Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN est l'invité d'iTélé ce matin, bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Bruxelles vit au ralenti pour la troisième journée consécutive : écoles, universités, métro fermés. Est-ce que vous apportez votre soutien aux autorités belges ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Bien sûr ; à la population, aux autorités. Je pense qu'elles prennent en conscience un certain nombre de décisions, de précautions. On voit bien que le lien de ces attentats avec la Belgique est très fort. Il semblerait quand même qu'il y ait encore un certain nombre de gens dans la nature. Ils doivent avoir ce que je n'ai pas, mais j'imagine comme vous et comme n'importe qui un certain nombre d'informations qui justifient ces précautions.
BRUCE TOUSSAINT
Cette décision de tout fermer, de faire tourner cette capitale au ralenti, la France pourrait être susceptible de prendre une telle décision en cas de nouvelles menaces ? Est-ce que ça fait éventuellement partie du processus, de la procédure ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est possible. Je pense qu'ils ont des informations laissant à penser, et d'ailleurs ils le disent, qu'il y a des menaces imminentes. En fait, on voit bien que sans doute la police est en train d'organiser la traque et dans cette traque, il y a des gens qui sont prêts à tout au dernier moment, dans n'importe quelles conditions. On imagine bien, mais ce type de disposition me semble-t-il, c'est une disposition qui est légitime au regard d'une menace extrême.
BRUCE TOUSSAINT
Ça pose aussi la question de la coopération entre nos deux pays, entre la France et la Belgique, toute cette alerte maximale. On a le sentiment malgré tout qu'il a fallu attendre cette tragédie des attentats de Paris vendredi dernier pour qu'on comprenne enfin et que les lignes bougent. Est-ce que c'est exact ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Sans doute qu'il y a une prise de conscience plus forte. Vous savez la Belgique, vous connaissez la situation politique de la Belgique qui est avec de grands conflits entre les Wallons et les Flamands, un Etat qui est quand même assez faible. Lorsque le ministre de l'Intérieur et le gouvernement français s'étaient exprimés vis-à-vis de ces partenaires européens et notamment la Belgique en disant : « Il faut élever le niveau de sécurité », peut-être que la prise de conscience n'a pas été suffisante. Mais je crois maintenant, j'allais dire malheureusement, dans le drame, je pense que cette prise de conscience est en train d'être réalisée pleinement.
BRUCE TOUSSAINT
François HOLLANDE commence un marathon diplomatique ce matin. Il va recevoir dans quelques minutes le Premier ministre anglais, ce sera à huit heures trente à l'Elysée. Quelle est l'idée ? De créer une espèce de coalition élargie, comme on peut l'entendre et le lire depuis quelques jours ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Vous le savez, au-delà des forces et de l'intervention que fait déjà la France depuis des semaines, singulièrement depuis quelques jours, et qui va continuer notamment au plan aérien, en coalition sur l'Irak avec bien d'autres pays, principalement les Etats-Unis, de façon plus autonome en Syrie, ces interventions militaires sont nécessaires. Mais on voit bien que l'on trouvera une solution pour l'éradication de Daech en Syrie mais vraisemblablement aussi en Irak, puisque le coeur initial de Daech, c'est l'Irak. Donc il faut intervenir et en Syrie et en Irak, mais pour ça des forces militaires sûrement, des opérations militaires sûrement, mais il faut trouver une solution politique. Soit une solution politique globale à la question du Moyen-Orient, c'est-à-dire le rapport qui peut exister aujourd'hui entre les pays arabes dans leur diversité et, par exemple, l'Iran, et la présence aussi d'autres pays, mais aussi au plan plus religieux la question des Chiites et des Sunnites. Est-ce qu'on doit trouver une solution globale ? Est-ce qu'on doit trouver tout simplement des accommodements à un moment pratique parce que l'ensemble de la communauté internationale prend conscience que Daech est un cancer qui touche absolument tout le monde ?
BRUCE TOUSSAINT
D'ailleurs, quel est l'objectif précis ? Lorsqu'on dit « Vaincre Daech », c'est quoi ? C'est l'anéantissement ? C'est la fin de cette menace terroriste ? C'est quoi ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois que là très clairement, il existe en Syrie et en Irak des éléments structurés. Après, est-ce que c'est un Etat ? Sans doute pas, mais c'est une force qui tient un territoire, qui a à la fois un appareil militaire, un appareil policier, un appareil terroriste, un appareil idéologique et il faut briser très clairement cette structure, la détruire, juger, pourchasser tous ceux qui ont pris une part dans cette opération. Mais au-delà, il faut évidemment donner un avenir à la Syrie, à l'Irak, plus largement au Moyen-Orient.
BRUCE TOUSSAINT
Il faut travailler avec Bachar el-ASSAD dans cet objectif de détruire Daech ? On voit bien que les choses ont changé sur cette question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Elles ont changé mais elles ont changé. J'allais dire, depuis le début notre adversaire, et vous l'avez noté, la France bombardait en Syrie Daech, elle ne bombardait pas le gouvernement de monsieur Bachar el-ASSAD même s'il n'y a pas de relations diplomatiques. Du temps d'ailleurs de monsieur FILLON et de monsieur SARKOZY qui avaient rompu les relations diplomatiques avec monsieur Bachar el-ASSAD, nous n'avons pas de relations et nous pensons d'une façon plus générale qu'il ne peut pas être l'homme qui va ramener l'ordre et la paix et la sécurité en Syrie.
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais il peut nous aider à vaincre Daech éventuellement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne le crois pas parce que plus il avance, plus il coalise contre lui des gens qui ne sont pas d'accord avec Daech mais qui n'accepteront jamais la tutelle de Bachar el-ASSAD. Nous avons donc des relations nous avons toujours eu des relations avec les Russes, avec les Américains mais c'est vrai que la coopération notamment avec les Russes et les Américains n'était pas au même niveau qu'avant les attentats. Les attentats en France mais aussi, s'agissant des Russes, ce qui s'est passé en Egypte ont amené une prise de conscience. Par exemple, les Russes qui ne bombardaient guère Daech ont décidé de bombarder Daech. Donc il y a aujourd'hui véritablement une prise de conscience et c'est le rôle du président de la République, de François HOLLANDE. Parce que la France a une politique indépendante, parce qu'elle parle à tout le monde, elle peut essayer de ramener tout le monde sur les objectifs précis qui sont effectivement la destruction de Daech.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'il pourrait faire un geste, tendre une main j'allais dire diplomatique vers Bachar el-ASSAD pour vaincre Daech, toujours dans cet objectif-là ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous ne le pensons pas. Je le répète, ce n'est pas simplement une question de morale. Ce n'est pas parce que Daech est un homme qui a martyrisé son peuple, c'est pour des raisons éminemment politiques. Il faudra qu'il y ait des gens qui se battent contre Daech, qui soient des gens qui sont aujourd'hui dans l'opposition syrienne. Ils ne le feront pas sous l'autorité de monsieur Bachar el-ASSAD. Chacun le comprend et si vous leur posez la question, c'est très clair. La diplomatie consiste donc à contourner ce type de problème et ne pas rentrer frontalement, à être obligé de choisir la peste ou le choléra. Maintenant, notre adversaire c'est clairement Daech mais nous ne pensons pas que cela passe par un soutien à monsieur Bachar el-ASSAD, non pas pour des questions seulement morales, même si elles existent, mais tout simplement pour des raisons pratiques, politiques.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN, je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Qu'est-ce que vous avez ressenti mardi dernier lors des questions au gouvernement, à l'Assemblée, qui ont été marquées par un chahut qui a choqué beaucoup de Français, d'ailleurs de gauche comme de droite ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois que comme eux, j'ai été choqué mais je crois maintenant que la prise de conscience s'est réalisée. Les Français d'ailleurs se sont d'ailleurs se sont exprimés fortement vis-à-vis de ceux qui avaient fait ce chahut et je pense que nous sommes dans une ambiance où chacun a compris qu'il fallait être à la hauteur des événements.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais avoir votre sentiment, parce qu'on parle beaucoup d'union, d'unité nationale depuis ces attentats. Un sondage publié ce matin par 20 Minutes, sondage Harris Interactive, indique que soixante dix-sept pourcent des Français ce n'est pas rien veulent un gouvernement d'union nationale. Pourquoi gauche et droite sont-elles fermement opposées à cette idée ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne sais pas si nous sommes fermement opposés à cette idée parce que l'unité nationale, ce n'est pas forcément un gouvernement où il y a tout le monde. C'est aussi le fait de faire converger des préoccupations et écouter les uns et les autres. Lorsque le président de la République s'exprime à Versailles, il le fait d'une façon et avec des propositions où il a à coeur visiblement d'écouter ce que dit l'opposition et de reprendre en partie, lorsque ça lui paraît efficace et acceptable au niveau des principes, un certain nombre d'éléments avancés par l'opposition. Je crois que c'est cet état d'esprit qui anime aujourd'hui le président de la République et le gouvernement.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord mais ce n'est pas l'union nationale. On a l'impression que dans votre esprit, est-ce que ce n'est pas une question de mentalité, d'institution ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais il peut y avoir des situations où on est amené à aller plus loin dans un gouvernement effectivement d'union nationale. Aujourd'hui, s'il y a une concorde qui se fait, une alliance sur des éléments stratégiques et vous savez que la réforme de la constitution, c'est une main tendue vis-à-vis de l'opposition pour trouver les éléments. A d'autres moments, à d'autres circonstances peut-être mais le débat, à partir du moment où il se fait dans le respect, est quelque chose d'utile aussi. Nous sommes en démocratie. Tout le monde n'est pas obligé d'avoir exactement la même position, même aujourd'hui dans ces moments dramatiques. Simplement, c'est la manière dont le débat est mené et la qualité des propositions qui sont faites.
BRUCE TOUSSAINT
La campagne des Régionales commence officiellement aujourd'hui, alors pas à gauche où ce sera différé, ce ne sera pas avant l'hommage de vendredi, est-ce que vous n'avez le sentiment que c'est le Front national qui va tirer profit de ce climat si particulier marqué par le terrorisme, 40 % d'intentions de vote pour la candidate du FN en Région PACA d'après un sondage publié hier ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Le but du terrorisme c'est de diviser les Français, de créer des tensions, de la haine, des sectarismes à l'intérieur de la société française, c'est ça leur but, ce n'est pas simplement de massacrer des concitoyens, c'est de créer des tensions, de créer de la violence à l'intérieur de la société française, eux-mêmes espérant récupérer en quelque sorte une partie de ceux qui seraient par exemple les victimes de ces violences. Je pense que les Français ont ça en tête, ils peuvent avoir une réaction à un moment ou à un autre de j'allais dire assez forte de colère, mais je pense qu'en tête qu'ils doivent comprendre le piège qu'essaie de leur tendre Daech qui veut l'affrontement entre Français Voilà ! Simplement je demande à chacun de réfléchir - et j'imagine d'ailleurs que chacun le fait moi je ne vais pas m'exprimer plus sur le sujet, je pense que les solutions qui sont portées par l'extrême droite, par le Front national sont plus des solutions qui nous créeraient beaucoup de complications à quelque niveau que ce soit alors qu'aujourd'hui je pense que les décisions qui seront prises par le gouvernement vont dans le sens d'un renforcement de la sécurité des Français en ayant garde de ne pas violer les principes et de ne pas provoquer inutilement des divisions dans le pays.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais avoir votre sentiment sur cette phrase prononcée par Valérie PECRESSE, qui est candidate aux Régionales en Île-de-France, en meeting à Drancy le 21 novembre, elle dit que en lien avec les attentats du 13 novembre : « l'un des terroristes a été filmé dans le métro en train de frauder, cela commence par là » ; qu'est-ce que ça vous inspire ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que ces propos ne sont pas exacts, car effectivement faire l'assimilation entre quelqu'un que je condamne et sur lequel je pense qu'effectivement
BRUCE TOUSSAINT
Qui fraude.
JEAN-MARIE LE GUEN
Et qui fraude, est un terroriste me parait une erreur à tout le moins et ça fait partie des propos je pense qui sont totalement inutiles. On prend toujours les Français, soit on veut les exciter, soit on prend les Français pour des gens qui ne voient pas véritablement les enjeux de cet affrontement avec le terrorisme, les Français savent faire la part des choses, donc je pense respectons les Français, respectons la vérité, respectons le bon sens.
BRUCE TOUSSAINT
Le respect c'est de ne pas faire campagne, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, le fait que la gauche ne reprenne pas sa campagne avant vendredi, c'est le meilleur moyen de convaincre les électeurs, d'empêcher le Front national de gagner des Régions, vous êtes sûr de ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, chacun analyse la situation et ce que souhaitent les Français comme ils le pensent. Je pense qu'il y aura une campagne qui durera une semaine - et elle avait déjà commencée les Français sont totalement impliqués dans l'actualité aujourd'hui, beaucoup d'entre eux ; je pense qu'il y a au moins un mot d'ordre qui devrait faire l'alliance de toute le monde, c'est que face à Daech il faut aller voter, face à ceux qui veulent éliminer notre démocratie il faut aller voter, face au terrorisme il faut aller voter et la meilleure réponse que nous avons à apporter c'est d'aller voter, pour le reste les Français savent à peu près pour beaucoup d'entre eux ce qu'ils ont à faire.
BRUCE TOUSSAINT
La dernière question a été posée, dans son édito, par Christophe BARBIER tout à l'heure sur iTélé : avec l'état d'urgence en vigueur jusqu'à la fin février, ne faut-il pas annuler la loi pénale que Christiane TAUBIRA doit présenter au printemps ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne vois vraiment pas le rapport ! Christiane TAUBIRA
BRUCE TOUSSAINT
L'embouteillage
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah ! Après qu'il y ait
BRUCE TOUSSAINT
L'embouteillage parlementaire, embouteillage de lois, une révision constitutionnelle peut-être
JEAN-MARIE LE GUEN
Ca, que nous ayons des problèmes d'ordre du jour parlementaires, c'est tout à fait exact, mais faire un lien entre le niveau de défense que nous avons et la loi par exemple Justice du XXIème siècle ou d'autres lois de réforme pénale qui visent à une action pénale plus efficace et, encore une fois, pourquoi Christiane TAUBIRA, pourquoi pas un autre ministre ? On verra bien les choix que nous feront. Il y a sans doute un calendrier parlementaire qui sera modifié, mais je ne vois pas à aucun moment - à aucun moment - le gouvernement, à travers les projets de Christiane TAUBIRA, n'a proposé une action pénale
BRUCE TOUSSAINT
Ça pourrait être reporté. Bien.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qui serait moins efficace que celle d'aujourd'hui. Non, mais soyons très clairs là-dessus.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, c'est clair. Merci beaucoup Jean-Marie LE GUEN, bonne journée à vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2015
Jean-Marie LE GUEN est l'invité d'iTélé ce matin, bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Bruxelles vit au ralenti pour la troisième journée consécutive : écoles, universités, métro fermés. Est-ce que vous apportez votre soutien aux autorités belges ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Bien sûr ; à la population, aux autorités. Je pense qu'elles prennent en conscience un certain nombre de décisions, de précautions. On voit bien que le lien de ces attentats avec la Belgique est très fort. Il semblerait quand même qu'il y ait encore un certain nombre de gens dans la nature. Ils doivent avoir ce que je n'ai pas, mais j'imagine comme vous et comme n'importe qui un certain nombre d'informations qui justifient ces précautions.
BRUCE TOUSSAINT
Cette décision de tout fermer, de faire tourner cette capitale au ralenti, la France pourrait être susceptible de prendre une telle décision en cas de nouvelles menaces ? Est-ce que ça fait éventuellement partie du processus, de la procédure ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est possible. Je pense qu'ils ont des informations laissant à penser, et d'ailleurs ils le disent, qu'il y a des menaces imminentes. En fait, on voit bien que sans doute la police est en train d'organiser la traque et dans cette traque, il y a des gens qui sont prêts à tout au dernier moment, dans n'importe quelles conditions. On imagine bien, mais ce type de disposition me semble-t-il, c'est une disposition qui est légitime au regard d'une menace extrême.
BRUCE TOUSSAINT
Ça pose aussi la question de la coopération entre nos deux pays, entre la France et la Belgique, toute cette alerte maximale. On a le sentiment malgré tout qu'il a fallu attendre cette tragédie des attentats de Paris vendredi dernier pour qu'on comprenne enfin et que les lignes bougent. Est-ce que c'est exact ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Sans doute qu'il y a une prise de conscience plus forte. Vous savez la Belgique, vous connaissez la situation politique de la Belgique qui est avec de grands conflits entre les Wallons et les Flamands, un Etat qui est quand même assez faible. Lorsque le ministre de l'Intérieur et le gouvernement français s'étaient exprimés vis-à-vis de ces partenaires européens et notamment la Belgique en disant : « Il faut élever le niveau de sécurité », peut-être que la prise de conscience n'a pas été suffisante. Mais je crois maintenant, j'allais dire malheureusement, dans le drame, je pense que cette prise de conscience est en train d'être réalisée pleinement.
BRUCE TOUSSAINT
François HOLLANDE commence un marathon diplomatique ce matin. Il va recevoir dans quelques minutes le Premier ministre anglais, ce sera à huit heures trente à l'Elysée. Quelle est l'idée ? De créer une espèce de coalition élargie, comme on peut l'entendre et le lire depuis quelques jours ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Vous le savez, au-delà des forces et de l'intervention que fait déjà la France depuis des semaines, singulièrement depuis quelques jours, et qui va continuer notamment au plan aérien, en coalition sur l'Irak avec bien d'autres pays, principalement les Etats-Unis, de façon plus autonome en Syrie, ces interventions militaires sont nécessaires. Mais on voit bien que l'on trouvera une solution pour l'éradication de Daech en Syrie mais vraisemblablement aussi en Irak, puisque le coeur initial de Daech, c'est l'Irak. Donc il faut intervenir et en Syrie et en Irak, mais pour ça des forces militaires sûrement, des opérations militaires sûrement, mais il faut trouver une solution politique. Soit une solution politique globale à la question du Moyen-Orient, c'est-à-dire le rapport qui peut exister aujourd'hui entre les pays arabes dans leur diversité et, par exemple, l'Iran, et la présence aussi d'autres pays, mais aussi au plan plus religieux la question des Chiites et des Sunnites. Est-ce qu'on doit trouver une solution globale ? Est-ce qu'on doit trouver tout simplement des accommodements à un moment pratique parce que l'ensemble de la communauté internationale prend conscience que Daech est un cancer qui touche absolument tout le monde ?
BRUCE TOUSSAINT
D'ailleurs, quel est l'objectif précis ? Lorsqu'on dit « Vaincre Daech », c'est quoi ? C'est l'anéantissement ? C'est la fin de cette menace terroriste ? C'est quoi ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois que là très clairement, il existe en Syrie et en Irak des éléments structurés. Après, est-ce que c'est un Etat ? Sans doute pas, mais c'est une force qui tient un territoire, qui a à la fois un appareil militaire, un appareil policier, un appareil terroriste, un appareil idéologique et il faut briser très clairement cette structure, la détruire, juger, pourchasser tous ceux qui ont pris une part dans cette opération. Mais au-delà, il faut évidemment donner un avenir à la Syrie, à l'Irak, plus largement au Moyen-Orient.
BRUCE TOUSSAINT
Il faut travailler avec Bachar el-ASSAD dans cet objectif de détruire Daech ? On voit bien que les choses ont changé sur cette question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Elles ont changé mais elles ont changé. J'allais dire, depuis le début notre adversaire, et vous l'avez noté, la France bombardait en Syrie Daech, elle ne bombardait pas le gouvernement de monsieur Bachar el-ASSAD même s'il n'y a pas de relations diplomatiques. Du temps d'ailleurs de monsieur FILLON et de monsieur SARKOZY qui avaient rompu les relations diplomatiques avec monsieur Bachar el-ASSAD, nous n'avons pas de relations et nous pensons d'une façon plus générale qu'il ne peut pas être l'homme qui va ramener l'ordre et la paix et la sécurité en Syrie.
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais il peut nous aider à vaincre Daech éventuellement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne le crois pas parce que plus il avance, plus il coalise contre lui des gens qui ne sont pas d'accord avec Daech mais qui n'accepteront jamais la tutelle de Bachar el-ASSAD. Nous avons donc des relations nous avons toujours eu des relations avec les Russes, avec les Américains mais c'est vrai que la coopération notamment avec les Russes et les Américains n'était pas au même niveau qu'avant les attentats. Les attentats en France mais aussi, s'agissant des Russes, ce qui s'est passé en Egypte ont amené une prise de conscience. Par exemple, les Russes qui ne bombardaient guère Daech ont décidé de bombarder Daech. Donc il y a aujourd'hui véritablement une prise de conscience et c'est le rôle du président de la République, de François HOLLANDE. Parce que la France a une politique indépendante, parce qu'elle parle à tout le monde, elle peut essayer de ramener tout le monde sur les objectifs précis qui sont effectivement la destruction de Daech.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu'il pourrait faire un geste, tendre une main j'allais dire diplomatique vers Bachar el-ASSAD pour vaincre Daech, toujours dans cet objectif-là ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Nous ne le pensons pas. Je le répète, ce n'est pas simplement une question de morale. Ce n'est pas parce que Daech est un homme qui a martyrisé son peuple, c'est pour des raisons éminemment politiques. Il faudra qu'il y ait des gens qui se battent contre Daech, qui soient des gens qui sont aujourd'hui dans l'opposition syrienne. Ils ne le feront pas sous l'autorité de monsieur Bachar el-ASSAD. Chacun le comprend et si vous leur posez la question, c'est très clair. La diplomatie consiste donc à contourner ce type de problème et ne pas rentrer frontalement, à être obligé de choisir la peste ou le choléra. Maintenant, notre adversaire c'est clairement Daech mais nous ne pensons pas que cela passe par un soutien à monsieur Bachar el-ASSAD, non pas pour des questions seulement morales, même si elles existent, mais tout simplement pour des raisons pratiques, politiques.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN, je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. Qu'est-ce que vous avez ressenti mardi dernier lors des questions au gouvernement, à l'Assemblée, qui ont été marquées par un chahut qui a choqué beaucoup de Français, d'ailleurs de gauche comme de droite ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois que comme eux, j'ai été choqué mais je crois maintenant que la prise de conscience s'est réalisée. Les Français d'ailleurs se sont d'ailleurs se sont exprimés fortement vis-à-vis de ceux qui avaient fait ce chahut et je pense que nous sommes dans une ambiance où chacun a compris qu'il fallait être à la hauteur des événements.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais avoir votre sentiment, parce qu'on parle beaucoup d'union, d'unité nationale depuis ces attentats. Un sondage publié ce matin par 20 Minutes, sondage Harris Interactive, indique que soixante dix-sept pourcent des Français ce n'est pas rien veulent un gouvernement d'union nationale. Pourquoi gauche et droite sont-elles fermement opposées à cette idée ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne sais pas si nous sommes fermement opposés à cette idée parce que l'unité nationale, ce n'est pas forcément un gouvernement où il y a tout le monde. C'est aussi le fait de faire converger des préoccupations et écouter les uns et les autres. Lorsque le président de la République s'exprime à Versailles, il le fait d'une façon et avec des propositions où il a à coeur visiblement d'écouter ce que dit l'opposition et de reprendre en partie, lorsque ça lui paraît efficace et acceptable au niveau des principes, un certain nombre d'éléments avancés par l'opposition. Je crois que c'est cet état d'esprit qui anime aujourd'hui le président de la République et le gouvernement.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord mais ce n'est pas l'union nationale. On a l'impression que dans votre esprit, est-ce que ce n'est pas une question de mentalité, d'institution ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais il peut y avoir des situations où on est amené à aller plus loin dans un gouvernement effectivement d'union nationale. Aujourd'hui, s'il y a une concorde qui se fait, une alliance sur des éléments stratégiques et vous savez que la réforme de la constitution, c'est une main tendue vis-à-vis de l'opposition pour trouver les éléments. A d'autres moments, à d'autres circonstances peut-être mais le débat, à partir du moment où il se fait dans le respect, est quelque chose d'utile aussi. Nous sommes en démocratie. Tout le monde n'est pas obligé d'avoir exactement la même position, même aujourd'hui dans ces moments dramatiques. Simplement, c'est la manière dont le débat est mené et la qualité des propositions qui sont faites.
BRUCE TOUSSAINT
La campagne des Régionales commence officiellement aujourd'hui, alors pas à gauche où ce sera différé, ce ne sera pas avant l'hommage de vendredi, est-ce que vous n'avez le sentiment que c'est le Front national qui va tirer profit de ce climat si particulier marqué par le terrorisme, 40 % d'intentions de vote pour la candidate du FN en Région PACA d'après un sondage publié hier ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Le but du terrorisme c'est de diviser les Français, de créer des tensions, de la haine, des sectarismes à l'intérieur de la société française, c'est ça leur but, ce n'est pas simplement de massacrer des concitoyens, c'est de créer des tensions, de créer de la violence à l'intérieur de la société française, eux-mêmes espérant récupérer en quelque sorte une partie de ceux qui seraient par exemple les victimes de ces violences. Je pense que les Français ont ça en tête, ils peuvent avoir une réaction à un moment ou à un autre de j'allais dire assez forte de colère, mais je pense qu'en tête qu'ils doivent comprendre le piège qu'essaie de leur tendre Daech qui veut l'affrontement entre Français Voilà ! Simplement je demande à chacun de réfléchir - et j'imagine d'ailleurs que chacun le fait moi je ne vais pas m'exprimer plus sur le sujet, je pense que les solutions qui sont portées par l'extrême droite, par le Front national sont plus des solutions qui nous créeraient beaucoup de complications à quelque niveau que ce soit alors qu'aujourd'hui je pense que les décisions qui seront prises par le gouvernement vont dans le sens d'un renforcement de la sécurité des Français en ayant garde de ne pas violer les principes et de ne pas provoquer inutilement des divisions dans le pays.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais avoir votre sentiment sur cette phrase prononcée par Valérie PECRESSE, qui est candidate aux Régionales en Île-de-France, en meeting à Drancy le 21 novembre, elle dit que en lien avec les attentats du 13 novembre : « l'un des terroristes a été filmé dans le métro en train de frauder, cela commence par là » ; qu'est-ce que ça vous inspire ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense que ces propos ne sont pas exacts, car effectivement faire l'assimilation entre quelqu'un que je condamne et sur lequel je pense qu'effectivement
BRUCE TOUSSAINT
Qui fraude.
JEAN-MARIE LE GUEN
Et qui fraude, est un terroriste me parait une erreur à tout le moins et ça fait partie des propos je pense qui sont totalement inutiles. On prend toujours les Français, soit on veut les exciter, soit on prend les Français pour des gens qui ne voient pas véritablement les enjeux de cet affrontement avec le terrorisme, les Français savent faire la part des choses, donc je pense respectons les Français, respectons la vérité, respectons le bon sens.
BRUCE TOUSSAINT
Le respect c'est de ne pas faire campagne, je reviens à ce que je disais tout à l'heure, le fait que la gauche ne reprenne pas sa campagne avant vendredi, c'est le meilleur moyen de convaincre les électeurs, d'empêcher le Front national de gagner des Régions, vous êtes sûr de ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, chacun analyse la situation et ce que souhaitent les Français comme ils le pensent. Je pense qu'il y aura une campagne qui durera une semaine - et elle avait déjà commencée les Français sont totalement impliqués dans l'actualité aujourd'hui, beaucoup d'entre eux ; je pense qu'il y a au moins un mot d'ordre qui devrait faire l'alliance de toute le monde, c'est que face à Daech il faut aller voter, face à ceux qui veulent éliminer notre démocratie il faut aller voter, face au terrorisme il faut aller voter et la meilleure réponse que nous avons à apporter c'est d'aller voter, pour le reste les Français savent à peu près pour beaucoup d'entre eux ce qu'ils ont à faire.
BRUCE TOUSSAINT
La dernière question a été posée, dans son édito, par Christophe BARBIER tout à l'heure sur iTélé : avec l'état d'urgence en vigueur jusqu'à la fin février, ne faut-il pas annuler la loi pénale que Christiane TAUBIRA doit présenter au printemps ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne vois vraiment pas le rapport ! Christiane TAUBIRA
BRUCE TOUSSAINT
L'embouteillage
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah ! Après qu'il y ait
BRUCE TOUSSAINT
L'embouteillage parlementaire, embouteillage de lois, une révision constitutionnelle peut-être
JEAN-MARIE LE GUEN
Ca, que nous ayons des problèmes d'ordre du jour parlementaires, c'est tout à fait exact, mais faire un lien entre le niveau de défense que nous avons et la loi par exemple Justice du XXIème siècle ou d'autres lois de réforme pénale qui visent à une action pénale plus efficace et, encore une fois, pourquoi Christiane TAUBIRA, pourquoi pas un autre ministre ? On verra bien les choix que nous feront. Il y a sans doute un calendrier parlementaire qui sera modifié, mais je ne vois pas à aucun moment - à aucun moment - le gouvernement, à travers les projets de Christiane TAUBIRA, n'a proposé une action pénale
BRUCE TOUSSAINT
Ça pourrait être reporté. Bien.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qui serait moins efficace que celle d'aujourd'hui. Non, mais soyons très clairs là-dessus.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, c'est clair. Merci beaucoup Jean-Marie LE GUEN, bonne journée à vous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2015