Déclaration de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, sur le programme national forêt - bois sur dix ans et l'implication particulière des communes forestières, Nancy le 2 octobre 2015.

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Circonstance : Congrès national des communes forestières, à Nancy le 2 octobre 2015

Texte intégral

Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les présidents du département, Messieurs les représentants du maire de Nancy, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Président de la Région, Monsieur le Président du Conseil d'administration de l'ONF, Monsieur le Président de la FNCOFOR, Mesdames et Messieurs, je voudrais en introduction essayer de planter, si je puis dire, les termes du débat.
Nous sommes à la conjonction à la fois des territoires, d'activités économiques, d'enjeux environnementaux, d'enjeux pour la ruralité, et aussi à la veille de mutations, de préparation d'avenir. Vous regardez ce qui s'est fait dans le passé. Je crois que nous avons une responsabilité particulière, au moment où nous sommes arrivés, celle de poser les bases des 10 ou 15 ans qui viennent.
C'était l'objet aussi de la loi d'avenir, dans sa partie forêt, je salue les députés Jean-Yves Caullet et Dominique Potier qui ont travaillé sur ce sujet : plus sur la question agricole pour Dominique Potier, plus sur la question forestière en tant que rapporteur pour Jean-Yves Caullet. Nous avons essayé de mettre en place un cadre législatif qui permette d'aboutir à plusieurs décisions.
La première consiste à considérer la forêt dans sa dimension sociale et citoyenne. Tout le monde le revendique, cela a été dit. La forêt est un espace nécessaire en termes de loisirs, de biodiversité, d'environnement. Il convient surtout de poser les bases des conditions pour que la forêt française, 3ème forêt d'Europe en surface, retrouve aussi une dynamique économique d'investissement qui soit compatible avec ce qu'elle représente en Europe aujourd'hui et ce qu'elle pourrait apporter dans le domaine d'énergie et de la production de bois. La loi d'avenir a cherché à répondre à ces questions, en mettant en place un certain nombre d'outils, en faisant en sorte de rappeler souvent les objectifs.
Quand je suis arrivé, j'avais toujours entendu que la forêt française, en particulier privée, était morcelée. J'avais pris conscience aussi que les relations entre sylviculteurs ou transformateurs n'étaient pas parfaitement harmonieuses. Si j'ai bien écouté M. le Président, pour les Communes forestières aujourd'hui, dans la relation avec l'ONF, il reste aussi des efforts à faire, chacun devant faire une part de l'effort. C'est ainsi qu'on avance.
En même temps, l'effort doit être mesuré à la hauteur de la contribution de chacun.
J'ai bien compris, quand le président disait qu'il n'y aurait pas de possibilité de contributions supplémentaires des communes, vous avez beaucoup applaudi. J'entends ce message. Je veux que l'effort demandé dans ce contrat d'objectifs et de performance soit à la mesure de la contribution de chacun : les Communes forestières et l'Office National des Forêts. C'est une capacité ensemble à mettre en oeuvre un projet qui assure et pérennise les rôles et la place de la forêt publique, et qui assure aussi la pérennité d'un opérateur unique, c'est-à-dire l'Office National des Forêts.
Dans ce travail sur la loi d'avenir, a aussi été inscrit le contrat de filière et mis en place un travail sur le plan stratégique pour 10 ans sur le programme national forêt bois auquel vous participez, en particulier sur la dimension territoriale de l'activité forestière. Pour la Lorraine, cela représente 23 000 emplois, soit 17 % de l'emploi industriel de la région. C'est un enjeu économique sur lequel nous devons avoir toute l'attention nécessaire.
Ce plan stratégique et ce programme national forêt bois doivent aboutir, après les conclusions des différents groupes de travail mis en oeuvre, à la fin de l'année pour que tous ensemble nous soyons capables de savoir vers quels objectifs nous nous dirigeons, comment nous nous organisons. Je souhaite vraiment que, sur ce plan, nous ayons la célérité nécessaire pour que, d'ici la fin de l'année, il soit signé et que dès 2016, nous mettions en oeuvre cette stratégie pour la forêt et le bois dans les 10 ans à venir.
La forêt, cela a été dit, ce sont aussi les territoires ruraux. Je veux tout de suite préciser que, tout ministre que je suis, je n'ai pas oublié d'où je viens : de la ruralité, je suis issu du monde rural !
Je ne peux pas dire simplement de la technocratie, j'ai cru comprendre que vous me mettiez dedans, j'ai oublié ce que j'étais, peut-être avant conseiller municipal d'un village encore plus petit celui de certains maires aujourd'hui de communes, puisque le village de Longnes, où j'étais élu, comptait 256 habitants dans le canton de Loué.
Je sais ce qu'est la ruralité, ce que sont les communes rurales. Je sais aussi ce que sont la place et le rôle du maire, mon père ayant été, après que j'ai été conseillé municipal, maire de la commune pendant 15 ans, après avoir été secrétaire de mairie et instituteur de cette commune. Personne ne me fera de leçons sur cette question. Je tiens, comme vous, à poursuivre cette ruralité.
En même temps, nous sommes tous d'accord. Nous rappellerons les histoires sur la mise en oeuvre de l'intercommunalité, sur la manière de mutualiser un certain nombre d'investissements, sinon on investit, mais on cumule des investissements sans donner la pertinence à ce qu'attendent nos concitoyens et notre nécessité, aux uns et aux autres, de faire des efforts en termes de gestion et de fonctionnement. Cela évoluera, mais il faut considérer la ruralité comme un élément complémentaire de l'équilibre territorial entre l'urbain, le périurbain et la ruralité. Dans cette ruralité, l'agriculture et la forêt sont des éléments d'activité qui sont au coeur de la vie des territoires ruraux.
Des conseils sur la ruralité se sont tenus, le Président de la République s'est impliqué. Quand on parle forêt, quand on parle Communes forestières, on est au coeur de ce débat.
Je l'ai dit, dans le cadre de la loi d'avenir, nous avons essayé de tracer des lois, pour mettre la forêt en capacité de répondre aux grands défis de demain, avec cette conférence de Paris sur le climat, le « Grand Tribunal du climat », devant lequel l'enjeu est l'avenir de l'humanité. Ce n'est pas simplement une question qui nous serait posée conjoncturellement ou territorialement, c'est la question de la planète. Là-dessus, la forêt comme l'agriculture ont une place et un rôle importants. Nous organiserons nous-mêmes, la France et le ministère de l'Agriculture, dans le cadre de la conférence de Paris, des propositions concrètes sur le stockage du carbone en particulier que représentent la forêt mais aussi les terrains agricoles. Des engagements seront pris. Nous devons obtenir, à travers cette conférence, des solutions concrètes. La forêt sera un des outils de demain de cette politique à l'échelle mondiale.
Cette loi d'avenir vise aussi à prendre la dimension économique, en partant d'un constat : les 6 Md€ de déficit de la balance commerciale. Prenons garde à ne pas le considérer comme un bloc, il y a la pâte à papier. Nous avons des progrès à faire, d'énormes progrès à faire.
C'était l'objet d'ailleurs du choix stratégique forêt bois mis en place dans la loi qui va être abondée à hauteur de 25 M€.
C'est le lancement des appels à manifestation d'intérêt par l'ADEME pour lancer des dynamiques et des projets sur la biomasse.
C'est la mobilisation de la BPI pour la première fois, avec la Caisse des Dépôts qui doit nous aider encore un peu plus, la Caisse des Dépôts étant un des propriétaires forestiers les plus importants de France. Elle a non seulement à être propriétaire, mais surtout à être forestière plus qu'elle ne l'est.
C'est la mise en place et le renforcement et aussi la création du SIFA* pour mobiliser des bois et faire en sorte qu'on soit cohérent avec l'objectif de développement économique de cette filière.
C'est aussi le fait d'avoir, dans le cadre de l'exposition universelle, choisi un bâtiment en bois, notamment du Jura. Le bâtiment de la France est l'un des pavillons les plus visités et connaît un succès sans précédent. Nous ne l'avions pas anticipé au niveau où il est. La forêt et le bois, contrat de filière, portent sur des enjeux avec le plan national qui mobilise les Communes forestières et j'en suis très heureux.
Nous en arrivons au sujet du débat. Ce contrat d'objectifs doit lier les performances. L'État, l'ONF et les Communes forestières qui gèrent la forêt publique ont bien entendu la place de contractant.
Je souhaite avoir un contrat qui soit à la fois ambitieux et aussi réaliste.
Nous ne demanderons ni aux uns ni aux autres des efforts qu'ils ne seraient pas capables d'assumer. J'ai bien compris la situation dans laquelle était l'économie et en particulier celle des Communes forestières, avec des situations contrastées d'où l'enjeu du maintien de la sécurisation des régimes financiers. La situation n'est pas la même dans le sud-est de la France et ici en Lorraine. C'est pour cela que ce régime forestier, cette capacité à mutualiser ce qu'est la forêt publique à travers ses communes, est un enjeu qu'il faut à tout prix préserver, conforter. Ce contrat d'objectifs et de performance est ambitieux et réaliste, avec pour chacun l'effort nécessaire, mais pas plus que ce qu'il n'est possible de faire.
Les axes stratégiques qui fixent les grandes lignes du projet sont assez clairs sur les conditions de la mobilisation du bois. J'ai eus dès mon arrivée des débats sur les défis du changement climatique, sur la réponse aux attentes de l'État et de l'ensemble de la question dépenses publiques. Sur l'adaptation de la gestion de l'ONF et en particulier sur la question des territoires et départements d'outre-mer qui restent un sujet à traiter de façon globale, sur la stabilisation des effectifs, sujet important qu'on a connu après la diminution des effectifs, à condition que, sur les efforts de gestion, tout soit fait. Il convient d'avancer dans ce sens sans augmenter la masse salariale, d'améliorer la durabilité du modèle de l'ONF et de consolider son équilibre financier.
Les discussions portent sur six axes. Cette discussion n'est pas terminée. Nous devons en discuter pour connaître les points de difficulté. Je les ai complètement compris. Vous avez été là pour les rappeler dans votre discours.
Être ambitieux tout en restant réaliste. Au-delà de la question de la subvention qui a fait que, dans deux lois de finances, l'État, au cours des trois dernières années, est venu abonder l'ONF pour trouver l'équilibre, il faut avoir, à partir de ce constat, un système qui pérennise, qui stabilise, qui sécurise le fonctionnement de l'Office National des Forêts.
Chacun doit, à partir de là, participer à hauteur de ses possibilités. L'ONF doit optimiser son fonctionnement et son service rendu. C'est une obligation, vous la souhaitez, nous la souhaitons. L'ONF y répond et y répondra par des aménagements, tout doit être fait pour assurer le service et assurer un fonctionnement compatible avec un équilibre financier de moyen et long terme.
En même temps que l'ONF le fera, et sur la question des effectifs je l'ai dit, il faut qu'en contrepartie nous ayons une capacité aussi à offrir à l'ONF des conditions de stabilité, à la fois en termes de mobilisation et de ressource du bois, de relations commerciales, nous reviendrons sur les délais de paiement. L'objectif doit être ambitieux et réaliste. Ce qui sera demandé aux Communes forestières, ce que je dis ce matin est clair, c'est d'avoir dans les prochains jours une discussion sur le niveau de la mobilisation. C'est l'effort que nous demandons. C'est ce seul effort sur lequel nous bâtirons le contrat d'objectifs et de performance.
Nous aurons une discussion. Elle doit être réaliste. Chacun sait ce qui s'est passé dans le précédent contrat d'objectifs et de performance : des objectifs mirifiques sont fixés, on ne les atteint pas et après on se retrouve avec des difficultés de fonctionnement. En même temps qu'il faut être réaliste, il faut qu'un effort soit fait. Je vous le demande. C'est la condition de l'écriture d'un contrat qui permette aussi de trouver l'équilibre nécessaire au fonctionnement.
C'est le sujet sur lequel nous nous mobiliserons dans les jours et les semaines qui viennent pour aboutir. C'est l'effort que l'État demande aux Communes forestières. Je suis ici pour le dire et le rappeler.
L'État aura aussi à faire un effort à travers des développements sur la taxe sur le foncier non bâti qui viendra compenser pour les communes. Nous ferons des efforts. Tout le monde doit faire des efforts. C'est le sujet sur lequel je veux que nous trouvions un accord. Pour les Communes forestières, c'est l'effort qui sera demandé.
J'ai entendu le message et je souhaite qu'entre les 8,3 millions de mètres cubes envisagés dans le cadre du COP et ce qu'il faut pour assurer une compatibilité rentre l'effort demandé à l'ONF et les ressources potentielles. Nous devons être ambitieux et réalistes. Je souhaite que cette négociation soit suivie et que nous en soyons comptables les uns et les autres dans les prochaines semaines. C'est l'objectif que je nous fixe.
Je pense aussi, Monsieur le Président, que sur la question de l'avenir et sur la mobilisation du bois, du lieu, et pour l'organisation, des réflexions sont à conduire, à la fois sur les questions de regroupement, Communes forestières, intercommunalité. Est-ce possible ?
Ce sont des sujets sur lesquels on doit discuter, les questions d'intérêt économiques et forestières publiques et privées pour regrouper l'offre de bois pour avoir à partir de là des économies sur le départage et le ramassage du bois. Si on ne veut pas, à chaque problème, le traiter et faire l'effort nécessaire pour se donner les moyens demain de réussir, on reste dans la situation dans laquelle on est. Et je ne peux pas d'accepter.
Chacun doit discuter, ouvrir les débats, faire en sorte de pouvoir évoluer dans ce domaine comme dans d'autres. Je l'ai dit, je le répète.
Enfin, sur la question des délais de paiement, vous nous avez appelés à une décision. Je sais qu'aujourd'hui sur la table un compromis est possible. Je souhaite que la semaine prochaine nous trouvions ce compromis pour régler cette question. Dans l'effort demandé à l'ONF, il faut pouvoir proposer des contreparties. Je me saisirai du compromis. Et la semaine prochaine nous devons conclure sur la question du délai de paiement qui fait partie des efforts et des choix nécessaires.
Voilà ce que je voulais vous dire. Je sais que ce n'est pas facile, ni pour les uns, ni pour les autres. Le ministre a été accueilli par des salariés de l'ONF. Je me suis expliqué. Je ne change pas de stratégie. J'assume aussi des responsabilités. L'État fera des efforts. Chacun doit être à la mesure de l'enjeu qui est celui de la forêt publique, de la mobilisation du bois, de la définition et de l'engagement que nous devons avoir tous ensemble sur cette filière qui est à la fois économique, qui concerne l'environnement, qui concerne les territoires, qui concerne le monde rural.
Tout cela fait partie des conditions dans lesquelles nous devons discuter ensemble, je répète, des efforts proportionnés à la capacité de chacun. En faisant ces efforts, c'est l'avenir de la filière que nous assurerons.
Merci beaucoup.
source http://portail.fncofor.fr, le 13 octobre 2015