Texte intégral
THOMAS SOTTO
Bonjour Ségolène ROYAL.
SÉGOLÈNE ROYAL
Bonjour.
THOMAS SOTTO
On va parler bien sûr de la Conférence environnementale, mais d'abord une question sur les chiffres du chômage, ils sont donc tombés hier soir, ils sont bons pour le mois de mars. Est-ce que cette fois, ça y est, la courbe du chômage s'est inversée ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut l'espérer. Il faut l'espérer. Ce que l'on peut observer c'est que la France est championne dans bien des secteurs industriels, il y a eu récemment les commandes de grands navires, là les commandes de sous-marins. On sait aussi que la France est très performante dans le domaine de l'aéronautique, et je vois aussi dans le secteur de la croissance verte comment la France est en train de prendre des parts de marché sur tous les secteurs des énergies renouvelables et de la performance énergétique des bâtiments.
THOMAS SOTTO
Alors est-ce que ça veut dire que François HOLLANDE va être candidat, puisque la courbe s'est inversée ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez, ce que les Français attendent c'est que la France aille mieux, c'est aussi le souhait du président de la République et du gouvernement. Les gens politiques n'améliorent pas le chômage pour eux-mêmes, ils améliorent le chômage, ils améliorent la situation de l'emploi, ils font reculer le chômage, pour que le pays aille mieux et il faut s'en réjouir.
THOMAS SOTTO
Mais il a lié sa candidature à cette inversion de la courbe.
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, aujourd'hui réjouissons-nous de cette bonne nouvelle, faisons en sorte que cette nouvelle soit durable, là 60.000 Français ont retrouvé du travail et, je le répète, sur des secteurs d'appui très forts. D'ailleurs c'est un secteur aussi qui est lié à la mer et on voit le potentiel de développement dans le domaine de la croissance bleue, puisque la France est la seconde puissance maritime du monde, et je vois aussi, dans ce domaine, monter en puissance des énergies que le ministère de l'Environnement pousse en avant.
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous souhaitez, donc, que François HOLLANDE soit candidat ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, revenons aux sujets
THOMAS SOTTO
Il y a beaucoup de ministres qui disent « oui » !
SEGOLENE ROYAL
Mais pourquoi est-ce que tout de suite revenir aux échéances électorales ? Travaillons.
THOMAS SOTTO
Parce que c'est dans 1 an, parce qu'il y a une réunion qui s'appelle « Hé oh la gauche » qui a été par Stéphane LE FOLL, dans laquelle il y avait beaucoup de ministres.
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, je ne viens pas pour parler des les Français sont fatigués de cette façon de faire de la politique. Voyez, ce matin il y a des enquêtes qui portent sur les attentes des Français à l'égard de la politique, donc là prenons le peu de temps que nous avons pour essayer de comprendre les choses, regarder les aspects positifs, de regarder comment on peut consolider et renforcer cette bonne nouvelle pour qu'elle soit structurée, structurante, et se déploie dans d'autres domaines.
THOMAS SOTTO
En même temps, si on répond par oui ou par non à une question, on gagne du temps. Alors, on en vient donc à la Conférence environnementale, Ségolène ROYAL
SEGOLENE ROYAL
Justement, si les questions sont complexes, on ne répond pas par oui ou par non.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'on souhaite qu'il soit candidat, c'est oui ou c'est non, bref ! L'objectif de passer de 75 à 50 % de nucléaire dans la production d'électricité est maintenu pour 2025, mais comment allez-vous y arriver Ségolène ROYAL ?
SEGOLENE ROYAL
De deux façons. D'abord en montant en puissance sur les énergies renouvelables, j'ai donné dans ce qu'on appelle la Programmation pluriannuelle de l'énergie la part des énergies renouvelables dans le modèle énergétique français, c'est publié au Journal Officiel, donc les entreprises hier se sont déclarées extrêmement satisfaites. La France devient ainsi le premier pays, non seulement d'Europe, mais du monde, et je l'ai observé lors de la COP21 à New York, le premier pays du monde à inscrire dans la loi, et dans son règlement, et dans les aides financières qu'elle apporte aux entreprises, les objectifs en matière, d'énergie solaire, d'énergie éolienne, de méthaniseurs
THOMAS SOTTO
Mais pour faire de la place au renouvelable il faut fermer des centrales. C'est EDF qui devra dire après 2018 quelles centrales vont fermer, pourquoi on ne commence pas maintenant ?
SEGOLENE ROYAL
Parce qu'il faut attendre de monter en puissance sur le renouvelable, on ne va pas vous couper l'électricité, vous ne pourriez même plus diffuser la radio
THOMAS SOTTO
On n'en n'est pas là, on est plutôt en surproduction d'électricité et les experts disent
SEGOLENE ROYAL
Attendez, si je ne peux pas vous répondre
THOMAS SOTTO
Si, si.
SEGOLENE ROYAL
Si pour des raisons idéologiques on fermait du jour au lendemain les centrales nucléaires, comme vous me le demandez, il n'y aurait plus d'électricité dans votre studio. Donc, je fais les choses, par ordre, par méthode, sérieusement, structurellement, et aujourd'hui il y a la montée en puissance du renouvelable et en même temps je programme la baisse de la part du nucléaire pour passer de 75 à 50 %. Donc, il y aura la fermeture de Fessenheim, comme ça a été dit, et ensuite la programmation de la fermeture d'un certain nombre de réacteurs, de la prolongation d'un certain nombre d'autres, mais c'est l'Autorité de Sûreté Nucléaire, parce que le critère principal c'est la sûreté nucléaire, qui dira quels réacteurs peuvent être prolongés et quels réacteurs doivent être fermés, sur proposition de l'entreprise EDF.
THOMAS SOTTO
Alors, pour Europe 1, rassurez-vous, on a un groupe électrogène en cas de problème, pour ce qui est des centrales
SEGOLENE ROYAL
Oui, vous, mais les Français, tout le monde n'en n'a pas.
THOMAS SOTTO
Pour ce qui des centrales nucléaires, les experts, les spécialistes, pas moi, disent on est en surcapacité électrique, si on ne diminue pas le nucléaire maintenant, les énergies renouvelables n'auront pas de place. C'est pour ça qu'ils disent il faut commencer le mouvement maintenant et pas attendre 2019.
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qu'on fait. C'est ce qu'on fait précisément.
THOMAS SOTTO
Pourquoi alors on ne dit pas aujourd'hui on lance le processus de fermeture ?
SEGOLENE ROYAL
Parce qu'il y a un processus à respecter. Une centrale nucléaire ce n'est pas juste fermé en tournant un robinet, une centrale nucléaire
THOMAS SOTTO
Fessenheim devait être fermée fin 2016 normalement.
SEGOLENE ROYAL
Nous sommes fin 2016 là ?
THOMAS SOTTO
Elle sera fermée fin 2016 ?
SEGOLENE ROYAL
Eh bien oui ! bien sûr. Le décret de retrait de l'autorisation je l'ai déjà dit, donc ne revenez pas non plus toujours sur les mêmes sujets le décret d'autorisation de fermeture de Fessenheim sera pris avant fin 2016. Mais ce qui est important
THOMAS SOTTO
Pour une fermeture effective quand alors ?
SEGOLENE ROYAL
Mais ce qui est important c'est l'emploi, d'accord ? Donc, pour créer des emplois dans le domaine des énergies renouvelables, et d'ailleurs ces secteurs sont en train de créer de l'emploi puisqu'il y a 5000 emplois qui sont créés dans la filière éolienne, autant dans la filière photovoltaïque, et la perspective de créations d'emplois grâce à la loi de Transition énergétique pour la croissance verte c'est 100.000 emplois. Donc, la montée en puissance des énergies renouvelables jusqu'à 40 % de la production d'électricité, ça c'est un objectif qui est très important et qui est très ambitieux, nous voulons l'atteindre en permettant à ces entreprises d'investir, et parallèlement nous allons baisser la part du
THOMAS SOTTO
Aujourd'hui on est à 14 %, à peu près, sur le renouvelable.
SEGOLENE ROYAL
Et parallèlement nous allons baisser la part du nucléaire comme prévu et comme je l'ai fait inscrire dans la loi.
THOMAS SOTTO
Qui a dit, Ségolène ROYAL, « je suis quelqu'un qui est très antinucléaire car je pense que c'est une énergie nocive, dangereuse » ?
SEGOLENE ROYAL
Je ne sais pas.
THOMAS SOTTO
C'est Emmanuelle COSSE, votre collègue du gouvernement hier soir dans « Le club de la presse » d'Europe 1. Vous lui dites quoi ?
SEGOLENE ROYAL
Je dis que, bien évidemment que les énergies ne doivent pas être opposées les unes aux autres, parce que notre pays doit arrêter ce qu'on appelle son modèle énergétique. Et moi je suis quand même très heureuse d'avoir, sur un sujet aussi difficile, réussi à faire voter, par l'Assemblée nationale et par le Sénat, au-delà des clivages politiques, ce modèle énergétique français, qui est celui qu'on vient d'exprimer, montée en puissance du renouvelable pour baisser les émissions de gaz à effet de serre et donc pour que la France contribue à la baisse du réchauffement climatique. Et en même temps maintien d'un socle nucléaire, parce que c'est notre histoire, nous avons cela, nous n'allons pas du jour au lendemain annuler des investissements très lourds que les Français ont payé, en payant l'électricité, et en même temps il faut baisser cette part parce que c'est vrai que, dans le nucléaire, il y a un certain nombre de problèmes comme, par exemple, les questions de sûreté, les questions de sécurité. J'ai participé récemment à un sommet à Washington sur la sécurité nucléaire, présidé par Barack OBAMA, et là aussi je puis vous dire que la France est considérée comme une référence en matière de sécurité et de sûreté nucléaire, et que nous venons en appui à des pays qui achètent aussi du nucléaire parce qu'il faut mixer les différentes énergies sans les opposer les unes aux autres.
THOMAS SOTTO
Ségolène ROYAL, lundi Jean-Bernard LEVY, le patron d'EDF, était dans ce studio à votre place, il n'a pas voulu se mouiller sur la hausse des tarifs qui sera décidée avant la fin du mois de mai par la CRE pour les tarifs de l'électricité, la dernière hausse c'était 2,5 %. Quelle sera, pour vous, la limite acceptable ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez que j'ai réformé la méthode pour fixer les prix de l'électricité, pour que ce soit beaucoup plus transparent
THOMAS SOTTO
C'est la Commission de Régulation de l'Energie qui s'en occupe.
SEGOLENE ROYAL
Voilà, donc c'est la Commission de Régulation de l'Energie qui va faire une proposition en fonction du prix mondial de l'énergie, qui est en train de baisser, comme vous le dites. Mais la baisse du prix des énergies fossiles, le pétrole et le charbon, qui contribuent au dramatique réchauffement climatique, cette baisse doit être utilisée, non pas pour utiliser davantage d'énergies fossiles, c'est un peu le risque, mais au contraire pour dégager des marges, pour que les entreprises dégagent des marges, et investissent ces économies faites grâce
THOMAS SOTTO
Mais EDF a besoin d'argent notamment, donc
SEGOLENE ROYAL
Et investissent ces économies faites dans la baisse des énergies fossiles, dans les énergies renouvelables, et dans la performance énergétique, dans les économies d'énergie.
THOMAS SOTTO
Mais EDF, donc, a besoin d'argent, on l'a vu avec la recapitalisation qui est en cours, est-ce qu'il y a, encore une fois, une limite acceptable si la CRE décide d'une hausse, est-ce que politiquement vous dites il ne faudra pas aller au-delà, de ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut qu'elle soit le plus bas possible pour les consommateurs. Pourquoi il faut que ce soit bas ? Parce qu'il faut que justement les Français puissent investir dans les travaux d'économies d'énergie, parce que ça, ça crée aussi des emplois dans le bâtiment. Et, nous avons, le gouvernement et moi-même, mis en place, vous le savez, le crédit d'impôt de transition énergétique, j'en profite pour dire aux auditeurs profitez vite du crédit d'impôt parce que ce n'est pas sûr que ce soit renouvelé éternellement, pour ce crédit d'impôt. C'est-à-dire chaque fois qu'on fait des travaux, double fenêtre, double vitrage, isolation des combles, etc., même isolation par l'extérieur sur les murs, on bénéficie d'un crédit d'impôt, d'un allégement d'impôt. Et cela ça permet des commandes aux artisans du bâtiment, qui ont augmenté le nombre d'emplois de 9 %... parce que vous savez, dans le recul du chômage, ce que j'observe c'est que tout le domaine de ce qu'on appelle la croissance verte, occupe une place très importante dans ce recul du chômage, donc il faut accentuer, il faut accélérer, il faut pousser en avant justement, les commandes dans ce secteur. Par exemple, la vente de voitures électriques a augmenté de 64 % en France, nous sommes aujourd'hui
THOMAS SOTTO
Mais ça reste quand même très résiduel encore pour l'instant, mais c'est un mouvement qui monte.
SEGOLENE ROYAL
Voilà, mais il faut monter en puissance, il faut pousser parce que nous avons des fabricants français.
THOMAS SOTTO
Trois petites questions pour finir. Un de vos chantiers c'est la loi de Transition énergétique du mois d'août dernier, seulement il y a un problème Ségolène ROYAL, on a fait les comptes, sur 160 décrets seuls 49 sont parus, les trois quarts n'ont pas été pris, ça doit vous agacer ça.
SEGOLENE ROYAL
Non, 80 % sont pris, au contraire
THOMAS SOTTO
Sont parus ?
SEGOLENE ROYAL
Oui
THOMAS SOTTO
Non.
SEGOLENE ROYAL
Sont parus, sont en cours de consultation, parce que ce sont des sujets lourds.
THOMAS SOTTO
Parus c'est 49 sur 160.
SEGOLENE ROYAL
Oui, mais ce sont des sujets très lourds, c'est une mutation des entreprises. Vous savez, quand j'oblige par exemple, quand j'interdis, quand la loi interdit les sacs plastiques à usage unique par exemple
THOMAS SOTTO
Vous n'aimeriez pas que ça aille plus vite quand même ?
SEGOLENE ROYAL
Attendez. Je vais vous donner un exemple, c'est créateur d'emplois, mais en même temps il faut que les entreprises aient un peu de temps pour se transformer. Lorsque nous interdisons les sacs plastiques à usage unique, qui font des dégâts considérables dans la pollution de l'eau, les importateurs nous disent « holà là, c'est tragique, vous allez nous faire supprimer des emplois », mais je dis non, parce que les entreprises françaises se sont créées, ont investi, pour fabriquer des sacs biodégradables, avec des emplois créés en France, non-délocalisables, au lieu d'importer 90 % des sacs plastiques à usage unique de Chine. et donc, vous voyez qu'il faut aussi être à la fois rapide, c'est ce que je fais, et en même temps mettre en place des périodes de transition claires, fermes, stables, pour que les entreprises investissent et que l'on crée des emplois dans toutes ces nouvelles filières.
THOMAS SOTTO
On est déjà en retard, mais j'ai encore deux petites questions si on peut répondre rapidement s'il vous plaît Ségolène ROYAL. Sur le projet d'EPR en Grande-Bretagne, à Hinkley Point, François HOLLANDE est pour, Emmanuel MACRON est pour, Jean-Vincent PLACE, encore un de vos collègues du gouvernement, est contre. Et Ségolène ROYAL, vous êtes pour ou vous êtes contre ? Le 6 avril vous disiez « c'est encore en discussion, il faut voir. »
SEGOLENE ROYAL
Je veux que, comme je l'ai déjà dit d'ailleurs, qu'EDF apporte des preuves complémentaires que ces investissements, très lourds, ne seront pas faits aux dépens de l'investissement dans les énergies renouvelables, et notamment dans les centrales photovoltaïques dans lesquelles, d'ailleurs, EDF investit. Et je veux
THOMAS SOTTO
Donc vous ne dites pas encore « oui » formellement, c'est sous condition pour vous ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, sous condition de vérifications. Et je veux que la branche d'EDF Energies renouvelables, qui d'ailleurs fait des profits, se développe, parce que j'observe, au niveau mondial, et notamment grâce à l'accord de Paris, qui a été signé, vous le savez, à New York par 170 pays, qu'il y a un marché mondial qui est en train d'exploser dans le domaine des énergies renouvelables et que les entreprises françaises doivent être aussi les championnes de ces nouveaux marchés.
THOMAS SOTTO
Donc c'est un « oui mais » pour l'instant pour Hinkley Point. Dernière question, les gens qui sont place de la République, les Nuit debout comme on les appelle, « sont des gens qui n'ont rien dans le cerveau » a dit Nicolas SARKOZY. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui, qu'est-ce que vous en pensez, qu'est-ce qu'il faut faire avec ce mouvement ?
SEGOLENE ROYAL
Je pense que tout vocabulaire comme ça, méprisant, n'est plus d'actualité. Voilà, je ne sais pas, ce n'est pas un vocabulaire que je partage
THOMAS SOTTO
Mais comment on règle le problème, il faut les évacuer, qu'est-ce qu'il faut faire, les commerçants se plaignent, qu'est-ce qu'il faut faire place de la République ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut rétablir bien évidemment la tranquillité des riverains
THOMAS SOTTO
Donc évacuer la place une fois pour toute ?
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qui est fait, c'est ce qui est fait régulièrement dans le cadre des règles existantes, et voilà
THOMAS SOTTO
Ils partent, ils reviennent, ils partent, ils reviennent
SEGOLENE ROYAL
Moi je voudrais saluer le travail des forces de l'ordre parce que ce n'est pas facile, et en même temps il y a eu des débats, il y a eu des jeunes qui sont venus discuter, débattre, la démocratie ça existe aussi, mais voilà, à un moment il faut aussi faire en sorte que les riverains, qui ont un droit à la tranquillité, puissent avoir ce droit à la tranquillité.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Ségolène ROYAL d'être venue ce matin sur Europe 1, merci, bonne journée à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2016
Bonjour Ségolène ROYAL.
SÉGOLÈNE ROYAL
Bonjour.
THOMAS SOTTO
On va parler bien sûr de la Conférence environnementale, mais d'abord une question sur les chiffres du chômage, ils sont donc tombés hier soir, ils sont bons pour le mois de mars. Est-ce que cette fois, ça y est, la courbe du chômage s'est inversée ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut l'espérer. Il faut l'espérer. Ce que l'on peut observer c'est que la France est championne dans bien des secteurs industriels, il y a eu récemment les commandes de grands navires, là les commandes de sous-marins. On sait aussi que la France est très performante dans le domaine de l'aéronautique, et je vois aussi dans le secteur de la croissance verte comment la France est en train de prendre des parts de marché sur tous les secteurs des énergies renouvelables et de la performance énergétique des bâtiments.
THOMAS SOTTO
Alors est-ce que ça veut dire que François HOLLANDE va être candidat, puisque la courbe s'est inversée ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez, ce que les Français attendent c'est que la France aille mieux, c'est aussi le souhait du président de la République et du gouvernement. Les gens politiques n'améliorent pas le chômage pour eux-mêmes, ils améliorent le chômage, ils améliorent la situation de l'emploi, ils font reculer le chômage, pour que le pays aille mieux et il faut s'en réjouir.
THOMAS SOTTO
Mais il a lié sa candidature à cette inversion de la courbe.
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, aujourd'hui réjouissons-nous de cette bonne nouvelle, faisons en sorte que cette nouvelle soit durable, là 60.000 Français ont retrouvé du travail et, je le répète, sur des secteurs d'appui très forts. D'ailleurs c'est un secteur aussi qui est lié à la mer et on voit le potentiel de développement dans le domaine de la croissance bleue, puisque la France est la seconde puissance maritime du monde, et je vois aussi, dans ce domaine, monter en puissance des énergies que le ministère de l'Environnement pousse en avant.
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous souhaitez, donc, que François HOLLANDE soit candidat ?
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, revenons aux sujets
THOMAS SOTTO
Il y a beaucoup de ministres qui disent « oui » !
SEGOLENE ROYAL
Mais pourquoi est-ce que tout de suite revenir aux échéances électorales ? Travaillons.
THOMAS SOTTO
Parce que c'est dans 1 an, parce qu'il y a une réunion qui s'appelle « Hé oh la gauche » qui a été par Stéphane LE FOLL, dans laquelle il y avait beaucoup de ministres.
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez, je ne viens pas pour parler des les Français sont fatigués de cette façon de faire de la politique. Voyez, ce matin il y a des enquêtes qui portent sur les attentes des Français à l'égard de la politique, donc là prenons le peu de temps que nous avons pour essayer de comprendre les choses, regarder les aspects positifs, de regarder comment on peut consolider et renforcer cette bonne nouvelle pour qu'elle soit structurée, structurante, et se déploie dans d'autres domaines.
THOMAS SOTTO
En même temps, si on répond par oui ou par non à une question, on gagne du temps. Alors, on en vient donc à la Conférence environnementale, Ségolène ROYAL
SEGOLENE ROYAL
Justement, si les questions sont complexes, on ne répond pas par oui ou par non.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'on souhaite qu'il soit candidat, c'est oui ou c'est non, bref ! L'objectif de passer de 75 à 50 % de nucléaire dans la production d'électricité est maintenu pour 2025, mais comment allez-vous y arriver Ségolène ROYAL ?
SEGOLENE ROYAL
De deux façons. D'abord en montant en puissance sur les énergies renouvelables, j'ai donné dans ce qu'on appelle la Programmation pluriannuelle de l'énergie la part des énergies renouvelables dans le modèle énergétique français, c'est publié au Journal Officiel, donc les entreprises hier se sont déclarées extrêmement satisfaites. La France devient ainsi le premier pays, non seulement d'Europe, mais du monde, et je l'ai observé lors de la COP21 à New York, le premier pays du monde à inscrire dans la loi, et dans son règlement, et dans les aides financières qu'elle apporte aux entreprises, les objectifs en matière, d'énergie solaire, d'énergie éolienne, de méthaniseurs
THOMAS SOTTO
Mais pour faire de la place au renouvelable il faut fermer des centrales. C'est EDF qui devra dire après 2018 quelles centrales vont fermer, pourquoi on ne commence pas maintenant ?
SEGOLENE ROYAL
Parce qu'il faut attendre de monter en puissance sur le renouvelable, on ne va pas vous couper l'électricité, vous ne pourriez même plus diffuser la radio
THOMAS SOTTO
On n'en n'est pas là, on est plutôt en surproduction d'électricité et les experts disent
SEGOLENE ROYAL
Attendez, si je ne peux pas vous répondre
THOMAS SOTTO
Si, si.
SEGOLENE ROYAL
Si pour des raisons idéologiques on fermait du jour au lendemain les centrales nucléaires, comme vous me le demandez, il n'y aurait plus d'électricité dans votre studio. Donc, je fais les choses, par ordre, par méthode, sérieusement, structurellement, et aujourd'hui il y a la montée en puissance du renouvelable et en même temps je programme la baisse de la part du nucléaire pour passer de 75 à 50 %. Donc, il y aura la fermeture de Fessenheim, comme ça a été dit, et ensuite la programmation de la fermeture d'un certain nombre de réacteurs, de la prolongation d'un certain nombre d'autres, mais c'est l'Autorité de Sûreté Nucléaire, parce que le critère principal c'est la sûreté nucléaire, qui dira quels réacteurs peuvent être prolongés et quels réacteurs doivent être fermés, sur proposition de l'entreprise EDF.
THOMAS SOTTO
Alors, pour Europe 1, rassurez-vous, on a un groupe électrogène en cas de problème, pour ce qui est des centrales
SEGOLENE ROYAL
Oui, vous, mais les Français, tout le monde n'en n'a pas.
THOMAS SOTTO
Pour ce qui des centrales nucléaires, les experts, les spécialistes, pas moi, disent on est en surcapacité électrique, si on ne diminue pas le nucléaire maintenant, les énergies renouvelables n'auront pas de place. C'est pour ça qu'ils disent il faut commencer le mouvement maintenant et pas attendre 2019.
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qu'on fait. C'est ce qu'on fait précisément.
THOMAS SOTTO
Pourquoi alors on ne dit pas aujourd'hui on lance le processus de fermeture ?
SEGOLENE ROYAL
Parce qu'il y a un processus à respecter. Une centrale nucléaire ce n'est pas juste fermé en tournant un robinet, une centrale nucléaire
THOMAS SOTTO
Fessenheim devait être fermée fin 2016 normalement.
SEGOLENE ROYAL
Nous sommes fin 2016 là ?
THOMAS SOTTO
Elle sera fermée fin 2016 ?
SEGOLENE ROYAL
Eh bien oui ! bien sûr. Le décret de retrait de l'autorisation je l'ai déjà dit, donc ne revenez pas non plus toujours sur les mêmes sujets le décret d'autorisation de fermeture de Fessenheim sera pris avant fin 2016. Mais ce qui est important
THOMAS SOTTO
Pour une fermeture effective quand alors ?
SEGOLENE ROYAL
Mais ce qui est important c'est l'emploi, d'accord ? Donc, pour créer des emplois dans le domaine des énergies renouvelables, et d'ailleurs ces secteurs sont en train de créer de l'emploi puisqu'il y a 5000 emplois qui sont créés dans la filière éolienne, autant dans la filière photovoltaïque, et la perspective de créations d'emplois grâce à la loi de Transition énergétique pour la croissance verte c'est 100.000 emplois. Donc, la montée en puissance des énergies renouvelables jusqu'à 40 % de la production d'électricité, ça c'est un objectif qui est très important et qui est très ambitieux, nous voulons l'atteindre en permettant à ces entreprises d'investir, et parallèlement nous allons baisser la part du
THOMAS SOTTO
Aujourd'hui on est à 14 %, à peu près, sur le renouvelable.
SEGOLENE ROYAL
Et parallèlement nous allons baisser la part du nucléaire comme prévu et comme je l'ai fait inscrire dans la loi.
THOMAS SOTTO
Qui a dit, Ségolène ROYAL, « je suis quelqu'un qui est très antinucléaire car je pense que c'est une énergie nocive, dangereuse » ?
SEGOLENE ROYAL
Je ne sais pas.
THOMAS SOTTO
C'est Emmanuelle COSSE, votre collègue du gouvernement hier soir dans « Le club de la presse » d'Europe 1. Vous lui dites quoi ?
SEGOLENE ROYAL
Je dis que, bien évidemment que les énergies ne doivent pas être opposées les unes aux autres, parce que notre pays doit arrêter ce qu'on appelle son modèle énergétique. Et moi je suis quand même très heureuse d'avoir, sur un sujet aussi difficile, réussi à faire voter, par l'Assemblée nationale et par le Sénat, au-delà des clivages politiques, ce modèle énergétique français, qui est celui qu'on vient d'exprimer, montée en puissance du renouvelable pour baisser les émissions de gaz à effet de serre et donc pour que la France contribue à la baisse du réchauffement climatique. Et en même temps maintien d'un socle nucléaire, parce que c'est notre histoire, nous avons cela, nous n'allons pas du jour au lendemain annuler des investissements très lourds que les Français ont payé, en payant l'électricité, et en même temps il faut baisser cette part parce que c'est vrai que, dans le nucléaire, il y a un certain nombre de problèmes comme, par exemple, les questions de sûreté, les questions de sécurité. J'ai participé récemment à un sommet à Washington sur la sécurité nucléaire, présidé par Barack OBAMA, et là aussi je puis vous dire que la France est considérée comme une référence en matière de sécurité et de sûreté nucléaire, et que nous venons en appui à des pays qui achètent aussi du nucléaire parce qu'il faut mixer les différentes énergies sans les opposer les unes aux autres.
THOMAS SOTTO
Ségolène ROYAL, lundi Jean-Bernard LEVY, le patron d'EDF, était dans ce studio à votre place, il n'a pas voulu se mouiller sur la hausse des tarifs qui sera décidée avant la fin du mois de mai par la CRE pour les tarifs de l'électricité, la dernière hausse c'était 2,5 %. Quelle sera, pour vous, la limite acceptable ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez que j'ai réformé la méthode pour fixer les prix de l'électricité, pour que ce soit beaucoup plus transparent
THOMAS SOTTO
C'est la Commission de Régulation de l'Energie qui s'en occupe.
SEGOLENE ROYAL
Voilà, donc c'est la Commission de Régulation de l'Energie qui va faire une proposition en fonction du prix mondial de l'énergie, qui est en train de baisser, comme vous le dites. Mais la baisse du prix des énergies fossiles, le pétrole et le charbon, qui contribuent au dramatique réchauffement climatique, cette baisse doit être utilisée, non pas pour utiliser davantage d'énergies fossiles, c'est un peu le risque, mais au contraire pour dégager des marges, pour que les entreprises dégagent des marges, et investissent ces économies faites grâce
THOMAS SOTTO
Mais EDF a besoin d'argent notamment, donc
SEGOLENE ROYAL
Et investissent ces économies faites dans la baisse des énergies fossiles, dans les énergies renouvelables, et dans la performance énergétique, dans les économies d'énergie.
THOMAS SOTTO
Mais EDF, donc, a besoin d'argent, on l'a vu avec la recapitalisation qui est en cours, est-ce qu'il y a, encore une fois, une limite acceptable si la CRE décide d'une hausse, est-ce que politiquement vous dites il ne faudra pas aller au-delà, de ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut qu'elle soit le plus bas possible pour les consommateurs. Pourquoi il faut que ce soit bas ? Parce qu'il faut que justement les Français puissent investir dans les travaux d'économies d'énergie, parce que ça, ça crée aussi des emplois dans le bâtiment. Et, nous avons, le gouvernement et moi-même, mis en place, vous le savez, le crédit d'impôt de transition énergétique, j'en profite pour dire aux auditeurs profitez vite du crédit d'impôt parce que ce n'est pas sûr que ce soit renouvelé éternellement, pour ce crédit d'impôt. C'est-à-dire chaque fois qu'on fait des travaux, double fenêtre, double vitrage, isolation des combles, etc., même isolation par l'extérieur sur les murs, on bénéficie d'un crédit d'impôt, d'un allégement d'impôt. Et cela ça permet des commandes aux artisans du bâtiment, qui ont augmenté le nombre d'emplois de 9 %... parce que vous savez, dans le recul du chômage, ce que j'observe c'est que tout le domaine de ce qu'on appelle la croissance verte, occupe une place très importante dans ce recul du chômage, donc il faut accentuer, il faut accélérer, il faut pousser en avant justement, les commandes dans ce secteur. Par exemple, la vente de voitures électriques a augmenté de 64 % en France, nous sommes aujourd'hui
THOMAS SOTTO
Mais ça reste quand même très résiduel encore pour l'instant, mais c'est un mouvement qui monte.
SEGOLENE ROYAL
Voilà, mais il faut monter en puissance, il faut pousser parce que nous avons des fabricants français.
THOMAS SOTTO
Trois petites questions pour finir. Un de vos chantiers c'est la loi de Transition énergétique du mois d'août dernier, seulement il y a un problème Ségolène ROYAL, on a fait les comptes, sur 160 décrets seuls 49 sont parus, les trois quarts n'ont pas été pris, ça doit vous agacer ça.
SEGOLENE ROYAL
Non, 80 % sont pris, au contraire
THOMAS SOTTO
Sont parus ?
SEGOLENE ROYAL
Oui
THOMAS SOTTO
Non.
SEGOLENE ROYAL
Sont parus, sont en cours de consultation, parce que ce sont des sujets lourds.
THOMAS SOTTO
Parus c'est 49 sur 160.
SEGOLENE ROYAL
Oui, mais ce sont des sujets très lourds, c'est une mutation des entreprises. Vous savez, quand j'oblige par exemple, quand j'interdis, quand la loi interdit les sacs plastiques à usage unique par exemple
THOMAS SOTTO
Vous n'aimeriez pas que ça aille plus vite quand même ?
SEGOLENE ROYAL
Attendez. Je vais vous donner un exemple, c'est créateur d'emplois, mais en même temps il faut que les entreprises aient un peu de temps pour se transformer. Lorsque nous interdisons les sacs plastiques à usage unique, qui font des dégâts considérables dans la pollution de l'eau, les importateurs nous disent « holà là, c'est tragique, vous allez nous faire supprimer des emplois », mais je dis non, parce que les entreprises françaises se sont créées, ont investi, pour fabriquer des sacs biodégradables, avec des emplois créés en France, non-délocalisables, au lieu d'importer 90 % des sacs plastiques à usage unique de Chine. et donc, vous voyez qu'il faut aussi être à la fois rapide, c'est ce que je fais, et en même temps mettre en place des périodes de transition claires, fermes, stables, pour que les entreprises investissent et que l'on crée des emplois dans toutes ces nouvelles filières.
THOMAS SOTTO
On est déjà en retard, mais j'ai encore deux petites questions si on peut répondre rapidement s'il vous plaît Ségolène ROYAL. Sur le projet d'EPR en Grande-Bretagne, à Hinkley Point, François HOLLANDE est pour, Emmanuel MACRON est pour, Jean-Vincent PLACE, encore un de vos collègues du gouvernement, est contre. Et Ségolène ROYAL, vous êtes pour ou vous êtes contre ? Le 6 avril vous disiez « c'est encore en discussion, il faut voir. »
SEGOLENE ROYAL
Je veux que, comme je l'ai déjà dit d'ailleurs, qu'EDF apporte des preuves complémentaires que ces investissements, très lourds, ne seront pas faits aux dépens de l'investissement dans les énergies renouvelables, et notamment dans les centrales photovoltaïques dans lesquelles, d'ailleurs, EDF investit. Et je veux
THOMAS SOTTO
Donc vous ne dites pas encore « oui » formellement, c'est sous condition pour vous ?
SEGOLENE ROYAL
Oui, sous condition de vérifications. Et je veux que la branche d'EDF Energies renouvelables, qui d'ailleurs fait des profits, se développe, parce que j'observe, au niveau mondial, et notamment grâce à l'accord de Paris, qui a été signé, vous le savez, à New York par 170 pays, qu'il y a un marché mondial qui est en train d'exploser dans le domaine des énergies renouvelables et que les entreprises françaises doivent être aussi les championnes de ces nouveaux marchés.
THOMAS SOTTO
Donc c'est un « oui mais » pour l'instant pour Hinkley Point. Dernière question, les gens qui sont place de la République, les Nuit debout comme on les appelle, « sont des gens qui n'ont rien dans le cerveau » a dit Nicolas SARKOZY. Est-ce que vous êtes d'accord avec lui, qu'est-ce que vous en pensez, qu'est-ce qu'il faut faire avec ce mouvement ?
SEGOLENE ROYAL
Je pense que tout vocabulaire comme ça, méprisant, n'est plus d'actualité. Voilà, je ne sais pas, ce n'est pas un vocabulaire que je partage
THOMAS SOTTO
Mais comment on règle le problème, il faut les évacuer, qu'est-ce qu'il faut faire, les commerçants se plaignent, qu'est-ce qu'il faut faire place de la République ?
SEGOLENE ROYAL
Il faut rétablir bien évidemment la tranquillité des riverains
THOMAS SOTTO
Donc évacuer la place une fois pour toute ?
SEGOLENE ROYAL
C'est ce qui est fait, c'est ce qui est fait régulièrement dans le cadre des règles existantes, et voilà
THOMAS SOTTO
Ils partent, ils reviennent, ils partent, ils reviennent
SEGOLENE ROYAL
Moi je voudrais saluer le travail des forces de l'ordre parce que ce n'est pas facile, et en même temps il y a eu des débats, il y a eu des jeunes qui sont venus discuter, débattre, la démocratie ça existe aussi, mais voilà, à un moment il faut aussi faire en sorte que les riverains, qui ont un droit à la tranquillité, puissent avoir ce droit à la tranquillité.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Ségolène ROYAL d'être venue ce matin sur Europe 1, merci, bonne journée à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 avril 2016