Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, en réponse à diverses questions portant sur le renforcement des dispositifs de lutte contre le terrorisme à l'intérieur et à l'extérieur des frontières et la proposition de révision constitutionnelle visant l'état d'urgence, à l'Assemblée nationale le 17 novembre 2015.

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Circonstance : Séance des questions d'actualité à l'Assemblée nationale le 17 novembre 2015

Texte intégral

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, Madame la Députée, permettez-moi d'abord de saluer l'ensemble des interventions prononcées hier à Versailles, à l'occasion de la réunion du Parlement en Congrès pour entendre le chef de l'État et les présidents de l'ensemble des groupes parlementaires. Je suis resté jusqu'à la fin du débat - et c'est bien normal : c'est ma mission - pour entendre l'ensemble des propositions des groupes, qui représentent non seulement les deux assemblées, mais aussi, comme l'a rappelé le président de la République, la nation.
Je n'y reviendrai pas dans le détail. Plusieurs questions me permettront ou permettront aux ministres concernés de revenir sur tel ou tel aspect. Mais il faut aller vite. Il faut aller vite, pour répondre à l'attente et à l'exigence des Français. Il faut aller vite, parce que les Français, et c'est normal, posent des questions et attendent un engagement - pas seulement de l'exécutif, mais de l'ensemble de la représentation nationale. Il faut aller vite, parce que les proches et les familles des victimes, qui sont dans une profonde souffrance, attendent une riposte à la hauteur de l'attaque que nous avons subie.
Le président de la République a rappelé quels étaient les axes de cette réponse, d'abord sur le plan diplomatique, à travers les initiatives, qu'il a lui-même détaillées, qui seront prises dans les tout prochains jours, à savoir une résolution du Conseil de sécurité, mais surtout des rencontres importantes avec le président russe et le président américain. Chaque pays est aujourd'hui mis devant ses responsabilités, et s'il y a un changement qui s'est imposé, ce n'est pas celui de la diplomatie française, mais le changement lié - très directement - à ce qui s'est passé en France, à Paris, vendredi dernier : c'est cela, je me permets de le rappeler, qui est en train de faire bouger les lignes.
C'est le choix, bien sûr, de continuer à renforcer notre appareil de sécurité, les moyens donnés à la police, à la gendarmerie, à nos services de renseignement, à la justice, à l'administration pénitentiaire. C'est aussi le choix d'évolutions juridiques.
J'aurai l'occasion de m'exprimer jeudi matin, en présentant avec Bernard Cazeneuve le projet de loi prorogeant l'état d'urgence, avec les modifications qui s'imposent, car la loi qui le régit date de 1955. J'en appelle, comme le président de la République, à la responsabilité de tous pour que ce texte puisse être adopté dans les meilleurs délais : ces dispositions sont indispensables pour l'action de nos forces de sécurité.
Enfin, nous engagerons une révision de la Constitution, sur la base des propositions faites par le président de la République à la fois parce qu'il faut intégrer un nouvel état de sécurité pour notre pays et parce que des réformes constitutionnelles s'imposent si nous voulons aller plus loin en ce qui concerne la déchéance de nationalité ou le retour d'un certain nombre de terroristes ; et sans doute y aura-t-il d'autres propositions.
J'aurai l'occasion de consulter l'ensemble des groupes et les présidents des deux assemblées sur le calendrier. Mais là aussi, nous devons aller vite, notamment dans le délai des trois mois de l'état d'urgence, qui sera, je l'espère, mis en oeuvre d'ici la fin de la semaine. Quoi qu'il en soit, vous pouvez compter sur la volonté du gouvernement d'associer étroitement le Parlement. Dans ces moments-là, où nous devons prendre des dispositifs exceptionnels, vous représentez la démocratie, vous représentez les droits fondamentaux du Parlement, et nous les respecterons pleinement./.
Monsieur le Député, l'action contre le terrorisme de guerre se mène sur tous les fronts. Il n'y a pas une mesure particulière - personne d'ailleurs ne le dit - qui permettrait de régler le problème. Le combat se mène d'abord - je le souligne à la suite de Jean-Yves Le Drian - sur le terrain extérieur, en frappant Daech, l'État islamique, en Irak comme en Syrie.
C'est ce que nous faisons en Irak depuis 2014. C'est ce que nous faisons depuis plusieurs jours en Syrie.
Les événements terribles que nous avons connus permettent aujourd'hui de faire bouger les lignes dans un certain nombre de pays et, nous l'espérons, de créer une grande coalition contre le terrorisme. Je veux ici saluer l'engagement de nos pilotes qui, à bord de leurs Rafale et de leurs Mirage, conduisent des opérations de frappes aériennes tous les soirs, toutes les nuits.
Le combat se mène également sur le front intérieur. Qui peut l'ignorer ? Il se mène grâce aux moyens que nous allons donner à la police, à la gendarmerie, aux services de renseignement, aux services de la justice, aux douanes.
Ces moyens, en termes d'hommes, de femmes, de postes, nous n'avons cessé de les augmenter depuis 2012, et nous allons poursuivre notre engagement. Ce sont là des investissements importants tant les budgets de fonctionnement ont baissé entre 2007 et 2012. Or, nos forces de l'ordre ont besoin de moyens pour faire face au terrorisme.
Ce combat, ce sont encore les choix évoqués hier par le président de la République, en particulier une révision constitutionnelle pour adapter la loi de 1955, que nous présenterons demain en conseil des ministres. Des mesures seront également prévues concernant la déchéance de la nationalité.
Apporter une réponse juridique et efficace au défi du terrorisme, comme le précisait le ministre de l'intérieur, c'est élargir les possibilités de déchoir une personne de sa nationalité française. Le code civil permet une telle déchéance pour une personne qui, ayant acquis la nationalité française, est condamnée pour des faits de terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.
La révision constitutionnelle proposée permettra de déchoir également de sa nationalité une personne née française, disposant de la double nationalité, et condamnée pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Je vous réponds très précisément.
Enfin, Monsieur le Député, dans ce débat où se mêlent la colère, les angoisses, les peurs de nos concitoyens, je pense sincèrement que nous avons une responsabilité : préserver l'unité de la nation.
Pas uniquement l'unité de la représentation nationale, mais celle de la nation tout entière. Chaque fois que vous jouerez sur la confusion, comme vous le faites avec votre question, chaque fois que vous rendrez, par vos propos, tout étranger suspect, vous nous trouverez devant vous pour dire non.
Je veux rappeler que, sur les trottoirs de Paris, monsieur le député, et dans la salle du Bataclan, des étrangers ont été tués, des Français d'origine étrangère ont été tués, peut-être même des Français qui avaient acquis leur nationalité. Parce que moi, parmi d'autres, je fais partie de ceux qui ont décidé un jour de devenir Français, parce que j'aime ce pays par-dessus tout, je ne permettrai jamais cet amalgame qui met en cause les valeurs de notre pays.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 2015