Texte intégral
WILLIAM LEYMERGIE
... Mais d'abord Les 4 vérités, c'est Jeff WITTENBERG qui reçoit ce matin Jean-Jacques URVOAS, le garde des Sceaux, ministre de la Justice.
JEFF WITTENBERG
En effet, bonjour à tous, bonjour Jean-Jacques URVOAS.
JEAN-JACQUES URVOAS
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
Vous avez annoncé cette semaine un plan de construction de cellules de prison, entre 10 et 16.000 cellules d'ici à 2025 comme plan très ambitieux, est-ce que vous aurez les moyens de l'accomplir, le budget va bientôt être annoncé, est-ce que François HOLLANDE vous a donné des garanties ?
JEAN-JACQUES URVOAS
C'est le Premier ministre qui donnera les chiffres mercredi ! Mais on peut imaginer que dans un gouvernement qui a l'habitude de travailler ensemble, si je fais part certain nombre de voeux à partir d'un diagnostic qui a été posé, personne n'a contesté ce diagnostic, nous avons besoin de places de prison, j'ai donné ce qui pouvait être une fourchette, c'est le Premier ministre qui donnera les chiffres, mais ça va...
JEFF WITTENBERG
Ça va coûter combien, est-ce qu'on le sait d'ores et déjà ?
JEFF WITTENBERG
On sait que pour commencer sérieusement, pour crédibiliser la démarche, pour trouver les terrains nécessaires, il faut un milliard dans le budget de l'année prochaine et Michel SAPIN a dit les équilibres avaient été trouvés et je n'ai pas senti qu'il était inquiet sur la demande.
JEFF WITTENBERG
C'est une facture Que ne paiera pas forcément ce gouvernement ? Il y a des élections l'an prochain, ça ne vous a pas échappé ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, c'est d'ailleurs pour ça que j'ai proposé une démarche qui soit transpartisane, c'est-à-dire que nous nous devons lutter contre la surpopulation carcérale pour des raisons d'ailleurs de sécurité, on a aujourd'hui un problème de radicalisation à l'intérieur de nos prisons, l'isolement est une des manières de lutter contre cette radicalisation et, donc, il faut construire des places de prison. Mais ça ne se construit pas en an et, donc, moi j'ai proposé que jusqu'à la fin de la législature nous puissions avec le Sénat c'est-à-dire à majorité d'opposition aujourd'hui - et à l'Assemblée nationale nous puissions nous mettre d'accord sur un constat, sur un diagnostic, de façon à ce que la prochaine législature puisse engager les mesures, c'est-à-dire que je propose que nous sortions la question carcérale de la polémique politique.
JEFF WITTENBERG
Pourquoi les peines de substitution, qui devaient être la panacée selon celle qui vous a précédé madame TAUBIRA, la contrainte pénale notamment, sont-elles si peu prononcées par les juges, est-ce que finalement ce n'était pas une fausse piste, une mauvaise piste, parce que vous vous inscrivez complètement à rebours de la politique de madame TAUBIRA ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui, non pas tout à fait, parce que justement je crois à une approche équilibrée, c'est-à-dire qu'il faut les deux. Nous avons été avec le Premier ministre au coeur de l'été visiter la prison de Nîmes, dans la prison de Nîmes 50 % des peines aménageables - c'est-à-dire celles qui sont prononcées par des magistrats pour permettre de préparer la sortie ces peines sont aménagées, donc on ne devrait pas avoir de surpopulation carcérale si on ne croyait qu'à l'alternative, or il y a une surpopulation. Donc moi je m'inscris plutôt dans une démarché équilibrée, il y a des outils qui sont des outils d'alternative à l'incarcération, mais en même temps...
JEFF WITTENBERG
Mais qui ne sont pas prononcées par les juges ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, pour le moment elles ne sont pas... en tout cas la nouvelle...
JEFF WITTENBERG
Vous le regrettez la contrainte pénale ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Je le regrette parce que comme parlementaire je l'ai votée et, d'ailleurs, j'aurais l'occasion d'ici la fin du mois d'octobre de rendre un rapport sur le diagnostic. Pourquoi cette contrainte pénale ne marche pas ? Est-ce que c'est parce qu'elle a été mal calibrée ? Est-ce qu'elle ressemblerait des outils déjà existants ou est-ce que c'est parce que les magistrats ne connaissant pas l'outil ne l'ont pas encore suffisamment utilisé, ou est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas suffisamment de moyens pour l'appliquer qu'ils ne sont pas utilisés ? En tous les cas, moi comme parlementaire, j'ai voté la contrainte pénale, donc je crois en sa pertinence...
JEFF WITTENBERG
Donc, vous y êtes toujours favorable ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui.
JEFF WITTENBERG
Nos confrères, vous parliez de la radicalisation, nos confrères du Figaro révèlent ce matin une explosion du nombre de mineurs radicalisés en France, il y en aurait aujourd'hui près de 2.000, 1.954 chiffre exactement Le Figaro, une explosion, une augmentation de 120 % depuis le mois de janvier. Est-ce que vous confirmez ces chiffres ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Les chiffres du Figaro, explosion, c'est toujours un peu les manchettes du Figaro si l'on veut faire fort...
JEFF WITTENBERG
Mais quelle est la réalité ?
JEAN-JACQUES URVOAS
La réalité c'est que depuis janvier 2015 les services du ministère de la Justice, c'est-à-dire la Protection judiciaire de la jeunesse, travaille ce sujet parce que nous avions effectivement repéré qu'il y avait une tendance lourde. Aujourd'hui...
JEFF WITTENBERG
Tendance lourde ou explosion, c'est un petit peu la même chose, monsieur URVOAS ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non ! Non, non, malheureusement pas, parce qu'une tendance lourde c'est même peut-être plus grave qu'une explosion puisque ça s'inscrit dans une durée alors qu'une explosion peut être spontanée. Il y a aujourd'hui et les chiffres ne sont pas ceux-là à ma connaissance les services de la Protection judiciaire de la jeunesse suivent 600 adolescents sur lesquels nous avons des signes de radicalisation, parfois d'ailleurs à l'initiative des parents, je crois que c'est autour de 150 jeunes qui nous ont été signalés par leurs parents qui nous disent craindre qu'il y ait une phase de radicalisation violente.
JEFF WITTENBERG
Et est-ce que c'est le tout carcéral qui va permettre d'endiguer ce phénomène ? Est-ce que justement la prison telle est aujourd'hui ne favorise pas cette radicalisation ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Il y a des jeunes qui sont incarcérés par décision des magistrats, il y en a à ma connaissance 14 11 garçons, 3 filles à soit seul d'ailleurs c'est un évènement sur ce segment puisqu'il n'y a évidemment peu d'adolescents qui sont incarcérés, donc les magistrats ont considéré que c'était suffisamment grave pour qu'ils le soient, souvent parce qu'ils sont en lien avec des adultes qui sont sur le théâtre...
JEFF WITTENBERG
C'est un chiffre qui parait très faible par rapport au nombre de radicalisés que vous évoquiez vous-même à l'instant ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui, oui, ce qui montre que l'incarcération n'est pas jugée comme étant la mesure la plus pertinente ce qui doit nous rassurer et d'ailleurs dans le budget de cette année je dispose d'une vingtaine de millions qui est destinée justement à la Protection judiciaire de la jeunesse pour travailler au quotidien avec des éducations, des psychologues, des personnels... depuis deux ans nous avons dépensé 36 millions sur ce sujet.
JEFF WITTENBERG
Il y a quelques jours vous vous êtes prononcé contre l'internement préventif des fichiers S que préconise Nicolas SARKOZY, est-ce que vous pensez que les Français sont plus intéressés par la discussion finalement sur l'état de droit ou par la montée de l'islamisme radical ? Est-ce qu'aujourd'hui on peut s'interroger juste sur le droit et pas seulement sur les moyens ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Bien sûr, je conçois que ça puisse paraître décalé, en réalité c'est la recherche de l'efficacité, parce que ce qui est proposé ici c'est de dire que tel préfet parce que tel individu ne lui plait pas peut l'incarcérer. Vous savez si on se met à incarcérer, parce que c'est ça qui nous est proposé, en raison de la peur de l'un ou du plaisir de l'autre, ça s'appelle l'arbitraire et je n'ai pas envie que dans mon pays on puisse simplement comme ça sur une humeur décider de priver quelqu'un de liberté, il faut des faits, il faut des preuves, c'est comme ça que ce pays fonctionne depuis 200 ans et jusqu'à présent personne ne s'en était plaint.
JEFF WITTENBERG
Et alors, puisqu'on parle d'état d'exception, quand sera levé l'état d'urgence, est-ce qu'on peut imaginer que les prochaines élections présidentielles et législatives se déroulent sous état d'urgence en France ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Écoutez, moi je sais que l'état d'urgence pour le moment il est jusqu'à la fin de l'année et je sais pour avoir participé à des réunions depuis qu'il y a un certain nombre de perquisitions qui ont été relancées puisque dans la loi que nous avons portée à la fin du printemps nous avons permis de nouvelles mesures, notamment d'investigation informatique, or l'informatique est une des sources principales de sources...
JEFF WITTENBERG
Et vous diriez qu'il faut le maintenir, monsieur URVOAS ?
JEAN-JACQUES URVOAS
A ce stade, au regard de ce que les services de police rendent comme informations au Parlement, puisque tout cela est dorénavant maintenant suivi par le Parlement, eh bien il y a toutes les raisons de penser que les mesures sont utiles et que pour le moment en tout cas et de ce fait d'ailleurs les jeunes radicalisés que nous avons interpellés et qui ont été interpellés dans les 15 derniers jours ne lèvent pas cette menace, nous nous avons besoin de continuer à avoir des informations.
JEFF WITTENBERG
Il y a eu un conseil de Défense hier à l'Élysée, vous avez évoqué ces questions ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Le président de la République a décidé depuis maintenant le mois de juin toutes les semaines de tenir un conseil de Défense en raison justement des signaux que nous repérons, que les services repèrent et des mesures que nous devons prendre.
JEFF WITTENBERG
Vous évoquez le président de la République, on a parlé de 2017, une question de politique pour terminer cette interview. Vous avez vu un sondage qui est à nouveau paru hier et qui montre que Marine LE PEN serait présente au second tour dans tous les cas de figure et que François HOLLANDE, lui, serait éliminé. Qu'est-ce que ça vous inspire ? Est-ce que monsieur HOLLANDE est toujours le candidat naturel de votre camp ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Moi depuis que je suis ministre de la République, c'est-à-dire depuis huit mois, le président de la République que je vois aux commandes n'est pas celui dont je lis des articles ou des commentaires.
JEFF WITTENBERG
Ah ! Ce n'est pas un article, c'est l'état de l'opinion des Français à huit mois de l'élection.
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui. Je pense qu'au moment de la campagne électorale, si le président le décidait, je crois qu'il y aurait toutes les capacités à montrer qu'il n'est pas celui que l'opinion croit qu'il est.
JEFF WITTENBERG
Donc, vous maintenez qu'il est aujourd'hui le meilleur candidat ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Moi je sais aujourd'hui, je n'aime pas particulièrement copier les Américains, mais je trouve que c'est un commandant en chef qui est tout à fait à la hauteur de la tâche.
JEFF WITTENBERG
Merci beaucoup Jean-Jacques URVOAS, William c'est à vous, très bonne journée.
WILLIAM LEYMERGIE
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 octobre 2016