Texte intégral
Messieurs les Députés-Maires,
Mesdames et Messieurs les maires, les élus,
Monsieur le Directeur Général de l'Aménagement, du Logement et de la Nature,
Madame l'Inspectrice générale du développement durable, chère Ariella MASBOUNGI,
Mesdames et Messieurs les professionnels,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 12 jours, ce vendredi 13 novembre, à Paris et à Saint-Denis, ce sont nos villes, notre pays, nos libertés, qui ont été touchées en plein coeur.
La France a été attaquée car nous sommes un peuple libre.
C'est cette France, sa jeunesse, sans distinction d'origine, de couleur ou de religion qui était ciblée, délibérément. Celle qui aime la vie, la culture, le sport, la convivialité et la fête.
Ces circonstances et parce que l'urbanisme poursuit au contraires les voies d'une ville heureuse ôtent à votre cérémonie son caractère festif, au profit d'une plus grande solennité.
Je tenais cependant à être des vôtres pour ce grand rendez-vous annuel qui met à l'honneur les urbanistes, les approches et les projets.
Je remercie celles et ceux qui concourent à sa réussite. Et je tiens tout particulièrement à saluer Ariella Masboungi, qui en est la grande organisatrice.
Au-delà des personnalités récompensées, ce Grand Prix est toujours l'occasion de valoriser une vision de l'aménagement du territoire. Il met à l'honneur, une pensée, des savoirs et des pratiques innovantes, qui permettent de mieux bâtir aujourd'hui, la cité de demain.
Depuis sa création, il y a plus de 25 ans, il a distingué des professionnels, très divers, à la fois au regard de leurs profils et de leurs apports.
Tous mettent leur vision, leur créativité et leur passion au service de l'amélioration du quotidien de nos concitoyens.
Les trois tables rondes de cet après-midi, autour des thématiques chères à Gérard Pénot, que je salue chaleureusement, ont permis d'échanger sur la question du rôle des espaces publics pour « faire société ».
Je tiens également à remercier l'ensemble des participants : urbanistes, architectes, élus et praticiens, qui ont contribué à la richesse de vos travaux.
Je suis aussi convaincue que vos compétences et votre expertise doivent être mises au service de tous les territoires et de leurs habitants. Que ce soit dans les métropoles, dans les agglomérations, dans le périurbain, dans les bourgs, ou dans l'espace rural et vous savez que c'est un sujet qui m'est cher.
Cher Gérard Pénot, vous avez oeuvré, avec vos équipes de l'Atelier Ruelle, sur des terrains divers, variés, qui reflètent bien la diversité de notre pays.
Dans des villes industrielles en reconversion, comme à Saint Nazaire, ou à Saint Etienne ;
Dans des grandes agglomérations, à Paris ou à Lyon ;
Dans des villes de banlieue (Massy ou Cergy) ou des villes moyennes du grand ouest.
Mais aussi dans des communes plus petites : Saint-Jean-de-Monts, Herbignac ou Veules-les-Roses, dont vous avez magnifié le bord de mer, pour en faire un lieu de rencontres et d'échanges particulièrement agréable.
Récemment, vous avez été lauréat de l'accord-cadre de maîtrise d'oeuvre urbaine des ZAC Marne-Europe et Boutareines, autour de la future gare de la ligne 15, du Grand Paris Express.
En accompagnant ce projet, vous participez activement à la réflexion globale sur la construction de cette métropole.
Elle concentre les grands enjeux urbanistiques actuels et constitue une formidable opportunité de réduire les déséquilibres et les inégalités existants entre les villes et les quartiers qui la composent.
Cher Gérard Pénot, récemment vous définissiez une ville comme « une sorte de monstre qui possède différents corps : économique, social et culturel Cette ville peut donner la sensation d'un corps unifié, mais c'est en réalité un assemblage composé de corps multiples ».
Et d'ajouter : « Ce qui me passionne, c'est la mécanique des interactions. Il faut trouver ce qui réveille l'attention et l'intérêt de chacun des corps ».
Cette définition résume assez bien votre parcours, vos questionnements et vos préoccupations.
Et traduit, votre conception originale et créative de vos approches.
C'est ce rapport aux corps, que l'on retrouve dans votre travail et qui sert de fil conducteur à votre livre et aux échanges que vous avez animés cet après-midi.
La « ville au corps à corps » renvoie en effet à la fois à une forme de combat, mais aussi à une étreinte.
Au coeur de votre conception et de votre pratique de l'urbanisme, figure également la question des usages, de la perception par l'habitant de son environnement ; de la manière dont il l'appréhende, se l'approprie.
Vous aimez à vous présenter comme « urbaniste avant tout » pour, je reprends vos mots, « construire une ville plaisante ».
Car, vous concevez votre mission comme un exercice de « l'art » de l'espace public.
Le créer, c'est susciter des sensations de confort, de liberté, c'est inciter à la rencontre et à l'échange.
Je veux soutenir avec force votre proposition : celle de redonner à l'espace commun sa vocation première : promouvoir la fraternité, que l'on appelle plus simplement et plus communément le vivre-ensemble.
Mais là où beaucoup ne font que ressasser cette notion jusqu'à l'élimer, vous y travaillez, concrètement et activement.
Vous décrivez bien les mécanismes qui peuvent faire de l'urbanisme une barrière, ou un vecteur de la mise à distance, en d'autres termes de la ségrégation spatiale et sociale.
Et, la période difficile que nous traversons doit nous enjoindre à repenser nos rapports à l'espace public et à les redessiner pour favoriser la cohésion et la vie du quotidien.
Ce sont ces liens que vous vous attachez à tisser patiemment, pour faire société commune, pour « faire nation ».
Pour atteindre cet objectif ambitieux, la mission de l'urbaniste est fondamentale. Il lui revient d' « assembler » les espaces et de les relier pour réunir les femmes et les hommes qui vivent dans ces lieux.
Il doit également prendre en compte les particularités de chaque territoire, son histoire, son architecture, les contraintes d'une ville, d'un quartier, pour en tirer le meilleur.
Saluer votre travail, c'est également reconnaître votre capacité d'anticipation sur les exigences de la ville du 21ème siècle.
Votre longue relation avec Saint-Nazaire, dont vous avez accompagné la transformation la mutation, depuis les années 80, vous a permis de comprendre très tôt qu'il fallait conjuguer sobriété et performance des interventions et considérer une opération sur le temps long.
Un projet sobre, ou frugal comme vous l'appelez, ne traduit pas un manque d'ambition. Au contraire, c'est une vision qui se débarrasse du superflu, des grigris, pour se concentrer sur l'essentiel.
Ce n'est pas un urbanisme qui s'affiche, mais, au contraire qui s'efface. En d'autres termes, pour vous, la facilité d'appropriation d'un espace public par les habitants et son entretien à long terme doit primer sur sa sophistication.
Vous avez donc appris à conjuguer avant l'heure esthétisme et durabilité.
Je perçois, dans votre conception des projets d'aménagement, l'influence de votre parcours.
Il est atypique, assurément.
L'urbanisme n'est pas chez vous le fruit d'une vocation de jeunesse ou d'une tradition familiale.
Cet attrait est venu d'une mobilisation contre un projet d'aménagement, celui de la Place des Fêtes, que vous combattiez, vous l'enfant de Belleville.
Il était donc presque naturel, une fois devenu urbaniste, que vous accordiez une grande attention aux habitants, qui chaque jour, utilisent ces espaces.
Vous le savez, mieux que quiconque, l'urbanisme et l'architecture, c'est-à-dire le beau, l'agréable et la qualité ont la capacité d'influer sur les comportements des individus. J'en ai la conviction.
Pour y parvenir, la maturation des projets requiert de l'écoute mais aussi des capacités de négociation et de concertation, pour conjuguer esthétisme, durabilité et appropriation.
Cela nécessite également une compréhension profonde des acteurs et des techniques qui permettent de traduire les attentes parfois, pour ne pas dire souvent, contradictoires de nos concitoyens et nous pouvons tous les constater dans nos différentes responsabilités.
La méthode qui prévaut à l'élaboration d'une opération d'aménagement influe sur sa qualité et dans son acceptabilité par les riverains.
Il importe donc d'associer tous les intervenants : entendre les besoins des habitants, comprendre le projet politique d'un élu et savoir s'entourer avec les services techniques des collectivités.
Je pourrais citer votre intervention dans le cadre du pôle d'échange de la gare de Perrache à Lyon, ou le traitement du mail Picasso à Nantes. Vous avez su concilier les points de vue des spécialistes avec la position de celles et ceux qui y vivent et qui font vivre ces lieux.
Loin de vous également la prétention d'imposer votre art aux techniciens, du haut de votre magistère. Vous préférez une approche partenariale.
Comme vous le dites fort justement : « Etre en affinité avec les services techniques est la réussite de tout projet car ceux sont eux qui assurent l'entretien, donc la pérennité d'un espace public. Le concepteur ne fait que passer ».
Comment ne pas voir dans votre considération des techniciens, une réminiscence de votre passé, au début de votre vie active, dans les ateliers. Et dont vous tirez ce « goût de la technique », du geste juste, des savoir-faire.
Et c'est un des apports de la sociologie, notamment celle des organisations. Elle nous apprend que l'on ne peut mener une réforme, contre ou sans ceux qui sont en charge de la conduire et de l'appliquer.
C'est ce regard sociologique que vous avez affuté, à l'université de Vincennes, puis à l'école d'architecture, et par vos lectures, notamment celle de Norbert Elias.
Au final vous faites de l'urbanisme une forme de science sociale pluridisciplinaire et transversale.
Et vous faites de l'action d'urbaniser un acte politique, au sens noble du terme, c'est-à-dire, celui d'organiser la vie de la cité.
Vous y ajoutez une recherche du plaisir, de flâner, de découvrir une ville en la parcourant, de préférence à pied.
Vous vous positionnez également comme un médiateur auprès des élus, avec lesquels vous échangez et dont vous soulignez l'implication pour leur territoire. Vous êtes finalement animés d'une même ambition, celle d'aménager et d'agir pragmatiquement pour nos concitoyens et sur leur cadre de vie.
Je tiens à les saluer chaleureusement, car ce sont eux qui initient ces opérations, qui donnent cette impulsion politique indispensable.
Deux représentants ont apporté leur témoignage et leur réflexion dans vos débats, cet après-midi.
François Cornut-Gentille, député-maire de Saint-Dizier, où l'Atelier Ruelle a mené une opération architecturale pour un petit ensemble de logements intermédiaires.
Et Johanna Rolland, Maire de Nantes, qui est un territoire où foisonne l'innovation. J'ai eu l'occasion, lors d'une étape du Tour de France de la construction, en avril dernier, de visiter plusieurs programmes, à Rezé et sur l'Ile de Nantes, qui est un formidable laboratoire de la fabrique de la ville de demain.
Ces préoccupations ont également guidé vos travaux, dès les années 90, sur la rénovation des grands ensembles.
Là encore, vous entendez recréer des interactions à l'échelle, du quartier, de la ville, entre l'architectural et son environnement, entre le rez-de-chaussée et l'extérieur.
Ce souci de la mise en relation, vous avez pu l'exprimer dans l'aménagement du quartier de Châteaucreux, à Saint-Etienne, ou dans celui du quartier Malakoff à Nantes, coupé du reste de la ville par une grande emprise ferrée.
Face à ces contraintes, vous avez créé des espaces publics et relié ce quartier, au reste de la ville d'une part, et aux berges, à la confluence de l'Erdre et de la Loire, d'autre part.
A travers votre intervention, vous avez marié le convivial et les déplacements doux, le minéral et le végétal.
Le végétal précisément, il occupe une place centrale dans vos ouvrages. Je dirai même qu'il est une de vos passions.
En témoigne, le projet pour le moins original que vous avez mené, dans les années 1990, avec la création de votre propre pépinière, aux environs d'Angers, dans le domaine de Marcillé.
C'est également dans ce cadre préservé que vous avez installé une partie de vos équipes.
Vous en avez fait un laboratoire des essences, des coupes et une réserve pour vos chantiers urbains. Ainsi vous révélez un dialogue entre ville et campagne.
C'est pour toutes ces raisons que je souhaite saluer la pertinence du choix du jury qui, à travers votre travail, met en valeur un urbanisme des usages et de la qualité de l'espace, et cela en tout lieu de notre territoire.
Gérard Pénot, vous vous considérez comme un praticien et non comme un théoricien. Mais à travers vos différents projets vous contribuez à redonner du sens à l'intervention publique en matière d'urbanisme, pour s'assurer notamment qu'elle soit appropriée à la spécificité du lieu et aux attentes de ses résidents.
Vos préoccupations entrent en résonnance avec celles qui sont les miennes et de mon ministère.
Vous savez mon attachement à l'égalité des territoires.
L'égalité, ce n'est pas l'uniformité ni le nivellement.
C'est, au contraire, la reconnaissance de la diversité qui appelle des réponses adaptées. C'est l'impératif de considérer que chaque territoire est digne d'intérêt.
C'est cette ambition qui doit apparaître dans notre action, dans les zones urbaines, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou dans les programmes de rénovation urbaine.
J'ai également souhaité qu'une attention particulière soit portée aux ruralités et aux zones périurbaines.
C'est la raison pour laquelle j'ai confié à Frédéric Bonnet, que je salue, à qui j'ai remis le Grand Prix de l'Urbanisme l'an passé, une mission consacrée spécifiquement à leur aménagement.
Ce travail s'inscrit dans une réflexion plus large en faveur de leur développement harmonieux et respectueux de leur identité.
Il doit aussi contribuer à un nécessaire changement de regard sur ces territoires en reconnaissant pleinement leur apport, leurs potentialités, mais aussi, leurs difficultés propres.
Nous avons souhaité mettre au coeur de cette réflexion la parole de nos concitoyens. C'est-à-dire leur vision, leur perception de ces territoires dans lesquels ils vivent.
Vous l'aurez compris l'amélioration du cadre de vie est au coeur de notre action.
Elle prend en compte la qualité des constructions, mais aussi celle de leur environnement immédiat. Il y a là une cause commune entre urbaniste et architecte pour bâtir une ville belle, agréable et attractive.
Cette question a fait l'objet de votre troisième débat, cet après-midi, dans lequel sont notamment intervenus deux grands prix de l'architecture, Marc Barani et Christian de Portzamparc, également lauréat du Grand Prix de l'urbanisme, en 2004.
Notre action collective doit ainsi permettre d'assurer une plus grande mixité sociale dans l'habitat, et une plus grande mixité fonctionnelle, avec la présence d'activités, de commerces, d'équipements et d'espaces publics, qui améliorent réellement la vie quotidienne de nos concitoyens.
Au-delà, les politiques de l'urbanisme et d'aménagement doivent répondre à de nouveaux défis : permettre la production de logements abordables et agréables, engager nos territoires dans la transition énergétique, assurer la préservation de l'environnement, et favoriser la mobilité durable.
Le modèle de développement de nos espaces, urbains comme ruraux, doit donc être repensé.
Ces nouveaux objectifs sont autant d'opportunité pour promouvoir l'innovation, les savoir-faire et l'excellence française en la matière pour imaginer la ville de demain.
La démarche Ecoquartier illustre cette volonté de bâtir des villes exemplaires.
Gérard Pénot, vous intervenez dans 3 de ces quartiers à Bourges, à Reims et aux Mureaux.
Dans ce dernier, vous engagez une démarche environnementale, sur le site d'une ancienne friche industrielle polluée, et vous y ajoutez votre souci de relier ce quartier, au reste de la ville et aux réseaux de transports en commun.
Plus généralement, l'urbaniste a un rôle essentiel à jouer dans la définition, à long terme, d'un projet de société à l'échelle d'un bassin de vie. Rien de moins.
Fort de ses compétences au croisement des dimensions économiques, sociales, et sociétales, il doit accompagner les élus pour traduire leurs visions politiques, pour mieux les faire partager à l'ensemble des habitants.
Il lui faut donc s'adapter et renouveler sans cesse ses méthodes de travail, pour pouvoir embrasser la diversité des situations, de nos territoires et de leurs paysages appréhender à la fois la grande échelle et les microprojets, et aménager les espaces en fonction de modes de vie qui évoluent.
Les urbanistes doivent à la fois s'ancrer dans le présent, dans le quotidien, tout en anticipant ce que sera la pratique urbaine de demain, car les villes sont en perpétuel mouvement.
Gérard Pénot, vous dites de vous : « je suis un enfant de la République ». Je suis persuadée que c'est aussi par et dans l'urbanisme que cette République, et les valeurs qu'elle porte, doit s'incarner dans tous nos quartiers, dans toutes nos villes et dans tous nos villages.
Chaque année, le Grand Prix de l'Urbanisme, permet la mise en lumière de l'oeuvre d'un précurseur, d'un visionnaire, qui par ses interventions réinterroge nos procédés, nos savoirs et nos savoir-faire, et contribue ainsi au rayonnement de notre pays.
Votre pensée et votre action nous y invitent, cher Gérard Pénot. Je suis donc très honorée de vous remettre ce Grand Prix de l'Urbanisme 2015 en vous adressant mes plus sincères félicitations.
source http://www.territoires.gouv.fr, le 4 décembre 2015
Mesdames et Messieurs les maires, les élus,
Monsieur le Directeur Général de l'Aménagement, du Logement et de la Nature,
Madame l'Inspectrice générale du développement durable, chère Ariella MASBOUNGI,
Mesdames et Messieurs les professionnels,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 12 jours, ce vendredi 13 novembre, à Paris et à Saint-Denis, ce sont nos villes, notre pays, nos libertés, qui ont été touchées en plein coeur.
La France a été attaquée car nous sommes un peuple libre.
C'est cette France, sa jeunesse, sans distinction d'origine, de couleur ou de religion qui était ciblée, délibérément. Celle qui aime la vie, la culture, le sport, la convivialité et la fête.
Ces circonstances et parce que l'urbanisme poursuit au contraires les voies d'une ville heureuse ôtent à votre cérémonie son caractère festif, au profit d'une plus grande solennité.
Je tenais cependant à être des vôtres pour ce grand rendez-vous annuel qui met à l'honneur les urbanistes, les approches et les projets.
Je remercie celles et ceux qui concourent à sa réussite. Et je tiens tout particulièrement à saluer Ariella Masboungi, qui en est la grande organisatrice.
Au-delà des personnalités récompensées, ce Grand Prix est toujours l'occasion de valoriser une vision de l'aménagement du territoire. Il met à l'honneur, une pensée, des savoirs et des pratiques innovantes, qui permettent de mieux bâtir aujourd'hui, la cité de demain.
Depuis sa création, il y a plus de 25 ans, il a distingué des professionnels, très divers, à la fois au regard de leurs profils et de leurs apports.
Tous mettent leur vision, leur créativité et leur passion au service de l'amélioration du quotidien de nos concitoyens.
Les trois tables rondes de cet après-midi, autour des thématiques chères à Gérard Pénot, que je salue chaleureusement, ont permis d'échanger sur la question du rôle des espaces publics pour « faire société ».
Je tiens également à remercier l'ensemble des participants : urbanistes, architectes, élus et praticiens, qui ont contribué à la richesse de vos travaux.
Je suis aussi convaincue que vos compétences et votre expertise doivent être mises au service de tous les territoires et de leurs habitants. Que ce soit dans les métropoles, dans les agglomérations, dans le périurbain, dans les bourgs, ou dans l'espace rural et vous savez que c'est un sujet qui m'est cher.
Cher Gérard Pénot, vous avez oeuvré, avec vos équipes de l'Atelier Ruelle, sur des terrains divers, variés, qui reflètent bien la diversité de notre pays.
Dans des villes industrielles en reconversion, comme à Saint Nazaire, ou à Saint Etienne ;
Dans des grandes agglomérations, à Paris ou à Lyon ;
Dans des villes de banlieue (Massy ou Cergy) ou des villes moyennes du grand ouest.
Mais aussi dans des communes plus petites : Saint-Jean-de-Monts, Herbignac ou Veules-les-Roses, dont vous avez magnifié le bord de mer, pour en faire un lieu de rencontres et d'échanges particulièrement agréable.
Récemment, vous avez été lauréat de l'accord-cadre de maîtrise d'oeuvre urbaine des ZAC Marne-Europe et Boutareines, autour de la future gare de la ligne 15, du Grand Paris Express.
En accompagnant ce projet, vous participez activement à la réflexion globale sur la construction de cette métropole.
Elle concentre les grands enjeux urbanistiques actuels et constitue une formidable opportunité de réduire les déséquilibres et les inégalités existants entre les villes et les quartiers qui la composent.
Cher Gérard Pénot, récemment vous définissiez une ville comme « une sorte de monstre qui possède différents corps : économique, social et culturel Cette ville peut donner la sensation d'un corps unifié, mais c'est en réalité un assemblage composé de corps multiples ».
Et d'ajouter : « Ce qui me passionne, c'est la mécanique des interactions. Il faut trouver ce qui réveille l'attention et l'intérêt de chacun des corps ».
Cette définition résume assez bien votre parcours, vos questionnements et vos préoccupations.
Et traduit, votre conception originale et créative de vos approches.
C'est ce rapport aux corps, que l'on retrouve dans votre travail et qui sert de fil conducteur à votre livre et aux échanges que vous avez animés cet après-midi.
La « ville au corps à corps » renvoie en effet à la fois à une forme de combat, mais aussi à une étreinte.
Au coeur de votre conception et de votre pratique de l'urbanisme, figure également la question des usages, de la perception par l'habitant de son environnement ; de la manière dont il l'appréhende, se l'approprie.
Vous aimez à vous présenter comme « urbaniste avant tout » pour, je reprends vos mots, « construire une ville plaisante ».
Car, vous concevez votre mission comme un exercice de « l'art » de l'espace public.
Le créer, c'est susciter des sensations de confort, de liberté, c'est inciter à la rencontre et à l'échange.
Je veux soutenir avec force votre proposition : celle de redonner à l'espace commun sa vocation première : promouvoir la fraternité, que l'on appelle plus simplement et plus communément le vivre-ensemble.
Mais là où beaucoup ne font que ressasser cette notion jusqu'à l'élimer, vous y travaillez, concrètement et activement.
Vous décrivez bien les mécanismes qui peuvent faire de l'urbanisme une barrière, ou un vecteur de la mise à distance, en d'autres termes de la ségrégation spatiale et sociale.
Et, la période difficile que nous traversons doit nous enjoindre à repenser nos rapports à l'espace public et à les redessiner pour favoriser la cohésion et la vie du quotidien.
Ce sont ces liens que vous vous attachez à tisser patiemment, pour faire société commune, pour « faire nation ».
Pour atteindre cet objectif ambitieux, la mission de l'urbaniste est fondamentale. Il lui revient d' « assembler » les espaces et de les relier pour réunir les femmes et les hommes qui vivent dans ces lieux.
Il doit également prendre en compte les particularités de chaque territoire, son histoire, son architecture, les contraintes d'une ville, d'un quartier, pour en tirer le meilleur.
Saluer votre travail, c'est également reconnaître votre capacité d'anticipation sur les exigences de la ville du 21ème siècle.
Votre longue relation avec Saint-Nazaire, dont vous avez accompagné la transformation la mutation, depuis les années 80, vous a permis de comprendre très tôt qu'il fallait conjuguer sobriété et performance des interventions et considérer une opération sur le temps long.
Un projet sobre, ou frugal comme vous l'appelez, ne traduit pas un manque d'ambition. Au contraire, c'est une vision qui se débarrasse du superflu, des grigris, pour se concentrer sur l'essentiel.
Ce n'est pas un urbanisme qui s'affiche, mais, au contraire qui s'efface. En d'autres termes, pour vous, la facilité d'appropriation d'un espace public par les habitants et son entretien à long terme doit primer sur sa sophistication.
Vous avez donc appris à conjuguer avant l'heure esthétisme et durabilité.
Je perçois, dans votre conception des projets d'aménagement, l'influence de votre parcours.
Il est atypique, assurément.
L'urbanisme n'est pas chez vous le fruit d'une vocation de jeunesse ou d'une tradition familiale.
Cet attrait est venu d'une mobilisation contre un projet d'aménagement, celui de la Place des Fêtes, que vous combattiez, vous l'enfant de Belleville.
Il était donc presque naturel, une fois devenu urbaniste, que vous accordiez une grande attention aux habitants, qui chaque jour, utilisent ces espaces.
Vous le savez, mieux que quiconque, l'urbanisme et l'architecture, c'est-à-dire le beau, l'agréable et la qualité ont la capacité d'influer sur les comportements des individus. J'en ai la conviction.
Pour y parvenir, la maturation des projets requiert de l'écoute mais aussi des capacités de négociation et de concertation, pour conjuguer esthétisme, durabilité et appropriation.
Cela nécessite également une compréhension profonde des acteurs et des techniques qui permettent de traduire les attentes parfois, pour ne pas dire souvent, contradictoires de nos concitoyens et nous pouvons tous les constater dans nos différentes responsabilités.
La méthode qui prévaut à l'élaboration d'une opération d'aménagement influe sur sa qualité et dans son acceptabilité par les riverains.
Il importe donc d'associer tous les intervenants : entendre les besoins des habitants, comprendre le projet politique d'un élu et savoir s'entourer avec les services techniques des collectivités.
Je pourrais citer votre intervention dans le cadre du pôle d'échange de la gare de Perrache à Lyon, ou le traitement du mail Picasso à Nantes. Vous avez su concilier les points de vue des spécialistes avec la position de celles et ceux qui y vivent et qui font vivre ces lieux.
Loin de vous également la prétention d'imposer votre art aux techniciens, du haut de votre magistère. Vous préférez une approche partenariale.
Comme vous le dites fort justement : « Etre en affinité avec les services techniques est la réussite de tout projet car ceux sont eux qui assurent l'entretien, donc la pérennité d'un espace public. Le concepteur ne fait que passer ».
Comment ne pas voir dans votre considération des techniciens, une réminiscence de votre passé, au début de votre vie active, dans les ateliers. Et dont vous tirez ce « goût de la technique », du geste juste, des savoir-faire.
Et c'est un des apports de la sociologie, notamment celle des organisations. Elle nous apprend que l'on ne peut mener une réforme, contre ou sans ceux qui sont en charge de la conduire et de l'appliquer.
C'est ce regard sociologique que vous avez affuté, à l'université de Vincennes, puis à l'école d'architecture, et par vos lectures, notamment celle de Norbert Elias.
Au final vous faites de l'urbanisme une forme de science sociale pluridisciplinaire et transversale.
Et vous faites de l'action d'urbaniser un acte politique, au sens noble du terme, c'est-à-dire, celui d'organiser la vie de la cité.
Vous y ajoutez une recherche du plaisir, de flâner, de découvrir une ville en la parcourant, de préférence à pied.
Vous vous positionnez également comme un médiateur auprès des élus, avec lesquels vous échangez et dont vous soulignez l'implication pour leur territoire. Vous êtes finalement animés d'une même ambition, celle d'aménager et d'agir pragmatiquement pour nos concitoyens et sur leur cadre de vie.
Je tiens à les saluer chaleureusement, car ce sont eux qui initient ces opérations, qui donnent cette impulsion politique indispensable.
Deux représentants ont apporté leur témoignage et leur réflexion dans vos débats, cet après-midi.
François Cornut-Gentille, député-maire de Saint-Dizier, où l'Atelier Ruelle a mené une opération architecturale pour un petit ensemble de logements intermédiaires.
Et Johanna Rolland, Maire de Nantes, qui est un territoire où foisonne l'innovation. J'ai eu l'occasion, lors d'une étape du Tour de France de la construction, en avril dernier, de visiter plusieurs programmes, à Rezé et sur l'Ile de Nantes, qui est un formidable laboratoire de la fabrique de la ville de demain.
Ces préoccupations ont également guidé vos travaux, dès les années 90, sur la rénovation des grands ensembles.
Là encore, vous entendez recréer des interactions à l'échelle, du quartier, de la ville, entre l'architectural et son environnement, entre le rez-de-chaussée et l'extérieur.
Ce souci de la mise en relation, vous avez pu l'exprimer dans l'aménagement du quartier de Châteaucreux, à Saint-Etienne, ou dans celui du quartier Malakoff à Nantes, coupé du reste de la ville par une grande emprise ferrée.
Face à ces contraintes, vous avez créé des espaces publics et relié ce quartier, au reste de la ville d'une part, et aux berges, à la confluence de l'Erdre et de la Loire, d'autre part.
A travers votre intervention, vous avez marié le convivial et les déplacements doux, le minéral et le végétal.
Le végétal précisément, il occupe une place centrale dans vos ouvrages. Je dirai même qu'il est une de vos passions.
En témoigne, le projet pour le moins original que vous avez mené, dans les années 1990, avec la création de votre propre pépinière, aux environs d'Angers, dans le domaine de Marcillé.
C'est également dans ce cadre préservé que vous avez installé une partie de vos équipes.
Vous en avez fait un laboratoire des essences, des coupes et une réserve pour vos chantiers urbains. Ainsi vous révélez un dialogue entre ville et campagne.
C'est pour toutes ces raisons que je souhaite saluer la pertinence du choix du jury qui, à travers votre travail, met en valeur un urbanisme des usages et de la qualité de l'espace, et cela en tout lieu de notre territoire.
Gérard Pénot, vous vous considérez comme un praticien et non comme un théoricien. Mais à travers vos différents projets vous contribuez à redonner du sens à l'intervention publique en matière d'urbanisme, pour s'assurer notamment qu'elle soit appropriée à la spécificité du lieu et aux attentes de ses résidents.
Vos préoccupations entrent en résonnance avec celles qui sont les miennes et de mon ministère.
Vous savez mon attachement à l'égalité des territoires.
L'égalité, ce n'est pas l'uniformité ni le nivellement.
C'est, au contraire, la reconnaissance de la diversité qui appelle des réponses adaptées. C'est l'impératif de considérer que chaque territoire est digne d'intérêt.
C'est cette ambition qui doit apparaître dans notre action, dans les zones urbaines, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou dans les programmes de rénovation urbaine.
J'ai également souhaité qu'une attention particulière soit portée aux ruralités et aux zones périurbaines.
C'est la raison pour laquelle j'ai confié à Frédéric Bonnet, que je salue, à qui j'ai remis le Grand Prix de l'Urbanisme l'an passé, une mission consacrée spécifiquement à leur aménagement.
Ce travail s'inscrit dans une réflexion plus large en faveur de leur développement harmonieux et respectueux de leur identité.
Il doit aussi contribuer à un nécessaire changement de regard sur ces territoires en reconnaissant pleinement leur apport, leurs potentialités, mais aussi, leurs difficultés propres.
Nous avons souhaité mettre au coeur de cette réflexion la parole de nos concitoyens. C'est-à-dire leur vision, leur perception de ces territoires dans lesquels ils vivent.
Vous l'aurez compris l'amélioration du cadre de vie est au coeur de notre action.
Elle prend en compte la qualité des constructions, mais aussi celle de leur environnement immédiat. Il y a là une cause commune entre urbaniste et architecte pour bâtir une ville belle, agréable et attractive.
Cette question a fait l'objet de votre troisième débat, cet après-midi, dans lequel sont notamment intervenus deux grands prix de l'architecture, Marc Barani et Christian de Portzamparc, également lauréat du Grand Prix de l'urbanisme, en 2004.
Notre action collective doit ainsi permettre d'assurer une plus grande mixité sociale dans l'habitat, et une plus grande mixité fonctionnelle, avec la présence d'activités, de commerces, d'équipements et d'espaces publics, qui améliorent réellement la vie quotidienne de nos concitoyens.
Au-delà, les politiques de l'urbanisme et d'aménagement doivent répondre à de nouveaux défis : permettre la production de logements abordables et agréables, engager nos territoires dans la transition énergétique, assurer la préservation de l'environnement, et favoriser la mobilité durable.
Le modèle de développement de nos espaces, urbains comme ruraux, doit donc être repensé.
Ces nouveaux objectifs sont autant d'opportunité pour promouvoir l'innovation, les savoir-faire et l'excellence française en la matière pour imaginer la ville de demain.
La démarche Ecoquartier illustre cette volonté de bâtir des villes exemplaires.
Gérard Pénot, vous intervenez dans 3 de ces quartiers à Bourges, à Reims et aux Mureaux.
Dans ce dernier, vous engagez une démarche environnementale, sur le site d'une ancienne friche industrielle polluée, et vous y ajoutez votre souci de relier ce quartier, au reste de la ville et aux réseaux de transports en commun.
Plus généralement, l'urbaniste a un rôle essentiel à jouer dans la définition, à long terme, d'un projet de société à l'échelle d'un bassin de vie. Rien de moins.
Fort de ses compétences au croisement des dimensions économiques, sociales, et sociétales, il doit accompagner les élus pour traduire leurs visions politiques, pour mieux les faire partager à l'ensemble des habitants.
Il lui faut donc s'adapter et renouveler sans cesse ses méthodes de travail, pour pouvoir embrasser la diversité des situations, de nos territoires et de leurs paysages appréhender à la fois la grande échelle et les microprojets, et aménager les espaces en fonction de modes de vie qui évoluent.
Les urbanistes doivent à la fois s'ancrer dans le présent, dans le quotidien, tout en anticipant ce que sera la pratique urbaine de demain, car les villes sont en perpétuel mouvement.
Gérard Pénot, vous dites de vous : « je suis un enfant de la République ». Je suis persuadée que c'est aussi par et dans l'urbanisme que cette République, et les valeurs qu'elle porte, doit s'incarner dans tous nos quartiers, dans toutes nos villes et dans tous nos villages.
Chaque année, le Grand Prix de l'Urbanisme, permet la mise en lumière de l'oeuvre d'un précurseur, d'un visionnaire, qui par ses interventions réinterroge nos procédés, nos savoirs et nos savoir-faire, et contribue ainsi au rayonnement de notre pays.
Votre pensée et votre action nous y invitent, cher Gérard Pénot. Je suis donc très honorée de vous remettre ce Grand Prix de l'Urbanisme 2015 en vous adressant mes plus sincères félicitations.
source http://www.territoires.gouv.fr, le 4 décembre 2015