Texte intégral
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, Cher Claude Bartolone,
Monsieur le Secrétaire général du Conseil de l'Europe, Cher Thornbjorg Jagland,
Monsieur le Président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe Pedro Agramunt,
Monsieur le Président de la délégation française, Cher René Rouquet,
Monsieur le Président Robert Badinter,
Monsieur le Président Jean-Paul Costa,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un honneur pour moi que d'être parmi vous aujourd'hui pour ouvrir à vos côtés ce colloque consacré à la défense des droits de l'Homme et à l'avenir du Conseil de l'Europe.
Je tiens à féliciter René Rouquet d'en avoir pris l'initiative et je remercie l'Assemblée nationale de l'accueillir.
La France, pays fondateur et pays hôte de l'organisation, porte un très grand attachement au Conseil de l'Europe et continuera de soutenir son action. L'affirmation des droits de l'Homme s'est inscrite dans l'Histoire de France avec la Révolution française, elle fait partie de son identité et guide son action internationale.
Mais les droits de l'Homme, par définition, n'appartiennent pas à un pays en particulier. Tous doivent en être les dépositaires. C'est pourquoi, pour le continent européen, nous avons créé une organisation, le Conseil de l'Europe, et depuis 67 ans, la promotion des droits de l'Homme, de la démocratie et de l'État de droit, principes universels, sont au coeur de son mandat et de son action. Ils ne doivent jamais être considérés comme acquis.
C'est l'honneur des parlementaires qui composent l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe que de porter cette conscience, et la nécessité de se battre sans relâche pour promouvoir les droits de l'Homme, y compris auprès des citoyens et des gouvernements de chacun des États membres.
Les menaces qui pèsent aujourd'hui sur les droits de l'Homme dans le monde sont nombreuses. Ce sont d'abord celles qui sont liées aux guerres. Je pense, près de nos frontières, aux crimes perpétrés en ce moment même en Syrie à la fois par le régime de Damas et par Daech.
Le président de la République l'a répété à plusieurs reprises ces dernières semaines : ce qui se passe en Syrie est un crime inqualifiable et nous avons, nous européens, une responsabilité particulière, au nom même des valeurs que nous portons, de tout faire pour que cessent ces massacres de population, ces violations continues des droits de l'Homme et que la reprise des négociations permette une solution politique au conflit.
Nous ne pouvions pas démarrer cette journée consacrée à la défense des droits de l'Homme sans évoquer cette situation qui appelle la mobilisation la plus forte de la communauté internationale.
Mais sur le continent européen aussi, les droits de l'Homme peuvent être remis en question, parfois de manière insidieuse, imperceptible, ou même de manière ouverte et assumée.
Le Conseil de l'Europe, seule organisation paneuropéenne en mesure de surveiller de manière effective la mise en oeuvre et le respect des droits de l'Homme et de l'État de droit, doit rester l'enceinte privilégiée de leur défense et de leur protection.
Elle le doit d'autant plus que l'Europe est confrontée à des défis sans précédent.
Le premier tient à la menace terroriste, aux attentats qui nous ont frappés en France, en Belgique, au Danemark, en Allemagne mais aussi en Turquie. Face à cette barbarie meurtrière, face à ce nouveau totalitarisme, qui ne représente aucune religion, aucune civilisation, nous devons nous dresser avec force. Les terroristes veulent nous intimider, nous diviser, nous jeter les uns contre les autres. Nous devons faire le contraire : les combattre avec détermination, nous rassembler et refuser les amalgames. Ils se réclament d'une religion, l'islam, mais ils ne font que la dévoyer. C'est pourquoi nous devons combattre toute stigmatisation à l'encontre des musulmans en Europe. Nous combattons le fanatisme islamiste et non pas l'islam.
Nos principes sont le meilleur rempart contre l'engrenage de la haine. La campagne contre le discours de haine menée par le Conseil de l'Europe s'inscrit très justement dans cette volonté.
Notre réponse doit être celle de démocraties qui veulent se défendre, se protéger mais qui veulent aussi défendre et protéger les libertés, la liberté. C'est avec la force du droit que se battent les démocraties.
Ainsi, confrontée à une menace terroriste d'ampleur exceptionnelle, la France a veillé à mettre en oeuvre l'état d'urgence dans le plein respect des libertés fondamentales et de ses engagements internationaux. Nous avons fait en sorte que les mesures prises contre le terrorisme ne compromettent pas l'exercice des libertés publiques, qu'elles soient strictement encadrées et fassent l'objet d'un contrôle parlementaire et juridictionnel étroit au niveau national, en y associant les mécanismes nationaux et internationaux de protection des droits de l'Homme. Je m'étais rendu à votre invitation en janvier dernier devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et à votre rencontre, Monsieur le Secrétaire général, afin de présenter cette approche.
Je veux aussi saluer la mobilisation du Conseil de l'Europe pour renforcer les outils et l'action de l'organisation en matière de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violents. La France a activement participé à l'élaboration du Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme. Il s'agit du premier texte international qui prévoit des dispositions pour prévenir et endiguer le flux de combattants terroristes étrangers vers les zones de conflit. La France a signé le Protocole le 22 octobre 2015 et engagé le processus de ratification.
Le second défi est bien sûr celui de la crise migratoire sans précédent et de la crise des réfugiés à laquelle nous sommes confrontés. Nous devons apporter à ce défi une réponse fondée sur les principes d'humanité, de solidarité et de responsabilité, en conformité avec le droit international et en particulier le droit d'asile. Là encore, le Conseil de l'Europe peut jouer un rôle en faveur du traitement digne, des droits et de l'intégration des migrants, notamment au travers du partage des bonnes pratiques.
Au-delà de ces défis collectifs, l'Europe doit rester attentive quant à l'état et à l'évolution de chacune de ses démocraties. La France partage les préoccupations du Secrétaire général concernant certaines situations dans les États membres. L'enjeu est de trouver le juste équilibre entre le rappel des engagements et obligations de chacun et le nécessaire maintien du dialogue, sans lequel aucune avancée n'est possible. L'initiative prise par le secrétaire général de réunir la semaine dernière un comité des ministres sur la situation en Turquie était à cet égard bienvenue. Nous avons ainsi condamné avec fermeté la tentative de coup d'État en Turquie mais nous sommes aussi vigilants sur la situation intérieure de ce pays et la nécessité que les procédures engagées soient strictement proportionnées et respectueuses de l'État de droit. C'est ce à quoi vous avez veillé Monsieur le Secrétaire général par votre déplacement en Turquie.
La mobilisation pour la fortification des démocraties européennes est dans l'ADN même du Conseil de l'Europe. C'est tout le sens de l'assistance concrète qu'il apporte aux États dans le domaine de l'État de droit et du respect des libertés fondamentales.
Seuls des États garantissant le respect des droits de l'Homme pour tous les individus, quelle que soit leur appartenance, protégeant le pluralisme des opinions et des convictions, luttant contre toutes les formes de discriminations, et assurant à chacun une citoyenneté pleine et entière, sont capables de garantir, sur le long terme, la confiance des populations.
La France maintient, et a toujours maintenu, une coopération et un dialogue ouvert sur le respect de ses engagements avec la Cour européenne des droits de l'Homme et les autres mécanismes de suivi du Conseil de l'Europe.
Mesdames et Messieurs,
Je sais que l'évènement qui nous rassemble aujourd'hui a pour objet principal de se pencher sur l'avenir du Conseil de l'Europe et notamment d'étudier quelles évolutions de ses mécanismes institutionnels seraient les plus à même d'asseoir, sur le long terme, l'autorité et l'influence du Conseil de l'Europe au service de la défense des droits de l'Homme.
Il est vrai que les choses ont changé depuis 1949, depuis la naissance du Conseil de l'Europe, depuis que l'Union européenne a surgi, qu'elle a étendu et approfondi ses compétences, que notre continent s'est profondément transformé avec un nombre toujours plus grand d'États démocratiques qu'il a fallu accompagner dans leur transition.
Mais le Conseil de l'Europe n'en a pas fini avec sa mission, avec sa raison d'être.
C'est pourquoi je voulais vous assurer de tout le soutien de la France dans votre démarche pour un Conseil de l'Europe plus fort dans le concert européen et international, et vous souhaiter une journée de travaux riches et fructueux.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 septembre 2016