Texte intégral
Mes chers amis,
Il me revient aujourd'hui, pour la sixième fois depuis que vous m'avez confié à nouveau la direction de notre Parti, de clôturer notre université d'été et donc de tenter d'en résumer les travaux fort riches tout en vous invitant, à l'occasion de cette rentrée ô combien décisive, à porter notre réflexion collective vers les rendez-vous capitaux qui nous attendent : élections présidentielle et législative.
Mais l'université d'été, au-moins chez les radicaux, c'est d'abord et surtout le rendez-vous de l'amitié et vous comprendrez que je veuille, en tout premier lieu, vous remercier tous d'être venus si nombreux, d'avoir répondu en masse à l'invitation de nos amis des Pyrénées Orientales et d'avoir ainsi consacré les derniers jours de vos vacances à des travaux qui démontrent, malgré le scepticisme de l'époque, malgré tout ce qu'on nous dit du civisme désabusé, malgré les critiques en rafales contre la politique, qu'il reste encore des militants disponibles pour réfléchir au bien public, pour rêver ensemble à un avenir meilleur et pour refuser de baisser les bras comme on les y invite trop souvent. A vous toutes et à vous tous, radicaux, du fond du coeur merci.
Vous avez conduit depuis deux jours des réflexions denses, passionnées, imaginatives et marquées du sceau du radicalisme, c'est à dire des grands principes républicains. Je veux vous en féliciter et aussi essayer d'en dégager quelques pistes pour l'action avant de revenir aux questions plus précisément politiques dont je sais qu'elles vous préoccupent.
Mes chers amis,
L'ambition radicale ne s'effraie jamais de l'ampleur de la tâche et vous avez empoigné le monde avec une idée que je trouve particulièrement belle : et si le monde entier devenait un peu plus républicain ? Si l'organisation du monde venait à s'inspirer enfin des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité ?
Voilà un premier fait nouveau. Les questions internationales constituaient jusque-là une des figures imposées du discours politique mais pas une des préoccupations des citoyens. C'est le contraire qui est en train de se produire : lassés par le renoncement des politiques, fatigués par l'inventaire incessant des pseudo-contraintes économiques, agacés par le consentement des gouvernements à une forme de mondialisation qu'on nous présente comme une évolution inéluctable et un horizon indépassable, des citoyens se lèvent, avec leurs associations, leurs groupements, leur spontanéité, pour dire : " Nous ne voulons pas de cet ordre là. Nous voulons un développement équitable, équilibré, respectueux de l'homme et de son environnement. Non, disent-ils, il n'y a pas de fatalité dans l'horreur économique ".
Et ce mouvement, totalement nouveau, rencontre un écho tellement fort, une sympathie si puissante chez nos concitoyens que l'on voit tous les politiques soudain dépassés par l'irruption des " anti-mondialisation " se demander publiquement -et, disons-le, avec un certain cynisme- comment canaliser cette énergie nouvelle et surtout comment la récupérer à des fins électorales.
L'inquiétude des uns et des autres -nouveaux militants et partis traditionnels- est particulièrement sensible dans deux interrogations qui ont dominé les débats des derniers mois. La contestation du partage impériel du monde opéré par l'égoïsme des nantis s'est focalisée autour de la fameuse taxe Tobin. La question de la sécurité alimentaire mais, au-delà, celle des perspectives vertigineuses ouvertes par la bioscience se trouvent résumées dans le débat sur les O.G.M.
Sur ces deux sujets et sur les débats de philisophie politique qui les sous-tendent, laissez-moi vous dire mon sentiment sans trop de précautions, avec le souci de dire vrai plutôt que le souci de plaire.
Sur les O.G.M., on ne peut fermer le débat avant de l'avoir ouvert. Le principe de précaution n'est pas un postulat de l'inaction. Pour ma part, je suis reconnaissant à tous ceux qui ont mis en cause, dans les dernières décennies, l'assimilation abusive entre le progrès et la croissance quantitative. L'accumulation de produits nouveaux n'est certes pas le gage d'une libération des hommes.
Faut-il pour autant intenter un procès au progrès ? Ou croire, avec un pessimisme fondamental, que l'homme serait devenu incapable de régler les problèmes créés par le mouvement de l'humanité ? Je ne le pense pas. Les radicaux ne le pensent pas, eux dont les racines politiques puisent au gisement des lumières et à celui, considérable, du rationalisme qui a marqué la fin du XIXè siècle.
Le XXè siècle, en s'achevant, a dévoilé un redoutable paradoxe : alors qu'il avait acquis tout à la fois les moyens de détruire totalement l'humanité et le pouvoir de recréer absolument l'humain, l'esprit s'est effrayé de la puissance ainsi acquise. Et le règne de la raison s'est fissuré pour laisser remonter de violentes bouffées irrationnelles.
Il faut en effet s'effrayer du pouvoir incontrôlé de la technoscience et des spéculations purement économiques que suscitent toutes les avancées techniques. Mais ce n'est pas le progrès qui est en cause. Ce n'est pas la science qui doit être mise en procès mais bien le défaut de conscience.
La contestation systématique des pouvoirs politiques et des formes républicaines de représentation des citoyens n'est certainement pas la réponse aux lourdes interrogations que le progrès scientifique fait naître. Il nous faut au contraire plus de politique. C'est en consentant à la primauté de l'économie et de la technique sur la politique et la culture que nos sociétés se sont rendues coupables d'abandon et ce n'est pas en renonçant au progrès et au développement qu'elles retrouveront une sorte d'innocence perdue.
Pour les O.G.M., qui sont déjà une réalité, il appartient aux politiques de tracer des garde-fous qui garantissent les nouvelles avancées. En France, le gouvernement s'emploie activement -avec, au premier rang, notre ami Roger-Gérard Schwartzenberg- à définir des règles encadrant le progrès technique et je propose, pour ma part, qu'on laisse les politiques travailler sans relâcher la vigilance civique.
Quant à l'autre grand dossier de l'été, celui de la taxation des transactions financières, et plus particulièrement des opérations de change, il pose d'autant moins de problèmes aux radicaux que nous avons proposé depuis de longues années un mécanisme du même type. Nous sommes allés plus loin puisque nous avions proposé une réforme complète de l'organisation internationale des échanges. Une réforme radicale des institutions de Batton-Woods en premier lieu, puisque aucune des conditions militaires (le champ de ruines de la deuxième guerre mondiale et l'aide Marshall), politiques (la cogestion du monde par l'URSS et les Etats-Unis), économiques (le pouvoir d'arbitrage international d'une seule monnaie à la convertibilité garantie), puisque aucune des conditions ayant fait naître ces institutions n'est plus réunie aujourd'hui. Nous avions proposé aussi, lors du remplacement du GATT, que la nouvelle organisation du commerce puisse imposer, dans tous les échanges internationaux, des clauses sociales, des clauses internationales, des clauses relatives aux droits de l'homme et aussi une obligation de mise partielle sur le marché intérieur pour les produits fabriqués dans les pays en développement par les firmes transnationales.
En voilà de l'ambition ! Il est juste de dire qu'avec l'actuelle O.M.C. on est assez loin du compte mais, là encore, la solution est politique. L'économie en elle-même n'est coupable de rien et j'ai la conviction que son développement propre selon les lois dites " du marché " est dépourvu d'alternative. Ce n'est certainement pas François Huwart, responsable de notre commerce extérieur qui me contredira. En revanche, la fixation de nouvelles règles -et la taxe Tobin en est une excellente- à la mesure des nouveaux défis est un impératif politique.
C'est en pesant sur les gouvernements et sur les organisations internationales que nous obtiendrons, par la fixation de véritables lois, la construction d'un nouvel ordre mondial plus juste et plus solidaire, pas en opposant les citoyens à leurs élus.
C'est pourquoi je propose la création, sous l'impulsion de la France, à l'initiative de l'Union Européenne et à l'image de ce qui existe déjà auprès de la Commission des Droits de l'Homme des Nations-Unies, d'un forum permanent de l'internationalisation où seraient regroupés, pour élaborer les nouvelles normes, aussi bien les gouvernements que les partis politiques, les O.N.G. et les associations militantes.
Il s'agirait, en somme, d'un Forum pour un Nouveau Monde. Car je ne suis pas, pour ma part, un adversaire de la mondialisation. On ne peut croire, comme le croient les radicaux, aux valeurs de l'universalisme et à l'unité fondamentale de la condition humaine, et s'élever en même temps contre la mondialisation. Il nous faut lutter contre les formes insupportables qu'elle prend aujourd'hui mais certainement pas la récuser comme objectif.
Je vais plus loin. Le véritable débat moderne -alors que certains pronostiquaient, il y a dix ans, la " fin de l'Histoire "- est celui qui oppose, dans le monde entier, l'universalisme à ce qu'il faut bien appeler l'identitarisme. Dès lors que nous avons laissé les valeurs universelles se dévoyer en un matérialisme sans principes, un économisme sans direction politique, un égoïsme sans foi ni loi, une sous-culture se caricaturant elle-même dans les médias internationaux, devons-nous nous étonner de voir les valeurs de l'identité se fourvoyer à leur tour, dans l'ethnicisme, la religiosité ou l'obscurantisme ? les Tchétchènes contre les Russes, les talibans contre l'Occident, les tribus contre la liberté de choix entre Pepsi et Coca, est-ce cela le nouvel ordre mondial conflictuel que nous voulons subir ?
C'est bien là qu'est la nouvelle frontière de l'action politique : nous devons définir les lois d'une république nouvelle, les contours d'une utopie pour le siècle, d'une nouvelle société des nations et des citoyens où la mondialisation parfaitement souhaitable de la science, des techniques et de l'économie se construirait dans le respect de la nature, des cultures et surtout avec l'objectif de servir les hommes non de les asservir. Voilà pourquoi je préfère à toutes les définitions du " développement soutenable " ou du " développement durable " celle d'un développement humaniste.
Je vous invite tous, parce que les radicaux ont là une responsabilité particulière, à ne pas désespérer de l'avenir.
Avec les questions européennes auxquelles vous avez également beaucoup travaillé sous la direction de Catherine Lalumière et de Bernard Castagnède, sommes-nous vraiment éloignés des mêmes réflexions générales et de la même philosophie ?
Vous avez clairement réaffirmé l'inclination européenne et l'option fédéraliste des radicaux. Vous l'avez fait par des propositions audacieuses mais réfléchies dont je ne reprendrai pas le détail puisque je suis globalement d'accord avec vous. Les radicaux sont des militants européens, c'est entendu.
Mais devons-nous, parce que nous sommes européens et pour ne pas donner d'arguments aux nationalistes archaïques, consentir à ce qui nous est proposé en guise de construction européenne et qui s'éloigne chaque jour un peu plus de l'idéal politique fondateur ? Devons-nous, face aux interrogations les plus légitimes de nos concitoyens continuer à définir l'Europe comme une tautologie indiscutable : l'Europe parce que l'Europe ?
Nous voulons les Etats-Unis d'Europe et nous avons une zone de libre-échange. Nous voulons un gouvernement européen qui conduise sous le contrôle du parlement des politiques économiques, budgétaires ou sociales européennes et nous avons des institutions inter-gouvernementales, une banque indépendante et un pacte de stabilité monétaire. Nous voulons une Europe des grands services publics européens et nous avons une Europe de la déréglementation, de la dérégulation, de la concurrence libérale érigée en veau d'or. Nous voulons une Europe des citoyens et de leurs collectivités de base et nous avons une Europe du plus petit dénominateur commun inter-étatique. Nous voulons une Europe des libertés et nous avons une Europe de la réglementation administrative ou du laisser-faire économique.
Là encore, mes amis, le problème est bien celui de l'insuffisance politique. Il n'y a pas trop de politique européenne ; c'est l'absence cruelle de direction politique qui est ressentie par les citoyens. Dès lors, ils ne sont plus sensibles qu'à la caricature technicienne, administrative, opaque, proliférante, des institutions européennes qui devraient être, à l'inverse, les dépositaires de leur volonté politique.
Je vous le dis bien franchement -et nous ne sommes pas éloignés du débat que j'évoquais tout à l'heure entre l'universalité et l'identité- si nous laissons notre Europe devenir après le Marché Commun, après le marché unique, le paradis du marché sans contraintes, nous devons nous attendre à une très farouche réaction des citoyens qui seront tentés de jeter l'idée européenne avec ses mauvais avatars actuels.
La priorité est à une construction politique accélérée et notamment à l'élaboration d'un projet constitutionnel fédéral associant les citoyens des états-membres et ceux des états candidats à l'adhésion. L'Histoire nous délivre ses leçons : pour entrer dans un ordre nouveau, les républicains doivent redonner la parole au peuple. Au-delà des conférences et des sommets dont le Traité de Nice a montré les limites, il nous faut des Etats Généraux et je propose que les radicaux prennent l'initiative de proposer à tous les partis qui sont déjà leurs correspondants au sein des vingt cinq Etats concernés une démarche politique commune permettant d'y aboutir.
Il n'est plus temps de tergiverser. L'Europe politique est une urgence.
Les inquiétudes actuelles sur le passage à l'euro sont-elles d'ailleurs autre chose que le reflet du désarroi des citoyens face à un processus dont la maîtrise leur échappe ?
S'il ne s'agissait que d'une difficulté technique, d'une modification des comportements des particuliers ou des entreprises, nous en viendrions facilement à bout comme nous l'avons fait, en son temps, avec le nouveau franc.
Mais l'inquiétude qui se fait jour traduit une interrogation plus lourde. Historiquement, la création d'une nouvelle monnaie est toujours venue comme la ponctuation d'une évolution institutionnelle, la ratification par l'économie d'une volonté politique. Ici, c'est l'inverse. Au lieu de commencer par la construction de l'Europe politique, nous sommes arrivés à un point où la naissance de la monnaie européenne est, plus encore qu'une anticipation, une définition de l'idée européenne qu'elle prétend résumer et enfermer. Voilà bien où est le problème. Et les Français, comme nombre d'autres Européens, sont déconcertés par ce nouveau système où ce sont les banquiers, les changeurs et les spéculateurs qui assignent un horizon à des politiques résignés.
Le passage technique à l'euro sera réussi, n'en doutons pas, et notre gouvernement se donne les moyens de cette réussite en ce qui le concerne. Mais il restera un déficit, non pas budgétaire celui-là, un véritable déficit politique et c'est au futur gouvernement qu'il appartiendra de contribuer à le combler. Rapidement.
Avec ce dossier du passage à l'euro, j'en arrive aux principaux chantiers qui sont devant nous en cette rentrée et qui nous imposent d'évoquer le bilan de l'action gouvernementale depuis quatre ans.
Ce bilan est-il nécessaire, me direz-vous, puisque les Français, si fréquemment sondés, n'hésitent pas à renvoyer à ce propos des images extrêmement positives ? Il est nécessaire, car de façon paradoxale, nous entendons depuis des mois et à la faveur de la montée des enjeux électoraux, les pires critiques du bilan de la gauche plurielle émises par.... les partis de la gauche plurielle, au-moins certains d'entre eux. Comme si l'on pouvait tirer les marrons du feu gouvernemental activé par d'autres, profiter de protections électorales érigées par la majorité et se conduire, pour le reste, comme un parti d'opposition.
Je vous le dis tout net : cela n'est pas sérieux. Et je veux affirmer tout simplement devant vous en vous demandant de vous associer massivement à ce constat d'évidence : oui, le bilan du gouvernement de Lionel Jospin est un excellent bilan.
On me permettra aussi de dire ma fierté toute particulière du fait que les radicaux membres du gouvernement aient apporté à ce bilan leurs qualités personnelles et leur sens des responsabilités tandis qu'au niveau parlementaire, nos élus contribuaient, en plusieurs occasions décisives comme l'a noté le Premier ministre lui-même, à stabiliser une majorité tentée par des velléités centrifuges. Oui, les radicaux ont fait du bon travail au Gouvernement et au Parlement.
Alors, s'agit-il de l'emploi, première et légitime préoccupation des Français ? Depuis 1997, ce gouvernement a obtenu des résultats sans précédent depuis l'apparition en 1974-1975 du phénomène du chômage de masse, avec, pour la première fois, une inversion significative et durable de la tendance lourde à l'accroissement continu de ce fléau social. Nous avons certes bénéficié d'une conjoncture économique plutôt favorable. Mais il n'y a pas eu que la chance. Il y a fallu du volontarisme aussi, avec les 35 heures, qui sont autant une perspective de société qu'une mesure économique et sociale, avec les emplois-jeunes, (qui sont lorsqu'on regarde bien une sorte d'application des idées que Bernard Tapie et Jean-François Hory défendaient en 1994 à propos du chômage des jeunes) avec les efforts dans le domaine de la formation professionnelle et de la formation continue. Ce gouvernement a agi et bien agi contre la pseudo-fatalité du chômage.
Reste qu'on nous annonce une croissance économique moins favorable et que notre pays commence à éprouver avec les licenciements massifs réalisés par des entreprises qui réalisent des profits-records les effets d'une spéculation particulière qui prend les hommes eux-même comme objet.
On peut certes réagir "à la soviétique " comme l'a fait récemment M. Gayssot en convoquant toutes les entreprises nationales pour leur faire compenser les emplois supprimés chez AOM. Il a presque reçu les compliments du MEDEF pour cette façon de faire. On sait malheureusement où en sont tous les pays qui ont cru pouvoir supprimer le chômage par décret.
On peut aussi, et c'est pour ma part ce que je proposerai, créer une solidarité entre les entreprises en instituant une surcotisation sociale -qui ne devra pas être trop pénalisante si l'on veut éviter les délocalisations- pour les firmes qui licencient sans nécessité économique.
En revanche et pour le dossier très délicat du passage aux 35 heures dans les PME, je crois qu'il faut aller plus loin encore que les mesures d'assouplissement annoncées avec bon sens par le Premier ministre. Je propose, pour ma part, que les entreprises de moins de 20 salariés bénéficient de l'exonération de charges sociales pour un quota de 180 heures, ce qui garantira le maintien de leur compétitivité et la souplesse du système.
Il restera que la raréfaction du travail est un mouvement qui va se poursuivre et prendre de l'ampleur grâce au progrès technique. Nous devons progressivement apprendre à vivre sans le travail et sans l'idéologie du travail. Je remercie donc tous ceux qui ont, autour de Gérard Delfau et Thierry Jeantet commencé à débroussailler les pistes du futur revenu civique que d'autres appellent allocation universelle ou des activités indépendantes d'utilité publique.
S'agit-il de juger l'action gouvernementale à l'aune des prélèvements obligatoires ? Traditionnellement, le pays vivait dans un schéma simple : la générosité de la gauche faisait monter les impôts tandis que le laisser-faire, le laisser-aller, de la droite aurait dû les faire baisser. Outre qu'on n'a jamais vraiment vu les impôts baisser sous la droite ( et le gouvernement Juppé détient une sorte de record de la hausse-éclair), c'est le contraire que les Français ont pu observer : le gouvernement de la gauche plurielle a engagé une baisse importante et confirmée de la pression fiscale tout en veillant rigoureusement aux équilibres budgétaires, tout en comblant, en somme, les trous abandonnés par MM. Balladur et Juppé.
Je le dis très clairement : il faut poursuivre le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires. Ce n'est pas une mode à laquelle la gauche se serait ralliée comme je l'entends dire et je le vois écrire. C'est une nécessité pour nos concitoyens et c'est aussi une vision de la société car pour les radicaux, notre vision de la solidarité ne va pas sans une exigence de responsabilité des individus.
Lorsqu'on ne veut pas vivre en Suède, il faut dire qu'il y a des limites à la redistribution. Nous devons aider plus et mieux ceux que la vie sociale place en difficulté mais nous devons aussi reconstruire entièrement le système fiscal, en responsabilisant les individus par un élargissement de l'assiette de l'impôt direct, en rendant l'impôt plus juste par une diminution de la part de la fiscalité indirecte, en introduisant peut-être une progressivité dans les prélèvements sociaux, en corrigeant l'ensemble du mécanisme par un indice de prise en compte effective des situations patrimoniales et en taxant plus fortement les revenus des rentes ou des spéculations. Voilà un grand chantier devant nous mais le chemin sur lequel nous sommes engagés est le bon.
S'agit-il de solidarité sociale ? Là encore le gouvernement est allé loin avec la couverture maladie universelle, avec l'allocation pour les personnes âgées, avec la loi de modernisation sociale que les radicaux ont améliorée par leurs amendements, ou avec l'esquisse d'un dispositif novateur sur un sujet qui nous tient à coeur, celui de l'épargne salariale. Dans tous ces domaines, on a pu voir qu'un gouvernement de gauche peut parfaitement être rigoureux dans la gestion sans oublier les espérances sociales dont il est le dépositaire.
S'agit-il encore du combat jamais achevé pour les libertés ? Le gouvernement a pris une part décisive dans l'élaboration de la charte européenne des droits fondamentaux adoptée à Nice. Il a renforcé les droits de la défense et amorcé le reflux du tout-carcéral quant à la répression, avec la loi sur la présomption d'innocence ; pour la première fois, le nombre de détenus est passé et se maintient sous la base des 50 000.
Nous avons également engagé, avec l'apport des radicaux, la réforme indispensable des tribunaux de commerce. Nous avons accru les moyens de l'institution judiciaire et réaffirmé -en l'appliquant vraiment- la règle d'indépendance des parquets et donc d'impartialité de l'Etat. Avec les textes sur le PACS, sur l'autorité parentale, sur l'amélioration des règles relatives à l'IVG, nous avons donné un contenu concret plus dense aux libertés familiales et personnelles.
C'est un beau bilan, soyons en fiers. Mais pour les radicaux, la meilleure garantie des libertés, c'est un équilibre véritable entre les pouvoirs constitutionnels. C'est pourquoi je suis heureux d'avoir participé, avec tous nos parlementaires, à la mise en forme législative de nos propositions pour une
VIè République.
Gardons ce chantier ouvert car il faudra bien répondre par des solutions claires aux attentes de nos concitoyens pour une démocratie plus ouverte, plus transparente, plus proche d'eux, plus républicaine en un mot.
S'agit-il enfin de sécurité, cette autre grande préoccupation actuelle des Français ?
D'abord, il me paraît parfaitement indécent d'attiser, comme l'a fait Jacques Chirac le 14 juillet, les inquiétudes réelles et raisonnées en les présentant comme une immense peur collective, une terreur qui frapperait la France entière et de façon irrationnelle. Il me paraît totalement incohérent de vouloir renforcer des polices municipales que certains transformeraient volontiers en milices et de refuser d'accompagner les efforts du gouvernement en matière de police de proximité. Il me paraît cynique de constater l'indéniable montée de certaines formes de violence urbaine sans la rapprocher des insupportables violences faites à des pans entiers de la société en matière d'emploi, de logement, de transport, d'urbanisme, ou même de discrimination raciale. Il me paraît enfin injuste de reprocher à la gauche un mouvement de hausse de la délinquance qui n'est peut-être que conjoncturel mais qui est plus sûrement le symptôme de crises plus profondes, celles de l'institution familiale ou de l'institution scolaire, crises structurelles auxquelles nous devrons bien réfléchir. (Le procès fait par la droite sur ce terrain me rappelle ce mot d'un humoriste qui notait : " Depuis que la gauche est au pouvoir, on ne peut plus sortir le soir sans qu'il fasse nuit ").
Là encore, nous sommes, avec l'action gouvernementale, sur la bonne voie, n'en changeons pas. Multiplication des effectifs affectés à la police de proximité, contractualisation des rapports avec les municipalités, création de nouvelles activités sociales de médiation et d'interposition. Réprimer plus fort serait une sorte de consentement à la logique de la violence. (On dit dans notre Sud-ouest de celui qui frappe violemment : " il a tapé comme un âne "). C'est d'intelligence que nous avons besoin. Et surtout une bonne partie des causes objectives de l'insécurité serait supprimée si une République plus fraternelle, plus chaleureuse, plus solidaire, venait à restituer leur fierté à ceux qui ont fini par douter d'elle.
C'est, malheureusement, au titre de la sécurité qu'il nous faut parler aussi de la Corse qui demeure au cur de la réflexion et de l'action gouvernementales.
On connaît ma position : je suis favorable au processus de Matignon. On peut avoir sur la méthode du Premier ministre, des réserves, des réticences, des nuances, et sur ses résultats des incertitudes. Cela est normal. Mais on ne peut pas la condamner sans rien proposer d'autres comme certains intégristes républicains qui voient l'Etat comme un carcan législatif archaïque dans lequel aucune identité régionale, aucune différence culturelle, ne pourrait s'exprimer ou la rejeter comme ceux qui, dans un passé récent, pratiquaient simultanément les rodomontades de comptoir (on allait " terroriser les terroristes ") et les négociations clandestines et infâmantes avec les pires ennemis de la liberté.
Le gouvernement s'est attaché à faire revenir la paix civile en Corse avec de premiers résultats tangibles et l'avantage indéniable de discussions au grand jour et avec des élus. Qui dit mieux ? Et qui a fait mieux ? Cet effort doit-il être compromis par un Georges Sarre qui accuse presque Lionel Jospin d'avoir personnellement assassiné François Santoni ou par un Jean-Louis Debré qui avait lui-même organisé la démission et l'humiliation de l'Etat ?
Et au-delà du cas de la Corse, les discussions en cours auront peut-être l'avantage de faire comprendre aux fervents du jacobisme le plus étroit, aux amoureux d'une République qui ne manquerait pas de mourir étouffée dans leurs embrassades, aux imprécateurs qui traquent la différence, la liberté, la culture, l'identité pour les contraindre dans le moule de l'uniformité, que le temps est venu d'une nouvelle avancée dans la décentralisation, pour laisser mieux vivre et respirer nos pays et nos régions. Non la République ne sera pas morte quand on aura constaté qu'il y a une manière corse d'être français. Et une occitane, et une bretonne, une alsacienne, une catalane, toutes manières qui font la France quand ceux qui veulent nier l'évidence de ces différences ne pourraient que la défaire.
Allons oui, encore une fois nous pouvons tous être fiers du bilan de ce gouvernement et ceux qui s'en réclameront lors des prochaines élections rencontreront, n'en doutons pas, la confiance des Français pour aller plus loin encore dans l'action au service du pays.
Nous y voilà !
Je sais quelle est votre attente. Nous sommes ici en université d'été, principalement occupés à des travaux programmatiques, mais j'ai bien compris que déjà votre attention, vos réflexions et, pour beaucoup, vos espoirs, se portent vers les échéances électorales et en tout premier lieu vers cette élection présidentielle qui domine, quoi qu'on dise et quoi qu'on en pense tout le paysage politique depuis 1962.
Une nouvelle fois l'obstacle mythique, l'épreuve tant désirée, l'élection qui englobe, résume et détermine toutes les autres, le défi que tous veulent affronter, se dresse devant nous.
Je sais aussi quelle est votre orientation très majoritaire. J'ai beaucoup parlé avec vous, dans vos fédérations, ou lors de conversations plus personnelles. Je me suis entretenu avec les jeunes radicaux, avec les militants et les élus. Et nous avons encore échangé sur ce thème tout au long de ces deux belles journées.
Je veux vous dire du fond du coeur que moi aussi je pense comme vous : Oui, les radicaux sont légitimes à s'engager dans l'élection présidentielle ! Non, personne ne détient le droit ni le pouvoir de les en empêcher ! Oui, nos idées méritent d'être soumises au Français dans la plus grande des élections ! Non, il n'y a pas sur ce point de désaccord entre les élus et les militants ! Oui, nous avons, dans tous les cas, le devoir de nous y préparer ! Non, rien des avantages et des difficultés ne doit être dissimulé entre nous ! Oui, pour ma part, j'exécuterai la décision que vous aurez prise.
Pour moi, je n'ai pas de ces timidités, de ces frayeurs qu'on éprouve devant une tâche trop rude ou devant des alliés trop puissants. Et depuis l'époque (lointaine) où j'étais moi aussi membre des jeunesses radicales, chaque fois qu'il a été question de notre indépendance, de la défense de nos idées, chaque fois qu'il a fallu porter l'étendard de notre Parti, je n'ai jamais été le dernier à l'empoigner et à le brandir. Je crois qu'on doit être fier d'être radical et qu'on doit le dire haut et fort.
Dans cette circonstance ni dans aucune autre on ne nous fera taire au nom de je ne sais quelle prudence ou au nom d'une vassalité qu'on voudrait nous imposer !
Dans les semaines qui viennent vous aurez à évaluer l'intérêt du parti et je veux que cette discussion soit libre, large et ambitieuse. Pour aujourd'hui, parlons-en un peu pour clarifier les enjeux.
Je viens de parler de l'intérêt du Parti, c'est vrai, mais je veux vous inviter à considérer cette évidence : un radical républicain doit toujours préférer l'intérêt global de la gauche et du progrès à l'intérêt de son parti ; et il doit aussi préférer l'intérêt général du pays à l'intérêt de la gauche.
Sur ces bases, regardons ensemble quelles sont les conditions des prochaines échéances électorales. Regardons plus précisément en quoi elles sont exceptionnelles et nous dictent une réflexion inédite.
Première observation, les élections présidentielles et législatives seront pour la première fois couplées en un calendrier normal. Nous avons consenti -et même permis d'y parvenir- à un ordre, la présidentielle avant les législatives, qui était à la fois dans la logique des institutions et dans l'intérêt de la gauche. Nous aurons donc à affronter ces deux grands rendez-vous dans la même foulée politique et il n'y aura pas cette fois de ces dissolutions qui permettent comme en 1981 de fabriquer une majorité de troisième tour des présidentielles, ou comme en 1988 d'atténuer la majorité de la volonté même du président élu, ou comme en 1997 de détruire, par erreur tactique, la majorité du président. Plus que jamais, les élections législatives seront la conséquence logique et normale de la présidentielle.
Deuxième observation pour une deuxième condition nouvelle : les mandats seront d'une durée identique. Du côté du vaincu, quel qu'il soit, il n'y aura pas de deuxième chance par l'espérance d'une alternance à mi-parcours, comme nous en avions en 1978 ou comme la droite en avait en 1986 ou en 1993. Si nous gagnons, nous n'aurons pas à subir la cohabitation et nous aurons toutes les rênes. Si nous perdons, nous aurons tout perdu pour cinq ans. Nous serons durablement dans l'opposition et celui ou ceux qui auront porté la responsabilité de la défaite subiront longtemps la réprobation de l'opinion. De l'opinion de gauche au-moins puisqu'il faut traduire la coïncidence du calendrier en réalité politique. Qu'on se satisfasse ou non du principal candidat de la gauche, ce sera lui ou les pleins pouvoirs à M. Chirac pendant cinq ans.
Troisième observation pour un fait politique essentiel et qui n'est presque pas relevé ni commenté : pour la première fois, depuis que cette élection présidentielle existe, la gauche aura à engager la bataille sur le bilan de son action gouvernementale. Depuis l'origine la gauche a toujours été dans l'opposition à la veille de la présidentielle. Une opposition qui paraissait alors être le nouvel ordre des choses politiques en 1965, 1969, 1974 et 1981. Une opposition de cohabitation en 1988 et en 1995. Aujourd'hui la gauche candidate est au pouvoir depuis quatre ans et j'attire votre attention sur cette question toute simple : comment la gauche désunie rendrait-elle compte du bilan de la gauche unie ?
Quatrième et dernière observation que je veux également livrer à votre réflexion : pour la première fois depuis le Général de Gaulle, la droite, elle, n'a qu'un grand candidat. Finis les grands duels périlleux et quelquefois mortels pour la droite, les Pompidou-Poher, les Giscard-Chaban, les Giscard-Chirac, les Chirac-Barre ou les Chirac-Balladur. Certes, MM. Bayrou et Madelin tentent bien aux lisières du chiraquisme de faire entendre leur voix -et chacun de vous peut constater qu'ils le font avec le projet délibéré de porter tort au candidat de leur camp- mais le président sortant domine ses petits challengers. Nous n'avons, et c'est un fait nouveau, qu'un véritable adversaire à droite.
J'ai présenté ces éléments d'analyse -dont aucun n'est à lui seul déterminant- pour dire dans quel cadre précis et contraignant doit s'inscrire notre réflexion. La candidature à la présidentielle est affaire de volonté, c'est vrai, mais la volonté la mieux trempée ne peut effacer la réalité ni escamoter les conditions politiques objectives de cette élection.
Cela dit, j'en viens donc à l'hypothèse, à l'espérance, d'une candidature radicale.
Le rôle d'un président de parti, chez les radicaux au-moins, n'est ni d'imposer son choix comme un dictateur ni de s'abandonner sans réflexion à la clameur. Je vous le répète : j'exécuterai la décision que vous aurez prise le moment venu.
Mais il est de mon devoir de vous dire auparavant, et même trop franchement, quelles me paraissent être les condtions de cette entreprise gigantesque si vous y lancez le radicalisme.
Je traiterai presque incidemment la condition économique qui est pourtant le préalable indispensable même si ce sujet paraît trivial à certains. Une campagne présidentielle demande des moyens très importants. Nous les avons. Au prix d'une gestion parcimonieuse et grâce aux contributions de nos élus, que je remercie, nous avons acquis les moyens matériels de faire face à ce défi.
L'obstacle financier ne nous arrêtera pas.
J'en viens donc aux conditions les plus importantes, aux conditions politiques d'une candidature radicale. Il y en a cinq et je veux que vous les preniez à votre compte comme autant de prémisses incontournables.
Première condition en forme de lapalissade : pour aller aux présidentielles, il faut un candidat.... ou une candidate. Beaucoup d'entre vous m'ont déjà fait l'honneur et l'amitié -non sollicitée, je m'empresse de le préciser- de me pressentir pour cette mission. Il y a là, j'en conviens, une logique et, si telle était votre décision, je ne me déroberais pas. Mais ce qui est logique pour vous ne l'est pas forcément pour les autres et, en tout cas, la logique n'est pas une obligation. Je vous demande donc de bien réfléchir à tous les aspects de cette question, à l'importance, excessive certes mais très réelle, de l'audiovisuel dans la politique moderne, à l'image des uns et des autres, et, à la fin, de choisir le meilleur ou la meilleure pour porter, à cette occasion, le grand message des radicaux. Ne vous arrêtez à aucune évidence, à aucune ..., à aucun postulat : quand on est en guerre, il faut le meilleur général ; si vous partez en campagne, choisissez le meilleur radical.
La deuxième condition politique est peut-être la plus facile pour nous : pour aller aux élections, il faut aussi un programme. Elle est facile à honorer car je suis tenté de dire qu'en matière de programme, les radicaux sont même généralement un peu trop bien dotés. Trop bien car votre esprit républicain ne s'accommode d'aucune zone d'ombre, d'aucun recoin mal défriché, d'aucun secteur que le radicalisme aurait ignoré. Vous venez, par exemple, d'approuver un magnifique Manifeste qui pourra alimenter très longtemps nos propositions dans tous les domaines. Les radicaux ont, en quelque sorte, réponse à tout.
Je crois cependant que la campagne présidentielle nécessite, au-moins pour les candidats qui ne sont pas favoris, un matériel un peu différent. Tandis que nous devons, et c'est le travail du Parti, apporter des réponses à toutes les interrogations sectorielles, le candidat, lui, ne peut espérer faire entendre en les martelant qu'une dizaine de propositions précises, novatrices et ciblées. J'en ai esquissé quelques unes au long de cette intervention : Forum pour un nouveau monde, Etats généraux pour une constitution européenne, réforme fiscale par le transfert de l'impôt indirect sur l'imposition directe, revenu du citoyen, VIè République, nouvelle étape dans la décentralisation, etc.
C'est maintenant à vous, aux équipes du Parti, de travailler, dans l'esprit du Manifeste bien sûr, pour que notre candidat dispose, dans quelques semaines au plus, de dix propositions chiffrées, innovantes et traduisant exactement ce qu'est notre Parti et le coeur de son électorat potentiel : la gauche de l'individu libre, responsable et solidaire.
La troisième condition politique est aussi une exigence juridique : il nous faut réunir les signatures de parrainage de cinq cents élus habilités. Depuis la réforme de 1962, on n'a pas cessé de durcir cette condition particulière en augmentant le nombre des parrains et le nombre des départements de la collecte. Je veux le dire fortement : nous avons le potentiel d'élus qui permet d'atteindre l'objectif. Encore faut-il que les élus concernés se mobilisent, le fassent rapidement, et nous donnent par leurs efforts personnels la marge de sécurité qui nous mettrait à l'abri des revirements des uns ou des états d'âme des autres et nous éviterait de façon certaine l'épreuve la plus humiliante, être contraint de renoncer par l'aveu de sa propre faiblesse.
Je demande donc très solennellement à nos parlementaires, à nos conseillers généraux et régionaux et à tous nos maires, d'une part, de faire remonter dans les meilleurs délais leur propre engagement de soutien et, d'autre part, d'entamer immédiatement un travail de terrain qui permettra à chaque élu radical d'apporter, en outre, la signature d'un élu sympathisant. Dès que nous serons sortis de cette salle, vous devrez tous avoir déjà l'esprit à cette mission que le Parti vous confie.
La quatrième des cinq conditions politiques est celle qui me tient peut-être le plus à coeur par atavisme radical sans doute et parce que vous m'avez fait garant du Parti : une candidature ne peut se développer et prospérer que dans l'unité totale, sans faille, sans la moindre hésitation de tous les radicaux. Lorsque nous avons suivi Michel Crépeau en 1981, j'ai eu à constater que j'étais seul parmi les parlementaires à le soutenir tandis que tous mes collègues soutenaient, au nom de ce qu'ils pensaient être leur intérêt, le candidat socialiste. Plus récemment, la tentative de Jean-François Hory a été paralysée certes par l'hostilité des médias, par la guerre avec les socialistes, mais aussi par la désaffection de nombre de radicaux. N'épiloguons pas mais ne recommençons pas cela. Le radicalisme n'est pas assez puissant pour que le candidat radical ne soit pas celui de tous les radicaux. Je veux vous rappeler fermement les règles de ce jeu terriblement difficile. Il y a un temps pour la délibération et la réflexion ; c'est le temps de la liberté, nous y sommes. Il y a un temps pour la décision et la désignation ; c'est le temps de la clarté, nous y serons demain. Il y a enfin un temps pour l'exécution et pour l'action ; c'est le temps de l'unité, et nous y serons tous ensemble ou nous n'y serons pas du tout.
Mais la principale, la plus importante, des cinq conditions politiques est celle qui devra, à la fin, nous déterminer : une candidature radicale n'a de sens que si elle sert l'intérêt de la gauche, si elle sert à faire gagner la gauche, si elle n'est pas dirigée contre les meilleures chances de la gauche.
Je suis désolé d'être obligé par l'actualité de rappeler cette évidence mais il me semble qu'elle a échappé à certains de nos partenaires.
Je ne compte même pas les provocations de l'extrême-gauche qui paraît avoir déjà opté pour la politique du pire, pour cette fameuse stratégie de la terre brûlée qui donne toujours les mêmes résultats. Les groupes d'extrême gauche ont déjà décidé que leur véritable ennemi était à gauche et sont donc objectivement alliés de la droite. Laissons-les à leurs habitudes sectaires et veillons à convaincre leurs électeurs en les débarassant du piège d'une réthorique mortifère.
Je ne sais pas si je dois encore compter M. Chevènement et ses amis -il a d'ailleurs des amis de tous côtés désormais- puisqu'il indique déjà qu'il ne se sentirait pas concerné par un deuxième tour opposant M. Chirac à M. Jospin. Quel est donc ce républicain sourcilleux qui met sur le même plan la droite la plus réactionnaire, la moins scrupuleuse, et la gauche de progrès dont il se réclamait voilà peu ? Je pense qu'il est encore temps pour Jean-Pierre Chevènement de se ressaisir, d'échapper aux séductions et aux illusions qu'entretiennent des médias bien complaisants et de dire clairement qu'au-delà de divergences respectables sa place est parmi nous. A gauche tout simplement.
A nos amis communistes, j'ai envie de dire presque la même chose tant nous les voyons eux aussi tentés par un jeu suicidaire qui consiste à désavouer dans la dernière ligne droite une action commune à laquelle ils ont contribué et dont ils ont profité près de cinq ans. Si Robert Hue juge la politique du gouvernement " terriblement pâlichonne ", je trouve, moi, sa stratégie de décision pas tellement " folichonne " et je lui prédis que la surenchère sociale démagogique avec ses propres alliés peut peut-être faire perdre la gauche mais ne permettra certainement pas au parti communiste de se redresser.
Il arrive même qu'on soit la seule victime des batailles trop confuses qu'on a cru devoir déclencher.
Et que dire à nos alliés verts ? Ils devaient faire souffler un vent de fraîcheur et de vérité sur la politique dont ils prétendaient rénover les méthodes par la transparence et par la curieuse innocence dont ils se paraient sans trop d'humilité. Pour la modestie, ils n'ont pas changé et, pour le reste, ils offrent depuis des mois au pays le spectacle de leurs manoeuvres d'appareil infiniment complexes, de leurs alliances de couloir aussi vite dénoncées qu'elles avaient été nouées, de leurs querelles de personnes et de factions devenues incompréhensibles. Et quand ils ont fini de se battre entre eux, de taper allègrement sur le candidat qu'ils viennent de désigner, ils ne se remettent d'accord que pour critiquer le gouvernement auquel ils participent et le parti socialiste duquel ils exigent, par ailleurs, la promesse de leur existence future.
Je sais quels terribles mécanismes sont ici à l'oeuvre. Comme à la guerre, chacun espère sauvegarder ou agrandir son territoire sur celui du voisin le plus proche (C'est une logique. Il est de fait que la France a fait plus souvent la guerre à l'Allemagne qu'au Guatémala). Mais l'alliance à gauche n'est pas la guerre et surtout l'élection présidentielle majoritaire à deux tours n'est pas un scrutin proportionnel et dépourvu d'enjeu véritable. Que le premier tour provoque une émulation, c'est naturel, mais de vrais responsables politiques doivent avoir à l'esprit l'objectif final et donc afficher leur véritable souci : battre la droite.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit (ou alors, arrêtez-moi si je me trompe). Pour moi, c'est, dans l'intérêt du pays, la priorité absolue et je veux, dans tous les cas, peser sur cette élection présidentielle, pour y parvenir.
Certains -et même, je le sais, parmi les radicaux- critiquent l'action gouvernementale. Ils en ont le droit, et parfois le devoir, mais à l'heure des choix, ils devront bien se rappeler la morgue et le mépris affichés par le gouvernement Balladur. Ca c'est la droite. La raideur technocratique et arrogante de M. Juppé. Ca, c'est la droite.
D'autres critiquent tel ou tel membre du gouvernement. C'est aussi leur droit et certains reproches ne sont pas toujours immérités. Mais enfin, avons-nous déjà oublié que voilà peu de temps, le Ministre de l'Intérieur était M. Jean-Louis Debré ? Ca c'est la droite. Que le Ministre des Affaires étrangères était M. de Charette ? Ca, c'est la droite. Que le Ministre de la Défense était M. Millon ?
Ca, c'est l'extrême-droite.
Avons-nous aussi oublié que sur tous les grands problèmes de notre pays, les gouvernements en question optaient toujours pour les solutions les plus conservatrices, les plus génératrices d'inégalité, les plus orientées vers la répression et la discrimination, les moins généreuses, les moins ambitieuses ? Auriez-vous déjà oublié les manifestations anti-C.I.P, la mobilisation pour l'école publique, les grandes grèves de 1995 ? Ca, c'était notre combat contre la droite.
Et M. Chirac, M. le candidat Chirac, aurait-il lui aussi réussi à nous faire oublier, à force de déguisements, à force de revirements, ce qu'il est vraiment ? L'homme a, il est vrai, plus d'un faux nez dans son sac et comme la cohabitation ne lui laisse que le pouvoir de nuire, il a tout son temps pour enfiler tous ses masques successifs. Il ne s'en prive pas : M. Chirac est tout et le contraire de tout. Nous l'avions connu successivement travailliste puis thatchérien. Nous l'avons vu pourfendeur de la fracture sociale puis rempart du grand capital. Il nous avait amusé comme provocateur avec ses essais nucléaires, il est désormais écologiste et défenseur des bébés-phoques. En politique, il était gaulliste puis assassin du candidat gaulliste aux présidentielles. A Paris, il a été tibériste, et puis séguiniste, et puis plus rien. A Gènes, il fait encore plus fort puisqu'il est à la fois, par sa présence physique, au coeur du bastion des puissants barricadés et, par le coeur, aux côtés des manifestants insurgés. A titre présidentiel, il est le garant de l'indépendance de la justice ; à titre personnel, il est le gardien farouche de son indépendance par rapport à la justice.
On n'en finirait pas d'évoquer les multiples habits, les innombrables facettes, les choix infiniment multipliés de cet Arlequin de la politique. Mais n'allez pas croire, parce que M. Chirac est capable d'endosser tous les costumes de son théâtre politique, qu'il n'y aurait pas de substance sous ses déguisements. Ne croyez pas qu'à force d'être tout, M. Chirac ne serait rien. Il est de droite tout simplement.
Et vous verrez qu'au moment du véritable choix, au deuxième tour de l'élection présidentielle, lorsque viendra l'affrontement programmé, personne ne s'y trompera. Surtout pas la droite. M. Madelin et M. Bayrou ne s'y tromperont pas. M. Bouygues et TF1 n'hésiteront pas. M. Seillères et le Medef ne tergiverseront pas. Ils choisiront leur camp très clairement. Ca, c'est la droite.
Nous allons lui faire barrage au nom des libertés, de la justice et de la solidarité car c'est la mission que la République nous a confiée.
Et aux jeunes radicaux qui nous pressent de nous lancer dans cette belle et grande aventure, je veux dire que la République compte vraiment sur eux. Ce n'est pas une façon de dire, c'est un rendez-vous.
Voilà cent ans que le radicalisme honore les rendez-vous que lui donne la République.
Cent ans de progrès obstinés, cent ans de luttes difficiles, cent ans de vigilance contre les violences faites à la raison, cent ans d'humanisme laïque et républicain.
Voilà cent ans que notre radicalisme est au service de la République.
Eh bien, cette fois encore, nous serons au rendez-vous. Et peut-être qu'à la fin la victoire ne dépendra que de vous.
Alors, en marche. Debout, les radicaux. Soyez fiers de vous .
Faites claquer votre drapeau, il est le plus vieux mais le plus beau.
Allez porter partout vos espérances, elles sont l'avenir de la France.
Allez dire votre message de confiance en l'Homme.
Faites sans réserve usage de votre liberté et donnez-nous à rêver.
Grâce à vous, demain, la politique sera plus belle, notre pays sera plus fraternel et dans l'air flottera cette rumeur de bonheur étonné : les radicaux sont de retour.
Donnez le meilleur de vous. C'est le meilleur des esprits libres, des coeurs généreux, du radicalisme orgueilleux.
La République vous attend. Ne perdez pas un instant.
Elle vous sourit, déjà heureuse, déjà radieuse.
Les voilà bien, les radicaux, ceux qui m'avaient portée si loin.
Et cette fois nous irons plus loin encore. Plus haut et plus fort. En avant !
(source http://www.radical-gauche.org, le 07 septembre 2001)
Il me revient aujourd'hui, pour la sixième fois depuis que vous m'avez confié à nouveau la direction de notre Parti, de clôturer notre université d'été et donc de tenter d'en résumer les travaux fort riches tout en vous invitant, à l'occasion de cette rentrée ô combien décisive, à porter notre réflexion collective vers les rendez-vous capitaux qui nous attendent : élections présidentielle et législative.
Mais l'université d'été, au-moins chez les radicaux, c'est d'abord et surtout le rendez-vous de l'amitié et vous comprendrez que je veuille, en tout premier lieu, vous remercier tous d'être venus si nombreux, d'avoir répondu en masse à l'invitation de nos amis des Pyrénées Orientales et d'avoir ainsi consacré les derniers jours de vos vacances à des travaux qui démontrent, malgré le scepticisme de l'époque, malgré tout ce qu'on nous dit du civisme désabusé, malgré les critiques en rafales contre la politique, qu'il reste encore des militants disponibles pour réfléchir au bien public, pour rêver ensemble à un avenir meilleur et pour refuser de baisser les bras comme on les y invite trop souvent. A vous toutes et à vous tous, radicaux, du fond du coeur merci.
Vous avez conduit depuis deux jours des réflexions denses, passionnées, imaginatives et marquées du sceau du radicalisme, c'est à dire des grands principes républicains. Je veux vous en féliciter et aussi essayer d'en dégager quelques pistes pour l'action avant de revenir aux questions plus précisément politiques dont je sais qu'elles vous préoccupent.
Mes chers amis,
L'ambition radicale ne s'effraie jamais de l'ampleur de la tâche et vous avez empoigné le monde avec une idée que je trouve particulièrement belle : et si le monde entier devenait un peu plus républicain ? Si l'organisation du monde venait à s'inspirer enfin des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité ?
Voilà un premier fait nouveau. Les questions internationales constituaient jusque-là une des figures imposées du discours politique mais pas une des préoccupations des citoyens. C'est le contraire qui est en train de se produire : lassés par le renoncement des politiques, fatigués par l'inventaire incessant des pseudo-contraintes économiques, agacés par le consentement des gouvernements à une forme de mondialisation qu'on nous présente comme une évolution inéluctable et un horizon indépassable, des citoyens se lèvent, avec leurs associations, leurs groupements, leur spontanéité, pour dire : " Nous ne voulons pas de cet ordre là. Nous voulons un développement équitable, équilibré, respectueux de l'homme et de son environnement. Non, disent-ils, il n'y a pas de fatalité dans l'horreur économique ".
Et ce mouvement, totalement nouveau, rencontre un écho tellement fort, une sympathie si puissante chez nos concitoyens que l'on voit tous les politiques soudain dépassés par l'irruption des " anti-mondialisation " se demander publiquement -et, disons-le, avec un certain cynisme- comment canaliser cette énergie nouvelle et surtout comment la récupérer à des fins électorales.
L'inquiétude des uns et des autres -nouveaux militants et partis traditionnels- est particulièrement sensible dans deux interrogations qui ont dominé les débats des derniers mois. La contestation du partage impériel du monde opéré par l'égoïsme des nantis s'est focalisée autour de la fameuse taxe Tobin. La question de la sécurité alimentaire mais, au-delà, celle des perspectives vertigineuses ouvertes par la bioscience se trouvent résumées dans le débat sur les O.G.M.
Sur ces deux sujets et sur les débats de philisophie politique qui les sous-tendent, laissez-moi vous dire mon sentiment sans trop de précautions, avec le souci de dire vrai plutôt que le souci de plaire.
Sur les O.G.M., on ne peut fermer le débat avant de l'avoir ouvert. Le principe de précaution n'est pas un postulat de l'inaction. Pour ma part, je suis reconnaissant à tous ceux qui ont mis en cause, dans les dernières décennies, l'assimilation abusive entre le progrès et la croissance quantitative. L'accumulation de produits nouveaux n'est certes pas le gage d'une libération des hommes.
Faut-il pour autant intenter un procès au progrès ? Ou croire, avec un pessimisme fondamental, que l'homme serait devenu incapable de régler les problèmes créés par le mouvement de l'humanité ? Je ne le pense pas. Les radicaux ne le pensent pas, eux dont les racines politiques puisent au gisement des lumières et à celui, considérable, du rationalisme qui a marqué la fin du XIXè siècle.
Le XXè siècle, en s'achevant, a dévoilé un redoutable paradoxe : alors qu'il avait acquis tout à la fois les moyens de détruire totalement l'humanité et le pouvoir de recréer absolument l'humain, l'esprit s'est effrayé de la puissance ainsi acquise. Et le règne de la raison s'est fissuré pour laisser remonter de violentes bouffées irrationnelles.
Il faut en effet s'effrayer du pouvoir incontrôlé de la technoscience et des spéculations purement économiques que suscitent toutes les avancées techniques. Mais ce n'est pas le progrès qui est en cause. Ce n'est pas la science qui doit être mise en procès mais bien le défaut de conscience.
La contestation systématique des pouvoirs politiques et des formes républicaines de représentation des citoyens n'est certainement pas la réponse aux lourdes interrogations que le progrès scientifique fait naître. Il nous faut au contraire plus de politique. C'est en consentant à la primauté de l'économie et de la technique sur la politique et la culture que nos sociétés se sont rendues coupables d'abandon et ce n'est pas en renonçant au progrès et au développement qu'elles retrouveront une sorte d'innocence perdue.
Pour les O.G.M., qui sont déjà une réalité, il appartient aux politiques de tracer des garde-fous qui garantissent les nouvelles avancées. En France, le gouvernement s'emploie activement -avec, au premier rang, notre ami Roger-Gérard Schwartzenberg- à définir des règles encadrant le progrès technique et je propose, pour ma part, qu'on laisse les politiques travailler sans relâcher la vigilance civique.
Quant à l'autre grand dossier de l'été, celui de la taxation des transactions financières, et plus particulièrement des opérations de change, il pose d'autant moins de problèmes aux radicaux que nous avons proposé depuis de longues années un mécanisme du même type. Nous sommes allés plus loin puisque nous avions proposé une réforme complète de l'organisation internationale des échanges. Une réforme radicale des institutions de Batton-Woods en premier lieu, puisque aucune des conditions militaires (le champ de ruines de la deuxième guerre mondiale et l'aide Marshall), politiques (la cogestion du monde par l'URSS et les Etats-Unis), économiques (le pouvoir d'arbitrage international d'une seule monnaie à la convertibilité garantie), puisque aucune des conditions ayant fait naître ces institutions n'est plus réunie aujourd'hui. Nous avions proposé aussi, lors du remplacement du GATT, que la nouvelle organisation du commerce puisse imposer, dans tous les échanges internationaux, des clauses sociales, des clauses internationales, des clauses relatives aux droits de l'homme et aussi une obligation de mise partielle sur le marché intérieur pour les produits fabriqués dans les pays en développement par les firmes transnationales.
En voilà de l'ambition ! Il est juste de dire qu'avec l'actuelle O.M.C. on est assez loin du compte mais, là encore, la solution est politique. L'économie en elle-même n'est coupable de rien et j'ai la conviction que son développement propre selon les lois dites " du marché " est dépourvu d'alternative. Ce n'est certainement pas François Huwart, responsable de notre commerce extérieur qui me contredira. En revanche, la fixation de nouvelles règles -et la taxe Tobin en est une excellente- à la mesure des nouveaux défis est un impératif politique.
C'est en pesant sur les gouvernements et sur les organisations internationales que nous obtiendrons, par la fixation de véritables lois, la construction d'un nouvel ordre mondial plus juste et plus solidaire, pas en opposant les citoyens à leurs élus.
C'est pourquoi je propose la création, sous l'impulsion de la France, à l'initiative de l'Union Européenne et à l'image de ce qui existe déjà auprès de la Commission des Droits de l'Homme des Nations-Unies, d'un forum permanent de l'internationalisation où seraient regroupés, pour élaborer les nouvelles normes, aussi bien les gouvernements que les partis politiques, les O.N.G. et les associations militantes.
Il s'agirait, en somme, d'un Forum pour un Nouveau Monde. Car je ne suis pas, pour ma part, un adversaire de la mondialisation. On ne peut croire, comme le croient les radicaux, aux valeurs de l'universalisme et à l'unité fondamentale de la condition humaine, et s'élever en même temps contre la mondialisation. Il nous faut lutter contre les formes insupportables qu'elle prend aujourd'hui mais certainement pas la récuser comme objectif.
Je vais plus loin. Le véritable débat moderne -alors que certains pronostiquaient, il y a dix ans, la " fin de l'Histoire "- est celui qui oppose, dans le monde entier, l'universalisme à ce qu'il faut bien appeler l'identitarisme. Dès lors que nous avons laissé les valeurs universelles se dévoyer en un matérialisme sans principes, un économisme sans direction politique, un égoïsme sans foi ni loi, une sous-culture se caricaturant elle-même dans les médias internationaux, devons-nous nous étonner de voir les valeurs de l'identité se fourvoyer à leur tour, dans l'ethnicisme, la religiosité ou l'obscurantisme ? les Tchétchènes contre les Russes, les talibans contre l'Occident, les tribus contre la liberté de choix entre Pepsi et Coca, est-ce cela le nouvel ordre mondial conflictuel que nous voulons subir ?
C'est bien là qu'est la nouvelle frontière de l'action politique : nous devons définir les lois d'une république nouvelle, les contours d'une utopie pour le siècle, d'une nouvelle société des nations et des citoyens où la mondialisation parfaitement souhaitable de la science, des techniques et de l'économie se construirait dans le respect de la nature, des cultures et surtout avec l'objectif de servir les hommes non de les asservir. Voilà pourquoi je préfère à toutes les définitions du " développement soutenable " ou du " développement durable " celle d'un développement humaniste.
Je vous invite tous, parce que les radicaux ont là une responsabilité particulière, à ne pas désespérer de l'avenir.
Avec les questions européennes auxquelles vous avez également beaucoup travaillé sous la direction de Catherine Lalumière et de Bernard Castagnède, sommes-nous vraiment éloignés des mêmes réflexions générales et de la même philosophie ?
Vous avez clairement réaffirmé l'inclination européenne et l'option fédéraliste des radicaux. Vous l'avez fait par des propositions audacieuses mais réfléchies dont je ne reprendrai pas le détail puisque je suis globalement d'accord avec vous. Les radicaux sont des militants européens, c'est entendu.
Mais devons-nous, parce que nous sommes européens et pour ne pas donner d'arguments aux nationalistes archaïques, consentir à ce qui nous est proposé en guise de construction européenne et qui s'éloigne chaque jour un peu plus de l'idéal politique fondateur ? Devons-nous, face aux interrogations les plus légitimes de nos concitoyens continuer à définir l'Europe comme une tautologie indiscutable : l'Europe parce que l'Europe ?
Nous voulons les Etats-Unis d'Europe et nous avons une zone de libre-échange. Nous voulons un gouvernement européen qui conduise sous le contrôle du parlement des politiques économiques, budgétaires ou sociales européennes et nous avons des institutions inter-gouvernementales, une banque indépendante et un pacte de stabilité monétaire. Nous voulons une Europe des grands services publics européens et nous avons une Europe de la déréglementation, de la dérégulation, de la concurrence libérale érigée en veau d'or. Nous voulons une Europe des citoyens et de leurs collectivités de base et nous avons une Europe du plus petit dénominateur commun inter-étatique. Nous voulons une Europe des libertés et nous avons une Europe de la réglementation administrative ou du laisser-faire économique.
Là encore, mes amis, le problème est bien celui de l'insuffisance politique. Il n'y a pas trop de politique européenne ; c'est l'absence cruelle de direction politique qui est ressentie par les citoyens. Dès lors, ils ne sont plus sensibles qu'à la caricature technicienne, administrative, opaque, proliférante, des institutions européennes qui devraient être, à l'inverse, les dépositaires de leur volonté politique.
Je vous le dis bien franchement -et nous ne sommes pas éloignés du débat que j'évoquais tout à l'heure entre l'universalité et l'identité- si nous laissons notre Europe devenir après le Marché Commun, après le marché unique, le paradis du marché sans contraintes, nous devons nous attendre à une très farouche réaction des citoyens qui seront tentés de jeter l'idée européenne avec ses mauvais avatars actuels.
La priorité est à une construction politique accélérée et notamment à l'élaboration d'un projet constitutionnel fédéral associant les citoyens des états-membres et ceux des états candidats à l'adhésion. L'Histoire nous délivre ses leçons : pour entrer dans un ordre nouveau, les républicains doivent redonner la parole au peuple. Au-delà des conférences et des sommets dont le Traité de Nice a montré les limites, il nous faut des Etats Généraux et je propose que les radicaux prennent l'initiative de proposer à tous les partis qui sont déjà leurs correspondants au sein des vingt cinq Etats concernés une démarche politique commune permettant d'y aboutir.
Il n'est plus temps de tergiverser. L'Europe politique est une urgence.
Les inquiétudes actuelles sur le passage à l'euro sont-elles d'ailleurs autre chose que le reflet du désarroi des citoyens face à un processus dont la maîtrise leur échappe ?
S'il ne s'agissait que d'une difficulté technique, d'une modification des comportements des particuliers ou des entreprises, nous en viendrions facilement à bout comme nous l'avons fait, en son temps, avec le nouveau franc.
Mais l'inquiétude qui se fait jour traduit une interrogation plus lourde. Historiquement, la création d'une nouvelle monnaie est toujours venue comme la ponctuation d'une évolution institutionnelle, la ratification par l'économie d'une volonté politique. Ici, c'est l'inverse. Au lieu de commencer par la construction de l'Europe politique, nous sommes arrivés à un point où la naissance de la monnaie européenne est, plus encore qu'une anticipation, une définition de l'idée européenne qu'elle prétend résumer et enfermer. Voilà bien où est le problème. Et les Français, comme nombre d'autres Européens, sont déconcertés par ce nouveau système où ce sont les banquiers, les changeurs et les spéculateurs qui assignent un horizon à des politiques résignés.
Le passage technique à l'euro sera réussi, n'en doutons pas, et notre gouvernement se donne les moyens de cette réussite en ce qui le concerne. Mais il restera un déficit, non pas budgétaire celui-là, un véritable déficit politique et c'est au futur gouvernement qu'il appartiendra de contribuer à le combler. Rapidement.
Avec ce dossier du passage à l'euro, j'en arrive aux principaux chantiers qui sont devant nous en cette rentrée et qui nous imposent d'évoquer le bilan de l'action gouvernementale depuis quatre ans.
Ce bilan est-il nécessaire, me direz-vous, puisque les Français, si fréquemment sondés, n'hésitent pas à renvoyer à ce propos des images extrêmement positives ? Il est nécessaire, car de façon paradoxale, nous entendons depuis des mois et à la faveur de la montée des enjeux électoraux, les pires critiques du bilan de la gauche plurielle émises par.... les partis de la gauche plurielle, au-moins certains d'entre eux. Comme si l'on pouvait tirer les marrons du feu gouvernemental activé par d'autres, profiter de protections électorales érigées par la majorité et se conduire, pour le reste, comme un parti d'opposition.
Je vous le dis tout net : cela n'est pas sérieux. Et je veux affirmer tout simplement devant vous en vous demandant de vous associer massivement à ce constat d'évidence : oui, le bilan du gouvernement de Lionel Jospin est un excellent bilan.
On me permettra aussi de dire ma fierté toute particulière du fait que les radicaux membres du gouvernement aient apporté à ce bilan leurs qualités personnelles et leur sens des responsabilités tandis qu'au niveau parlementaire, nos élus contribuaient, en plusieurs occasions décisives comme l'a noté le Premier ministre lui-même, à stabiliser une majorité tentée par des velléités centrifuges. Oui, les radicaux ont fait du bon travail au Gouvernement et au Parlement.
Alors, s'agit-il de l'emploi, première et légitime préoccupation des Français ? Depuis 1997, ce gouvernement a obtenu des résultats sans précédent depuis l'apparition en 1974-1975 du phénomène du chômage de masse, avec, pour la première fois, une inversion significative et durable de la tendance lourde à l'accroissement continu de ce fléau social. Nous avons certes bénéficié d'une conjoncture économique plutôt favorable. Mais il n'y a pas eu que la chance. Il y a fallu du volontarisme aussi, avec les 35 heures, qui sont autant une perspective de société qu'une mesure économique et sociale, avec les emplois-jeunes, (qui sont lorsqu'on regarde bien une sorte d'application des idées que Bernard Tapie et Jean-François Hory défendaient en 1994 à propos du chômage des jeunes) avec les efforts dans le domaine de la formation professionnelle et de la formation continue. Ce gouvernement a agi et bien agi contre la pseudo-fatalité du chômage.
Reste qu'on nous annonce une croissance économique moins favorable et que notre pays commence à éprouver avec les licenciements massifs réalisés par des entreprises qui réalisent des profits-records les effets d'une spéculation particulière qui prend les hommes eux-même comme objet.
On peut certes réagir "à la soviétique " comme l'a fait récemment M. Gayssot en convoquant toutes les entreprises nationales pour leur faire compenser les emplois supprimés chez AOM. Il a presque reçu les compliments du MEDEF pour cette façon de faire. On sait malheureusement où en sont tous les pays qui ont cru pouvoir supprimer le chômage par décret.
On peut aussi, et c'est pour ma part ce que je proposerai, créer une solidarité entre les entreprises en instituant une surcotisation sociale -qui ne devra pas être trop pénalisante si l'on veut éviter les délocalisations- pour les firmes qui licencient sans nécessité économique.
En revanche et pour le dossier très délicat du passage aux 35 heures dans les PME, je crois qu'il faut aller plus loin encore que les mesures d'assouplissement annoncées avec bon sens par le Premier ministre. Je propose, pour ma part, que les entreprises de moins de 20 salariés bénéficient de l'exonération de charges sociales pour un quota de 180 heures, ce qui garantira le maintien de leur compétitivité et la souplesse du système.
Il restera que la raréfaction du travail est un mouvement qui va se poursuivre et prendre de l'ampleur grâce au progrès technique. Nous devons progressivement apprendre à vivre sans le travail et sans l'idéologie du travail. Je remercie donc tous ceux qui ont, autour de Gérard Delfau et Thierry Jeantet commencé à débroussailler les pistes du futur revenu civique que d'autres appellent allocation universelle ou des activités indépendantes d'utilité publique.
S'agit-il de juger l'action gouvernementale à l'aune des prélèvements obligatoires ? Traditionnellement, le pays vivait dans un schéma simple : la générosité de la gauche faisait monter les impôts tandis que le laisser-faire, le laisser-aller, de la droite aurait dû les faire baisser. Outre qu'on n'a jamais vraiment vu les impôts baisser sous la droite ( et le gouvernement Juppé détient une sorte de record de la hausse-éclair), c'est le contraire que les Français ont pu observer : le gouvernement de la gauche plurielle a engagé une baisse importante et confirmée de la pression fiscale tout en veillant rigoureusement aux équilibres budgétaires, tout en comblant, en somme, les trous abandonnés par MM. Balladur et Juppé.
Je le dis très clairement : il faut poursuivre le mouvement de baisse des prélèvements obligatoires. Ce n'est pas une mode à laquelle la gauche se serait ralliée comme je l'entends dire et je le vois écrire. C'est une nécessité pour nos concitoyens et c'est aussi une vision de la société car pour les radicaux, notre vision de la solidarité ne va pas sans une exigence de responsabilité des individus.
Lorsqu'on ne veut pas vivre en Suède, il faut dire qu'il y a des limites à la redistribution. Nous devons aider plus et mieux ceux que la vie sociale place en difficulté mais nous devons aussi reconstruire entièrement le système fiscal, en responsabilisant les individus par un élargissement de l'assiette de l'impôt direct, en rendant l'impôt plus juste par une diminution de la part de la fiscalité indirecte, en introduisant peut-être une progressivité dans les prélèvements sociaux, en corrigeant l'ensemble du mécanisme par un indice de prise en compte effective des situations patrimoniales et en taxant plus fortement les revenus des rentes ou des spéculations. Voilà un grand chantier devant nous mais le chemin sur lequel nous sommes engagés est le bon.
S'agit-il de solidarité sociale ? Là encore le gouvernement est allé loin avec la couverture maladie universelle, avec l'allocation pour les personnes âgées, avec la loi de modernisation sociale que les radicaux ont améliorée par leurs amendements, ou avec l'esquisse d'un dispositif novateur sur un sujet qui nous tient à coeur, celui de l'épargne salariale. Dans tous ces domaines, on a pu voir qu'un gouvernement de gauche peut parfaitement être rigoureux dans la gestion sans oublier les espérances sociales dont il est le dépositaire.
S'agit-il encore du combat jamais achevé pour les libertés ? Le gouvernement a pris une part décisive dans l'élaboration de la charte européenne des droits fondamentaux adoptée à Nice. Il a renforcé les droits de la défense et amorcé le reflux du tout-carcéral quant à la répression, avec la loi sur la présomption d'innocence ; pour la première fois, le nombre de détenus est passé et se maintient sous la base des 50 000.
Nous avons également engagé, avec l'apport des radicaux, la réforme indispensable des tribunaux de commerce. Nous avons accru les moyens de l'institution judiciaire et réaffirmé -en l'appliquant vraiment- la règle d'indépendance des parquets et donc d'impartialité de l'Etat. Avec les textes sur le PACS, sur l'autorité parentale, sur l'amélioration des règles relatives à l'IVG, nous avons donné un contenu concret plus dense aux libertés familiales et personnelles.
C'est un beau bilan, soyons en fiers. Mais pour les radicaux, la meilleure garantie des libertés, c'est un équilibre véritable entre les pouvoirs constitutionnels. C'est pourquoi je suis heureux d'avoir participé, avec tous nos parlementaires, à la mise en forme législative de nos propositions pour une
VIè République.
Gardons ce chantier ouvert car il faudra bien répondre par des solutions claires aux attentes de nos concitoyens pour une démocratie plus ouverte, plus transparente, plus proche d'eux, plus républicaine en un mot.
S'agit-il enfin de sécurité, cette autre grande préoccupation actuelle des Français ?
D'abord, il me paraît parfaitement indécent d'attiser, comme l'a fait Jacques Chirac le 14 juillet, les inquiétudes réelles et raisonnées en les présentant comme une immense peur collective, une terreur qui frapperait la France entière et de façon irrationnelle. Il me paraît totalement incohérent de vouloir renforcer des polices municipales que certains transformeraient volontiers en milices et de refuser d'accompagner les efforts du gouvernement en matière de police de proximité. Il me paraît cynique de constater l'indéniable montée de certaines formes de violence urbaine sans la rapprocher des insupportables violences faites à des pans entiers de la société en matière d'emploi, de logement, de transport, d'urbanisme, ou même de discrimination raciale. Il me paraît enfin injuste de reprocher à la gauche un mouvement de hausse de la délinquance qui n'est peut-être que conjoncturel mais qui est plus sûrement le symptôme de crises plus profondes, celles de l'institution familiale ou de l'institution scolaire, crises structurelles auxquelles nous devrons bien réfléchir. (Le procès fait par la droite sur ce terrain me rappelle ce mot d'un humoriste qui notait : " Depuis que la gauche est au pouvoir, on ne peut plus sortir le soir sans qu'il fasse nuit ").
Là encore, nous sommes, avec l'action gouvernementale, sur la bonne voie, n'en changeons pas. Multiplication des effectifs affectés à la police de proximité, contractualisation des rapports avec les municipalités, création de nouvelles activités sociales de médiation et d'interposition. Réprimer plus fort serait une sorte de consentement à la logique de la violence. (On dit dans notre Sud-ouest de celui qui frappe violemment : " il a tapé comme un âne "). C'est d'intelligence que nous avons besoin. Et surtout une bonne partie des causes objectives de l'insécurité serait supprimée si une République plus fraternelle, plus chaleureuse, plus solidaire, venait à restituer leur fierté à ceux qui ont fini par douter d'elle.
C'est, malheureusement, au titre de la sécurité qu'il nous faut parler aussi de la Corse qui demeure au cur de la réflexion et de l'action gouvernementales.
On connaît ma position : je suis favorable au processus de Matignon. On peut avoir sur la méthode du Premier ministre, des réserves, des réticences, des nuances, et sur ses résultats des incertitudes. Cela est normal. Mais on ne peut pas la condamner sans rien proposer d'autres comme certains intégristes républicains qui voient l'Etat comme un carcan législatif archaïque dans lequel aucune identité régionale, aucune différence culturelle, ne pourrait s'exprimer ou la rejeter comme ceux qui, dans un passé récent, pratiquaient simultanément les rodomontades de comptoir (on allait " terroriser les terroristes ") et les négociations clandestines et infâmantes avec les pires ennemis de la liberté.
Le gouvernement s'est attaché à faire revenir la paix civile en Corse avec de premiers résultats tangibles et l'avantage indéniable de discussions au grand jour et avec des élus. Qui dit mieux ? Et qui a fait mieux ? Cet effort doit-il être compromis par un Georges Sarre qui accuse presque Lionel Jospin d'avoir personnellement assassiné François Santoni ou par un Jean-Louis Debré qui avait lui-même organisé la démission et l'humiliation de l'Etat ?
Et au-delà du cas de la Corse, les discussions en cours auront peut-être l'avantage de faire comprendre aux fervents du jacobisme le plus étroit, aux amoureux d'une République qui ne manquerait pas de mourir étouffée dans leurs embrassades, aux imprécateurs qui traquent la différence, la liberté, la culture, l'identité pour les contraindre dans le moule de l'uniformité, que le temps est venu d'une nouvelle avancée dans la décentralisation, pour laisser mieux vivre et respirer nos pays et nos régions. Non la République ne sera pas morte quand on aura constaté qu'il y a une manière corse d'être français. Et une occitane, et une bretonne, une alsacienne, une catalane, toutes manières qui font la France quand ceux qui veulent nier l'évidence de ces différences ne pourraient que la défaire.
Allons oui, encore une fois nous pouvons tous être fiers du bilan de ce gouvernement et ceux qui s'en réclameront lors des prochaines élections rencontreront, n'en doutons pas, la confiance des Français pour aller plus loin encore dans l'action au service du pays.
Nous y voilà !
Je sais quelle est votre attente. Nous sommes ici en université d'été, principalement occupés à des travaux programmatiques, mais j'ai bien compris que déjà votre attention, vos réflexions et, pour beaucoup, vos espoirs, se portent vers les échéances électorales et en tout premier lieu vers cette élection présidentielle qui domine, quoi qu'on dise et quoi qu'on en pense tout le paysage politique depuis 1962.
Une nouvelle fois l'obstacle mythique, l'épreuve tant désirée, l'élection qui englobe, résume et détermine toutes les autres, le défi que tous veulent affronter, se dresse devant nous.
Je sais aussi quelle est votre orientation très majoritaire. J'ai beaucoup parlé avec vous, dans vos fédérations, ou lors de conversations plus personnelles. Je me suis entretenu avec les jeunes radicaux, avec les militants et les élus. Et nous avons encore échangé sur ce thème tout au long de ces deux belles journées.
Je veux vous dire du fond du coeur que moi aussi je pense comme vous : Oui, les radicaux sont légitimes à s'engager dans l'élection présidentielle ! Non, personne ne détient le droit ni le pouvoir de les en empêcher ! Oui, nos idées méritent d'être soumises au Français dans la plus grande des élections ! Non, il n'y a pas sur ce point de désaccord entre les élus et les militants ! Oui, nous avons, dans tous les cas, le devoir de nous y préparer ! Non, rien des avantages et des difficultés ne doit être dissimulé entre nous ! Oui, pour ma part, j'exécuterai la décision que vous aurez prise.
Pour moi, je n'ai pas de ces timidités, de ces frayeurs qu'on éprouve devant une tâche trop rude ou devant des alliés trop puissants. Et depuis l'époque (lointaine) où j'étais moi aussi membre des jeunesses radicales, chaque fois qu'il a été question de notre indépendance, de la défense de nos idées, chaque fois qu'il a fallu porter l'étendard de notre Parti, je n'ai jamais été le dernier à l'empoigner et à le brandir. Je crois qu'on doit être fier d'être radical et qu'on doit le dire haut et fort.
Dans cette circonstance ni dans aucune autre on ne nous fera taire au nom de je ne sais quelle prudence ou au nom d'une vassalité qu'on voudrait nous imposer !
Dans les semaines qui viennent vous aurez à évaluer l'intérêt du parti et je veux que cette discussion soit libre, large et ambitieuse. Pour aujourd'hui, parlons-en un peu pour clarifier les enjeux.
Je viens de parler de l'intérêt du Parti, c'est vrai, mais je veux vous inviter à considérer cette évidence : un radical républicain doit toujours préférer l'intérêt global de la gauche et du progrès à l'intérêt de son parti ; et il doit aussi préférer l'intérêt général du pays à l'intérêt de la gauche.
Sur ces bases, regardons ensemble quelles sont les conditions des prochaines échéances électorales. Regardons plus précisément en quoi elles sont exceptionnelles et nous dictent une réflexion inédite.
Première observation, les élections présidentielles et législatives seront pour la première fois couplées en un calendrier normal. Nous avons consenti -et même permis d'y parvenir- à un ordre, la présidentielle avant les législatives, qui était à la fois dans la logique des institutions et dans l'intérêt de la gauche. Nous aurons donc à affronter ces deux grands rendez-vous dans la même foulée politique et il n'y aura pas cette fois de ces dissolutions qui permettent comme en 1981 de fabriquer une majorité de troisième tour des présidentielles, ou comme en 1988 d'atténuer la majorité de la volonté même du président élu, ou comme en 1997 de détruire, par erreur tactique, la majorité du président. Plus que jamais, les élections législatives seront la conséquence logique et normale de la présidentielle.
Deuxième observation pour une deuxième condition nouvelle : les mandats seront d'une durée identique. Du côté du vaincu, quel qu'il soit, il n'y aura pas de deuxième chance par l'espérance d'une alternance à mi-parcours, comme nous en avions en 1978 ou comme la droite en avait en 1986 ou en 1993. Si nous gagnons, nous n'aurons pas à subir la cohabitation et nous aurons toutes les rênes. Si nous perdons, nous aurons tout perdu pour cinq ans. Nous serons durablement dans l'opposition et celui ou ceux qui auront porté la responsabilité de la défaite subiront longtemps la réprobation de l'opinion. De l'opinion de gauche au-moins puisqu'il faut traduire la coïncidence du calendrier en réalité politique. Qu'on se satisfasse ou non du principal candidat de la gauche, ce sera lui ou les pleins pouvoirs à M. Chirac pendant cinq ans.
Troisième observation pour un fait politique essentiel et qui n'est presque pas relevé ni commenté : pour la première fois, depuis que cette élection présidentielle existe, la gauche aura à engager la bataille sur le bilan de son action gouvernementale. Depuis l'origine la gauche a toujours été dans l'opposition à la veille de la présidentielle. Une opposition qui paraissait alors être le nouvel ordre des choses politiques en 1965, 1969, 1974 et 1981. Une opposition de cohabitation en 1988 et en 1995. Aujourd'hui la gauche candidate est au pouvoir depuis quatre ans et j'attire votre attention sur cette question toute simple : comment la gauche désunie rendrait-elle compte du bilan de la gauche unie ?
Quatrième et dernière observation que je veux également livrer à votre réflexion : pour la première fois depuis le Général de Gaulle, la droite, elle, n'a qu'un grand candidat. Finis les grands duels périlleux et quelquefois mortels pour la droite, les Pompidou-Poher, les Giscard-Chaban, les Giscard-Chirac, les Chirac-Barre ou les Chirac-Balladur. Certes, MM. Bayrou et Madelin tentent bien aux lisières du chiraquisme de faire entendre leur voix -et chacun de vous peut constater qu'ils le font avec le projet délibéré de porter tort au candidat de leur camp- mais le président sortant domine ses petits challengers. Nous n'avons, et c'est un fait nouveau, qu'un véritable adversaire à droite.
J'ai présenté ces éléments d'analyse -dont aucun n'est à lui seul déterminant- pour dire dans quel cadre précis et contraignant doit s'inscrire notre réflexion. La candidature à la présidentielle est affaire de volonté, c'est vrai, mais la volonté la mieux trempée ne peut effacer la réalité ni escamoter les conditions politiques objectives de cette élection.
Cela dit, j'en viens donc à l'hypothèse, à l'espérance, d'une candidature radicale.
Le rôle d'un président de parti, chez les radicaux au-moins, n'est ni d'imposer son choix comme un dictateur ni de s'abandonner sans réflexion à la clameur. Je vous le répète : j'exécuterai la décision que vous aurez prise le moment venu.
Mais il est de mon devoir de vous dire auparavant, et même trop franchement, quelles me paraissent être les condtions de cette entreprise gigantesque si vous y lancez le radicalisme.
Je traiterai presque incidemment la condition économique qui est pourtant le préalable indispensable même si ce sujet paraît trivial à certains. Une campagne présidentielle demande des moyens très importants. Nous les avons. Au prix d'une gestion parcimonieuse et grâce aux contributions de nos élus, que je remercie, nous avons acquis les moyens matériels de faire face à ce défi.
L'obstacle financier ne nous arrêtera pas.
J'en viens donc aux conditions les plus importantes, aux conditions politiques d'une candidature radicale. Il y en a cinq et je veux que vous les preniez à votre compte comme autant de prémisses incontournables.
Première condition en forme de lapalissade : pour aller aux présidentielles, il faut un candidat.... ou une candidate. Beaucoup d'entre vous m'ont déjà fait l'honneur et l'amitié -non sollicitée, je m'empresse de le préciser- de me pressentir pour cette mission. Il y a là, j'en conviens, une logique et, si telle était votre décision, je ne me déroberais pas. Mais ce qui est logique pour vous ne l'est pas forcément pour les autres et, en tout cas, la logique n'est pas une obligation. Je vous demande donc de bien réfléchir à tous les aspects de cette question, à l'importance, excessive certes mais très réelle, de l'audiovisuel dans la politique moderne, à l'image des uns et des autres, et, à la fin, de choisir le meilleur ou la meilleure pour porter, à cette occasion, le grand message des radicaux. Ne vous arrêtez à aucune évidence, à aucune ..., à aucun postulat : quand on est en guerre, il faut le meilleur général ; si vous partez en campagne, choisissez le meilleur radical.
La deuxième condition politique est peut-être la plus facile pour nous : pour aller aux élections, il faut aussi un programme. Elle est facile à honorer car je suis tenté de dire qu'en matière de programme, les radicaux sont même généralement un peu trop bien dotés. Trop bien car votre esprit républicain ne s'accommode d'aucune zone d'ombre, d'aucun recoin mal défriché, d'aucun secteur que le radicalisme aurait ignoré. Vous venez, par exemple, d'approuver un magnifique Manifeste qui pourra alimenter très longtemps nos propositions dans tous les domaines. Les radicaux ont, en quelque sorte, réponse à tout.
Je crois cependant que la campagne présidentielle nécessite, au-moins pour les candidats qui ne sont pas favoris, un matériel un peu différent. Tandis que nous devons, et c'est le travail du Parti, apporter des réponses à toutes les interrogations sectorielles, le candidat, lui, ne peut espérer faire entendre en les martelant qu'une dizaine de propositions précises, novatrices et ciblées. J'en ai esquissé quelques unes au long de cette intervention : Forum pour un nouveau monde, Etats généraux pour une constitution européenne, réforme fiscale par le transfert de l'impôt indirect sur l'imposition directe, revenu du citoyen, VIè République, nouvelle étape dans la décentralisation, etc.
C'est maintenant à vous, aux équipes du Parti, de travailler, dans l'esprit du Manifeste bien sûr, pour que notre candidat dispose, dans quelques semaines au plus, de dix propositions chiffrées, innovantes et traduisant exactement ce qu'est notre Parti et le coeur de son électorat potentiel : la gauche de l'individu libre, responsable et solidaire.
La troisième condition politique est aussi une exigence juridique : il nous faut réunir les signatures de parrainage de cinq cents élus habilités. Depuis la réforme de 1962, on n'a pas cessé de durcir cette condition particulière en augmentant le nombre des parrains et le nombre des départements de la collecte. Je veux le dire fortement : nous avons le potentiel d'élus qui permet d'atteindre l'objectif. Encore faut-il que les élus concernés se mobilisent, le fassent rapidement, et nous donnent par leurs efforts personnels la marge de sécurité qui nous mettrait à l'abri des revirements des uns ou des états d'âme des autres et nous éviterait de façon certaine l'épreuve la plus humiliante, être contraint de renoncer par l'aveu de sa propre faiblesse.
Je demande donc très solennellement à nos parlementaires, à nos conseillers généraux et régionaux et à tous nos maires, d'une part, de faire remonter dans les meilleurs délais leur propre engagement de soutien et, d'autre part, d'entamer immédiatement un travail de terrain qui permettra à chaque élu radical d'apporter, en outre, la signature d'un élu sympathisant. Dès que nous serons sortis de cette salle, vous devrez tous avoir déjà l'esprit à cette mission que le Parti vous confie.
La quatrième des cinq conditions politiques est celle qui me tient peut-être le plus à coeur par atavisme radical sans doute et parce que vous m'avez fait garant du Parti : une candidature ne peut se développer et prospérer que dans l'unité totale, sans faille, sans la moindre hésitation de tous les radicaux. Lorsque nous avons suivi Michel Crépeau en 1981, j'ai eu à constater que j'étais seul parmi les parlementaires à le soutenir tandis que tous mes collègues soutenaient, au nom de ce qu'ils pensaient être leur intérêt, le candidat socialiste. Plus récemment, la tentative de Jean-François Hory a été paralysée certes par l'hostilité des médias, par la guerre avec les socialistes, mais aussi par la désaffection de nombre de radicaux. N'épiloguons pas mais ne recommençons pas cela. Le radicalisme n'est pas assez puissant pour que le candidat radical ne soit pas celui de tous les radicaux. Je veux vous rappeler fermement les règles de ce jeu terriblement difficile. Il y a un temps pour la délibération et la réflexion ; c'est le temps de la liberté, nous y sommes. Il y a un temps pour la décision et la désignation ; c'est le temps de la clarté, nous y serons demain. Il y a enfin un temps pour l'exécution et pour l'action ; c'est le temps de l'unité, et nous y serons tous ensemble ou nous n'y serons pas du tout.
Mais la principale, la plus importante, des cinq conditions politiques est celle qui devra, à la fin, nous déterminer : une candidature radicale n'a de sens que si elle sert l'intérêt de la gauche, si elle sert à faire gagner la gauche, si elle n'est pas dirigée contre les meilleures chances de la gauche.
Je suis désolé d'être obligé par l'actualité de rappeler cette évidence mais il me semble qu'elle a échappé à certains de nos partenaires.
Je ne compte même pas les provocations de l'extrême-gauche qui paraît avoir déjà opté pour la politique du pire, pour cette fameuse stratégie de la terre brûlée qui donne toujours les mêmes résultats. Les groupes d'extrême gauche ont déjà décidé que leur véritable ennemi était à gauche et sont donc objectivement alliés de la droite. Laissons-les à leurs habitudes sectaires et veillons à convaincre leurs électeurs en les débarassant du piège d'une réthorique mortifère.
Je ne sais pas si je dois encore compter M. Chevènement et ses amis -il a d'ailleurs des amis de tous côtés désormais- puisqu'il indique déjà qu'il ne se sentirait pas concerné par un deuxième tour opposant M. Chirac à M. Jospin. Quel est donc ce républicain sourcilleux qui met sur le même plan la droite la plus réactionnaire, la moins scrupuleuse, et la gauche de progrès dont il se réclamait voilà peu ? Je pense qu'il est encore temps pour Jean-Pierre Chevènement de se ressaisir, d'échapper aux séductions et aux illusions qu'entretiennent des médias bien complaisants et de dire clairement qu'au-delà de divergences respectables sa place est parmi nous. A gauche tout simplement.
A nos amis communistes, j'ai envie de dire presque la même chose tant nous les voyons eux aussi tentés par un jeu suicidaire qui consiste à désavouer dans la dernière ligne droite une action commune à laquelle ils ont contribué et dont ils ont profité près de cinq ans. Si Robert Hue juge la politique du gouvernement " terriblement pâlichonne ", je trouve, moi, sa stratégie de décision pas tellement " folichonne " et je lui prédis que la surenchère sociale démagogique avec ses propres alliés peut peut-être faire perdre la gauche mais ne permettra certainement pas au parti communiste de se redresser.
Il arrive même qu'on soit la seule victime des batailles trop confuses qu'on a cru devoir déclencher.
Et que dire à nos alliés verts ? Ils devaient faire souffler un vent de fraîcheur et de vérité sur la politique dont ils prétendaient rénover les méthodes par la transparence et par la curieuse innocence dont ils se paraient sans trop d'humilité. Pour la modestie, ils n'ont pas changé et, pour le reste, ils offrent depuis des mois au pays le spectacle de leurs manoeuvres d'appareil infiniment complexes, de leurs alliances de couloir aussi vite dénoncées qu'elles avaient été nouées, de leurs querelles de personnes et de factions devenues incompréhensibles. Et quand ils ont fini de se battre entre eux, de taper allègrement sur le candidat qu'ils viennent de désigner, ils ne se remettent d'accord que pour critiquer le gouvernement auquel ils participent et le parti socialiste duquel ils exigent, par ailleurs, la promesse de leur existence future.
Je sais quels terribles mécanismes sont ici à l'oeuvre. Comme à la guerre, chacun espère sauvegarder ou agrandir son territoire sur celui du voisin le plus proche (C'est une logique. Il est de fait que la France a fait plus souvent la guerre à l'Allemagne qu'au Guatémala). Mais l'alliance à gauche n'est pas la guerre et surtout l'élection présidentielle majoritaire à deux tours n'est pas un scrutin proportionnel et dépourvu d'enjeu véritable. Que le premier tour provoque une émulation, c'est naturel, mais de vrais responsables politiques doivent avoir à l'esprit l'objectif final et donc afficher leur véritable souci : battre la droite.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit (ou alors, arrêtez-moi si je me trompe). Pour moi, c'est, dans l'intérêt du pays, la priorité absolue et je veux, dans tous les cas, peser sur cette élection présidentielle, pour y parvenir.
Certains -et même, je le sais, parmi les radicaux- critiquent l'action gouvernementale. Ils en ont le droit, et parfois le devoir, mais à l'heure des choix, ils devront bien se rappeler la morgue et le mépris affichés par le gouvernement Balladur. Ca c'est la droite. La raideur technocratique et arrogante de M. Juppé. Ca, c'est la droite.
D'autres critiquent tel ou tel membre du gouvernement. C'est aussi leur droit et certains reproches ne sont pas toujours immérités. Mais enfin, avons-nous déjà oublié que voilà peu de temps, le Ministre de l'Intérieur était M. Jean-Louis Debré ? Ca c'est la droite. Que le Ministre des Affaires étrangères était M. de Charette ? Ca, c'est la droite. Que le Ministre de la Défense était M. Millon ?
Ca, c'est l'extrême-droite.
Avons-nous aussi oublié que sur tous les grands problèmes de notre pays, les gouvernements en question optaient toujours pour les solutions les plus conservatrices, les plus génératrices d'inégalité, les plus orientées vers la répression et la discrimination, les moins généreuses, les moins ambitieuses ? Auriez-vous déjà oublié les manifestations anti-C.I.P, la mobilisation pour l'école publique, les grandes grèves de 1995 ? Ca, c'était notre combat contre la droite.
Et M. Chirac, M. le candidat Chirac, aurait-il lui aussi réussi à nous faire oublier, à force de déguisements, à force de revirements, ce qu'il est vraiment ? L'homme a, il est vrai, plus d'un faux nez dans son sac et comme la cohabitation ne lui laisse que le pouvoir de nuire, il a tout son temps pour enfiler tous ses masques successifs. Il ne s'en prive pas : M. Chirac est tout et le contraire de tout. Nous l'avions connu successivement travailliste puis thatchérien. Nous l'avons vu pourfendeur de la fracture sociale puis rempart du grand capital. Il nous avait amusé comme provocateur avec ses essais nucléaires, il est désormais écologiste et défenseur des bébés-phoques. En politique, il était gaulliste puis assassin du candidat gaulliste aux présidentielles. A Paris, il a été tibériste, et puis séguiniste, et puis plus rien. A Gènes, il fait encore plus fort puisqu'il est à la fois, par sa présence physique, au coeur du bastion des puissants barricadés et, par le coeur, aux côtés des manifestants insurgés. A titre présidentiel, il est le garant de l'indépendance de la justice ; à titre personnel, il est le gardien farouche de son indépendance par rapport à la justice.
On n'en finirait pas d'évoquer les multiples habits, les innombrables facettes, les choix infiniment multipliés de cet Arlequin de la politique. Mais n'allez pas croire, parce que M. Chirac est capable d'endosser tous les costumes de son théâtre politique, qu'il n'y aurait pas de substance sous ses déguisements. Ne croyez pas qu'à force d'être tout, M. Chirac ne serait rien. Il est de droite tout simplement.
Et vous verrez qu'au moment du véritable choix, au deuxième tour de l'élection présidentielle, lorsque viendra l'affrontement programmé, personne ne s'y trompera. Surtout pas la droite. M. Madelin et M. Bayrou ne s'y tromperont pas. M. Bouygues et TF1 n'hésiteront pas. M. Seillères et le Medef ne tergiverseront pas. Ils choisiront leur camp très clairement. Ca, c'est la droite.
Nous allons lui faire barrage au nom des libertés, de la justice et de la solidarité car c'est la mission que la République nous a confiée.
Et aux jeunes radicaux qui nous pressent de nous lancer dans cette belle et grande aventure, je veux dire que la République compte vraiment sur eux. Ce n'est pas une façon de dire, c'est un rendez-vous.
Voilà cent ans que le radicalisme honore les rendez-vous que lui donne la République.
Cent ans de progrès obstinés, cent ans de luttes difficiles, cent ans de vigilance contre les violences faites à la raison, cent ans d'humanisme laïque et républicain.
Voilà cent ans que notre radicalisme est au service de la République.
Eh bien, cette fois encore, nous serons au rendez-vous. Et peut-être qu'à la fin la victoire ne dépendra que de vous.
Alors, en marche. Debout, les radicaux. Soyez fiers de vous .
Faites claquer votre drapeau, il est le plus vieux mais le plus beau.
Allez porter partout vos espérances, elles sont l'avenir de la France.
Allez dire votre message de confiance en l'Homme.
Faites sans réserve usage de votre liberté et donnez-nous à rêver.
Grâce à vous, demain, la politique sera plus belle, notre pays sera plus fraternel et dans l'air flottera cette rumeur de bonheur étonné : les radicaux sont de retour.
Donnez le meilleur de vous. C'est le meilleur des esprits libres, des coeurs généreux, du radicalisme orgueilleux.
La République vous attend. Ne perdez pas un instant.
Elle vous sourit, déjà heureuse, déjà radieuse.
Les voilà bien, les radicaux, ceux qui m'avaient portée si loin.
Et cette fois nous irons plus loin encore. Plus haut et plus fort. En avant !
(source http://www.radical-gauche.org, le 07 septembre 2001)