Texte intégral
Monsieur le président du sénat coutumier, cher Gilbert TEIN,
Madame la ministre des Outre-mer, George PAU-LANGEVIN,
Monsieur le Haut commissaire,
bien sûr les parlementaires ici présents.
Messieurs les sénateurs coutumiers, la sincérité, la chaleur de votre accueil, nous vont droit au cœur, il y a bien sûr la musique, les chants, la danse, et j'ai été très impressionné par cette belle cérémonie de bienvenue, à la fois sobre, pudique, et qui place - et je l'ai bien entendu, Monsieur le président, dans vos explications - qui place l'humilité, le respect et l'écoute au cœur de notre échange.
Cette rencontre elle permet tout simplement, si c'était nécessaire, de mieux comprendre le rôle de la coutume, de la tradition, dans la société canaque. Cette culture, en effet millénaire, basée sur l'oralité et la transmission par les anciens, le respect de ces anciens, le respect, vous me l'avez rappelé, du chef - n'est-ce pas Madame la ministre, il faut toujours respecter le chef - culture qui avait fait l'objet d'une très belle exposition, je le rappelais ce matin au Congrès, au Quai Branly en 2014. C'est important, d'abord de savoir d'où l'on vient, c'est important que les Français connaissent cette culture, connaissent mieux la Nouvelle-Calédonie, connaissent aussi ses sacrifices, nous sommes inclinés devant ce beau monument aux morts, aux tirailleurs, c'était une histoire enfouie dans une salle obscure, et pourtant il y a eu ces tirailleurs, ces Calédoniens, ces Kanaks, qui sont venus verser leur sang pour la France à l'occasion des grands conflits du 20e siècle.
Une des grandes réussites des Accords de Matignon, puis de l'Accord de Nouméa, qui doivent en effet tant à Michel ROCARD et à Lionel JOSPIN, est d'avoir su agir pour la modernisation des institutions, et de l'économie, sans pour autant, bien au contraire, vous le rappeliez à l'instant, renier les valeurs canaques, et la création d'un Sénat coutumier est le symbole fort de cette réussite.
Votre rôle va être très important pour accompagner les défis du futur, et nous y sommes, la date de 2018 elle approche, le temps passe vite. Pour concilier la tradition culturelle, attachée à la terre, et les exigences de valorisation territoriale qui accompagnent d'abord le développement économique contemporain, le tourisme, le développement, vous serez donc les facilitateurs de ces mutations et les garants de la préservation de votre identité. Je veux d'ailleurs saluer tous ceux qui font fonctionner cette institution originale, unique dans la République, et le travail qu'ils accomplissent, et je tiens à redire ici, d'où ma présence, l'Etat a, pour votre institution, le plus grand respect et est attentif à vos initiatives.
Les séminaires organisés à Nouméa, mais aussi à la Maison de la Nouvelle-Calédonie à Paris, ont été l'occasion de réfléchir sur le rôle de la coutume en tant que norme juridique. Les meilleurs juristes de l'Outremer, dont certains m'accompagnent ce matin, y participent, vous savez toute l'attention que Alain CHRISTNACHT, notamment, porte à ce travail. La charte du peuple kanak, que vous avez pris le soin de rédiger à l'issue de larges consultations, constitue un élément important de la transmission de ces valeurs, elle établit un socle commun de principes fondamentaux, de valeurs communes, et ces communes ce sont les vôtres, mais sont celles, aujourd'hui, de toute la Nouvelle-
Calédonie.
J'ai parlé ce matin de valeurs républicaines, de valeurs canaques, des valeurs qui sont celles de la Nouvelle-Calédonie et qui doivent vivre ensemble pour inventer un destin commun. Cette charte a le grand mérité d'expliquer au plus grand nombre ce qui fait votre identité, et ce travail sur les valeurs, nous y reviendrons cet après-midi avec les signataires du comité, est essentiel, il constitue pour beaucoup le fondement de la Nouvelle-Calédonie de demain, sa capacité à se rassembler. Un peuple, pour savoir où il va, doit savoir sur quelles valeurs, d'abord, il repose, et c'est ce travail-là qui doit être fait en commun. Il y a bien sûr les institutions, les statuts, il y a le développement économique, il y a les grands enjeux, dont celui du nickel, mais ce qui se joue d'abord ce sont les valeurs.
Et parmi ces valeurs, il y a le respect de la valeur... il y a le respect que l'on vous doit d'abord, l'humilité, qui est essentielle, mais il y a la parole donnée. Mon prédécesseur, qui est venu ici, Jean-Marc AYRAULT, s'était engagé à ce que le crâne du grand chef, Ataï, je l'évoquais aussi au Congrès, soit restitué à la Nouvelle-Calédonie, et l'Etat a tenu parole en organisant, avec votre aide, ce retour dans la plus grande dignité. La ministre des Outre-mer, George PAU-LANGEVIN, était d'ailleurs présente à la cérémonie organisée à cette occasion, au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Il appartient maintenant aux clans concernés de s'entendre sur la meilleure manière de rendre hommage à la mémoire de cette figure de l'histoire calédonienne.
Monsieur le président, j'ai écouté attentivement vos propos, j'ai même bu vos paroles et j'ai compris toute l'attention que vous portez à la jeunesse de la Nouvelle-Calédonie. L'expression de plan Marshall est forte, mais elle a le mérite d'interpeller, les élus, les médias, les citoyens, et bien sûr l'Etat, et nous partageons en tout cas votre préoccupation, car la jeunesse doit être notre préoccupation. Cette jeunesse qui n'a pas connu les événements dans les années 80, qui n'a pas forcément cette mémoire, qui veut tout simplement réussir, étudier, pouvoir rester ici, s'épanouir, et nous connaissons tous les problèmes qu'elle peut connaître. J'ai la conviction que les autorités coutumières peuvent, et doivent, dans un monde ouvert - vous parliez de libéralisme - dans un monde ouvert, qui s'impose, c'est un choc, et qui détruit aussi, les traditions, les coutumes et les valeurs, donc j'ai la conviction que les autorités coutumières peuvent jouer un rôle essentiel vis-à-vis des jeunes générations. Et je ne doute pas, et je l'espère, que les institutions calédoniennes, le chef du gouvernement, vous associeront à l'élaboration des politiques publiques. S'agissant de l'Etat, j'ai demandé à ce que les prochains contrats développement puissent intégrer un volet jeunesse, quitte à ce qu'ils finissent des dépenses de fonctionnement et pas seulement d'investissement.
Messieurs les sénateurs, je ne veux pas être trop long car je suis d'abord venu dans ce souci d'écoute et d'échange, je sais que certains d'entre vous sont venus il y a quelques temps à Paris et qu'un de mes collaborateurs vous a fait visiter les beaux jardins de Matignon. Vous avez pu découvrir que nous avons, nous aussi, à Matignon, une belle tradition, qui consiste à planter un arbre à l'issue de 6 mois de fonction, il faut rester au moins 6 mois. C'est la preuve, je crois, que nos coutumes culturelles ne sont pas si éloignées. J'ai d'ailleurs, il y a quelques mois, et c'était un beau moment, j'avais planté évidemment mon arbre à l'automne 2014, nous avons replanté l'arbre de Michel ROCARD, car celui qu'il avait planté avait eu quelques problèmes de santé, même les arbres ont des problèmes de santé, et nous avons replanté avec Michel ROCARD son arbre. Et c'est vrai que c'est une tradition, et c'est une belle tradition. Ça veut dire qu'au fond nous avons tous besoin de traditions et de coutumes, et que nos coutumes culturelles ne sont pas si éloignées, et que ce qui nous rassemble, c'est-à-dire l'humanisme, la fraternité, doit être toujours plus fort que ce qui peut nous diviser. Vous avez tous ici votre destin en main, celui de la Nouvelle-Calédonie, et au fond l'action publique elle peut s'envisager de deux manières complémentaires, il y a cette verticalité, nous l'avons vu tout à l'heure dans la case, parce qu'il faut de l'autorité, c'est une valeur, il faut un chef pour savoir où on va, il faut une société organisée. Et puis il y a ce très beau symbole de cette table ronde, où vous êtes tous présents, et c'est ça le destin de la Nouvelle-Calédonie, savoir d'où elle vient, savoir elle va, et le seul moyen d'y aller c'est d'y aller avec le respect de chacun, et dans le dialogue, et dans l'écoute. C'est ce destin commun que je vous invite à construire. Merci.
Source http://www.nouvelle-caledonie.gouv.fr, le 9 mai 2016