Texte intégral
E. Martichoux Avec les assassinats qui ont frappé la Corse en quelques jours, les incertitudes sur le front économique, le Gouvernement fait sa rentrée sur la défensive et ce n'est pas idéal à quelques mois d'une présidentielle.
- "Pourquoi sur la défensive ?"
Vous n'allez pas me dire qu'il n'y a pas quand même de grosses crises : la crise corse, les incertitudes économiques ...
- "La crise corse n'existe-t-elle pas depuis 30 ans ? Il n'y a pas de défensive particulière sur la crise corse, cela fait 30, 40 ans, enfin des décennies que l'on vit avec des assassinats. Vous faites la moue mais je peux vous dire que quand on regarde l'évolution, et je suis malheureusement un assez bon observateur et connaisseur de la crise corse, j'ai enquêté sur le sujet à de nombreuses reprises et fait des rapports, je peux vous dire que la crise corse n'est pas plus vive aujourd'hui qu'il y a dix ans, ni qu'il y a 25 ans."
On peut jouer avec les mots si vous voulez, mais on ne peut pas nier, et certainement pas vous justement qui êtes un grand connaisseur du dossier corse, qu'il y a depuis la mort violente de François Santoni vendredi dernier de fortes inquiétudes sur un processus qui précisément devait entre autres ramener la paix.
- "J'ai presque l'avis inverse du votre, je voudrais que l'on remette les choses à leur place. Je déplore ces morts, je déplore ces crimes, je déplore ces assassinats et je les condamne, je ne veux en minimiser l'importance. En même temps, est-ce que ce sont des faits politiques aussi importants, aussi majeurs que certains veulent bien le dire ? Malheureusement, la Corse vit avec ces crimes, ces assassinats, cette violence presque culturelle depuis des décennies. Le processus de Matignon est aujourd'hui la seule politique possible sur la table en tout cas - on peut en inventer d'autres, mais aujourd'hui personne n'en propose d'autre -, la seule politique possible pour sortir de cette spirale infernale de la violence. C'est une sorte de lumière éclairée, une sorte de fenêtre ouverte sur l'avenir, une sorte d'espoir. C'est aux Corses et en particulier aux élus corses de savoir si ils veulent le poursuivre, c'est à eux de le dire."
On voit bien que c'est la stratégie du gouvernement depuis quelques jours de dire qu'il y a un processus politique et des crimes qui peuvent relever du droit commun et qui n'ont rien à voir finalement avec la démarche engagée par le gouvernement. On minimise aujourd'hui le lien entre la mort de François Santoni et
- " quel lien y a t-il objectivement, quel lien peut-il y avoir ? Qu'est-ce que vous savez ou qu'est-ce que les leaders de la droite, qui depuis quelques jours se déchaînent sur le sujet, savent du lien possible entre la mort de François Santoni "
... on n'en sait rien, mais on ne sait pas que ce n'est pas lié non plus."
- "Mais en quoi serait-ce lié ?"
Cela pourrait l'être si les indépendantistes avaient des liens prouvés avec ceux qui aujourd'hui effectivement actionnent la violence en Corse.
- "Attendez ! On ne découvre pas non plus aujourd'hui que certains milieux indépendantistes sont très liés avec le milieu du grand banditisme. Je l'ai écrit il y a quelques années dans un rapport parlementaire. Qu'il y ait des liens prouvés, évidents, historiques presque entre certains milieux indépendantistes et les milieux du grand banditisme, que cette violence soit confuse, teintée de politique indépendantiste et teintée de mafia, ce sont des choses que j'ai écrites. Dire que tout cela qui se révèle régulièrement aujourd'hui comme hier, ou comme avant hier, puisse avoir un moindre lien avec un processus politique qui lui est un processus au grand jour, un contrat, transparent sur la table"
Le processus de Matignon n'est pas fragilisé aujourd'hui par ce qui s'est passé ?
- "En toute honnêteté, en toute rigueur, je ne le crois pas parce que je pense que ce processus est un contrat entre le Gouvernement de la France"
Comment expliquez-vous que les élus corses n'aient pas encore parlé ?
- "C'est à eux qu'il faut poser la question."
Pour l'instant ils ne répondent pas. José Rossi par exemple ne souhaite pas s'exprimer."
- "Je pense qu'il va le faire la semaine prochaine d'après ce que j'ai compris."
Est-ce que vous ne regrettez pas justement qu'il n'en ait pas profité pour soutenir publiquement dans un moment de crise le processus de Matignon ?
- "Ce processus les engage, c'est un contrat passé entre le gouvernement et les élus corses de l'assemblée territoriale, toutes tendances confondues. Quand j'entends M. Pasqua dire qu'il faut dissoudre, il me fait rire : cette assemblée territoriale est présidée par des gens de droite, du RPR, M. Baggioni ou de démocratie libérale M. Rossi. Ce sont ces élus qui ont passé un contrat avec le gouvernement, qui ont signé le processus de Matignon, qui se sont engagés. Dissoudre l'Assemblée territoriale de Corse qui fonctionne et qui est dirigée par ces élus, ce serait donner justement une prime à la violence sur un fonctionnement démocratique, ce serait inacceptable. Donc, je pense qu'au contraire, face à cette violence qu'il faut éradiquer, le processus de Matignon est le seul processus démocratique transparent contractuel qui puisse engager l'Etat à l'égard des élus corses."
Tout ce que vous dites laisse à penser qu'effectivement L. Jospin n'a pas encore parlé parce qu'il voulait ne pas se laisser enfermer précisément dans le dossier corse, parce qu'il n'est pas porteur électoralement ?
- "Je n'en suis pas si sûr. On peut comparer aussi ce que fait ce Gouvernement et ce qu'ont fait d'autres. J'entends M. Bayrou dire "l'Etat ne joue pas son rôle". Quand il était ministre de 93 à 97, qui était ministre de l'Intérieur ? Pasqua, Debré. Il veut que l'on rappelle à l'opinion ce qu'ont fait messieurs Pasqua et Debré, les négociations secrètes avec les terroristes, les conférences de presse armées organisées par un ministre de l'Intérieur. Durant le temps où M. Bayrou était ministre, l'Etat jouait-il son rôle ? Il faut être raisonnable ?"
Néanmoins, le Gouvernement a une grosse épine dans le pied quand même avec la Corse . Vous savez bien que si la violence ne cesse pas sur l'île, la sécurité qui va être un des gros arguments électoraux de la prochaine présidentielle sera un sujet difficile pour le Gouvernement.
- "Je suis d'accord avec vous pour dire que le Gouvernement a un dossier difficile avec la Corse, comme tous les gouvernements, mais j'ajoute que celui-là au moins a mis le dossier sur la table dans la transparence. Le processus de Matignon est un processus transparent, ouvert, la négociation a été sur la table, ouverte, il n'y a pas eu de dessous de table, il n'y a pas eu de négociations secrètes. Il n'y a pas eu d'accords honteux. Tout le monde peut juger ; au moins ce Gouvernement peut être jugé sur ses actes"
Sur la sécurité en Corse ?
- "La cessation de la violence est une des conditions de la réussite du processus de Matignon, c'est évident et Jospin l'a toujours dit. Ces règlements de compte, ces vendettas qu'elles soient politiques, mafieuses, ou les deux n'ont plus droit de cité, ne doivent plus avoir droit de cité en Corse. La Corse ne s'en sortira pas tant qu'elle n'éradiquera pas cette violence."
L. Jospin est resté silencieux.
- " L. Jospin est à peine rentré de vacances qu'il faudrait déjà qu'il parle ?! Il va parler, ne vous en faites pas, le moment venu."
Il est rentré hier, mais il n'est pas loin, on sait qu'il s'informe. Quand va-t-il parler ? Va-t-il réserver son discours aux militants ?
- "Je ne comprends pas cet empressement, il est rentré de vacances hier ou avant hier et il faudrait déjà qu'il ait parlé. Personne d'autre n'a parlé non plus, laissons les choses se faire tranquillement, cette rentrée va se faire."
Est-ce que vous êtes favorable à ce qu'il parle, à ce qu'il s'adresse aux Français tout de même dans les jours qui viennent ?
- "Je suis favorable à ce que L. Jospin explique la politique du gouvernement aux Français, je pense que la pédagogie active est toujours nécessaire."
Peut-être la semaine prochaine à la télévision ?
- "Demandez-lui."
Un mot sur l'économie qui s'annonce difficile à la rentrée alors que les Français vont toucher les bénéfices des baisses d'impôts. Il y a une inquiétude avec les plans sociaux, une inquiétude sur le plan de l'emploi, des gros chantiers comme les 35 heures : la réflexion économique risque de brouiller un peu justement ce bénéfice de baisse d'impôt pour les Français.
- "Nous sommes dans une situation économique qui est moins favorable cette année que l'année dernière. La croissance s'est ralentie partout, aux Etats-Unis, au Japon, chez notre principal partenaire économique l'Allemagne. Donc effectivement, la situation de la croissance française est un peu moins favorable. C'est pour cela que les décisions prises par le Gouvernement sont non seulement justes socialement mais peuvent être et doivent être utiles et efficaces économiquement car je pense qu'à cette rentrée où les Français s'interrogent parce qu'ils ont dépensé de l'argent en vacances comme chaque année et qu'ils s'apprêtent à se serrer la ceinture pour faire face à des dépenses de rentrée. Ils vont constater que les mesures prises pour les baisses d'impôt qui vont toucher des millions de contribuables qui vont voir sur leurs feuilles d'impôt qui vont arriver dans les jours qui viennent les mesures prises pour la prime à l'emploi qui vont toucher 8 millions de foyers, les mesures prises pour l'allocation de rentrée scolaire non seulement sont justes mais vont soutenir efficacement la consommation et la croissance. Je pense que ce sont de bonnes nouvelles pour l'économie, que ce sont des bonnes nouvelles sociales."
Un petit mot sur les 35 heures, il va en être question demain au séminaire gouvernemental. Les PME vont devoir passer à l'euro au 1er janvier prochain, elles vont aussi normalement devoir mettre en place le RTT, la réduction du temps de travail, ça va être très lourd pour elles. Est-ce qu'il ne faut pas les exonérer de la loi Aubry ?
- "Sur les 35 heures, vous savez il y a une loi, la loi qui a été votée par le Parlement en bonne et due forme ; cette loi doit s'appliquer. En même temps dans la vie politique, il y a les principes ce sont ceux fixés par la loi et puis le pragmatisme. Pour l'application de cette loi le Gouvernement a toujours dit qu'il ferait preuve de pragmatisme, il n'est sans doute pas question de toucher à la loi, mais il est sûrement question de faire preuve de pragmatisme pour que les choses puissent bien se passer, là elles doivent bien se passer."
Les OGM, c'est directement votre charge ministérielle, des arrachages hier ont été organisés par la Confédération paysanne de José Bové dans le Gard. Ce sont des cultures expérimentales, non commercialisées qui ont été arrachées, mais c'est vrai qu'il y a un risque quand même avec ces cultures expérimentales.
- "Il faudrait avoir beaucoup de temps pour traiter de ce sujet parce que je crois qu'il faudrait faire preuve de prudence, de grande prudence et même de méfiance, et de grande méfiance vis à vis des OGM. D'abord, parce qu'on a vu les dégâts que les excès du productivisme pouvaient faire à travers certaines crises, et ensuite parce que certaines de ces multinationales semencières ont des visées très expansionnistes, voire impérialistes, elles veulent maîtriser la nourriture du monde. Il faut être prudent. C'est ce Gouvernement et aucun autre qui a mis en uvre ce moratoire depuis plusieurs années."
Que vous maintenez ?
- "Nous le maintenons, il n'est pas question de lever sur les autorisations nouvelles d'OGM. Mais la France est un Etat de droit, c'est une démocratie, une République fondée sur le droit et personne ne peut s'arroger le droit d'aller détruire quelque chose qui ne plaît pas. Je le dis aux militants de la Confédération paysanne pour qui j'ai estime et amitié : ce ne sont pas des justiciers chargés de dire le droit en France. Autant je suis méfiant et prudent sur les OGM, autant je pense qu'il faut laisser la fenêtre ouverte sur la recherche. La semaine dernière des militants de la Confédération paysanne sont allés arracher un champ d'OGM dans une commune de la Drôme qui s'appelle Saint-Paul-les-trois-chateaux, c'était une parcelle sur laquelle était cultivée une plante légumineuse qui est utilisée pour traiter la mucoviscidose. Dans ce village il y avait une petite fille atteinte de la mucoviscidose : je peux vous dire que dans ce village l'émotion a été très forte. Il faut être prudent, mais en même temps il faut être raisonnable."
Il y a un risque de dissémination, l'AFSSA a retrouvé des traces de contamination OGM sur des échantillons de maïs non OGM
- "N'employez pas le mot contamination parce que c'est chargé de"
...dissémination. Est-ce qu'on ne peut pas mettre ces recherches dans des espaces confinés ?
- "Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons parce que c'est une bonne question et on doit renforcer la prudence sur les essais. Je pense qu'il faut que des chercheurs qui cherchent sur les dangers des OGM puissent chercher sereinement, tranquillement - ça me paraît quand même la moindre des nécessités - et en même temps, il faut que l'on puisse prendre des précautions supplémentaires sur ces essais de recherches en plein champ. J'y suis favorable et nous y travaillons."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 avril 2001)
- "Pourquoi sur la défensive ?"
Vous n'allez pas me dire qu'il n'y a pas quand même de grosses crises : la crise corse, les incertitudes économiques ...
- "La crise corse n'existe-t-elle pas depuis 30 ans ? Il n'y a pas de défensive particulière sur la crise corse, cela fait 30, 40 ans, enfin des décennies que l'on vit avec des assassinats. Vous faites la moue mais je peux vous dire que quand on regarde l'évolution, et je suis malheureusement un assez bon observateur et connaisseur de la crise corse, j'ai enquêté sur le sujet à de nombreuses reprises et fait des rapports, je peux vous dire que la crise corse n'est pas plus vive aujourd'hui qu'il y a dix ans, ni qu'il y a 25 ans."
On peut jouer avec les mots si vous voulez, mais on ne peut pas nier, et certainement pas vous justement qui êtes un grand connaisseur du dossier corse, qu'il y a depuis la mort violente de François Santoni vendredi dernier de fortes inquiétudes sur un processus qui précisément devait entre autres ramener la paix.
- "J'ai presque l'avis inverse du votre, je voudrais que l'on remette les choses à leur place. Je déplore ces morts, je déplore ces crimes, je déplore ces assassinats et je les condamne, je ne veux en minimiser l'importance. En même temps, est-ce que ce sont des faits politiques aussi importants, aussi majeurs que certains veulent bien le dire ? Malheureusement, la Corse vit avec ces crimes, ces assassinats, cette violence presque culturelle depuis des décennies. Le processus de Matignon est aujourd'hui la seule politique possible sur la table en tout cas - on peut en inventer d'autres, mais aujourd'hui personne n'en propose d'autre -, la seule politique possible pour sortir de cette spirale infernale de la violence. C'est une sorte de lumière éclairée, une sorte de fenêtre ouverte sur l'avenir, une sorte d'espoir. C'est aux Corses et en particulier aux élus corses de savoir si ils veulent le poursuivre, c'est à eux de le dire."
On voit bien que c'est la stratégie du gouvernement depuis quelques jours de dire qu'il y a un processus politique et des crimes qui peuvent relever du droit commun et qui n'ont rien à voir finalement avec la démarche engagée par le gouvernement. On minimise aujourd'hui le lien entre la mort de François Santoni et
- " quel lien y a t-il objectivement, quel lien peut-il y avoir ? Qu'est-ce que vous savez ou qu'est-ce que les leaders de la droite, qui depuis quelques jours se déchaînent sur le sujet, savent du lien possible entre la mort de François Santoni "
... on n'en sait rien, mais on ne sait pas que ce n'est pas lié non plus."
- "Mais en quoi serait-ce lié ?"
Cela pourrait l'être si les indépendantistes avaient des liens prouvés avec ceux qui aujourd'hui effectivement actionnent la violence en Corse.
- "Attendez ! On ne découvre pas non plus aujourd'hui que certains milieux indépendantistes sont très liés avec le milieu du grand banditisme. Je l'ai écrit il y a quelques années dans un rapport parlementaire. Qu'il y ait des liens prouvés, évidents, historiques presque entre certains milieux indépendantistes et les milieux du grand banditisme, que cette violence soit confuse, teintée de politique indépendantiste et teintée de mafia, ce sont des choses que j'ai écrites. Dire que tout cela qui se révèle régulièrement aujourd'hui comme hier, ou comme avant hier, puisse avoir un moindre lien avec un processus politique qui lui est un processus au grand jour, un contrat, transparent sur la table"
Le processus de Matignon n'est pas fragilisé aujourd'hui par ce qui s'est passé ?
- "En toute honnêteté, en toute rigueur, je ne le crois pas parce que je pense que ce processus est un contrat entre le Gouvernement de la France"
Comment expliquez-vous que les élus corses n'aient pas encore parlé ?
- "C'est à eux qu'il faut poser la question."
Pour l'instant ils ne répondent pas. José Rossi par exemple ne souhaite pas s'exprimer."
- "Je pense qu'il va le faire la semaine prochaine d'après ce que j'ai compris."
Est-ce que vous ne regrettez pas justement qu'il n'en ait pas profité pour soutenir publiquement dans un moment de crise le processus de Matignon ?
- "Ce processus les engage, c'est un contrat passé entre le gouvernement et les élus corses de l'assemblée territoriale, toutes tendances confondues. Quand j'entends M. Pasqua dire qu'il faut dissoudre, il me fait rire : cette assemblée territoriale est présidée par des gens de droite, du RPR, M. Baggioni ou de démocratie libérale M. Rossi. Ce sont ces élus qui ont passé un contrat avec le gouvernement, qui ont signé le processus de Matignon, qui se sont engagés. Dissoudre l'Assemblée territoriale de Corse qui fonctionne et qui est dirigée par ces élus, ce serait donner justement une prime à la violence sur un fonctionnement démocratique, ce serait inacceptable. Donc, je pense qu'au contraire, face à cette violence qu'il faut éradiquer, le processus de Matignon est le seul processus démocratique transparent contractuel qui puisse engager l'Etat à l'égard des élus corses."
Tout ce que vous dites laisse à penser qu'effectivement L. Jospin n'a pas encore parlé parce qu'il voulait ne pas se laisser enfermer précisément dans le dossier corse, parce qu'il n'est pas porteur électoralement ?
- "Je n'en suis pas si sûr. On peut comparer aussi ce que fait ce Gouvernement et ce qu'ont fait d'autres. J'entends M. Bayrou dire "l'Etat ne joue pas son rôle". Quand il était ministre de 93 à 97, qui était ministre de l'Intérieur ? Pasqua, Debré. Il veut que l'on rappelle à l'opinion ce qu'ont fait messieurs Pasqua et Debré, les négociations secrètes avec les terroristes, les conférences de presse armées organisées par un ministre de l'Intérieur. Durant le temps où M. Bayrou était ministre, l'Etat jouait-il son rôle ? Il faut être raisonnable ?"
Néanmoins, le Gouvernement a une grosse épine dans le pied quand même avec la Corse . Vous savez bien que si la violence ne cesse pas sur l'île, la sécurité qui va être un des gros arguments électoraux de la prochaine présidentielle sera un sujet difficile pour le Gouvernement.
- "Je suis d'accord avec vous pour dire que le Gouvernement a un dossier difficile avec la Corse, comme tous les gouvernements, mais j'ajoute que celui-là au moins a mis le dossier sur la table dans la transparence. Le processus de Matignon est un processus transparent, ouvert, la négociation a été sur la table, ouverte, il n'y a pas eu de dessous de table, il n'y a pas eu de négociations secrètes. Il n'y a pas eu d'accords honteux. Tout le monde peut juger ; au moins ce Gouvernement peut être jugé sur ses actes"
Sur la sécurité en Corse ?
- "La cessation de la violence est une des conditions de la réussite du processus de Matignon, c'est évident et Jospin l'a toujours dit. Ces règlements de compte, ces vendettas qu'elles soient politiques, mafieuses, ou les deux n'ont plus droit de cité, ne doivent plus avoir droit de cité en Corse. La Corse ne s'en sortira pas tant qu'elle n'éradiquera pas cette violence."
L. Jospin est resté silencieux.
- " L. Jospin est à peine rentré de vacances qu'il faudrait déjà qu'il parle ?! Il va parler, ne vous en faites pas, le moment venu."
Il est rentré hier, mais il n'est pas loin, on sait qu'il s'informe. Quand va-t-il parler ? Va-t-il réserver son discours aux militants ?
- "Je ne comprends pas cet empressement, il est rentré de vacances hier ou avant hier et il faudrait déjà qu'il ait parlé. Personne d'autre n'a parlé non plus, laissons les choses se faire tranquillement, cette rentrée va se faire."
Est-ce que vous êtes favorable à ce qu'il parle, à ce qu'il s'adresse aux Français tout de même dans les jours qui viennent ?
- "Je suis favorable à ce que L. Jospin explique la politique du gouvernement aux Français, je pense que la pédagogie active est toujours nécessaire."
Peut-être la semaine prochaine à la télévision ?
- "Demandez-lui."
Un mot sur l'économie qui s'annonce difficile à la rentrée alors que les Français vont toucher les bénéfices des baisses d'impôts. Il y a une inquiétude avec les plans sociaux, une inquiétude sur le plan de l'emploi, des gros chantiers comme les 35 heures : la réflexion économique risque de brouiller un peu justement ce bénéfice de baisse d'impôt pour les Français.
- "Nous sommes dans une situation économique qui est moins favorable cette année que l'année dernière. La croissance s'est ralentie partout, aux Etats-Unis, au Japon, chez notre principal partenaire économique l'Allemagne. Donc effectivement, la situation de la croissance française est un peu moins favorable. C'est pour cela que les décisions prises par le Gouvernement sont non seulement justes socialement mais peuvent être et doivent être utiles et efficaces économiquement car je pense qu'à cette rentrée où les Français s'interrogent parce qu'ils ont dépensé de l'argent en vacances comme chaque année et qu'ils s'apprêtent à se serrer la ceinture pour faire face à des dépenses de rentrée. Ils vont constater que les mesures prises pour les baisses d'impôt qui vont toucher des millions de contribuables qui vont voir sur leurs feuilles d'impôt qui vont arriver dans les jours qui viennent les mesures prises pour la prime à l'emploi qui vont toucher 8 millions de foyers, les mesures prises pour l'allocation de rentrée scolaire non seulement sont justes mais vont soutenir efficacement la consommation et la croissance. Je pense que ce sont de bonnes nouvelles pour l'économie, que ce sont des bonnes nouvelles sociales."
Un petit mot sur les 35 heures, il va en être question demain au séminaire gouvernemental. Les PME vont devoir passer à l'euro au 1er janvier prochain, elles vont aussi normalement devoir mettre en place le RTT, la réduction du temps de travail, ça va être très lourd pour elles. Est-ce qu'il ne faut pas les exonérer de la loi Aubry ?
- "Sur les 35 heures, vous savez il y a une loi, la loi qui a été votée par le Parlement en bonne et due forme ; cette loi doit s'appliquer. En même temps dans la vie politique, il y a les principes ce sont ceux fixés par la loi et puis le pragmatisme. Pour l'application de cette loi le Gouvernement a toujours dit qu'il ferait preuve de pragmatisme, il n'est sans doute pas question de toucher à la loi, mais il est sûrement question de faire preuve de pragmatisme pour que les choses puissent bien se passer, là elles doivent bien se passer."
Les OGM, c'est directement votre charge ministérielle, des arrachages hier ont été organisés par la Confédération paysanne de José Bové dans le Gard. Ce sont des cultures expérimentales, non commercialisées qui ont été arrachées, mais c'est vrai qu'il y a un risque quand même avec ces cultures expérimentales.
- "Il faudrait avoir beaucoup de temps pour traiter de ce sujet parce que je crois qu'il faudrait faire preuve de prudence, de grande prudence et même de méfiance, et de grande méfiance vis à vis des OGM. D'abord, parce qu'on a vu les dégâts que les excès du productivisme pouvaient faire à travers certaines crises, et ensuite parce que certaines de ces multinationales semencières ont des visées très expansionnistes, voire impérialistes, elles veulent maîtriser la nourriture du monde. Il faut être prudent. C'est ce Gouvernement et aucun autre qui a mis en uvre ce moratoire depuis plusieurs années."
Que vous maintenez ?
- "Nous le maintenons, il n'est pas question de lever sur les autorisations nouvelles d'OGM. Mais la France est un Etat de droit, c'est une démocratie, une République fondée sur le droit et personne ne peut s'arroger le droit d'aller détruire quelque chose qui ne plaît pas. Je le dis aux militants de la Confédération paysanne pour qui j'ai estime et amitié : ce ne sont pas des justiciers chargés de dire le droit en France. Autant je suis méfiant et prudent sur les OGM, autant je pense qu'il faut laisser la fenêtre ouverte sur la recherche. La semaine dernière des militants de la Confédération paysanne sont allés arracher un champ d'OGM dans une commune de la Drôme qui s'appelle Saint-Paul-les-trois-chateaux, c'était une parcelle sur laquelle était cultivée une plante légumineuse qui est utilisée pour traiter la mucoviscidose. Dans ce village il y avait une petite fille atteinte de la mucoviscidose : je peux vous dire que dans ce village l'émotion a été très forte. Il faut être prudent, mais en même temps il faut être raisonnable."
Il y a un risque de dissémination, l'AFSSA a retrouvé des traces de contamination OGM sur des échantillons de maïs non OGM
- "N'employez pas le mot contamination parce que c'est chargé de"
...dissémination. Est-ce qu'on ne peut pas mettre ces recherches dans des espaces confinés ?
- "Ce sont des sujets sur lesquels nous travaillons parce que c'est une bonne question et on doit renforcer la prudence sur les essais. Je pense qu'il faut que des chercheurs qui cherchent sur les dangers des OGM puissent chercher sereinement, tranquillement - ça me paraît quand même la moindre des nécessités - et en même temps, il faut que l'on puisse prendre des précautions supplémentaires sur ces essais de recherches en plein champ. J'y suis favorable et nous y travaillons."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 avril 2001)