Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est avec plaisir que je vous reçois aujourd'hui à l'hôtel Matignon. Un plaisir double. D'une part, bien sûr, parce que j'ai l'occasion de pouvoir vous féliciter personnellement. D'autre part, parce que vos nominations marquent le début d'une nouvelle étape dans notre politique de redressement économique. L'extension du secteur public est, pour l'essentiel, réalisée et il vous appartient désormais de relancer l'activité de vos entreprises.
En vous choisissant pour occuper les fonctions qui sont désormais les vôtres, nous avons eu le souci de faire appel à des femmes et à des hommes d'envergure à l'esprit libre. C'est sans doute ce qui explique la diversité du groupe que vous formez aujourd'hui. Mais c'est aussi un témoignage du souci d'efficacité du gouvernement qui, à tous les stades du processus de nationalisation, s'est toujours attaché à retenir la solution la plus favorable à notre économie. Il attend de vous le même (...)
Les nationalisations, j'ai souvent eu l'occasion de le dire, et en particulier à la tribune de l'Assemblée Nationale, ne relèvent d'aucun dogmatisme. Elles sont le moyen que la France se donne pour ordonner ses choix et organiser son appareil de production. Car si nous sommes devenus un grand pays industriel, l'évolution s'est parfois faite au hasard, de façon désordonnée. Nous n'avons pas défini nos grandes orientations. Nous nous sommes trop pliés aux règles du marché, ce qui nous a amené à privilégier les produits sans prendre suffisamment soin d'élaborer des filières industrielles.
Dès cette année, vous aurez pour tâche d'insérer l'action de vos entreprises dans le cadre des orientations générales tracées par le plan. Cette coordination se fera par voie contractuelle. Vous aurez à négocier avec votre ministère de tutelle - l'industrie pour les uns, l'économie et les finances pour les autres - des contrats qui définiront les engagements réciproques de l'Etat et de vos entreprises.
A cet égard, il faut que vous ayez clairement conscience que vous avez l'entière responsabilité de la conduite de vos entreprises. Face à l'administration, vous êtes sur un pied d'égalité.
Lors du dernier conseil des ministres, au cours duquel vous avez été désignés, j'ai nettement précisé ce point aux membres du gouvernement. Je leur ai indiqué que les différents ministères techniques concernés par les politiques à mettre en place devaient s'interdire toute démarche ou tout contact avec les entreprises nationales qui n'ait pas, au préalable, été concerté avec le ministère de tutelle.
Les entreprises nationalisées ne sont pas des outils à la disposition de telle ou telle administration et rien ne serait plus nuisible aux relations qui vont s'instaurer avec les groupes et les banques qu'une dispersion des interventions de l'Etat à leur égard. La situation est simple : le ministre de l'industrie est 'l'interlocuteur privilégié des groupes industriels, le ministre de l'économie et des finances celui des banques et des compagnies financières. L'un et l'autre vont d'ailleurs avoir l'occasion de vous exposer en détail la politique que le gouvernement entend suivre dans ces deux secteurs.
Parce que vous êtes pleinement responsables vous êtes comptables de votre réussite et de celle de votre entreprise.
Nous aurons d'ailleurs l'occasion de reparler de tout cela car je souhaite qu'à intervalles réguliers les responsables des entreprises publiques et nationalisées et les responsables gouvernementaux puissent dialoguer en toute franchise et échanger des informations. Car autant vous devez être vigilants face à la bureaucratisation et ne pas vous laisser envahir par les administrations, autant il importe que vos politiques d'entreprise et celle du gouvernement tendent dans le même sens.
C'est nécessaire à la bonne marche de notre économie. C'est nécessaire également en raison du rôle particulier que vos entreprises devront jouer, en particulier en matière sociale. Vous devrez être non seulement exemplaires dans l'application des réglementations et des lois existantes mais encore vous devrez explorer la voie vers de nouvelles avancées sociales.
C'est pourquoi je ne peux que vous inciter à prendre des directeurs généraux adjoints chargés, tout spécialement, des rapports sociaux. Et je souhaite que les hommes que vous sélectionnerez échappent aux normes traditionnelles de la direction du personnel et fassent montre d'un esprit d'ouverture, du sens du changement, d'une compréhension en profondeur de la mutation dans laquelle nous sommes engagés.
Ils auront en effet un rôle décisif à jouer dans la réussite de l'expérimentation sociale dans le secteur public et nationalisé. Sans jamais remettre en cause la compétitivité de vos entreprises et, à plus forte raison, leur équilibre financier, vous devrez montrer l'exemple. Soyez même en avance sur le gouvernement, personne ne vous le reprochera. Utilisez les contrats de solidarité pour faciliter les créations d'emplois par une politique dynamique de réduction de la durée du travail.
A ce propos permettez-moi de revenir une fois de plus -et j'espère pour la dernière fois- sur les questions soulevées par la réduction à 39 heures de la durée hebdomadaire de travail. J'ai l'impression que dans le débat qui s'est instauré chacun répète sa thèse à satiété en prenant soin de ne surtout pas écouter les arguments de l'autre.
Quelle est donc la politique que vous aurez à mettre en uvre ? Elle peut se résumer en quatre points :
1) La priorité gouvernementale concerne la lutte contre le chômage. Nous devons donc d'abord chercher à créer des emplois. C'est pourquoi nous nous sommes fixé l'objectif des 35 heures en 1985.
2) La politique salariale, conformément au souhait de l'ensemble des partenaires sociaux, est une politique contractuelle. Et je m'étonne de voir certains demander au Gouvernement d'intervenir alors qu'ils condamnent la "police des salaires".
3) Si le gouvernement, contrairement à ce que souhaitaient certains partenaires sociaux, a choisi une réduction minimum de la durée légale de travail, une réduction d'une heure, c'est parce qu'il entendait maintenir le pouvoir d'achat des salariés concernés. La meilleure preuve en est qu'avant même tout ce débat, dans le secteur qui le concerne directement, l'État a procédé à la réduction du temps de travail au maintien des revenus.
4) Mais, dans le même temps, le gouvernement n'a cessé d'inciter les entreprises qui le peuvent à aller plus vite et plus loin par voie contractuelle. Ces accords peuvent être conclus au niveau des branches ou des entreprises voire prendre la forme de contrats de solidarité.
A ce niveau, il appartient bien sûr aux partenaires sociaux de trancher de la question.
A vrai dire, plusieurs éléments entrent en compte dans la négociation. D'abord l'ampleur de la réduction du temps de travail et le volume des gains de productivité réalisés. L'idéal est bien sûr que ces gains de productivité permettent de financer la réduction de la durée du travail. Si dans certaines branches ou certaines entreprises cela ne se révélait pas possible, le problème du partage des revenus se poserait nécessairement.
J'ajoute que toutes ces questions ne peuvent être réglées que par une négociation sociale plus-intense car c'est branche par branche, voire entreprise par entreprise, qu'il faut ajuster les procédures.
Et il est vrai qu'un partage des revenus peut faciliter des créations d'emplois. C'est un choix qui incombe aux partenaires sociaux.
Dans les difficultés que nous avons enregistrées avec le passage des 40 à 39 heures entre, pour une bonne part, le manque de négociation. Nous sommes, en France, particulièrement en retard dans ce domaine. L'ordonnance sur la réduction du temps de travail est le fruit des discussions entre les partenaires sociaux mais, dès qu'elle a été publiée, on s'est rendu compte que nombre d'entreprises et de salariés n'avaient pas été concernés par les négociations.
C'est pourquoi je souhaite que plus d'entreprise adhèrent à leurs associations professionnelles et que plus de salariés militent dans les syndicats.
J'ajoute que, tel qu'il a été engagé, le débat est largement artificiel. Les uns et les autres s'efforcent d'obtenir du gouvernement une réponse à un problème dont nous ignorons bien des données. Irons-nous aux 35 heures par des réductions annuelles successives d'une heure ou bien conserverons -nous les 39 heures de manière à obtenir un maximum de résultats grâce à la politique contractuelle ? La réponse dépendra pour l'essentiel de l'évolution de notre économie, du niveau de la reprise et des résultats que nous obtiendrons en matière de lutte contre le chômage. Et j'ajouterai que la réponse dépend également du futur "espace social européen".
La France, à ce niveau, a déjà marqué des points. Accueillie au départ avec scepticisme, notre politique de réduction de la durée du travail suscite à présent la curiosité et même l'intérêt de nos partenaires. J'ai pu m'en rendre compte lors de mon récent entretien avec le Chancelier Schmidt. Nos partenaires allemands, aujourd'hui confrontés à une rapide augmentation du chômage, dans leur propre pays, ont même souhaité que tout ce qui concerne "l'espace social européen" soit inscrit à l'ordre du jour du prochain sommet européen.
Pour réussir, le changement a besoin d'être expliqué et discuté. Dans l'entreprise, dans le pays, et même au niveau international. Le gouvernement s'y attache en permanence. Je vous demande d'en faire autant. La dimension du dialogue doit être une de vos préoccupations constantes. Il importe, par exemple, que vous fassiez participer les cadres de vos entreprises à l'élaboration de vos stratégies.
Vous serez encouragés et aidés dans cette démarche par la future loi démocratisant le secteur public et nationalisé. Vous serez d'ailleurs associés à l'élaboration de ce texte. Il prévoira notamment l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration et la mise en place de conseils d'atelier.
Mais ces préoccupations sociales ne doivent pas vous faire perdre de vue les objectifs économiques que nous poursuivons et qui justifient l'entrée de vos entreprises dans le secteur public. MM. Delors et Dreyfus vont développer ces aspects mais je voudrais indiquer rapidement les choix du gouvernement. Ils sont au nombre de trois :
1°) Assurer la présence mondiale de la France. Dans trop de secteurs nous ne sommes pas au niveau de la concurrence internationale. Nous ne savons pas suffisamment promouvoir l'image de l'industrie et de la technologie française. Les grands groupes n'entraînent pas suffisamment leurs sous-traitants et, plus généralement, les PMI et PME sur les marchés d'exportations. Pensez que pour un nombre sensiblement équivalent d'entreprises, il y a en Allemagne fédérale dix fois plus de firmes qui exportent qu'en France.
Nous avons donc de grands progrès à faire dans ce domaine de même que, parallèlement, il nous faut, par une politique industrielle hardie, reconquérir des pans entiers de notre marché intérieur, depuis trop longtemps laissés à l'abandon.
2°) La France doit être, avec les Etats-Unis et le Japon, au nombre des trois grands du développement technologique. Nous bénéficions d'un capital humain exceptionnel. C'est même sans doute, la principale richesse de notre pays. Sachons mieux l'utiliser. Sachons mieux diffuser l'innovation. Vous avez pu constater que le gouvernement a, dès cette année, consenti des efforts budgétaires exceptionnels dans ce but. Vos entreprises doivent relayer et amplifier cette politique.
3°) Par leur développement et leurs performances vos groupes doivent créer des emplois. Il est en effet urgent de libérer le pays d'un chômage dont le coût financier est exorbitant et qui mine, d'autre part, les structures même de notre société.
La réforme bancaire permise par les nationalisations aura notamment pour objectif de favoriser cette réussite industrielle. Nous avons assisté au cours des dernières décennies à une véritable guerre entre le capitalisme industriel et le capitalisme financiez. La victoire de ce dernier a contribué à affaiblir notre appareil de production et à insérer la France dans un schéma de division internationale du travail que nous récusons.
Il convient que l'appareil bancaire sache, dans le respect d'un indispensable pluralisme, simplifier ses procédures et retrouver plus d'audace, notamment pour aider nos entreprises à conquérir de nouveaux marchés, pour faciliter les investissements à hauts risques et pour permettre la création de nouvelles entreprises.
Il faut, réconcilier les Français et leurs banques, être plus sensible aux souhaits de la clientèle. Le spectaculaire développement des établissements mutualistes montre qu'une attente existe dans ce domaine. Un des éléments de cette réconciliation passera par une meilleure garantie de l'épargne populaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les orientations de la politique gouvernementale et les recommandations que je souhaitais vous faire. Dans ce cadre ne craignez pas de prendre des initiatives, de vous montrer dynamique. C'est cela d'abord que les Français attendent de vous.
Car, vous le savez, nos concitoyens sont particulièrement attachés à leurs entreprises nationales. Vous pourrez donc compter aussi sur cette dimension effective. Elle doit vois rendre fier de la mission qui est désormais la vôtre.
C'est avec plaisir que je vous reçois aujourd'hui à l'hôtel Matignon. Un plaisir double. D'une part, bien sûr, parce que j'ai l'occasion de pouvoir vous féliciter personnellement. D'autre part, parce que vos nominations marquent le début d'une nouvelle étape dans notre politique de redressement économique. L'extension du secteur public est, pour l'essentiel, réalisée et il vous appartient désormais de relancer l'activité de vos entreprises.
En vous choisissant pour occuper les fonctions qui sont désormais les vôtres, nous avons eu le souci de faire appel à des femmes et à des hommes d'envergure à l'esprit libre. C'est sans doute ce qui explique la diversité du groupe que vous formez aujourd'hui. Mais c'est aussi un témoignage du souci d'efficacité du gouvernement qui, à tous les stades du processus de nationalisation, s'est toujours attaché à retenir la solution la plus favorable à notre économie. Il attend de vous le même (...)
Les nationalisations, j'ai souvent eu l'occasion de le dire, et en particulier à la tribune de l'Assemblée Nationale, ne relèvent d'aucun dogmatisme. Elles sont le moyen que la France se donne pour ordonner ses choix et organiser son appareil de production. Car si nous sommes devenus un grand pays industriel, l'évolution s'est parfois faite au hasard, de façon désordonnée. Nous n'avons pas défini nos grandes orientations. Nous nous sommes trop pliés aux règles du marché, ce qui nous a amené à privilégier les produits sans prendre suffisamment soin d'élaborer des filières industrielles.
Dès cette année, vous aurez pour tâche d'insérer l'action de vos entreprises dans le cadre des orientations générales tracées par le plan. Cette coordination se fera par voie contractuelle. Vous aurez à négocier avec votre ministère de tutelle - l'industrie pour les uns, l'économie et les finances pour les autres - des contrats qui définiront les engagements réciproques de l'Etat et de vos entreprises.
A cet égard, il faut que vous ayez clairement conscience que vous avez l'entière responsabilité de la conduite de vos entreprises. Face à l'administration, vous êtes sur un pied d'égalité.
Lors du dernier conseil des ministres, au cours duquel vous avez été désignés, j'ai nettement précisé ce point aux membres du gouvernement. Je leur ai indiqué que les différents ministères techniques concernés par les politiques à mettre en place devaient s'interdire toute démarche ou tout contact avec les entreprises nationales qui n'ait pas, au préalable, été concerté avec le ministère de tutelle.
Les entreprises nationalisées ne sont pas des outils à la disposition de telle ou telle administration et rien ne serait plus nuisible aux relations qui vont s'instaurer avec les groupes et les banques qu'une dispersion des interventions de l'Etat à leur égard. La situation est simple : le ministre de l'industrie est 'l'interlocuteur privilégié des groupes industriels, le ministre de l'économie et des finances celui des banques et des compagnies financières. L'un et l'autre vont d'ailleurs avoir l'occasion de vous exposer en détail la politique que le gouvernement entend suivre dans ces deux secteurs.
Parce que vous êtes pleinement responsables vous êtes comptables de votre réussite et de celle de votre entreprise.
Nous aurons d'ailleurs l'occasion de reparler de tout cela car je souhaite qu'à intervalles réguliers les responsables des entreprises publiques et nationalisées et les responsables gouvernementaux puissent dialoguer en toute franchise et échanger des informations. Car autant vous devez être vigilants face à la bureaucratisation et ne pas vous laisser envahir par les administrations, autant il importe que vos politiques d'entreprise et celle du gouvernement tendent dans le même sens.
C'est nécessaire à la bonne marche de notre économie. C'est nécessaire également en raison du rôle particulier que vos entreprises devront jouer, en particulier en matière sociale. Vous devrez être non seulement exemplaires dans l'application des réglementations et des lois existantes mais encore vous devrez explorer la voie vers de nouvelles avancées sociales.
C'est pourquoi je ne peux que vous inciter à prendre des directeurs généraux adjoints chargés, tout spécialement, des rapports sociaux. Et je souhaite que les hommes que vous sélectionnerez échappent aux normes traditionnelles de la direction du personnel et fassent montre d'un esprit d'ouverture, du sens du changement, d'une compréhension en profondeur de la mutation dans laquelle nous sommes engagés.
Ils auront en effet un rôle décisif à jouer dans la réussite de l'expérimentation sociale dans le secteur public et nationalisé. Sans jamais remettre en cause la compétitivité de vos entreprises et, à plus forte raison, leur équilibre financier, vous devrez montrer l'exemple. Soyez même en avance sur le gouvernement, personne ne vous le reprochera. Utilisez les contrats de solidarité pour faciliter les créations d'emplois par une politique dynamique de réduction de la durée du travail.
A ce propos permettez-moi de revenir une fois de plus -et j'espère pour la dernière fois- sur les questions soulevées par la réduction à 39 heures de la durée hebdomadaire de travail. J'ai l'impression que dans le débat qui s'est instauré chacun répète sa thèse à satiété en prenant soin de ne surtout pas écouter les arguments de l'autre.
Quelle est donc la politique que vous aurez à mettre en uvre ? Elle peut se résumer en quatre points :
1) La priorité gouvernementale concerne la lutte contre le chômage. Nous devons donc d'abord chercher à créer des emplois. C'est pourquoi nous nous sommes fixé l'objectif des 35 heures en 1985.
2) La politique salariale, conformément au souhait de l'ensemble des partenaires sociaux, est une politique contractuelle. Et je m'étonne de voir certains demander au Gouvernement d'intervenir alors qu'ils condamnent la "police des salaires".
3) Si le gouvernement, contrairement à ce que souhaitaient certains partenaires sociaux, a choisi une réduction minimum de la durée légale de travail, une réduction d'une heure, c'est parce qu'il entendait maintenir le pouvoir d'achat des salariés concernés. La meilleure preuve en est qu'avant même tout ce débat, dans le secteur qui le concerne directement, l'État a procédé à la réduction du temps de travail au maintien des revenus.
4) Mais, dans le même temps, le gouvernement n'a cessé d'inciter les entreprises qui le peuvent à aller plus vite et plus loin par voie contractuelle. Ces accords peuvent être conclus au niveau des branches ou des entreprises voire prendre la forme de contrats de solidarité.
A ce niveau, il appartient bien sûr aux partenaires sociaux de trancher de la question.
A vrai dire, plusieurs éléments entrent en compte dans la négociation. D'abord l'ampleur de la réduction du temps de travail et le volume des gains de productivité réalisés. L'idéal est bien sûr que ces gains de productivité permettent de financer la réduction de la durée du travail. Si dans certaines branches ou certaines entreprises cela ne se révélait pas possible, le problème du partage des revenus se poserait nécessairement.
J'ajoute que toutes ces questions ne peuvent être réglées que par une négociation sociale plus-intense car c'est branche par branche, voire entreprise par entreprise, qu'il faut ajuster les procédures.
Et il est vrai qu'un partage des revenus peut faciliter des créations d'emplois. C'est un choix qui incombe aux partenaires sociaux.
Dans les difficultés que nous avons enregistrées avec le passage des 40 à 39 heures entre, pour une bonne part, le manque de négociation. Nous sommes, en France, particulièrement en retard dans ce domaine. L'ordonnance sur la réduction du temps de travail est le fruit des discussions entre les partenaires sociaux mais, dès qu'elle a été publiée, on s'est rendu compte que nombre d'entreprises et de salariés n'avaient pas été concernés par les négociations.
C'est pourquoi je souhaite que plus d'entreprise adhèrent à leurs associations professionnelles et que plus de salariés militent dans les syndicats.
J'ajoute que, tel qu'il a été engagé, le débat est largement artificiel. Les uns et les autres s'efforcent d'obtenir du gouvernement une réponse à un problème dont nous ignorons bien des données. Irons-nous aux 35 heures par des réductions annuelles successives d'une heure ou bien conserverons -nous les 39 heures de manière à obtenir un maximum de résultats grâce à la politique contractuelle ? La réponse dépendra pour l'essentiel de l'évolution de notre économie, du niveau de la reprise et des résultats que nous obtiendrons en matière de lutte contre le chômage. Et j'ajouterai que la réponse dépend également du futur "espace social européen".
La France, à ce niveau, a déjà marqué des points. Accueillie au départ avec scepticisme, notre politique de réduction de la durée du travail suscite à présent la curiosité et même l'intérêt de nos partenaires. J'ai pu m'en rendre compte lors de mon récent entretien avec le Chancelier Schmidt. Nos partenaires allemands, aujourd'hui confrontés à une rapide augmentation du chômage, dans leur propre pays, ont même souhaité que tout ce qui concerne "l'espace social européen" soit inscrit à l'ordre du jour du prochain sommet européen.
Pour réussir, le changement a besoin d'être expliqué et discuté. Dans l'entreprise, dans le pays, et même au niveau international. Le gouvernement s'y attache en permanence. Je vous demande d'en faire autant. La dimension du dialogue doit être une de vos préoccupations constantes. Il importe, par exemple, que vous fassiez participer les cadres de vos entreprises à l'élaboration de vos stratégies.
Vous serez encouragés et aidés dans cette démarche par la future loi démocratisant le secteur public et nationalisé. Vous serez d'ailleurs associés à l'élaboration de ce texte. Il prévoira notamment l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration et la mise en place de conseils d'atelier.
Mais ces préoccupations sociales ne doivent pas vous faire perdre de vue les objectifs économiques que nous poursuivons et qui justifient l'entrée de vos entreprises dans le secteur public. MM. Delors et Dreyfus vont développer ces aspects mais je voudrais indiquer rapidement les choix du gouvernement. Ils sont au nombre de trois :
1°) Assurer la présence mondiale de la France. Dans trop de secteurs nous ne sommes pas au niveau de la concurrence internationale. Nous ne savons pas suffisamment promouvoir l'image de l'industrie et de la technologie française. Les grands groupes n'entraînent pas suffisamment leurs sous-traitants et, plus généralement, les PMI et PME sur les marchés d'exportations. Pensez que pour un nombre sensiblement équivalent d'entreprises, il y a en Allemagne fédérale dix fois plus de firmes qui exportent qu'en France.
Nous avons donc de grands progrès à faire dans ce domaine de même que, parallèlement, il nous faut, par une politique industrielle hardie, reconquérir des pans entiers de notre marché intérieur, depuis trop longtemps laissés à l'abandon.
2°) La France doit être, avec les Etats-Unis et le Japon, au nombre des trois grands du développement technologique. Nous bénéficions d'un capital humain exceptionnel. C'est même sans doute, la principale richesse de notre pays. Sachons mieux l'utiliser. Sachons mieux diffuser l'innovation. Vous avez pu constater que le gouvernement a, dès cette année, consenti des efforts budgétaires exceptionnels dans ce but. Vos entreprises doivent relayer et amplifier cette politique.
3°) Par leur développement et leurs performances vos groupes doivent créer des emplois. Il est en effet urgent de libérer le pays d'un chômage dont le coût financier est exorbitant et qui mine, d'autre part, les structures même de notre société.
La réforme bancaire permise par les nationalisations aura notamment pour objectif de favoriser cette réussite industrielle. Nous avons assisté au cours des dernières décennies à une véritable guerre entre le capitalisme industriel et le capitalisme financiez. La victoire de ce dernier a contribué à affaiblir notre appareil de production et à insérer la France dans un schéma de division internationale du travail que nous récusons.
Il convient que l'appareil bancaire sache, dans le respect d'un indispensable pluralisme, simplifier ses procédures et retrouver plus d'audace, notamment pour aider nos entreprises à conquérir de nouveaux marchés, pour faciliter les investissements à hauts risques et pour permettre la création de nouvelles entreprises.
Il faut, réconcilier les Français et leurs banques, être plus sensible aux souhaits de la clientèle. Le spectaculaire développement des établissements mutualistes montre qu'une attente existe dans ce domaine. Un des éléments de cette réconciliation passera par une meilleure garantie de l'épargne populaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les orientations de la politique gouvernementale et les recommandations que je souhaitais vous faire. Dans ce cadre ne craignez pas de prendre des initiatives, de vous montrer dynamique. C'est cela d'abord que les Français attendent de vous.
Car, vous le savez, nos concitoyens sont particulièrement attachés à leurs entreprises nationales. Vous pourrez donc compter aussi sur cette dimension effective. Elle doit vois rendre fier de la mission qui est désormais la vôtre.