Texte intégral
C'est devenu un lieu commun, une expression banale : la « fracture territoriale ».
Oui, notre pays souffre de voir se former des poches de pauvreté.
Tout le monde est prêt à s'accorder pour dire que la concentration des difficultés sur certains territoires est un processus délétère.
Tout le monde est prêt à dénoncer en cur « les ghettos ».
Certes, mais alors il faut sortir de l'hypocrisie :
s'il existe des ghettos, c'est que d'autres territoires refusent obstinément la mixité sociale.
L'entre-soi est confortable mais quel en est le prix pour notre nation ?
Jusqu'où ce choix politique car il s'agit d'un choix politique est compatible avec le triptyque républicain, notamment les valeurs d'égalité et de fraternité ?
Est-il acceptable que des élus de ces communes, des élus de la République, les premiers magistrats de leur ville, refusent de se mettre en conformité avec la loi ?
La réponse est sans ambiguïté pour ce qui me concerne et je n'ai pas hésité à me rendre dans certaines des communes concernées pour redire que la loi devait être respectée.
Encore dans l'examen du projet de loi égalité citoyenneté qui vient d'être voté en première lecture les masques sont tombés : il y a dans l'hémicycle des complices de la ghettoïsation.
Et c'est souvent ceux qui la dénoncent la plus durement qui par leurs décisions l'entretiennent le plus sûrement.
Nous devons relever le double défi de la solidarité et de la mixité, de la construction et de la diversité des publics.
La moitié des ménages les plus pauvres sont logés dans le privé. Et face à un marché du logement pas toujours maitrisé, les dépenses incompressibles des plus modestes explosent.
C'est là un fait nouveau, car auparavant, ces dépenses incompressibles différaient peu selon les catégories sociales.
En 1979, elles équivalaient à 20 % des ressources pour les plus riches et 24 % pour les plus pauvres.
En 2005, ces dépenses varient de 27 % pour les plus riches à 48 % pour les plus pauvres.
Le logement, c'est la base de la dignité.
Mais comment fait-on pour vivre quand la moitié de ses revenus part en loyer ?
La puissance publique a une responsabilité éminente dans la résolution du problème mais il faut être lucide : elle n'y parviendra pas seule.
Par ailleurs, je ne crois pas non plus à des acteurs privés qui pourraient durablement tiré leur épingle du jeu dans un environnement délabré.
Nous devons donc travailler de concert, chacun avec sa logique propre, mais ensemble autour de quelques objectifs et valeurs communes. Aux représentants coopératifs que vous êtes, je peux parler de valeurs.
Et ces valeurs guident notre action pour des réalisations très concrètes. L'une d'elle est de permettre à des familles modestes, des couples, d'accéder à la propriété.
Lors de mes déplacements, j'ai rencontré à plusieurs reprises des personnes qui m'ont dit leur bonheur d'avoir pu acquérir leur logement, et d'avoir pu le faire dans un quartier auquel ils étaient attachés.
Vous connaissez aussi bien que moi la rotation qui existe dans le parc social des quartiers prioritaires : si l'on ne donne pas aux foyers qui sont en ascension sociale l'envie de rester dans le quartier, le renouvellement des populations se fera toujours par le bas de l'échelle des revenus, au détriment de toute mixité.
J'ai conscience que je prêche ici à des convaincus
Des opérations d'accession sociale à la propriété ont été justement menées par vous dans le quartier Briand Peloutier.
L'idée est désormais de changer d'échelle et de donner encore plus d'ampleur à ces programmes d'accession partout en France, à travers la signature d'une convention nationale.
L'Etat, par le biais de l'Anru, encouragera ces programmes par un accès facilité aux aides dédiées.
Je me réjouis que cette convention puisse être aujourd'hui signée et j'espère surtout qu'elle trouvera à se concrétiser rapidement, et en de multiples endroits.
Je vous remercie pour votre engagement.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 25 juillet 2016