Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur les moyens mis en oeuvre au niveau européen et international pour lutter contre le faux-monnayage et la contrefaçon de l'euro, Paris le 26 novembre 2001.

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Circonstance : Séminaire européen sur la lutte contre le faux-monnayage et la protection de l'euro à Paris le 26 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Gouverneur,
Monsieur le directeur général de la police nationale,
Monsieur le directeur central de la police judiciaire,
Mesdames et messieurs,
Dans quelques semaines, nous allons être les témoins et les acteurs d'un événement à tous égards historique. Le passage à l'euro est, en effet, une étape politique essentielle de la construction européenne, l'un de ses points culminants. Il en est aussi l'un de ses symboles les plus forts, car il atteste la volonté de 300 millions de personnes d'être des européens confiants dans l'avenir de leur continent. Pour chacune de ces personnes, il est aussi un bouleversement profond dans leur vie quotidienne, la perte, avec la disparition des monnaies nationales, d'un repère économique et social intégré depuis l'enfance. C'est pour toutes ces raisons que le passage à l'euro doit s'accompagner d'un haut niveau de sécurité.
Je suis très heureux d'être parmi vous ce soir car vous avez tous uvré pour que ce passage à l'euro soit techniquement exemplaire. Votre rôle et votre action, par le biais des mesures déjà prises et de toutes celles qui seront mises en uvre, sont des facteurs essentiels dans la parfaite réussite de cette opération.
Si le changement de monnaie est une démarche sans précédent, il l'a aussi été pour vous qui avez dû imaginer et anticiper tous les problèmes susceptibles de se poser dans le domaine de la lutte contre la fausse monnaie. Cette activité criminelle a été, de tous temps, un des terrains de prédilection de la criminalité organisée.
Mais votre action a aussi une autre dimension qui dépasse cette seule dimension criminelle, tant il est vrai que la monnaie est surtout faite de la confiance des utilisateurs. Dans le domaine qui nous préoccupe, une monnaie saine est une monnaie qui ne peut être contrefaite: en prévenant toute contrefaçon, vous contribuez à asseoir cette confiance indispensable sans laquelle il ne peut y avoir de vie en commun.
Je voudrai saluer en premier lieu les dirigeants des grandes institutions européennes et mondiales impliquées dans la protection de l'euro contre le faux monnayage : Monsieur Ronald Kenneth NOBLE, Secrétaire Général de l'office international de police criminelle (OIPC) - Interpol, Monsieur Franz Hermann BRUENER, Directeur Général de l'Office Européen de Lutte Anti-fraude et Monsieur Jürgen STORBECK, Directeur d'Europol.
Je salue également les personnalités françaises qui participent depuis plusieurs années d'une stratégie nationale innovante fondée sur le partenariat et la complémentarité des divers acteurs de la lutte contre le faux monnayage. Mes remerciements vont en premier lieu au Gouverneur de la Banque de France, Monsieur Jean-Claude TRICHET, mais aussi à Madame Françoise SALIOU, Directrice de la Monnaie de Paris. Je n'oublie pas, bien sûr, l'adhésion de la Gendarmerie Nationale à cette orientation, et j'en remercie particulièrement son Directeur Général, Monsieur le préfet Pierre STEINMETZ.
Je salue aussi le Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces au Ministère de la Justice, Monsieur FINIELZ, dont les services suivent, pour l'aspect judiciaire, les nombreux travaux initiés dans les instances intergouvernementales.
Je salue enfin tous les participants à ce séminaire auquel les représentants des pays candidats portent une attention toute particulière.
Mesdames, Messieurs, la menace qui nous préoccupe a été clairement identifiée par les experts et les spécialistes du faux monnayage des Etats de l'union.
La contrefaçon des moyens de paiement est, à grande échelle, l'une des formes les plus anciennes de la criminalité organisée. Il y a certes eu dans l'histoire de la contrefaçon des artisans de génie travaillant dans leur garage, mais la technologie complexe utilisée dans la fabrication des monnaies réserve de nos jours cette activité criminelle aux réseaux organisés, seuls à même, grâce à leur puissance financière, de contrefaire et de diffuser de la fausse monnaie. Le passage à l'euro est objectivement une période de grand danger pour les utilisateurs de la nouvelle monnaie et au-delà pour l'union européenne.
N'en doutons pas, les organisations criminelles nationales et internationales vont essayer de profiter de ce passage à l'Euro qui représente pour eux aussi un enjeu considérable. Cette situation nouvelle est potentiellement une menace de premier ordre pour l'union européenne, car les conséquences pourraient être multiples, politique, économique, psychologique. L'intérêt de la criminalité autour de cette nouvelle monnaie sera d'autant plus grand qu'elle constituera l'unité de compte d'un espace économique qui dépassera largement les frontières actuelles de l'union européenne.
Ces différentes considérations, mais aussi le fait que les Etats membres aient des expériences inégales dans ce domaine, nous font obligation de dépasser la seule approche nationale - par nature hétérogène - du faux monnayage au sein de l'union.
Dans son approche du combat à mener et des mesures préventives ou répressives, la France est, quant à elle, en faveur d'une lutte globale et intégrée à l'échelle de l'union européenne dans le cadre d'une politique cohérente.
Cette nécessité répond en outre à une autre logique : s'agissant de protéger une monnaie européenne, les citoyens seraient fondés à trouver illogique l'absence d'un dispositif de protection et de lutte à l'échelle de l'Europe.
La protection de l'euro contre le faux monnayage est donc une entreprise complexe. Fort heureusement, nombreux sont les Etats qui peuvent s'appuyer sur l'expérience de la coopération internationale.
La communauté internationale a, en effet, dès 1929, mis en évidence le caractère transnational de la lutte contre le faux monnayage et préconise, par souci d'efficacité, une organisation appropriée au sein de chaque Etat, des instances chargées de lutter contre ce type de criminalité, tout particulièrement dans le domaine de la centralisation de l'information, et, par extension, dans le domaine de la coordination opérationnelle nationale. C'est la raison pour laquelle, dans son article 12, la Convention de Genève de 1929 a institué les offices centraux nationaux en matière de lutte contre le faux monnayage.
C'est dans ce contexte, adossés aux acquis de la coopération internationale, que les Etats de l'union ont pu se livrer, dès 1997, à une réflexion encore plus approfondie pour que soit abordée l'échéance du premier janvier 2002, avec un seul mot d'ordre: maîtriser toutes les dimensions du passage à l'euro, tant dans le domaine de faux monnayage que dans celui du grand banditisme.
C'est ainsi par exemple, au niveau communautaire, que l'Office européen de Lutte Anti-fraude a anticipé cette échéance en lançant dès 1997, des réflexions qui incorporent les principes édictés en 1929 et toujours opérationnels.
De la même manière, au terme de trois années de travaux ayant mis à contribution tous les experts policiers de l'union, a été adopté un règlement européen qui assure une cohérence à la lutte contre le faux monnayage au sein de l'union européenne.
Le règlement communautaire du 28 juin 2001, prescrit aux Etats membres de s'assurer que les informations relatives au faux monnayage soient, au niveau national, centralisées par un Office central, en vue de leur transmission à Europol.
Cette complémentarité et cette synergie entre les Offices centraux nationaux et Europol, constituent le socle d'une coopération opérationnelle nécessaire et rationnelle.
Dans le contexte propre à l'introduction d'une nouvelle monnaie qui est en même temps une monnaie unique, les aspects " formation " n'ont pas été oubliés, avec un principe simple : à monnaie nouvelle, formation nouvelle. Cette dimension " formation " a été l'un des points forts de la réunion des directeurs généraux de police qui a eu lieu en septembre 2000 sous présidence française de l'union européenne. Comme d'autres Etats, la France a considéré qu'il s'agissait là d'une tâche prioritaire et souhaité vivement qu'une formation technique des enquêteurs soit assurée en partenariat avec la Banque de France et la Monnaie de Paris, dans le cadre de plans nationaux spécifiques. L'un des objectifs de cette formation était aussi de permettre aux enquêteurs spécialisés de travailler en toute confiance et de favoriser les échanges d'information opérationnelle.
Le Directeur Général de la Police Nationale a évoqué cette orientation lors de l'ouverture de votre séminaire. Je le félicite, ainsi que le Directeur Général de la Gendarmerie Nationale, pour avoir mis en uvre une formation commune visant tous les correspondants techniques et opérationnels de l'Office central pour la répression du faux monnayage. Pour la première fois, des enquêteurs des services régionaux de police judiciaire et des sections de recherches de la gendarmerie nationale ont reçu une formation identique.
J'observe que la proposition de décision du Conseil établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation pour la protection de l'euro contre le faux monnayage, connue sous le nom de programme PERICLES, sera finalisée avant la fin de l'année sous présidence belge.
Ce texte respecte les choix faits par les Etats dans le domaine de la formation de ses enquêteurs tout en s'inscrivant dans une logique de valeur ajoutée en termes de coopération opérationnelle à l'échelle européenne.
Nous avons soutenu cette approche car nous savons combien est essentielle la création d'outils opérationnels d'aide à l'enquête qui soient communs. Je pense au Répertoire Automatisé pour l'Analyse des Contrefaçons de l'Euro, application informatique connue sous le nom de R.A.P.A.C.E, mise à la disposition des correspondants techniques et opérationnels de l'Office central pour la répression du faux monnayage. Cet outil a été développé avec le concours financier de la Commission à laquelle il convient de rendre hommage pour son apport dans ce domaine.
Je ne voudrais pas quitter le domaine de la formation sans souligner le formidable investissement fait par les experts de la Banque de France au côté de l'Office central. Le protocole d'assistance scientifique et pédagogique signé le 19 décembre 2000 par le Directeur Central de la Police Judiciaire et le Directeur Général de la Fabrication des Billets, illustre la détermination de nos institutions pour la protection de l'euro.
Au plan de la coopération internationale, les Etats membres disposent avec l'OIPC-Interpol d'une organisation mondiale, parfaitement intégrée dans le paysage policier. Les capacités et le savoir-faire d'Interpol sont avérés comme l'est son rôle déterminant en matière de circulation de l'information. Dans le domaine de la lutte contre le faux monnayage, Interpol met en uvre l'article 15 de la Convention de Genève de 1929 en organisant régulièrement des conférences internationales réunissant les experts opérationnels nationaux et les représentants des banques d'émission. La prochaine conférence aura lieu à Amsterdam en avril 2002. Elle aura une importance toute particulière puisqu'elle surviendra trois mois après la mise en circulation de l'euro.
La protection de l'euro est l'une des missions prioritaires d'europol et son engagement est la clé de voûte de la coopération européenne en raison de son rôle : structure de soutien et de coordination opérationnelle, europol aura une responsabilité majeure dans le domaine de la circulation des informations, parachevant en cela les dispositions arrêtées au plan national en s'appuyant sur le rôle des Offices centraux nationaux. Le rôle d'europol est important car il bonifie l'information transmise par les services spécialisés des Etats et fédère leur action.
En terminant cette intervention, je me dois de souligner la détermination dont a fait preuve la Direction Générale de la Police Nationale, et en son sein, la Direction Centrale de la Police Judiciaire, pour que soit définie et mise en uvre une stratégie exemplaire en matière de lutte contre le faux monnayage.
Pour arriver à ce résultat, il a fallu près de quatre ans de concertation, bousculer bien des habitudes, faire tomber des barrières et finalement privilégier la créativité.
Le maillage territorial désormais assuré par les correspondants techniques et opérationnels de l'Office central permet de porter la connaissance technique au niveau opérationnel approprié, sur le terrain. Cette politique paraît la seule permettant de mobiliser les enquêteurs nationaux sur l'enjeu criminel européen, avec la plus grande économie de moyens humains et matériels.
C'est sans doute, Monsieur le Directeur Central de l'Office Européen de Lutte Anti-fraude, ce qui vous a conduit à parrainer ce séminaire.
L'implication résolue et forte de la France dans le dispositif européen mis en place pour préserver l'intégrité de l'euro et la confiance des Européens dans cette monnaie unique, souligne, mais c'est une évidence, notre volonté de mieux coopérer encore au niveau pertinent, celui de l'union européenne. La protection de l'euro démontre aussi la volonté de la France d'être un artisan actif et attentif de la création de cet espace de sécurité, de liberté et de justice voulu par le sommet de Tampere.

(source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 novembre 2001)