Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales chargée de la biodiversité, sur les dispositions de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages concernant la politique de l'eau, à Paris le 19 septembre 2016.

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Circonstance : Réunion des présidents de comités de bassin, à Paris le 19 septembre 2016

Texte intégral

Je vous remercie de participer aujourd'hui à cette réunion consacrée aux politiques d'eau et de biodiversité. J'ai souhaité que cette réunion ait lieu très rapidement après l'adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Elle intervient à un moment clé, car la loi a apporté des changements significatifs dans le domaine de l'eau. Il était donc important que l'on en parle très rapidement.
Que dit cette loi sur la biodiversité ?
40 ans après la loi de 1976 sur la protection de la nature, cette loi est une grande avancée pour la préservation de notre patrimoine naturel, pour la reconquête de cette richesse trop souvent dilapidée.
Son titre 3 créée une Agence Française pour la Biodiversité et permet la mise en place, à la demande des collectivités, d'Agences régionales pour la biodiversité, à vocation partenariale, sur lesquelles je reviendrai.
L'Agence Française pour la Biodiversité résultera de la fusion de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), de l'Agence des aires marines protégées, de l'établissement public Parcs nationaux de France, et de l'Atelier technique pour l'environnement, l'ATEN.
D'autres dispositions concernent directement les agences de l'Eau et les comités de bassin :
- l'élargissement du périmètre d'intervention des agences
- l'évolution de la gouvernance de la politique de l'eau
En préambule, je souhaite rappeler quelques points forts du dispositif national sur l'eau.
Chacun reconnaît la solidité de la politique de l'eau, la force des comités de bassin et des agences de l'eau ; Ce dispositif déjà ancien a toujours su évoluer et s'adapter. Il est à la fois solide, moderne et anticipateur.
Aujourd'hui, les SDAGE, les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, sont des documents de référence éprouvés, établis selon des démarches concertées, qui cadrent les actions entreprises dans le domaine de l'eau.
A une échelle plus fine, les SAGE sont des outils de planification adaptés à l'action concrète de terrain, associant dans leur conception et mise en oeuvre tous les acteurs concernés.
Ce dispositif de planification s'accompagne d'un mécanisme de financement qui a fait ses preuves. Les ressources sont procurées par les redevances. Les dépenses sont cadrées par les programmes d'intervention. Nous en sommes à la dixième génération des programmes d'intervention, ce qui montre la robustesse et l'ancienneté de l'édifice.
Au niveau du bassin, la gouvernance est constituée des comités de bassin, que vous présidez, et des agences de l'eau, qui représentent la dimension opérationnelle. Au niveau national interviennent le Conseil national de l'eau et l'ONEMA. Après ce bref rappel, observons les programmes d'intervention des agences de l'eau.
On constate que les questions de biodiversité y sont déjà bien présentes. L'objectif de qualité des masses d'eau, fixé par les textes, intègre la qualité de la biodiversité aquatique.
Les milieux humides font également déjà l'objet d'actions soutenues par les agences de l'eau.
On sait aussi qu'en améliorant la qualité biologique d'un sol, on protège mieux les nappes souterraines ; on renforce la résistance à l'érosion ; on atténue les risques d'inondations. Il faut ainsi entendre au sens large le mot biodiversité : eau / mer / biodiversité.
Aujourd'hui, l'ONEMA rejoint l'Agence Française pour la Biodiversité.
Nous rapprochons les organismes nationaux chargés de la biodiversité, qu'elle soit marine, terrestre, ou aquatique.
L'AFB reprend, avec une ambition au moins aussi forte, les missions de l'ONEMA.
La loi prévoit une place importante pour les représentants du domaine de l'eau au sein de l'AFB. Son conseil d'administration intégrera des représentants des agences de l'eau et du comité national de l'eau.
Un comité d'orientation eau et milieux aquatiques, pouvant recevoir des délégations du conseil d'administration, sera créé.
Enfin, le comité national de l'eau émettra un avis sur les orientations stratégiques de l'AFB.
Dans ce contexte l'élargissement des missions des agences de l'eau au milieu marin et à la biodiversité crée de multiples opportunités. Une opportunité pour les agences de l'eau et leur ancrage territorial.
Sur le terrain, elles deviennent un interlocuteur des collectivités pour le financement de l'ensemble des champs relatifs à la préservation des ressources naturelles.
C'est pour elles l'occasion de partenariats accrus avec les régions (désormais chefs de file localement en matière de biodiversité) et avec les départements, responsables notamment des espaces naturels sensibles. L'élargissement les positionne sur les thématiques porteuses que sont la biodiversité et le milieu marin. L'élargissement est aussi une opportunité pour leurs personnels qui pourront avoir accès à des carrières et postes plus diversifiés.
L'élargissement est une opportunité pour la politique de la biodiversité et des milieux marins, qui bénéficiera du savoir-faire des agences de l'eau en termes d'instruction d'aides, d'ingénierie financière, de dialogue avec les acteurs du territoire.
Ce sera aussi une opportunité pour l'AFB, qui bénéficiera de l'actuelle contribution financière des agences de l'eau à l'ONEMA. Mais il n'est pas de politique publique sans financements.
La loi pose le principe d'un élargissement des redevances des agences pour passer du principe « l'eau paie l'eau » au principe « l'eau, la nature et la mer » paient « l'eau, la nature et la mer ».
Un rapport sur le financement des politiques de l'eau, de la biodiversité et de la mer, a été commandé au CGEDD. Il fera des propositions concrètes en ce sens. L'ouverture à la biodiversité n'est pas un abandon des missions historiques des agences de l'eau.
Celles-ci ont lancé fin 2015 début 2016, sous l'impulsion du Gouvernement et avec la Caisse des Dépôts et Consignations, un ambitieux plan de lutte contre les fuites dans les réseaux d'eau potables qui devrait mobiliser au total entre 100 et 200 M€ en deux ans.
A l'horizon 2020, les moyens financiers complémentaires à mobiliser pour les politiques de la biodiversité terrestre et marine, en Métropole, seraient de 200 M€ par an, tous contributeurs confondus : État, établissements publics, collectivités, secteur privé. Il faudra donc rechercher des solutions pour prendre en charge ces dépenses.
Mais en tout état de cause, l'ordre de grandeur montre que cet élargissement ne remettra pas en cause les grands équilibres actuels des agences de l'eau et sera favorable aux usagers domestiques de l'eau. Par ailleurs, il faudra naturellement faire évoluer les recettes.
Le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) propose des pistes en ce sens. A niveau de prélèvement constant, il s'agirait par exemple d'atténuer certaine redevances payées par les usagers de l'eau ; et d'accroître celles susceptibles de peser sur les activités portant atteinte à la biodiversité. Enfin, l'Etat se donne de nouveaux moyens sur la biodiversité en général.
Ainsi, les moyens humains de l'Agence Française pour la Biodiversité seront globalement supérieurs à ceux des quatre établissements intégrés. Vous connaissez les évolutions de la gouvernance de la politique de l'eau introduites par la loi. Les parlementaires ont souhaité renforcer la place des usagers non économiques dans les comités de bassin.
Ainsi, la loi prévoit de scinder le collège des usagers dès 2020 en distinguant le collège des usagers économiques du collège des usagers non économiques.
S'agissant de la réforme territoriale, la création des grandes régions et le renforcement de leurs compétences ne remet pas en question l'organisation de la politique de l'eau par bassins, mais une articulation renforcée entre les bassins et régions sera nécessaire.
Plus généralement, ces évolutions seront mises en oeuvre dans le respect du fonctionnement et des attributions des Comités de bassin et des conseils d'administration des Agences. En tant que présidents de comités de bassins, votre contribution sera précieuse sur ces questions. Je conclurai ces propos introductifs en abordant deux points.
J'évoquais il y a un instant les programmes d'intervention. Il importe qu'ils continuent à évoluer, comme ils ont toujours su le faire, dans le sens d'une adaptation aux nouveaux enjeux, dans le sens de la reconnaissance que l'eau, la biodiversité, le vivant, ne sont pas des espaces compartimentés.
Et je parlerai enfin des ARB, les agences régionales de la biodiversité. Les régions, et de façon plus générale les collectivités, ont désormais des responsabilités importantes en matière de biodiversité.
Les ARB visent à entraîner les usagers, les citoyens, les collectivités, à travailler ensemble sur la biodiversité, dans une même direction.
Il n'y aura pas de modèle préétabli dans leur mise en place. Elles prendront des formes juridiques et administratives propres aux réalités de chaque territoire.
Elles devront, au-delà de différences légitimes et souhaitables si on les veut efficaces, être des opportunités pour accélérer les projets communs aux collectivités, aux associations, aux entreprises, aux établissements publics, à l'échelle du territoire. Votre longue expérience d'une gouvernance réussie sera utile dans ce contexte.
Il est important que vous soyez présents dans les dispositifs de concertation ou de projets qui se mettront en place, selon des modalités qui ne seront pas dictées.
Je suis convaincue que les ARB permettront aux comités de bassin, aux agences de l'eau, à l'AFB et aux régions de collaborer de manière plus efficace.
Aujourd'hui, plusieurs régions se montrent enthousiastes et veulent aller vite. Profitons de cette occasion pour renforcer les partenariats locaux, les partenariats de projets.
Ainsi, le sens de ce que l'on veut, à travers cette loi, ces évolutions, ces initiatives, c'est de mobiliser chacun en faveur de la préservation de l'eau et de la biodiversité, ce tissu du vivant. Cette mobilisation sera celle de toute la société. C'est l'objectif ultime.
Aujourd'hui, de façon très concrète, dans cette réunion, nous travaillons à la mobilisation des établissements publics. C'est déjà beaucoup, et l'effet d'entraînement sera majeur. Il faut organiser cette mobilisation sur le plan institutionnel, financier.
C'est pour cela que l'on crée l'AFB, que l'on souhaite que des initiatives soient prises au niveau des ARB, que l'on réforme la gouvernance de l'eau.
Tout cela évoluera encore, mais aujourd'hui, le sens de cette rencontre, c'est de voir comment nous mobiliser collectivement, de façon concertée, pour mieux répondre aux défis que nous lancent les questions de l'eau et de la biodiversité, que l'on ne peut dissocier.
Mesdames et messieurs, nous sommes là sur des questions techniques certes, juridiques évidemment, mais aussi éminemment politiques. Je crois en effet indispensable de préserver l'esprit de la gouvernance de l'eau.
Celle-ci répond dans notre pays à une volonté claire de maîtrise citoyenne des enjeux et des solutions mises en oeuvre. Cette maîtrise citoyenne s'incarne par le rôle éminent des élus dans les décisions de gestion. Cela doit perdurer.
Car les mutations à venir, la prise en compte des nouveaux défis, et notamment l'amplification de la mise en cohérence de nos politiques de l'eau et de la diversité, qui sont les deux faces d'une même réalité, doivent répondre à une volonté politique. La loi a changé le cadre, certes : mais pour vous permettre d'aller plus loin dans un mouvement déjà enclenché, que vous avez déjà initié. Et c'est bien ce que vous ferez du nouveau cadre législatif qui compte. Voilà pourquoi j'avais souhaité que nous nous réunissions aujourd'hui.
Pour échanger sur la nouvelle donne, mais surtout pour vous permettre d'anticiper et de contribuer, à l'échelle de vos territoires et en fonction des enjeux propres à vos territoires, à définir une politique de préservation et de reconquête de la biodiversité.
Il y a 40 ans, on parlait de protection de la nature. Aujourd'hui de nécessité de défense et de reconquête de la biodiversité : derrière l'évolution sémantique, il y a une évolution des enjeux et une prise de conscience en marche. L'enjeu, c'est celui de l'interdépendance entre les milieux, les écosystèmes.
La prise de conscience, c'est celle de la nécessité d'agir en décloisonnant nos politiques, avec un objectif partagé : combattre tous les facteurs de perte de biodiversité. Nous devons agir conjointement sur la disparition et l'appauvrissement des milieux, les surconsommations de ressources, les pollutions, les espèces exotiques envahissantes, le réchauffement climatique.
Nous sommes là sur des questions qui engagent les générations à venir : ce ne sont pas des questions qui échappent au débat politique, mais ce sont des questions qui doivent échapper aux querelles politiciennes.
La politique de la biodiversité sera ce que nous en aurons fait, mais aussi et surtout ce que nos successeurs, les miens, les vôtres, en feront. A nous de leur transmettre à la fois les milieux les mieux préservés et le cadre juridique et administratif le plus adéquat aux bonnes décisions et à une bonne gestion.http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 4 octobre 2016