Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission des affaires étrangères,
Monsieur le Président et Rapporteur pour avis de la Commission du développement durable,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le monde est à un tournant de son histoire. L'homme et la planète sont inséparables - ce savoir est ancestral, et l'idée que la nature est au service de l'homme doit laisser la place à la reconnaissance que ce dernier ne peut exister sans elle ; et même lorsqu'il cherche à exister contre elle, il déclenche toute une série de drames, de souffrances, de désespoirs, le dérèglement climatique.
Il faut donc faire des choix courageux pour rétablir un équilibre dangereusement rompu entre les activités humaines et le milieu naturel : c'est ce que la communauté internationale a fait, en décembre dernier, à Paris. Les choix que nous ferons en tant qu'individus, territoires, entreprises, nations et communauté internationale déterminent la rapidité de l'application de cet accord. Un geste simple, indéfiniment répété par des milliards de personnes à travers la planète, a le pouvoir de changer le cours de l'histoire : c'est le message que Gandhi avait adressé au monde entier ; et le combat pour la justice climatique est, de fait, un combat pour la paix entre les peuples. C'est donc l'honneur de la France d'être le premier pays industrialisé à ratifier l'accord de Paris, et le premier pays d'Europe à donner cet exemple.
Universel et ambitieux, équitable et dynamique, l'accord de Paris représente un point de bascule vers un développement sobre en carbone et résilient aux effets du dérèglement climatique. Il fixe pour objectif de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 degrés, et de s'efforcer de la limiter à 1,5 degrés. Pour cela, il appelle à ce que le pic des émissions de gaz à effet de serre ait lieu le plus tôt possible et à la neutralité des émissions dans la seconde moitié du siècle.
Il prévoit aussi que chaque pays mette à jour, tous les cinq ans, et de façon toujours plus ambitieuse, sa contribution nationale. À ce jour, 190 pays ont déposé leur contribution nationale ; la quasi-totalité des émissions est donc couverte. Un bilan collectif aura également lieu tous les cinq ans afin de faire le point sur les engagements des pays ; le premier bilan aura lieu en 2023.
La décision qui accompagne l'accord prévoit, par ailleurs, que les États se rencontrent une première fois en 2018 pour évaluer leurs progrès - 2018, c'est demain ; c'est dire la rapidité avec laquelle nous devons engager l'action. Sur ce point aussi la France s'honore d'être le premier pays au monde à avoir transcrit dans sa législation, grâce à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que vous avez votée, et qui constitue son engagement, pris avant la conférence de Paris sur le climat.
L'accord ouvre donc la voie à un renforcement progressif des engagements d'atténuation et d'adaptation pour tous les pays, grâce à des mécanismes de coopération en matière de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités.
S'agissant du premier point, l'accord met en oeuvre une obligation pour les pays développés de fournir et de mobiliser des financements qui devront progressivement augmenter.
La décision qui accompagne l'accord maintient jusqu'en 2025 l'engagement d'un financement de 100 milliards de dollars par an, qui servira de base à une cible financière plus ambitieuse. La nécessité de rééquilibrer les financements - notamment publics, mais aussi sous forme de dons - pour l'adaptation est affirmée.
S'agissant de la transparence, un cadre renforcé est mis en place. Il permettra de construire la confiance entre les pays et de s'assurer de l'efficacité de l'accord. Ce cadre s'appliquera à tous, en tenant compte de la capacité de chacun des pays. Un mécanisme de contrôle de la mise en oeuvre et de la conformité de l'accord est établi. Ses règles de procédure seront définies afin qu'il puisse être mis en oeuvre avant la date d'application de l'accord.
L'accord a été ouvert à la signature au siège de l'Organisation des Nations unies le 22 avril 2016, jour de la Journée internationale de la Terre. Très attachée à ce que ce texte, fruit d'un consensus historique, soit signé dès cette date par le plus grand nombre, la présidence française s'est engagée afin d'encourager les États à être représentés à haut niveau à cette occasion et témoigner ainsi que l'engagement politique fort pris à Paris se confirmait. De fait, la mobilisation a été exceptionnelle : 175 parties ont signé l'accord le même jour - le 22 avril -, ce qui ne s'était jamais vu s'agissant de la signature d'un accord de ce niveau.
Il convient à présent de ratifier cet accord, ce qui est précisément l'objet de notre débat. Cette étape est indispensable car c'est la ratification qui va permettre l'entrée en vigueur de l'accord aux niveaux international, national, régional et local. L'accord entrera en vigueur après le dépôt des instruments de ratification d'au moins 55 parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, représentant au moins 55% des émissions totales de gaz à effet de serre.
À ce jour, 16 États l'ont déjà ratifié, notamment - il faut le souligner - les petites îles, c'est-à-dire les États les plus menacés dans leur existence même par le rchauffement climatique. D'autres pays majeurs ont annoncé leur intention de les rejoindre dès cette année, notamment l'Australie, l'Argentine, le Canada, la Chine, les États-Unis, le Mexique, les Philippines, ainsi que des États du continent africain - le Cameroun et le Mali -, continent qui souffre aussi du dérèglement climatique sans pourtant en être à l'origine.
La mobilisation est donc en marche car, à côté de cet accord, bien évidemment, nous devons agir d'ici à 2020. Les diverses initiatives se renforcent : les actions opérationnelles renforcent l'accord et le rendent crédible, et l'accord lui-même, au stade de la préparation de son application, donne une impulsion aux différentes actions.
Ainsi, notre objectif, notre devoir, est de rendre ce mouvement irréversible, en faisant en sorte que tous les acteurs s'engagent, ce qui est le cas : d'abord, les États, qui ont la responsabilité de la ratification et des contributions nationales ; les entreprises et les investisseurs, qui travaillent à la réalisation de la transition énergétique et à la finance verte, grande nouveauté de la COP21 ; les ONG et les citoyens, pour s'assurer que la parole donnée à Paris est respectée, mais aussi pour contribuer à l'élaboration des actions opérationnelles et à la connaissance des dégâts causés par le dérèglement climatique ; les territoires et les grandes villes, avec les coalitions qui se sont exprimes lors de la COP21 - rappelons que les vingt plus grandes mégalopoles du monde sont directement menacées par la montée des océans. Enfin, je voudrais évoquer la démocratie locale, qui s'exerce aussi au niveau de chaque citoyen. Je rappelle que 70% des actions efficaces contre le dérèglement climatique sont menées à l'échelle locale. C'est la raison pour laquelle, vous le savez, j'ai pris soin, en accompagnement de la loi relative à la transition énergétique, que vous avez votée, d'assurer la mise en oeuvre de ce texte sans tarder dans les territoires, avec la création des 400 territoires à énergie positive.
Un grand apport de la COP21 est d'avoir associé aux États tous les acteurs qui comptent pour donner une impulsion à une transition majeure de notre modèle de développement. Ainsi, le plan d'action «Lima-Paris» a-t-il créé une dynamique qui rassemble plus de 10.000 villes, régions, entreprises, investisseurs et associations dans 180 pays, autour de 70 coalitions.
Pour avoir participé à plus d'une centaine d'événements pendant les dix jours de la COP21, et pour avoir la responsabilité, en tant que présidente de la COP, de suivre la montée en puissance des coalitions, je puis témoigner auprès de vous du mouvement irréversible ainsi créé. Les 70 coalitions fondées à Paris, dont 15 sur l'initiative de la France, offrent ainsi un nouveau cadre pour fédérer les États, les entreprises, les salariés, les associations, les ONG, les citoyens autour des principaux enjeux du changement climatique. Depuis la COP21, la France s'emploie à consolider ces différentes initiatives, par exemple l'Alliance solaire internationale, que j'ai eu l'occasion de présider à New York en marge de la cérémonie de signature, et qui a vu le lancement des premiers programmes de travail. Citons aussi le lancement de l'initiative contre l'érosion des côtes, notamment ouest-africaines, la coalition pour les énergies renouvelables en Afrique, la coalition autour du prix du carbone, la coalition autour de l'innovation et de la recherche, les coalitions autour des énergies renouvelables, de l'efficacité des bâtiments, autour des questions de la forêt, de l'eau, de l'océan, de l'agriculture durable et de l'économie circulaire, ainsi que sur tous les sujets liés à la résilience.
S'il fallait insister sur un sujet qui devient aujourd'hui urgent, je mentionnerais la coalition relative au prix du carbone et le développement de la finance verte. Les banques multinationales ont pris la mesure des efforts à fournir en la matière : plus de 40 milliards de dollars d'obligations vertes ont été émis l'an dernier, ce qui représente plus du double des montants de l'année précédente. La France se place en tête des pays d'origine des émetteurs d'obligations vertes. L'État a d'ailleurs décidé d'émettre des bons du Trésor : le prochain projet de loi de finances vous saisira des sujets de la finance verte et de la fixation d'un prix du carbone qui pourrait servir de modèle à l'ensemble des pays de l'Union européenne, et bien au-delà.
Beaucoup a été fait aussi, en peu de temps, par la finance privée, comme l'atteste la coalition pour la décarbonation des portefeuilles, qui a réuni 600 milliards de dollars d'actifs, dépassant largement l'objectif initial des 100 milliards de dollars. Je suis actuellement en train de mobiliser les 500 plus gros investisseurs qui ne prennent pas encore en compte le climat dans leurs choix d'investissement.
Je souhaite aussi que l'on prenne la mesure des opportunités que présentent la croissance verte et l'économie bleue, en développant ce que nous avons fait dans la loi relative à la transition énergétique, et qui est, là aussi, unique au regard des différentes législations existant dans le monde : vous avez en effet voté le fameux article 173 de ce texte, qui sert de référence à la finance mondiale. Nous sommes le seul pays à avoir développé l'obligation pour les investisseurs de définir, dans leur rapport aux actionnaires, la dimension climatique de leurs investissements.
En ce qui concerne la tarification du carbone, une grande coalition d'États et d'entreprises s'est constituée. L'objectif, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington, est de mettre en place un prix suffisamment élevé pour changer les comportements, suffisamment stable et prévisible pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et financiers, et coordonné pour qu'il soit un instrument non de concurrence mais, au contraire, de cohésion. J'ai ouvert le premier panel de la coalition des leaders pour un prix du carbone à la Banque mondiale. Le Québec, la Californie et l'Ontario - notamment - ont déjà lancé un marché du carbone. À l'heure actuelle, une quarantaine de pays, vingt-trois villes, des États et des provinces tarifient le carbone. Lors du prochain Conseil européen, la France va proposer aux autres États membres de s'aligner en matière de tarification du carbone, avec la création d'un « corridor carbone », pour que soit prise en considération la diversité des modèles énergétiques d'un pays à l'autre.
Pour la réussite de cet accord, mon message est simple : nous devons agir vite, de manière juste et ensemble. De fait, l'accord de Paris a été un grand moment de rassemblement de la communauté internationale, à l'heure où nous connaissons tant de conflits, de dissensions et de violences à l'échelle planétaire. C'est donc un moment de réconciliation très fort qui a été organisé par la communauté internationale.
C'est un trésor de rassemblement, de valeurs et de civilisation dont nous sommes dépositaires. Nous avons donc devoir de mettre en oeuvre cet accord. Relever ce défi et faire reculer tous les drames liés au dérèglement climatique, cela représente une chance extraordinaire. On voit bien, en effet, toutes les potentialités que ce domaine recèle en termes de développement économique, de création d'emplois, d'innovation et d'intelligence : il peut à la fois permettre aux pays les plus pauvres de sortir de la pauvreté en accédant à l'électricité à partir des énergies renouvelables, et aux pays qui subissent des ralentissements de croissance de donner un nouveau souffle à la croissance dans ces filières d'activité, propices au développement économique et à la création.
Ces enjeux sont donc à portée de main, même s'ils nécessitent du courage et s'ils supposent de faire des choix. Le courage, je sais que vous n'en manquez pas ; les choix, vous les avez déjà faits. Soyez donc remerciés de participer ainsi tout à la fois à la mise en avant de notre pays et à la protection de notre planète.
(Interventions des parlementaires)
Je serai très brève, Monsieur le Président. Je voudrais vraiment remercier les uns et les autres pour la qualité de leurs interventions et pour l'engagement qu'elles traduisent. En effet, au-delà de cet hémicycle, c'est bien évidemment l'ensemble des parties à l'accord de Paris sur le climat qui observent ce que fait la France, et la qualité de ce débat ne passera pas inaperçue.
Je remercie, pour leurs travaux préparatoires, les deux commissions saisies au fond et pour avis : la commission des affaires étrangères, présidée par Élisabeth Guigou - sans oublier le rapporteur -, et la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet.
J'adresse également mes remerciements à tous les groupes politiques, quels que soient les clivages et les sensibilités politiques. En définitive, l'accord conclu à Paris a aussi su rassembler les pays : quels que soient leurs préoccupations, leurs conflits, leurs problèmes et leurs tensions, ils ont su se dépasser pour converger et aboutir à un rapport protégeant les relations entre l'homme et la planète.
Cet esprit de Paris se ressentait également dans vos interventions. À cette heure, le vote ne fait pas de doute. Je m'exprimerai donc également à l'issue de celui-ci, qui aura lieu dans quelques instants.
J'ajoute que ce vote donnera manifestement à la France un atout supplémentaire pour entraîner les autres pays, notamment les États membres de l'Union européenne. J'ai bien entendu ce que vous avez, les uns et les autres, dit à ce sujet : l'Europe n'a pas le droit d'abandonner son leadership, qu'elle a assumé au moment du dépôt des contributions nationales. L'Europe, qui a alors été très ambitieuse, qui a su entraîner les autres continents industrialisés, doit continuer de montrer le chemin. C'est pourquoi il était si important de voir aujourd'hui converger vos positions.
Vous avez également envoyé des signaux d'alerte, auxquels je suis particulièrement sensible, car, au-delà des votes, au-delà des textes, ce sont les actions opérationnelles pour la mise en place de l'accord de Paris qui comptent. Il faut distinguer la période précédant 2020 et celle qui viendra ensuite, le dispositif qui vaudra alors dépendant évidemment de qui se passe aujourd'hui et même de ce qui s'est passé, ces derniers mois, dans le cadre de l'engagement des coalitions opérationnelles.
Soyez donc infiniment remerciés pour la qualité de ce débat, qui nous permettra de franchir une à une les étapes suivantes : la mobilisation des pays de l'Union européenne, la ratification par chacun des pays européens et au niveau de l'Union européenne, pour que les instruments de ratification soient rapidement déposés, si possible avant la COP22. C'est, pour le moins, l'un des défis que nous devons relever car à quoi cela ressemblerait-il si l'Union européenne se présentait comme continent observateur et si l'accord de Paris commençait à s'appliquer sans elle ?
Je forme donc aussi le voeu que, dans les associations dont vous faites partie, les différentes commissions auxquelles vous participez, lors des contacts que vous avez avec vos collègues de l'Union européenne, les groupes d'amitié auxquels vous adhérez, vous puissiez relayer votre engagement, afin que tous les parlements de l'Union européenne se sentent particulièrement motivés.
Je vais d'ailleurs adresser un courrier au président de l'Assemblée nationale et à celui du Sénat pour leur demander de rassembler les présidents de l'ensemble des parlements de l'Union européenne afin de mobiliser la représentation démocratique pour la ratification de l'accord mais aussi pour la transposition en droit positif, dans chacun des États membres, comme nous l'avons fait en France, des engagements, ou INDC, puisqu'il est convenu de les appeler de la sorte. Il y aura ainsi une politique par la preuve et une démonstration par l'engagement des représentations nationales que le moment de l'action est venu. Merci pour votre engagement. La mobilisation, en tout cas, continue.
(L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.)
Je voudrais seulement partager avec vous cette belle parole de Nelson Mandela : «Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès car, seul, on peut aller vite mais, ensemble, on peut aller loin et même très loin.» Il ajoutait : «Cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse.»
Aujourd'hui, l'Assemblée nationale française l'a fait et va donner aux autres l'envie de le faire. Soyez-en remerciés !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2016
Madame la Présidente de la Commission des affaires étrangères,
Monsieur le Président et Rapporteur pour avis de la Commission du développement durable,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le monde est à un tournant de son histoire. L'homme et la planète sont inséparables - ce savoir est ancestral, et l'idée que la nature est au service de l'homme doit laisser la place à la reconnaissance que ce dernier ne peut exister sans elle ; et même lorsqu'il cherche à exister contre elle, il déclenche toute une série de drames, de souffrances, de désespoirs, le dérèglement climatique.
Il faut donc faire des choix courageux pour rétablir un équilibre dangereusement rompu entre les activités humaines et le milieu naturel : c'est ce que la communauté internationale a fait, en décembre dernier, à Paris. Les choix que nous ferons en tant qu'individus, territoires, entreprises, nations et communauté internationale déterminent la rapidité de l'application de cet accord. Un geste simple, indéfiniment répété par des milliards de personnes à travers la planète, a le pouvoir de changer le cours de l'histoire : c'est le message que Gandhi avait adressé au monde entier ; et le combat pour la justice climatique est, de fait, un combat pour la paix entre les peuples. C'est donc l'honneur de la France d'être le premier pays industrialisé à ratifier l'accord de Paris, et le premier pays d'Europe à donner cet exemple.
Universel et ambitieux, équitable et dynamique, l'accord de Paris représente un point de bascule vers un développement sobre en carbone et résilient aux effets du dérèglement climatique. Il fixe pour objectif de contenir la hausse des températures bien en deçà de 2 degrés, et de s'efforcer de la limiter à 1,5 degrés. Pour cela, il appelle à ce que le pic des émissions de gaz à effet de serre ait lieu le plus tôt possible et à la neutralité des émissions dans la seconde moitié du siècle.
Il prévoit aussi que chaque pays mette à jour, tous les cinq ans, et de façon toujours plus ambitieuse, sa contribution nationale. À ce jour, 190 pays ont déposé leur contribution nationale ; la quasi-totalité des émissions est donc couverte. Un bilan collectif aura également lieu tous les cinq ans afin de faire le point sur les engagements des pays ; le premier bilan aura lieu en 2023.
La décision qui accompagne l'accord prévoit, par ailleurs, que les États se rencontrent une première fois en 2018 pour évaluer leurs progrès - 2018, c'est demain ; c'est dire la rapidité avec laquelle nous devons engager l'action. Sur ce point aussi la France s'honore d'être le premier pays au monde à avoir transcrit dans sa législation, grâce à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que vous avez votée, et qui constitue son engagement, pris avant la conférence de Paris sur le climat.
L'accord ouvre donc la voie à un renforcement progressif des engagements d'atténuation et d'adaptation pour tous les pays, grâce à des mécanismes de coopération en matière de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités.
S'agissant du premier point, l'accord met en oeuvre une obligation pour les pays développés de fournir et de mobiliser des financements qui devront progressivement augmenter.
La décision qui accompagne l'accord maintient jusqu'en 2025 l'engagement d'un financement de 100 milliards de dollars par an, qui servira de base à une cible financière plus ambitieuse. La nécessité de rééquilibrer les financements - notamment publics, mais aussi sous forme de dons - pour l'adaptation est affirmée.
S'agissant de la transparence, un cadre renforcé est mis en place. Il permettra de construire la confiance entre les pays et de s'assurer de l'efficacité de l'accord. Ce cadre s'appliquera à tous, en tenant compte de la capacité de chacun des pays. Un mécanisme de contrôle de la mise en oeuvre et de la conformité de l'accord est établi. Ses règles de procédure seront définies afin qu'il puisse être mis en oeuvre avant la date d'application de l'accord.
L'accord a été ouvert à la signature au siège de l'Organisation des Nations unies le 22 avril 2016, jour de la Journée internationale de la Terre. Très attachée à ce que ce texte, fruit d'un consensus historique, soit signé dès cette date par le plus grand nombre, la présidence française s'est engagée afin d'encourager les États à être représentés à haut niveau à cette occasion et témoigner ainsi que l'engagement politique fort pris à Paris se confirmait. De fait, la mobilisation a été exceptionnelle : 175 parties ont signé l'accord le même jour - le 22 avril -, ce qui ne s'était jamais vu s'agissant de la signature d'un accord de ce niveau.
Il convient à présent de ratifier cet accord, ce qui est précisément l'objet de notre débat. Cette étape est indispensable car c'est la ratification qui va permettre l'entrée en vigueur de l'accord aux niveaux international, national, régional et local. L'accord entrera en vigueur après le dépôt des instruments de ratification d'au moins 55 parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, représentant au moins 55% des émissions totales de gaz à effet de serre.
À ce jour, 16 États l'ont déjà ratifié, notamment - il faut le souligner - les petites îles, c'est-à-dire les États les plus menacés dans leur existence même par le rchauffement climatique. D'autres pays majeurs ont annoncé leur intention de les rejoindre dès cette année, notamment l'Australie, l'Argentine, le Canada, la Chine, les États-Unis, le Mexique, les Philippines, ainsi que des États du continent africain - le Cameroun et le Mali -, continent qui souffre aussi du dérèglement climatique sans pourtant en être à l'origine.
La mobilisation est donc en marche car, à côté de cet accord, bien évidemment, nous devons agir d'ici à 2020. Les diverses initiatives se renforcent : les actions opérationnelles renforcent l'accord et le rendent crédible, et l'accord lui-même, au stade de la préparation de son application, donne une impulsion aux différentes actions.
Ainsi, notre objectif, notre devoir, est de rendre ce mouvement irréversible, en faisant en sorte que tous les acteurs s'engagent, ce qui est le cas : d'abord, les États, qui ont la responsabilité de la ratification et des contributions nationales ; les entreprises et les investisseurs, qui travaillent à la réalisation de la transition énergétique et à la finance verte, grande nouveauté de la COP21 ; les ONG et les citoyens, pour s'assurer que la parole donnée à Paris est respectée, mais aussi pour contribuer à l'élaboration des actions opérationnelles et à la connaissance des dégâts causés par le dérèglement climatique ; les territoires et les grandes villes, avec les coalitions qui se sont exprimes lors de la COP21 - rappelons que les vingt plus grandes mégalopoles du monde sont directement menacées par la montée des océans. Enfin, je voudrais évoquer la démocratie locale, qui s'exerce aussi au niveau de chaque citoyen. Je rappelle que 70% des actions efficaces contre le dérèglement climatique sont menées à l'échelle locale. C'est la raison pour laquelle, vous le savez, j'ai pris soin, en accompagnement de la loi relative à la transition énergétique, que vous avez votée, d'assurer la mise en oeuvre de ce texte sans tarder dans les territoires, avec la création des 400 territoires à énergie positive.
Un grand apport de la COP21 est d'avoir associé aux États tous les acteurs qui comptent pour donner une impulsion à une transition majeure de notre modèle de développement. Ainsi, le plan d'action «Lima-Paris» a-t-il créé une dynamique qui rassemble plus de 10.000 villes, régions, entreprises, investisseurs et associations dans 180 pays, autour de 70 coalitions.
Pour avoir participé à plus d'une centaine d'événements pendant les dix jours de la COP21, et pour avoir la responsabilité, en tant que présidente de la COP, de suivre la montée en puissance des coalitions, je puis témoigner auprès de vous du mouvement irréversible ainsi créé. Les 70 coalitions fondées à Paris, dont 15 sur l'initiative de la France, offrent ainsi un nouveau cadre pour fédérer les États, les entreprises, les salariés, les associations, les ONG, les citoyens autour des principaux enjeux du changement climatique. Depuis la COP21, la France s'emploie à consolider ces différentes initiatives, par exemple l'Alliance solaire internationale, que j'ai eu l'occasion de présider à New York en marge de la cérémonie de signature, et qui a vu le lancement des premiers programmes de travail. Citons aussi le lancement de l'initiative contre l'érosion des côtes, notamment ouest-africaines, la coalition pour les énergies renouvelables en Afrique, la coalition autour du prix du carbone, la coalition autour de l'innovation et de la recherche, les coalitions autour des énergies renouvelables, de l'efficacité des bâtiments, autour des questions de la forêt, de l'eau, de l'océan, de l'agriculture durable et de l'économie circulaire, ainsi que sur tous les sujets liés à la résilience.
S'il fallait insister sur un sujet qui devient aujourd'hui urgent, je mentionnerais la coalition relative au prix du carbone et le développement de la finance verte. Les banques multinationales ont pris la mesure des efforts à fournir en la matière : plus de 40 milliards de dollars d'obligations vertes ont été émis l'an dernier, ce qui représente plus du double des montants de l'année précédente. La France se place en tête des pays d'origine des émetteurs d'obligations vertes. L'État a d'ailleurs décidé d'émettre des bons du Trésor : le prochain projet de loi de finances vous saisira des sujets de la finance verte et de la fixation d'un prix du carbone qui pourrait servir de modèle à l'ensemble des pays de l'Union européenne, et bien au-delà.
Beaucoup a été fait aussi, en peu de temps, par la finance privée, comme l'atteste la coalition pour la décarbonation des portefeuilles, qui a réuni 600 milliards de dollars d'actifs, dépassant largement l'objectif initial des 100 milliards de dollars. Je suis actuellement en train de mobiliser les 500 plus gros investisseurs qui ne prennent pas encore en compte le climat dans leurs choix d'investissement.
Je souhaite aussi que l'on prenne la mesure des opportunités que présentent la croissance verte et l'économie bleue, en développant ce que nous avons fait dans la loi relative à la transition énergétique, et qui est, là aussi, unique au regard des différentes législations existant dans le monde : vous avez en effet voté le fameux article 173 de ce texte, qui sert de référence à la finance mondiale. Nous sommes le seul pays à avoir développé l'obligation pour les investisseurs de définir, dans leur rapport aux actionnaires, la dimension climatique de leurs investissements.
En ce qui concerne la tarification du carbone, une grande coalition d'États et d'entreprises s'est constituée. L'objectif, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington, est de mettre en place un prix suffisamment élevé pour changer les comportements, suffisamment stable et prévisible pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et financiers, et coordonné pour qu'il soit un instrument non de concurrence mais, au contraire, de cohésion. J'ai ouvert le premier panel de la coalition des leaders pour un prix du carbone à la Banque mondiale. Le Québec, la Californie et l'Ontario - notamment - ont déjà lancé un marché du carbone. À l'heure actuelle, une quarantaine de pays, vingt-trois villes, des États et des provinces tarifient le carbone. Lors du prochain Conseil européen, la France va proposer aux autres États membres de s'aligner en matière de tarification du carbone, avec la création d'un « corridor carbone », pour que soit prise en considération la diversité des modèles énergétiques d'un pays à l'autre.
Pour la réussite de cet accord, mon message est simple : nous devons agir vite, de manière juste et ensemble. De fait, l'accord de Paris a été un grand moment de rassemblement de la communauté internationale, à l'heure où nous connaissons tant de conflits, de dissensions et de violences à l'échelle planétaire. C'est donc un moment de réconciliation très fort qui a été organisé par la communauté internationale.
C'est un trésor de rassemblement, de valeurs et de civilisation dont nous sommes dépositaires. Nous avons donc devoir de mettre en oeuvre cet accord. Relever ce défi et faire reculer tous les drames liés au dérèglement climatique, cela représente une chance extraordinaire. On voit bien, en effet, toutes les potentialités que ce domaine recèle en termes de développement économique, de création d'emplois, d'innovation et d'intelligence : il peut à la fois permettre aux pays les plus pauvres de sortir de la pauvreté en accédant à l'électricité à partir des énergies renouvelables, et aux pays qui subissent des ralentissements de croissance de donner un nouveau souffle à la croissance dans ces filières d'activité, propices au développement économique et à la création.
Ces enjeux sont donc à portée de main, même s'ils nécessitent du courage et s'ils supposent de faire des choix. Le courage, je sais que vous n'en manquez pas ; les choix, vous les avez déjà faits. Soyez donc remerciés de participer ainsi tout à la fois à la mise en avant de notre pays et à la protection de notre planète.
(Interventions des parlementaires)
Je serai très brève, Monsieur le Président. Je voudrais vraiment remercier les uns et les autres pour la qualité de leurs interventions et pour l'engagement qu'elles traduisent. En effet, au-delà de cet hémicycle, c'est bien évidemment l'ensemble des parties à l'accord de Paris sur le climat qui observent ce que fait la France, et la qualité de ce débat ne passera pas inaperçue.
Je remercie, pour leurs travaux préparatoires, les deux commissions saisies au fond et pour avis : la commission des affaires étrangères, présidée par Élisabeth Guigou - sans oublier le rapporteur -, et la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet.
J'adresse également mes remerciements à tous les groupes politiques, quels que soient les clivages et les sensibilités politiques. En définitive, l'accord conclu à Paris a aussi su rassembler les pays : quels que soient leurs préoccupations, leurs conflits, leurs problèmes et leurs tensions, ils ont su se dépasser pour converger et aboutir à un rapport protégeant les relations entre l'homme et la planète.
Cet esprit de Paris se ressentait également dans vos interventions. À cette heure, le vote ne fait pas de doute. Je m'exprimerai donc également à l'issue de celui-ci, qui aura lieu dans quelques instants.
J'ajoute que ce vote donnera manifestement à la France un atout supplémentaire pour entraîner les autres pays, notamment les États membres de l'Union européenne. J'ai bien entendu ce que vous avez, les uns et les autres, dit à ce sujet : l'Europe n'a pas le droit d'abandonner son leadership, qu'elle a assumé au moment du dépôt des contributions nationales. L'Europe, qui a alors été très ambitieuse, qui a su entraîner les autres continents industrialisés, doit continuer de montrer le chemin. C'est pourquoi il était si important de voir aujourd'hui converger vos positions.
Vous avez également envoyé des signaux d'alerte, auxquels je suis particulièrement sensible, car, au-delà des votes, au-delà des textes, ce sont les actions opérationnelles pour la mise en place de l'accord de Paris qui comptent. Il faut distinguer la période précédant 2020 et celle qui viendra ensuite, le dispositif qui vaudra alors dépendant évidemment de qui se passe aujourd'hui et même de ce qui s'est passé, ces derniers mois, dans le cadre de l'engagement des coalitions opérationnelles.
Soyez donc infiniment remerciés pour la qualité de ce débat, qui nous permettra de franchir une à une les étapes suivantes : la mobilisation des pays de l'Union européenne, la ratification par chacun des pays européens et au niveau de l'Union européenne, pour que les instruments de ratification soient rapidement déposés, si possible avant la COP22. C'est, pour le moins, l'un des défis que nous devons relever car à quoi cela ressemblerait-il si l'Union européenne se présentait comme continent observateur et si l'accord de Paris commençait à s'appliquer sans elle ?
Je forme donc aussi le voeu que, dans les associations dont vous faites partie, les différentes commissions auxquelles vous participez, lors des contacts que vous avez avec vos collègues de l'Union européenne, les groupes d'amitié auxquels vous adhérez, vous puissiez relayer votre engagement, afin que tous les parlements de l'Union européenne se sentent particulièrement motivés.
Je vais d'ailleurs adresser un courrier au président de l'Assemblée nationale et à celui du Sénat pour leur demander de rassembler les présidents de l'ensemble des parlements de l'Union européenne afin de mobiliser la représentation démocratique pour la ratification de l'accord mais aussi pour la transposition en droit positif, dans chacun des États membres, comme nous l'avons fait en France, des engagements, ou INDC, puisqu'il est convenu de les appeler de la sorte. Il y aura ainsi une politique par la preuve et une démonstration par l'engagement des représentations nationales que le moment de l'action est venu. Merci pour votre engagement. La mobilisation, en tout cas, continue.
(L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.)
Je voudrais seulement partager avec vous cette belle parole de Nelson Mandela : «Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès car, seul, on peut aller vite mais, ensemble, on peut aller loin et même très loin.» Il ajoutait : «Cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse.»
Aujourd'hui, l'Assemblée nationale française l'a fait et va donner aux autres l'envie de le faire. Soyez-en remerciés !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2016