des difficultés financières croissantes, perdent des emplois, et sont pour certaines menacées de disparaître. Cette situation est en partie due à une concurrence, certes nécessaire pour favoriser la croissance et l'émulation, mais peut-être insuffisamment « régulée » comme le suggère le nom de ce séminaire.
Et les conséquences de disparitions éventuelles seraient extrêmement préjudiciables, pour ceux qui travaillent dans ces compagnies bien sûr, mais également pour l'ensemble de l'économie. Les compagnies basées en France et en Europe créent en effet beaucoup plus d'emplois que les autres.
Un sujet particulièrement préoccupant est, à cet égard, la concurrence de certains opérateurs dont on a vu aujourd'hui qu'elle n'était pas entièrement loyale. Certains d'entre eux auraient bénéficié et continueraient à bénéficier d'aides publiques considérables, qui leur permettent de se développer et de capter une part importante du trafic vers l'Asie et l'Océanie.
Ce faisant, ils affaiblissent le modèle économique sur le long courrier des compagnies européennes, conduisant dans certains cas à la fermeture de liaisons directes, au détriment de la connectivité de nos pays. Il faut bien sûr que nos compagnies renforcent leur propre compétitivité. Mais cela ne sera pas suffisant si l'on n'arrive pas à faire en sorte que toutes les compagnies respectent les mêmes règles du jeu.
C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative, avec mon collègue allemand, de proposer à la Commission européenne une stratégie qui pourrait emporter une large adhésion. Elle consiste à négocier avec les pays d'origine de ces opérateurs, au niveau européen, un accord global équilibré et « gagnant-gagnant » en ouvrant la voie d'un accès libre au marché des liaisons avec l'Europe, en échange du respect des règles de concurrence loyale. Pour cela, il revient au Conseil Transports de l'Union européenne d'adopter un mandat, en s'accordant sur les conditions de cette concurrence loyale.
Un autre effort que nous devons tous faire, et qui est, vous le savez, une priorité nationale, est celui de la simplification, portée bien sûr par mon collègue Thierry MANDON, mais aussi par l'ensemble du gouvernement.
Le CSAC a entrepris une démarche très approfondie d'identification des pistes de simplification dans le transport aérien, qui permettront de gagner en coût et en efficacité. Par exemple, l'empilement de couches réglementaires entre sources de droit européennes et nationales peut dans nombre de cas être réduit et je demande à la DGAC d'obtenir des résultats dans ce domaine dès les prochains mois.
Je souhaite également, en liaison avec mes collègues du Gouvernement, faire avancer les propositions formulées par Bruno LE ROUX dans son rapport. Je pense notamment au respect des normes sociales et fiscales, dans les mêmes conditions, par tous les exploitants de transport aérien opérant dans notre pays. J'étudierai avec la plus grande attention la possibilité d'un outil juridique pour maîtriser l'emploi des « faux indépendants » dans le transport aérien.
La lutte contre le travail illégal, qui a déjà obtenu des résultats significatifs, sera poursuivie et renforcée.
Je n'oublie pas d'aborder la question des relations entre les transporteurs et les aéroports. J'ai pour cela aujourd'hui une audience particulièrement adaptée, car je comprends que vous êtes nombreux à les représenter. Les aéroports et les compagnies basées, qui ont une activité implantée dans notre pays, ont les mêmes intérêts et les mêmes objectifs de développement. Les aéroports ne peuvent se développer sans compagnies solides.
Ils sont cependant, pour les plus grands d'entre eux, dans une situation plus assurée que les transporteurs aériens exposés à une concurrence brutale et ils ne doivent pas demander une rente excessive. Il est essentiel d'y veiller dans le cadre de la régulation.
Avant de terminer, je voudrais dire à quel point je suis sensible à la participation de Mme Violeta BULC, Commissaire européenne, à nos travaux d'aujourd'hui. Je l'ai écoutée, comme nous tous, avec la plus grande attention, et rien ne sera possible pour développer le transport et ses acteurs en Europe sans une étroite collaboration des responsables nationaux, de la Commission européenne et du Parlement européen, dont je salue la présence parmi nous d'un de ses membres les plus actifs en matière de transport aérien, M. MARINESCU.
La compétitivité du secteur aérien est un sujet qui tient à cœur à la Commission qui en fera le thème d'une communication prévue en 2015, avec pour objectif d'identifier les défis et les mesures à prendre. Je soutiens cette initiative. Mais au-delà, c'est l'ensemble de la politique européenne qui donne le tempo sur ce sujet.
Ainsi, la mise en œuvre du Ciel unique est un ambitieux projet dont la finalité est un gain d'efficacité et donc de compétitivité. Il avance au rythme de grandes réformes qui nécessitent des réorganisations profondes et la France est mobilisée sur le sujet.
Mais rien ne sert de vouloir avancer à marche forcée, comme le souhaitait la précédente Commission avec le paquet Ciel unique 2+, que la France ne pouvait pas accepter en l'état. Heureusement, un accord satisfaisant a pu être trouvé au Conseil. Je serai attentif à ce que, lors des trilogues, ces équilibres soient respectés et tiennent compte de ces avancées. Je propose par ailleurs qu'un débat ait lieu pour redéfinir les enjeux et une vision 2020-2030.
Le droit des passagers est un autre sujet en lien avec la compétitivité : dans ce domaine, l'espace européen est en avance, avec un niveau d'exigence supérieur à celui de la plupart des régions du monde. Pour éviter d'imposer aux compagnies européennes un handicap excessif par rapport à leurs concurrentes des pays tiers, il convient, alors que la révision du règlement européen est en cours, de veiller à trouver un équilibre entre la juste protection des passagers affectés par des perturbations et les charges incombant aux compagnies aériennes. Je souhaite l'aboutissement au plus vite de ce texte au Conseil et l'engagement des trilogues avec le Parlement.
Enfin, la Commission a fait du volet social dans les transports une priorité de son agenda et je partage pleinement cette préoccupation. La lutte contre le dumping social, source de concurrence déloyale, si clairement évoquée un peu plus tôt dans la journée par M. LUDVIGSEN que je salue pour son action, est aussi une de mes priorités. Les enjeux portent sur la protection des droits des travailleurs, la lutte contre l'évasion des cotisations, mais aussi sur la sécurité du transport aérien.
Certaines compagnies exploitent des failles qui existent entre les régimes des différents Etats, souvent par manque de définitions communes. La priorité est donc de trouver ces définitions communes pour éviter le contournement des règles et faciliter le contrôle par les autorités nationales compétentes.
Le transport aérien est prêt à la concurrence. Il l'a montré depuis plus de 20 ans avec un espace européen complètement ouvert à l'intérieur et de plus en plus vers l'extérieur. Cette concurrence doit être ordonnée pour être pacifiée et bénéficier à tous, consommateurs, acteurs économiques responsables, et territoires. Vous y avez tous contribué aujourd'hui.
[Remerciement Savary et Le Roux ]
Je vous remercie de votre attention et je vous donne rendez-vous à tous pour notre grande fête internationale de l'aviation, au salon du Bourget le mois prochain.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 1er juin 2015