Déclaration de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur l'orientation et l'insertion professionnelle des étudiants des Outre-mer, à Paris le 5 septembre 2015.

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Circonstance : Inauguration de la première édition du Campus Outre-mer destinée aux jeunes étudiants ultramarins, dans le jardin de l'hôtel de Montmorin, à Paris le 5 septembre 2015

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les secrétaires d'État,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Conseils Régionaux,
Mesdames et Messieurs les Présidents des Conseils Généraux,
Mesdames et Messieurs les Recteurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse que vous soyez tous réunis, ici, rue Oudinot, au Ministère des Outre-mer, pour ce moment très précieux que constitue aujourd'hui le premier rendez-vous des étudiants ultramarins, ce CAMPUS OUTRE MER. Je tiens à saluer le travail et la détermination de l'Association des Jeunes de Guadeloupe qui a effectué la coordination de cet événement.
Chaque année, ce sont plus de 25.000 étudiants venus des Outre-mer qui quittent leur famille, leurs amis, leurs repères, leur territoire, leur foyer, en un mot leur terre, pour venir poursuivre leurs études, leur formation, mais aussi leur vie de jeune homme ou de jeune femme dans l'Hexagone. Nous savons, soit parce que nous l'avons vécu nous-mêmes, soit parce que nos propres enfants ou ceux de nos proches l'ont connu, combien cette expérience peut constituer une épreuve, combien ce « nouvel Ailleurs », pour le dire avec Rimbaud, peut être aussi exaltant que déstabilisant.
On se souvient des « torpeurs enivrantes » évoquées par le poète du Bateau ivre, où l'enfant des Ardennes part vers « les cieux ultramarins. » Pour ceux qui nous réunissent ici aujourd'hui, la traversée est inverse. Mais s'y exprime avec sans doute autant de justesse, le chaos intérieur dans lequel peuvent parfois être plongés nos jeunes.
Cette expérience parfois très déstabilisante de l'arrivée dans un environnement nouveau au seuil de l'âge adulte ne peut être sans répercussion sur la bonne poursuite des études. Faute d'une intégration réussie dans leur nouveau milieu, les jeunes garçons et les jeunes filles venus des Outre-mer connaissent des difficultés importantes à leur arrivée dans l'Hexagone et un grand nombre d'entre eux échoue dès la première année d'étude. Comment pourrait-il en être autrement ?
Continuer à constater les écarts de réussite entre les étudiants venus des Outre-mer et ceux dont les études se poursuivent dans un environnement familier serait au mieux la marque d'un manque de compassion et au pire celle d'un manquement à nos obligations et à notre responsabilité. Ce serait également déroger aux valeurs fondatrices de l'éducation républicaine et aux idéaux de son père fondateur, Jules Ferry.
L'éducation, la formation, pour être républicaines, doivent constamment rester vigilantes à ce qu'aucune fraction de la jeunesse ne soit laissée en déshérence. L'éducation n'est républicaine que lorsqu'elle unifie toutes les composantes du territoire national, que lorsqu'elle assure la réussite scolaire de tous ces jeunes gens, où qu'ils se trouvent, d'où qu'ils viennent, et qui qu'ils soient.
La formation de la jeunesse ultramarine est cruciale si ces départements et ces territoires veulent pouvoir se doter d'hommes et de femmes qualifiés, déterminés et compétents pour porter les projets nécessaires à leur prospérité, et faire face aux défis auxquels ces territoires sont confrontés.
Cette première journée de l'étudiant Outre-mer est une première étape importante. C'est la première fois que toutes les associations, toutes les délégations représentatives des étudiants ultramarins se trouvent réunies en un même lieu, en un même jour, pour apporter les réponses aux préoccupations et aux questions concrètes que se posent les étudiants.
Campus Outre-mer a pour vocation de centraliser les outils nécessaires à la meilleure installation qui soit, à mettre en relation les étudiants avec les institutions et les partenaires compétents, afin d'assurer l'organisation de leur mobilité, de leur installation et de leur réussite, que ce soit en matière de logement, de budget, de transport, de communication, de santé, de bien-être ou d'insertion professionnelle. Il s'agit de construire un réseau de solidarité au maillage plus étroit qu'il ne l'est encore aujourd'hui, de mettre à l'honneur les étudiants les plus méritants, de les encourager, pour que ceux-ci servent d'exemple d'exemple et de relais à ceux qui les rejoignent. Alors seront réunies les conditions de la réussite de tous et seront encouragés l'autonomie et la prise d'initiative de la jeune génération.
Ce que nous voulons, la mission que nous nous sommes fixée, c'est celle de l'égalité en matière d'éducation et de formation. Il s'agit qu'Hexagonaux ou originaires des Outre-mer, chacun puisse se donner les chances de réussir son parcours d'études, malgré l'éloignement géographique, familial ou culturel.
Pour ce faire, nous voulons continuer et intensifier la mise à disposition de moyens d'intégration solidaire dignes de ce nom pour les étudiants originaires des Outre-mer : guichet unique d'information pour que ceux-ci aient des interlocuteurs privilégiés et sensibilisés aux difficultés que les étudiants peuvent rencontrer ; mise en place d'étudiants référents, de parrains et de marraines en quelques sortes, qui les guident sur des sentiers qu'ils ont eux-mêmes déjà en partie balisés. Il s'agit de permettre aux nouveaux arrivés de retrouver un foyer même loin de chez eux. Priorité est également donnée à l'accès aux quotas de logements pour les étudiants qui n'ont le plus souvent personne pour les aider à trouver un endroit où vivre à leur arrivée ; lutte contre la discrimination bancaire et contre le problème du cautionnement, enfin.
Il s'agit, en somme, de permettre aux jeunes gens originaires des Outre-mer de se consacrer pleinement à leurs études qui sont déjà bien assez prenantes comme cela, plutôt que de devoir ferrailler sur divers fronts alors que leurs camarades de banc ou leurs camarades de classe ne sont eux pas perturbés dans la bonne marche de leurs enseignements.
Contre ces échecs, il est possible de lutter en offrant aux étudiants un accompagnement digne de ce nom. J'en veux pour preuve les étudiants originaires de Nouvelle-Calédonie dont le taux d'échec en première année s'élevait encore il y a quelques années à près de 70% et qui est désormais tombé, grâce à un suivi attentif et attentionné, à 2%.
L'AJeG, effectue un travail tout à fait remarquable, que je tiens à saluer. L'association, née en 2011 et partenaire de la Région Guadeloupe, du CNOUS et de la DIECFOM, contribue à lutter contre l'isolement des jeunes qui quittent leur Outre-mer pour l'Hexagone, à bâtir des réseaux de solidarité qui leur viennent en aide, à attribuer des bourses au logement pour ceux qui en ont le plus besoin, et à mettre en place divers événements favorisant la transmission des savoirs et des pratiques entre ceux qui viennent d'arriver et les jeunes déjà installés. Je pense notamment à l'organisation des séminaires professionnels, à la Cité des métiers, ou au Noël solidaire. Je salue le travail de toutes les autres associations qui sont impliquées dans l'organisation de ce CAMPUS outre mer et qui permettent aux jeunes de nos régions de créer le réseau qui les aidera à réussir.
Il faut aussi évoquer l'action de LADOM : les dispositifs de Passeport Mobilité Formation Professionnelle, du Passeport Mobilité Etudes et de l'Aide à la Continuité Territoriale constituent des leviers d'action décisifs. Au total, ce sont près de 140.000 originaires des Outre-mer qui bénéficient d'une aide au voyage pour préserver les liens familiaux et promouvoir les relations culturelles et économiques entre l'Outre-mer et l'Hexagone. Ce sont près de 10.000 jeunes gens qui ont trouvé un stage grâce à une prise en charge financière et un accompagnement des parcours en mobilité. Et ce sont près de 20.000 étudiants qui se sont vus financer tout ou partie de leur billet d'avion aller et retour.
A ce titre, Campus outre-mer s'inscrit pleinement dans le Plan Jeunesse Outre-mer que j'ai eu l'honneur d'annoncer avant hier, jeudi 3 septembre. L'événement Campus Outre-mer en est à la fois l'immédiate application et l'exact symbole.
L'emploi et la formation sont, vous le savez, deux engagements majeurs du Président de la République et du Gouvernement. Compte tenu de la situation particulière des Outre-mer au regard de l'emploi et du niveau de qualification de la population, moins élevés que dans l'Hexagone, l'ensemble des dispositifs de formation et de lutte contre le chômage doivent être pleinement mobilisés et adaptés au contexte économique et au contexte social de chacun des territoires d'Outre-mer.
Le premier ministre, Manuel Valls, a soutenu la proposition que j'ai faite d'engager dès 2015 une stratégie volontariste dans les domaines de la jeunesse, de la santé et de l'inclusion sociale. Il s'agit pour mon ministère de décliner de la façon la plus adaptée qui soit et de la façon la plus efficace possible la stratégie gouvernementale dans les territoires d'Outre-mer, en prenant compte à chaque fois des spécificités qui sont les leurs et des attentes exprimées par les élus de chacun d'entre eux. Le premier temps de ce plan, dans le quel s'insère la journée d'aujourd'hui, est dévolu à la jeunesse. Il s'agit de garantir à tous les jeunes issus des Outre-mer de pouvoir bénéficier d'une éducation de qualité et de disposer de formations et de dispositifs leur permettant une insertion professionnelle réussie.
L'action pour la jeunesse, si elle est l'une des pierres angulaires du quinquennat du Président de la République et du redressement de la France, est d'une importance plus grande encore dans nos territoires d'Outre-mer, où la jeunesse représente plus de la moitié de la population, près de 60% en Guyane, près de 70% à Mayotte, et plus de 40% à La Réunion, en Nouvelle Calédonie, en Polynésie Française, à Wallis et Futuna, ainsi qu'à Saint-Martin.
L'urgence et l'importance de l'investissement à réaliser en faveur de la jeunesse et pour l'avenir de ces territoires est là, patente, évidente. Le plan « Priorité Jeunesse » fait sien ce constat et cette ambition.
Je ne souhaite pas gâcher une si belle journée, ni rater l'avion qui doit m'emmener dans quelques heures en visite officielle dans le Pacifique. Ce n'est dont pas aujourd'hui encore, que je tâcherai de battre le record mondial du plus long discours. Mais permettez-moi de retenir votre attention encore quelques instants.
La déclinaison du plan jeunesse pour les Outre-mer met en exergue des problématiques communes aux Outre-mer : la jeunesse de la population ; l'éloignement et l'isolement des territoires, qui génèrent des difficultés et des coûts de mobilité ; l'importance des flux des jeunes diplômés vers l'Hexagone ; le nombre conséquent de jeunes n'ayant ni emploi, ni éducation, ni formation ; enfin le taux de chômage et d'illettrisme deux à trois fois supérieur à celui de l'Hexagone.
Cent dix mesures composent ce plan. L'agenda politique me permettra de les détailler plus avant dans les semaines et les mois prochains, mais permettez moi de vous dire d'ores et déjà que celles-ci auront pour mission de permettre aux jeunes ultramarins de bénéficier d'une éducation de qualité pour atténuer les écarts en termes de performance scolaire avec l'Hexagone, de disposer de formations adaptées aux besoins du territoire leur permettant une insertion professionnelle réussie ; de faire preuve d'autonomie et de responsabilité en prenant des initiatives, et d'être mieux protégés.
Dans cette perspective, l'État maintiendra son important effort budgétaire pour les constructions scolaires à Mayotte et en Guyane ; la restauration scolaire, au travers de la PARS, sera développée et organisée plus étroitement encore afin que chaque élève puisse bénéficier des conditions de restauration dont il a besoin pour suivre au mieux sa journée d'étude. La formation des maîtres sera désormais à la hauteur des enjeux et des défis afin d'améliorer de façon significative les performances scolaires. Enfin, nous sécuriserons les transitions entre la formation et l'emploi afin que la jeunesse ultramarine puisse s'insérer plus promptement, plus efficacement et de façon plus performante dans le monde du travail.
Ce plan doté de 300 millions d'euros, concerne un million deux cent mille jeunes en outre mer.
Chers amis,
La jeunesse est ce moment où s'élabore l'avenir, tant au niveau de l'individu, qu'à l'échelon du territoire, qu'à l'échelle de la nation. Accorder à la jeunesse ultramarine toute l'attention qu'elle requiert, c'est contribuer à façonner, pour ces territoires, la génération des bâtisseurs de demain. C'est ce que nos concitoyens attendent de nous. C'est ce pourquoi ils nous ont fait confiance. C'est ce que nous leur devons et également ce que nous nous devons à nous-mêmes.
Merci à vous d'être venus aussi nombreux et bonne journée à tous.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 15 septembre 2015