Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la justice, sur les mesures prises pour garantir les droits des victimes et développer les dispositifs d'aide qui leur sont destinés, Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) le 19 octobre 2001.

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Circonstance : Colloque sur l'aide aux victimes organisé par l'association "Aide aux parents d'enfants victimes" (APEV) à Issy-les-Moulineaux le 19 octobre 2001.

Texte intégral

Monsieur le Député Maire,
Monsieur le Président
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir demandé d'être parmi vous aujourd'hui.
Je tiens également à vous féliciter pour l'immense travail fourni par votre association : travail précis, constructif et toujours porteur d'espoir, même si chacun d'entre vous a vécu de profonds traumatismes.
Vous oeuvrez avec détermination, mais sans aucune haine, pour l'avancée des droits des enfants victimes. Je voudrais souligner l'action quotidienne de votre Président, Monsieur BOULAY et lui rappeler combien nous apprécions sa collaboration au sein des commissions de travail du conseil national d'aide aux victimes ou dans des groupes de travail mis en place par mon ministère, comme celui sur la libération conditionnelle.
Vous avez fait part, Monsieur le Président, des propositions de votre association pour l'année à venir.
J'en retiens les deux axes fondamentaux :
Pour un juste équilibre des droits des délinquants et des victimes, dans toutes les phases de la procédure.
Pour une justice plus transparente et plus humaine.
Dans ces deux domaines, nous avons progressé, même s'il nous reste encore beaucoup à faire.
I - Sur la recherche d'un juste équilibre des droits des délinquants et des victimes, la loi du 15 juin 2000 représente une avancée certaine.
Elle érige l'information et la garantie des droits des victimes comme obligation pour l'autorité judiciaire.
Obligation déclinée d'ailleurs à tous les stades de la procédure : enquête - instruction - juridiction de jugement.
Elle met également l'accent sur l'accueil et la prise en charge des victimes. Elle assouplit considérablement les modalités du dépôt de plainte, en instaurant la possibilité pour chaque victime de déposer plainte à la gendarmerie ou au commissariat de son choix ; elle renforce les droits des victimes en termes d'accès au dossier tout au long de la procédure.
Au total ce sont plus de 180 insertions nouvelles qui ont été introduites dans le Code de Procédure Pénale et qui tendent à protéger davantage la personne et l'intimité de la victime, à améliorer la réparation et à garantir ses droits.
Je ne rappellerai pas les dispositions de la loi du 17 juin 1998 qui élargit les règles de prescription pour les faits de violences sexuelles commis sur des mineurs et améliore leur prise en charge et leur accompagnement pendant la procédure.
Tous les décrets d'application de cette loi ont été pris et promulgués.
Le fichier des empreintes génétiques fonctionne.
- Les prélèvements sont effectués auprès des détenus proches de la fin de peine, puis stockés dans le fichier. Les traces sont également stockées. Aujourd'hui, le fichier peut donc être interrogé à partir d'une trace.
- Toutes les juridictions sont équipées du matériel nécessaire à l'enregistrement des mineurs victimes d'infraction sexuelles.
La désignation d'administrateurs ad hoc se développe de plus en plus. J'ai demandé à mes services d'évaluer la mise en uvre de cette mesure et de proposer des outils aux juridictions en vue d'une harmonisation des pratiques.
La loi du 17 juin 1998 et celle du 15 juin 2000 sont donc d'importantes avancées même si elles demeurent encore insuffisantes. D'autres modifications législatives pourront bien-sûr être envisagées, après un nouveau travail de réflexion, d'expertise, de discussion.
Je suis prête à ouvrir le débat sur les sujets qui vous paraîtraient les plus importants à revoir.
II - Le second axe de votre proposition tend à la revendication d'une justice plus transparente, plus humaine.
Dans ce domaine aussi nous avons progressé. Tout d'abord, parce que l'ensemble de l'institution judiciaire s'est beaucoup impliquée ces dernières années dans le secteur de l'aide aux victimes :
· Plus de 80 tribunaux de Grande Instance accueillent aujourd'hui dans leurs locaux une permanence d'une association d'aide aux victimes.
· Dans chaque Cour d'Appel, un magistrat référent a été désigné pour coordonner les actions diligentées par les différentes associations et répartir les crédits alloués.
Je peux affirmer aujourd'hui que tous les Procureurs ont intégré le volet "aide aux victimes" dans l'exercice de la politique pénale, et que le partenariat développé dans les conseils communaux de prévention de la délinquance ou au sein des contrats locaux de sécurité motive chacun des acteurs à progresser sur ce sujet.
Il est d'ailleurs important de rappeler que la question de l'aide aux victimes a été souvent celle qui a fondé la mobilisation conjointe de la justice, des différents services de l'Etat, des élus locaux, des associations, au sein des diverses instances de prévention de la délinquance.
D'importants efforts budgétaires ont été mis en uvre puisque la part du budget de la Justice consacrée à l'aide aux victimes aura doublé entre 1999 et 2002, passant de 15 à 30 MF.
Plus de 150 associations sont aujourd'hui soutenues par mon ministère.
Les dispositifs d'aide se sont ainsi développés et multipliés, dans une constante préoccupation de rompre l'isolement des victimes et de les aider dans le cadre d'une écoute, comme dans celui de l'accomplissement de démarches administratives.
Ils contribuent à rendre la justice plus humaine.
Je n'ai pas pour autant la prétention d'affirmer que nous répondions de manière exhaustive aux attentes et aux besoins de chaque victime.
Je souhaite aller plus loin dans l'accompagnement et la prise en charge des victimes tout au long de la procédure judiciaire.
C'est pourquoi, je vais confier prochainement une mission sur ce point, à une personnalité extérieure, particulièrement impliquée dans le domaine de l'aide aux victimes.
Mais vous insistez aussi dans vos propositions sur la nécessité d'une justice plus transparente.
C'est l'esprit de ma circulaire du 9 mai 2001 adressée aux Procureurs Généraux. Je leur ai demandé de se rapprocher des Préfets et d'organiser ensemble une communication régulière dans les domaines de la sécurité et de la Justice.
Je vais procéder également début décembre à l'installation à mes côtés d'une commission de politique associative, avec qui je souhaite instaurer une concertation suivie.
Je tiens à ce que les associations de victimes y soient représentées.
Je suis persuadée qu'une politique n'est efficace que si elle est issue d'échanges constructifs, d'une parole libre, et d'une écoute directe.
Je vous souhaite de fructueux échanges et une bonne poursuite de vos travaux.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 22 octobre 2001)