Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales chargée de la biodiversité, sur les avancées réalisées en matière de climat et de biodiversité en 2015 et 2016, à Clermont-Ferrand le 16 septembre 2016.

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Circonstance : 6èmes Assises nationales de la biodiversité (ANB) organisées au Polydome Clermont-Ferrand (Puy- de-Dôme) les 14, 15 et 16 septembre 2016

Texte intégral

Lorsqu'on doit s'adresser, comme je le fais aujourd'hui, à une assemblée, on se pose toujours la question : à qui parle-t-on ?
Et c'est d'autant plus le cas lorsqu'on a en charge un secrétariat d'Etat à la biodiversité, parce que les publics concernés par cette question sont extrêmement divers : à la fois services du ministère de l'environnement, agents des opérateurs publics de la protection de la nature, élus locaux et nationaux, agents des collectivités territoriales, responsables d'entreprises, représentants d'ONG, éducateurs, chercheurs, mais aussi citoyens impliqués et mobilisés pour la protection de l'environnement.
En général, chacune des prises de parole, chacune des rencontres permet de s'adresser à quelques-uns de ces publics, et il est rare d'avoir l'opportunité de parler à tous, en même temps.
C'est donc pour moi une grande satisfaction d'être parmi vous aujourd'hui à l'occasion de ces assises nationales de la biodiversité, précisément parce que vous représentez en quelque sorte l'ensemble des familles de la Biodiversité.
C'est d'autant plus important à mes yeux que la politique de l'environnement, en France, est le fruit de partenariats, entre la puissance publique, les collectivités territoriales, les instances et organismes en charge de la gestion des espaces et de la mise en oeuvre des politiques publiques, mais aussi avec les usagers de la nature, agriculteurs, randonneurs, chasseurs, pêcheurs, ainsi que les associations de citoyens passionnés, défenseurs de la cause environnementale, acteurs de la science participative, dont vous êtes les représentants.
Je dis bien partenariats : chacun est dans son rôle, chacun défend ses intérêts, c'est légitime.
Mais l'intérêt général se construit dans des compromis. C'est en tout cas ma conception de l'action politique.
Et ces compromis n'ont de sens que s'ils permettent de répondre à un objectif partagé.
Faciliter, rechercher, inscrire dans la loi ou les réglementations les compromis, c'est le rôle du gouvernement, que je représente ici.
Contribuer à faire partager l'objectif de la préservation et de la reconquête de la Biodiversité, c'est le rôle du secrétariat d'Etat dont j'ai la charge.
En février dernier, le Président de la République et le premier ministre, avec l'assentiment de Ségolène Royal, ont décidé de créer ce secrétariat d'Etat, le premier de l'histoire, et en ont confié la responsabilité à une écologiste.
Une écologiste qui considère que les deux questions essentielles, les deux enjeux principaux auxquels nous sommes confrontés sont la lutte pour le climat et la réponse aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, qu'il s'agisse de la préservation d'espaces naturels indispensables à la vie, ou du maintien d'espèces animales ou végétales dont la vitesse d''extinction atteint des niveaux inégalés du fait, pour l'essentiel, de l'activité humaine.
Et parce que je suis écologiste, j'ai la conviction que répondre à ces enjeux n'est pas qu'une nécessité, mais véritablement une opportunité de vivre mieux, de développer de nouvelles activités, de nouveaux projets et de créer des emplois.
Sur ces deux questions, par ailleurs intimement liées, du climat et de la biodiversité, nous avons accompli un chemin déterminant dans la prise de conscience collective, et des avancées ont été obtenues, qu'il s'agit désormais de concrétiser ensemble.
2015 a été l'année de grandes avancées concernant la question du climat : je pense bien entendu à l'accord enregistré lors de la Conférence de Paris, en décembre dernier, mais également à la loi de transition énergétique et pour la croissance verte, que Ségolène Royal a portée.
Eh bien je crois que de la même manière que 2015 fut l'année des grandes décisions sur le climat, 2016 sera considérée, dans l'avenir, comme une année d'avancées majeures sur la biodiversité.
Il y aura, au plan international, la COP 13 de la convention sur la diversité biologique, à la fin de cette année.
Il y aura, à la fin de la semaine prochaine, le sommet mondial de la convention de protection des espèces, auquel je me rendrai, à Johannesburg.
Et au plan national, nous avons fait aboutir la loi sur la biodiversité.
Chacun conçoit la responsabilité majeure qui est la nôtre, et en premier lieu la vôtre, dans cette lutte pour la conservation de la biodiversité : La France, et notamment grâce à ses outre-mers, abrite un patrimoine considérable. Sur le territoire national, se jouent des enjeux essentiels : parce que nous sommes comptables de la préservation d'un espace maritime majeur, le deuxième du monde après celui des Etats-Unis, et de zones naturelles uniques.
Parce que les paysages, la faune, la flore constituent un enjeu essentiel, pour un pays qui tire du tourisme tant d'activités et d'emplois, et qui puise dans son environnement la qualité de vie de ses habitants. Oui, en ces temps où le débat politique est parfois pollué par des appels à une identité nationale dévoyée, qui pervertissent le message séculaire de la France, où les polémiques médiatiques portent sur des sujets annexes, où une dérive se fait jour qui éloigne de l'essentiel, je veux rappeler une idée simple : la France, c'est un idéal politique, démocratique, républicain, certes, mais c'est aussi un territoire.
Un territoire dont chaque génération, chaque citoyen, hérite quelles que soient ses origines ou ses croyances, quelle que soit la manière dont il est devenu Français.
Un territoire que nous avons en partage et que nous lèguerons aux générations suivantes : protéger la biodiversité, lutter contre les atteintes à l'environnement, reconquérir la qualité de l'air et de l'eau, sont des questions essentielles.
Ce sont, oui, des éléments constitutifs de notre identité.
Le rappeler, c'est aussi mon rôle. Je vous parlais d'objectif à partager : celui de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. En 1976, la France adoptait une grande loi consacrée à la protection de la nature. En 2016, on parle de protection et reconquête de la Biodiversité, de la nature et des paysages.SI les mots changent, ce n'est pas un caprice sémantique, c'est que la situation a changé, et au moins la conscience des défis a évolué.
Cette évolution n'est pas le fruit du hasard : notre mode de développement fait que chaque année, notre consommation des ressources naturelles est supérieure à ce que la nature peut recréer par son processus de régénération.
Comment, face à cette réalité scientifique, ne pas penser aux paroles du chef indien Geronimo :
« Quand le dernier arbre aura été abattu. Quand la dernière rivière aura été empoisonnée
Quand le dernier poisson aura été péché. Alors on saura que l'argent ne se mange pas. »
La responsabilité de notre génération est de faire en sorte que ces paroles ne soient pas prémonitoires.
Lorsqu'on me demande de donner une définition de la biodiversité, je réponds souvent « C'est le tissu du vivant », et je précise que ce tissu est composé d'innombrables fibres végétales, animales, géologiques ou génétiques qui contribuent, chacune, à la solidité du tout.
Que certaines de ces fibres se distendent ou disparaissent, et c'est la vie elle-même qui s'en trouve modifiée, voire menacée.
Or, du fait des activités humaines, sous l'effet de modifications d'habitats, de surconsommation de ressources, des pollutions, d'espèces exotiques envahissantes, du réchauffement climatique, le taux de disparition des espèces naturelles atteint des seuils qui rendent impossible leur régénération : des fibres se délitent, rompent, disparaissent.
Et la qualité de la vie, la vie elle-même s'en trouvent menacées. Alors il faut agir. Agir pour réintroduire de la nature là où elle avait disparu, et notamment en ville. Agir pour lutter contre les pollutions, les produits qui détruisent des espèces essentielles à la vie, comme les pollinisateurs, et notamment les abeilles.
Agir pour faire des espaces que nous protégeons parce qu'ils sont exceptionnels des exemples qui sensibilisent et contribuent à l'éducation à la nature. Pour leur permettre de tirer de leurs spécificités des facteurs de développement, d'attractivité et de rayonnement.
Pour concilier, même quand c'est difficile, parce que c'est difficile, la préservation de la biodiversité et le maintien d'activités qui font l'identité des territoires. Et pour agir, il faut discuter, s'unir, être capable de compromis.
Cela passe par le respect de chacun des acteurs : je le dis calmement mais fermement, ici, dans cette région : ce n'est pas en entretenant des caricatures d'un autre âge parmi les usagers et les amoureux de la nature, ce n'est pas en s'envoyant au visage des propos blessants, des expressions méprisantes que l'on rendra service à la nature et à la biodiversité.
Je serai, moi, membre écologiste du gouvernement, après-demain à l'inauguration du siège de la fédération de la chasse et de la pêche, dans la Somme. Et il n'y a rien de plus normal à cela.
Tout au long de l'examen et de l'élaboration de la loi sur la biodiversité, j'ai rencontré représentants des agriculteurs, des chasseurs, comme associations de protection de l'environnement. Et, sur beaucoup de points, nous avons avancé dans le compromis, avec détermination et dans l'écoute.
Détermination à avancer, à faire progresser l'écologie dans nos politiques publiques, à contribuer à des équilibres favorables à la biodiversité. Mais écoute également, parce que nul ne peut prétendre détenir LA solution à de tels défis. Et que c'est par le dialogue, la conviction, la recherche d'équilibres que se fait une politique. Pas par des positions de principe ou des postures.
Je ne vais pas vous infliger la lecture des plus de 150 articles de cette loi. Mais je crois utile qu'on en mesure la portée. La loi consacre ainsi le principe de solidarité écologique. Elle reconnaît l'importance des liens qui existent entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines. Ce principe permet de s'assurer que les questions complexes d'interactions et d'effets directs et indirects sont prises en compte dans les décisions, élément majeur, par ailleurs, de l'atténuation et de l'adaptation au changement climatique.
Ce principe de solidarité concerne également les territoires : la loi offre des outils pour renforcer les continuités écologiques.
La création ou la restauration d'espaces de nature vise non seulement à préserver la biodiversité mais aussi à maintenir les services rendus par les écosystèmes.
L'existence des trames verte et bleue est essentielle pour nous adapter au changement climatique, en réduire les effets et participer à stopper l'érosion de la biodiversité.
Nous avons inscrit dans la loi le principe de non régression de la protection de l'environnement : toute évolution législative future ne pourra avoir pour objectif qu'une amélioration constante de la protection de l'environnement.
La séquence « éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit, à défaut les réduire, et en dernier recours, compenser les impacts résiduels » pour les projets d'aménagement est confortée et précisée par le texte. Ce principe essentiel se trouve clarifié, notamment avec la mise en place de nouveaux outils, comme les opérateurs de compensation ou les Sites Naturels de Compensation. Le zéro perte nette de biodiversité est désormais inscrit dans le code de l'environnement, c'est essentiel puisque les mesures de compensation des atteintes à l'environnement se voient assigner une obligation de résultats et de durée égale aux atteintes constatées.
Les projets qui ne répondraient pas à ces obligations ne pourront être autorisés en l'état.
Face aux enjeux de perte de biodiversité et d'adaptation aux effets du changement climatique, la loi crée l'Agence Française pour la Biodiversité. Elle sera un opérateur central, la référence institutionnelle au service d'un nouveau modèle de développement. Outil d'expertise et de pilotage unique, l'Agence sera opérationnelle au 1er janvier 2017, les décrets d'application sont rédigés.
L'AFB et les Régions auront, en collaboration avec les services de l'Etat sur le terrain, l'initiative de créer des agences régionales associant également les autres collectivités territoriales et les acteurs.
Grâce au vote de la loi, la France a pu procéder au début de ce mois à la ratification du Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques.
La France se donne ainsi les moyens d'innover sans piller et concrétise un engagement international pris il y a 25 ans lors du Sommet de la Terre à Rio. Et au cours des débats parlementaires, le texte a été complété et enrichi.
Le préjudice écologique traduit désormais dans la loi de la jurisprudence Erika : c'est une bonne nouvelle pour l'environnement et les acteurs économiques qui ont une visibilité juridique sur les conséquences de leurs actions.
Et la sortie des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles est désormais actée, avec une interdiction dès 2018, assortie de possibilités de dérogation accordées uniquement après avis de l'ANSES et, en tout état de cause, limitées à 2020 au plus tard. En parallèle de la loi, des sujets importants ont avancé. Je veux parler de l'action de groupe environnementale qui, suite à un travail approfondi avec mon collègue Garde des sceaux, figure dans le texte du projet de loi justice du 21e siècle.
Je veux également parler de la pêche en eaux profondes qui sera donc proscrite, au-delà de 800 mètres, dans l'union européenne.
Cette décision s'inscrit dans un règlement européen qui renforce significativement la protection des écosystèmes marins vulnérables.
Elle a été obtenue grâce à une volonté forte de députés européens, au travail de la commission, à la mobilisation d'États, au premier rang desquels la France qui sera le premier pays à mettre en oeuvre cette directive.
Au-delà de la sensibilisation des acteurs y compris au sein de l'équipe ministérielle, au-delà des décisions législatives et réglementaires, l'une des priorités du secrétariat d'Etat est de mobiliser pour l'action, de valoriser les réussites, de démontrer, de manière positive, ce que l'action pour la biodiversité peut générer d'activités et d'emplois. Le combat pour la biodiversité passe aussi, et j'allais dire avant tout, par des actes citoyens et par l'engagement de tous les acteurs.
Et je crois que le meilleur moyen de susciter des vocations est encore de valoriser non seulement des projets mais surtout des réussites avérées. C'est le sens de l'opération "la biodiversité en action" que je vais lancer dans les prochains jours.
Des centaines d'initiatives existent, dans les écoles, dans les entreprises, dans certaines collectivités, dans les associations, qui concourent à cette sensibilisation du public à la nature, et aux défis de sa préservation et de sa reconquête. Ces initiatives, valorisons-les. Donnons-leur l'occasion de se présenter, faisons-en des incitations à agir. Je crois à la force de l'exemple.
Il s'agira de faire connaître à tous, au plus près des territoires, un maximum d'initiatives contribuant à la préservation de la biodiversité, dans trois domaines : nature en ville, économie, et éducation à la nature.
Vous pourrez donc proposer, exposer, enregistrer vos propres projets qui bénéficieront d'une reconnaissance publique via ce label « la biodiversité en action ». Vous pourrez dire à votre tour « j'agis pour la biodiversité ».Cette opération poursuit un double but : d'une part, constituer une base de données d'actions menées par des entreprises, des écoles, des associations, des collectivités, et qui contribuent à la préservation et à la reconquête de la biodiversité au quotidien.
C'est pourquoi un site internet regroupera les actions réalisées et identifiées. Pour servir d'exemples, pour inspirer, pour inciter.
Et le deuxième objectif de cette opération est de faire entrer pleinement la défense de la biodiversité dans le quotidien des Français. Parce que la biodiversité est souvent perçue comme une question lointaine, compliquée, parfois un peu technocratique. Nous entendons changer cela, en communicant auprès de la presse locale sur les projets menés sur les territoires.
Je ne doute pas que beaucoup d'entre vous êtes passés de l'intention à la réalisation, du projet à la réussite.
C'est pourquoi je vous invite à être attentifs au lancement de cette opération, qui sera annoncée et effective dans les prochains jours, et que je souhaite vivement que vous vous inscriviez dans cette dynamique naissante.
Voilà, mesdames et messieurs, ce que je voulais vous dire aujourd'hui non sans avoir remercié les organisateurs de ces assises pour la qualité de leur accueil et pour la réussite de cette rencontre. « Rencontre » : c'est un beau mot ; qui suppose des échanges, des confrontations parfois, mais qui impose aussi une valeur, celle du respect de chacune et de chacun.
Je crois que dans le contexte d'aujourd'hui, et ici, il n'était pas inutile de le rappeler.Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 28 septembre 2016