Interview de Mme Martine Pinville, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, à "Sud radio" le 31 juillet 2015, sur les mesures d'aide aux agriculteurs en particulier aux éleveurs, sur l'aide à l'exportation de produits agricoles.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral

CHRISTOPHE BORDET
Martine PINVILLE, bonjour.
MARTINE PINVILLE
Bonjour.
CHRISTOPHE BORDET
Merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio. François HOLLANDE est dans le Lot cet après-midi, à Saint-Cirq-Lapopie, petit village médiéval, il va parler ruralité et tourisme rural. Alors après les mesures en faveur des éleveurs Martine PINVILLE, c'est quoi le message : la gauche est capable de s'intéresser au monde agricole qui par nature, par habitude, que sais-je, vote plutôt à droite ?
MARTINE PINVILLE
Non, je crois que le signal envoyé aujourd'hui, la venue du président de la République à Saint-Cirq-Lapopie, c'est vraiment pour soutenir, pour soutenir le monde rêve agricole, pour parler aux agriculteurs, ce qui était déjà fait par le ministre de l'Agriculture, Stéphane LE FOLL, mais là vraiment il va aller sur le terrain et puis échanger, dialoguer avec les agriculteurs.
CHRISTOPHE BORDET
En gros c'est dire, je suis le président de la République et voyez je m'occupe de vous ?
MARTINE PINVILLE
Non, je ne crois pas, le président de la République, le gouvernement a travaillé avec le monde agricole pour le monde agricole depuis le début, depuis 2002.
CHRISTOPHE BORDET
Alors dites-moi, 500 millions débloqués pour les éleveurs, il s'agit essentiellement de report de paiement de charges, report ça veut bien dire qu'ils devront bien payer un jour ou l'autre. 100 autres millions d'annulations de charges et de cotisations, ce que veulent les agriculteurs, c'est que leur lait par exemple soit payé plus cher. Un accord a été trouvé, le prix du lait au départ de la ferme, Martine PINVILLE, à heure où on se parle est-il enfin payer plus cher aux éleveurs ?
MARTINE PINVILLE
Alors je crois, j'ai pu participer à un certain nombre de réunions, y compris avec les professionnels du monde du monde agricole avec leurs représentants, et il y a effectivement dans le coût, le prix du blé un déficit. Et il y a un certain nombre de propositions qui sont faites pour qu'effectivement le prix du lait atteigne un niveau raisonnable et pour qu'enfin…
CHRISTOPHE BORDET
Donc là il y a un accord qui a été trouvé, plus 4 centimes. Est-ce que ça y est, est-ce que c'est appliqué ?
MARTINE PINVILLE
Mais ce n'est pas suffisant, ce n'est pas suffisant 4 centimes, nous le savons et il faut travailler pour augmenter ce prix du lait et pour que les agriculteurs puissent vivre dignement, et jusqu'à la fin de l'année en tout cas, tout le monde devra vraiment travailler à cette augmentation, et c'est une volonté très forte du gouvernement.
CHRISTOPHE BORDET
Alors les éleveurs se plaignent de ne plus pouvoir vendre leurs produits aujourd'hui un certain nombre de pays, c'est le cas pour la Russie, c'est le cas pour la Grèce, vous faites quoi à l'international pour que enfin des marchés se débloquent ?
MARTINE PINVILLE
Alors écoutez je reviens du Vietnam, je suis allé au Vietnam déposer des dossiers d'agrément, et pour lever l'embargo, l'embargo est levé au Vietnam depuis le 1er mai pour qu'enfin nos éleveurs puissent exporter de la viande bovine au Vietnam. 22 dossiers d'agrément ont été déposés, je les ai donnés au ministre de l'Agriculture vietnamien et dans les meilleurs délais ces dossiers vont être validés et ainsi nos agriculteurs, nos éleveurs pourront envoyer, pourront exporter de la viande pour le Vietnam. Et ça, ce travail là, il est également fait par Mathias FEKL, ministre du Commerce extérieur pour effectivement cette exportation puisse se faire dans les meilleures conditions.
CHRISTOPHE BORDET
Ça veut dire combien de tonnes pour le Vietnam ?
MARTINE PINVILLE
Mais il faut, il faut également… Ça, on va voir le marché parce que ça fait quand même 18 ans qu'il n'y avait plus d'exportation de viande pour le Vietnam, donc il faut retravailler ces marchés et il faut là que la filière s'organise c'est-à-dire que toute la chaîne des éleveurs, des abatteurs, de tous ceux qui vont travailler à l'export s'organisent pour qu'effectivement cet export se fasse dans les meilleures conditions possibles et de manière conséquente.
CHRISTOPHE BORDET
Avec la Russie, on est donc quelque part victime de cet embargo russe, cet embargo russe qui fait suite au refus de la France finalement de livrer les deux navires Mistral. Au passage je lisais que l'entretien du Mistral, enfin des Mistral, coûte quand même un million d'euros par mois à la France, les Français payent, quel gâchis, mais quel gâchis, Martine PINVILLE.
MARTINE PINVILLE
Mais il y a aussi, il y a la Russie mais il y a aussi d'autres pays avec lesquels on peut travailler. Harlem DESIR est allé en Grèce pour effectivement on voir là aussi…
CHRISTOPHE BORDET
… les Grecs, ils ne vont pas acheter notre viande.
MARTINE PINVILLE
Mais ils ont quand même besoin de se nourrir, les Grecs ont quand même besoin de se nourrir et on a aussi c'est export à travailler avec eux. Il y a le Brésil, il y a des pays de la Méditerranée également. Donc tout cela ça doit se construire et puis il y a également en France, avec le label : viande de France où on doit aussi continuer à favoriser ou à encourager cette consommation de la viande française.
CHRISTOPHE BORDET
Et vous croyez qu'avec un label, ça va repartir ?
MARTINE PINVILLE
Je dirais qu'avec un label, je ne dis pas que ça va repartir, mais je dis qu'on pourra mieux identifier la viande de France, donc la viande produite en France.
CHRISTOPHE BORDET
Pour revenir sur cette agriculture française, le gouvernement a demandé aux préfets que les circuits courts soient favorisés, que la production agricole de proximité soit favorisé, lors du passage des marchés publics que peuvent donc avoir les collectivités locales. L'idée c'est quoi, c'est de bafouer la loi sur les marchés publics ?
MARTINE PINVILLE
Non, ce n'est pas bafouer la loi bien évidemment, je ne vais pas vous dire que nous allons bafouer la loi, mais c'est que quand dans une collectivité, dans une administration, quand nous pouvons travailler avec des éleveurs, avec une production locale, eh bien je crois qu'il faut y être attentif et il faut favoriser.
CHRISTOPHE BORDET
Comment on fait pour favoriser sans que ça pose un problème pour le concurrent qui lui est peut-être de beaucoup plus loin et qui aurait aussi la possibilité, le droit de vendre ses produits ?
MARTINE PINVILLE
Quand on a le label, quand on a le label viande de France, quand on a cette viande qui est produite en France, eh bien on est assuré d'une qualité, d'une qualité de la viande. Eh bien, quand on fait des choix, quand on va passer des marchés, on peut faire le choix de la qualité, certes quelquefois il a un coût qui peut être un peu plus élevé, mais ce n'est pas toujours le cas. Quand on travaille en direct avec des éleveurs, ou avec ceux qui les représentent, et je crois que là il faut qu'on soit attentif, nous Français, à consommer français.
CHRISTOPHE BORDET
Alors dites-moi, vous parliez du coût Martine PINVILLE, on nous dit, enfin on nous a dit, on nous a redit que la mondialisation, c'était la solution, on allait avoir un choix immense de produits à des prix très abordables et aujourd'hui on nous dit « mangez Français, mangez près de chez vous », cherchez l'erreur Martine PINVILLE.
MARTINE PINVILLE
Mais non ce n'est pas une erreur.
CHRISTOPHE BORDET
C'est un changement de cap complet.
MARTINE PINVILLE
Pas du tout, pas du tout, on peut avoir cette volonté d'avoir des produits, je penserais aux ananas, je pourrais penser à d'autres produits, d'autres fruits que nous importons, à du café par exemple que nous pouvons également importer, mais on a aussi des produits que l'on peut consommer ici en France.
CHRISTOPHE BORDET
Martine PINVILLE, les activités de l'artisanat et du commerce de proximité ont reculé de 2 % au deuxième trimestre 2015, comment expliquez-vous que votre secteur reste en marge d'une éventuelle reprise ?
MARTINE PINVILLE
Vous le présentez de cette manière là.
CHRISTOPHE BORDET
Ce sont les chiffres de l'UPA, Union Professionnelle…
MARTINE PINVILLE
Je dois rencontrer d'ailleurs dans quelques jours le président de l'UPA. Je me suis déplacée hier en Vendée aux Sables-d'Olonne et j'ai pu rencontrer là des artisans et des commerçants et bien sûr c'est une ville estivales, enfin qui accueille beaucoup de vacanciers à cette période de l'année, mais les échanges que j'ai pu avoir avec eux, en direct, étaient plutôt positifs et c'est vrai que leurs attentes, c'était sans doute des mesures de simplification, mais quant au contact, quant à leur clientèle qu'ils pouvaient avoir, eh bien ma foi ils me disaient qu'ils n'avaient pas beaucoup de baisse de leur chiffre d'affaires, en tout cas qu'ils étaient plutôt satisfaits.
CHRISTOPHE BORDET
On est en période d'été comme vous l'avez dit. Il y a beaucoup de touristes, on est sur un focus. Mais enfin, quand vous vous baladez un petit peu en France, dans les secteurs peut-être un peu plus ruraux et cætera, on sent bien quand même que les commerçants et les artisans se disent : « On tire sur la corde. C'est difficile, les marchés ne rentrent pas, les gens n'achètent pas, on ne peut pas embaucher. » Voilà ce que vous disent les commerçants et les artisans aujourd'hui quand vous les rencontrez un peu partout en France.
MARTINE PINVILLE
Je redirai quand vous me dites : « On ne peut pas embaucher », peut-être qu'il y a effectivement des artisans et des commerçants qui peuvent l'entendre comme cela. Moi, je crois qu'on ne peut pas nier effectivement qu'il y a économiquement peut-être un petit tassement, je vais le dire ainsi.
CHRISTOPHE BORDET
Mais ces chiffres de l'UPA, ils sont réels quand même.
MARTINE PINVILLE
Ce sont les chiffres qu'ils nous ont donnés. J'attends de voir le bilan que nous aurons à la fin du mois d'août pour voir exactement comment la consommation a pu être soutenue. Il y a encore quand même une consommation qui n'est pas en augmentation aussi forte qu'on pourrait l'entendre, mais je crois que les commerçants et les artisans – en tout cas, je le leur souhaite – continuent à vendre et à avoir un marché suffisant.
CHRISTOPHE BORDET
Dites-moi, Martine PINVILLE, l'emploi justement, le chômage, l'emploi. François REBSAMEN veut se représenter à la mairie de Dijon en gardant son poste de ministre du Travail. Le cumul est interdit par une charte signée par les ministres. C'est un couac ?
MARTINE PINVILLE
Je crois que François REBSAMEN n'a jamais caché sa position sur le cumul des mandats et nous l'avait dit.
CHRISTOPHE BORDET
Lui est pour.
MARTINE PINVILLE
Oui.
CHRISTOPHE BORDET
C'est la vieille politique.
MARTINE PINVILLE
Très clairement, c'est sa manière de voir la politique. Il a été maire de Dijon, il a été président de la communauté d'agglomération. Il a pu exprimer qu'il souhaitait y retourner ; je respecte complètement cette décision. Il est encore au gouvernement, on va voir. Puisque la réunion pour désigner le maire est prévue le 10 août je crois, on verra à ce moment-là. Le président de la République, le Premier ministre se sont exprimés pour qu'effectivement s'il devient maire de Dijon, il ne soit plus au gouvernement. On verra à ce moment-là, je crois qu'il ne faut pas précipiter les choses.
CHRISTOPHE BORDET
Mais Martine PINVILLE, REBSAMEN en fait ce qu'il veut, c'est quoi ? C'est déserter parce qu'il voit bien qu'il ne va pas arriver à faire baisser la courbe du chômage ?
MARTINE PINVILLE
Non ! Là, je ne peux pas vous laisser dire ça. François REBSAMEN au gouvernement a fait le travail qui lui était demandé. Il a fait un certain nombre de lois, la loi sur la formation professionnelle, sur le dialogue social.
CHRISTOPHE BORDET
Il a fait le travail mais les résultats ne sont pas là.
MARTINE PINVILLE
Il faut juste ne pas oublier qu'on a depuis 2008 une crise très forte, très importante.
CHRISTOPHE BORDET
Oui, mais la crise aujourd'hui est moins forte qu'en 2008.
MARTINE PINVILLE
Oui, mais on a mis en place, on a fait un certain nombre de réformes et ces réformes doivent produire leur effet. On commence à sentir les premiers frémissements - je pense au CICE. Ce n'est pas suffisant, je l'entends, mais attendons. Voyons cette fin d'année, l'année 2016 et ensuite on pourra faire le bilan.
CHRISTOPHE BORDET
Vous préférez un REBSAMEN au gouvernement ou en dehors du gouvernement ?
MARTINE PINVILLE
Non, je crois qu'il y a une exigence, une exigence citoyenne qui fait que si François REBSAMEN est élu maire de Dijon, président de l'agglomération, il devra laisser le gouvernement.
CHRISTOPHE BORDET
Dites-moi, séminaire gouvernemental pour préparer la rentrée, dernier conseil des ministres aujourd'hui avant deux semaines de vacances. Au menu de ce dernier conseil, le projet de loi sur la justice de Christiane TAUBIRA qui prévoit notamment de supprimer le défaut de permis de conduire et d'assurance de la liste des délits. Martine PINVILLE, soutenez-vous ce projet extrêmement décrié par les associations de victimes de la route ?
MARTINE PINVILLE
J'ai bien entendu les réactions déjà très vives et très fortes des associations de victimes. Je crois qu'il faut regarder les choses posément et calmement. Le fait que ce ne soit plus un délit est certes un signe qui est envoyé mais je ne le regarderai pas comme ça et je pense que ce n'est pas la meilleure manière. Je l'entends, j'entends cette mobilisation.
CHRISTOPHE BORDET
On se dit : « Il n'y a plus de sanctions, c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres. » Voilà ce qu'on se dit.
MARTINE PINVILLE
Non, non. Ce n'est pas ça, ce n'est pas exact. Ce que j'ai vu, et nous allons l'évoquer et en discuter ce matin, c'est qu'il y aura quand même des sanctions. Je veux rappeler là qu'il y aura quand même des sanctions pour défaut de permis de conduire et pour défaut d'assurance.
CHRISTOPHE BORDET
Une amende de 500 euros.
MARTINE PINVILLE
C'est quand même une amende conséquente.
CHRISTOPHE BORDET
Que les personnes concernées ne pourront pas payer.
MARTINE PINVILLE
Je crois qu'il faut retourner à la base et voir pourquoi ces personnes ne sont pas en capacité d'avoir leur permis de conduire ou d'avoir une assurance. Je rappelle qu'il y a dans la loi Macron, notamment pour le permis de conduire, des facilités qui vont être faites pour effectivement pouvoir acquérir, notamment financières parce que je crois qu'il y a souvent ce problème-là. Ensuite sur les assurances, il faut regarder comment on peut aider ces personnes ou alors les accompagner pour qu'ils puissent avoir une assurance Je crois que c'est important.
CHRISTOPHE BORDET
Vous, vous êtes pour ce texte de Christiane TAUBIRA ?
MARTINE PINVILLE
On va regarder, on va en discuter mais je suis effectivement favorable à ce texte, mais il faut aussi que ces personnes puissent avoir leur permis de conduire et puissent avoir et bénéficier d'une assurance, donc il faut aussi faire ce travail-là.
CHRISTOPHE BORDET
En deux mots, est-ce qu'il faut supprimer le permis à points ?
MARTINE PINVILLE
Le permis à points, non.
CHRISTOPHE BORDET
Merci Martine PINVILLE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 août 2015