Conférence de presse de M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, sur les grandes lignes du projet de budget pour 2017 et la cohérence de la politique budgétaire du gouvernement au long du quinquennat, Paris le 28 septembre 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Nous vous avons présenté mardi dernier les grandes orientations des textes financiers pour 2017. Par ailleurs, vous avez assisté vendredi dernier à la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour vous donner le détail du projet de loi de finances.
J'aimerais encore une fois aujourd'hui insister sur la cohérence de notre action dans la durée. Cette mise en perspective est utile pour échapper aux polémiques du quotidien et des annonces sans lendemain.
Ce bilan, il y a de quoi en être fier. Nous sommes arrivés au pouvoir dans une situation économique, financière et budgétaire extrêmement détériorée. La majorité précédente a laissé filer nos déficits publics et ce bien avant la crise financière. J'aimerais rappeler encore une fois qu'en 2008, à la veille de la crise financière mondiale, la France avait déjà un déficit public de -3 % quand l'Allemagne était à l'équilibre et qu'en 2012 nous avions un déficit de -5 % quand l'Allemagne, là encore, était revenue à l'équilibre. C'est aussi la majorité précédente qui a manqué de courage pour entreprendre les réformes nécessaires pour moderniser notre économie et soutenir la productivité. C'est elle, enfin, qui à force de cadeaux fiscaux aux plus riches, de coupes aveugles dans les effectifs publics, et de stigmatisation des plus démunis a mis en danger notre modèle social.
Face à cette situation grave, nous avons pris des décisions difficiles, mais nous les avons prises en responsabilité, avec cohérence et dans le souci de l'équilibre. Notre stratégie depuis 2012 : réformer pour la croissance et l'emploi, remettre nos comptes en ordre et renforcer la justice sociale. Et sur ces trois priorités, les résultats sont là.
Premièrement, nos entreprises sont de nouveau en capacité d'investir et d'embaucher, fortes de marges reconstituées. Elles peuvent à nouveau faire face à la concurrence internationale et gagner de parts de marché. Dans le même temps, les gains de pouvoir d'achat ont été substantiels depuis plus de deux ans et en conséquence, la consommation est fermement repartie. Ces moteurs de notre économie sont désormais solidement allumés.
Deuxièmement, nos comptes publics ont été remis sur une trajectoire soutenable. Le déficit public a été nettement réduit et repassera sous la barre des 3 % l'an prochain, j'y reviendrai, pour permettre à la dette publique de se stabiliser à bonne distance du seuil des 100 % du PIB. Le déficit de l'Etat aura sensiblement baissé, tout en finançant des baisses de prélèvements. Le « trou » de la sécurité sociale sera comblé l'an prochain. Enfin, les collectivités locales se seront également inscrites, même si cela a été tardif, dans cette démarche vertueuse ce qui justifie d'ailleurs les mesures que nous avons décidées visant à restreindre l'évolution de la dotation globale de fonctionnement.
Enfin, nous avons conduit notre action dans le souci permanent de la justice sociale et nous avons tout fait pour préserver les plus démunis et la classe moyenne, en demandant davantage d'efforts aux plus hauts revenus. Au total, l'ensemble des mesures prises par cette majorité aura préservé le niveau de vie des 6 premiers déciles et sensiblement augmenté celui des 10 % les plus modestes.
Si la situation de la France est bien meilleure aujourd'hui qu'elle ne l'était lors de l'alternance, il reste encore du travail. C'est indiscutable.
Premièrement, cet effort de gestion sérieuse des finances publiques devra se poursuivre car c'est la condition de la crédibilité de la voix de la France et la garantie de notre souveraineté. Ceux qui se présentent à l'élection présidentielle en promettant des baisses d'impôts immédiates et en reportant la maîtrise des dépenses publiques à demain sont irresponsables.
Deuxièmement, il faudra poursuivre l'effort de réforme pour moderniser notre économie et redonner des perspectives de progrès à nos concitoyens. Faire évoluer notre système de protection sociale pour l'adapter aux transformations du monde du travail, investir plus et mieux dans le capital humain à travers l'éducation et la formation ou encore faire gagner en qualité notre système productif en s'appuyant sur l'innovation sont certains des grands chantiers que toute majorité, et la gauche y est prête, devra porter dans le prochain débat présidentiel.
Ces transformations qui permettront de poursuivre l'élan progressiste dans lequel nous avons engagé le pays, elles ne peuvent s'envisager que dans un environnement économique et budgétaire assaini. Par responsabilité, nous avons assumé cette charge. Ce bilan je l'assume et le prochain gouvernement, que je souhaite de ma famille politique, nous en sera redevable.
J'aimerais maintenant vous présenter le budget 2017.
Un mot d'abord sur la croissance. Nous avons fait le choix de maintenir l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2017. Certains la jugent « optimiste » et imprudente. A ceux-là, je répondrai que, si nous avons choisi de maintenir cette hypothèse, c'est que nous avons décidé de ne pas réagir précipitamment aux évènements de l'été dont les conséquences sont particulièrement incertaines et c'est cela la prudence. Si la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne aura à terme des effets très négatifs pour l'économie britannique, l'impact du référendum l'an prochain sur la zone euro et la France apparaît plus limité que les premières analyses ne l'anticipaient. Il n'y a pas eu de panique financière et les enquêtes de conjoncture montrent que les acteurs économiques n'ont finalement pas sur-réagi. J'ai d'ailleurs le souvenir que l'hypothèse de 1 % de croissance que nous avions retenue pour 2015 fut qualifiée d'optimiste et que finalement nous avions atteint 1,3 % et donc largement dépassé cette prévision.
De la même façon, nous confirmons notre objectif de ramener le déficit public à 2,7 % l'an prochain. Cet engagement, nous le tiendrons. Certains le jugent « improbable ». Pourtant nos résultats passés nous confortent dans notre confiance : quand la cible de -4,3 % du projet de loi de finances pour 2015 fut considérée comme risquant de ne pas être atteinte, nous avons finalement obtenu le chiffre de -3,5 %, soit quasiment un point de moins. Ce qui était hors d'atteinte fut atteint. Ce qui est improbable sera prouvé si demain chacun fait preuve du sérieux budgétaire dont nous avons fait preuve.
Nous vous avons présenté la semaine dernière l'ensemble des décisions prises depuis le printemps pour assurer le strict respect de nos engagements. Nous avons annoncé qu'il faudrait pour 5 milliards d'euros de mesures de redressement complémentaires en 2017. Elles seront intégralement réalisées. Nous avons renforcé les moyens nécessaires à l'éducation, la sécurité et l'emploi des français. Ils seront intégralement financés.
Ne comptez pas sur nous, sous prétexte que nous sommes à la veille de l'élection présidentielle, pour nous écarter du principe de responsabilité que nous nous sommes fixés depuis 4 ans.
S'il y a un point sur lequel il ne peut être permis de douter, c'est bien de notre capacité à maîtriser nos dépenses. Allez expliquer à Marisol TOURAINE, dont je tiens à saluer les résultats, qu'elle ne saura pas tenir ses dépenses de santé, quand elle a ramené l'Ondam à +1,75 % en 2016, son plus bas niveau depuis 20 ans.
Ce quinquennat aura marqué une véritable rupture dans la gestion des dépenses : quand celles-ci ont progressé de 3,6 % par an entre 2000 et 2012, nous aurons ramené ce rythme à +1,3 % par an entre 2013 – notre premier budget – et 2017, soit un rythme plus que divisé par deux. Ainsi depuis 2013, les dépenses publiques rapportées au PIB baissent continûment et atteindront 54,6 % en 2017, hors crédits d'impôt, soit une baisse totale de 1,5 point. Au total, nous aurons réalisé 46 milliards d'économies entre 2015 et 2017, grâce à l'implication de l'ensemble des administrations et au bas niveau des charges d'intérêt de la dette.
Cette maîtrise n'aura en rien été aveugle puisque nos priorités sont financées, celles décidées dès 2012, comme le recrutement de 60 000 postes dans l'éducation nationale, ainsi que celles qui se sont imposées comme le renforcement des moyens de sécurité et de défense.
Peut-être un mot sur l'Unédic et ses économies qualifiées « d'irréalistes ». Certes, les négociations entre les partenaires sociaux n'ont pas permis d'aboutir à un accord avant l'été. Elles doivent bientôt reprendre, sous l'impulsion de la ministre du travail. J'ai confiance dans la capacité des partenaires sociaux à aboutir à un accord cette année ou au début de l'année prochaine, comme ils l'ont fait en 2014, pour permettre un redressement significatif des comptes du régime et assurer sa pérennité. Et si malheureusement ils n'y parviennent pas, l'Etat, je vous le dis, saura prendre ses responsabilités. Je n'imagine pas qu'on puisse renoncer à des réformes de l'Unédic qui seraient sources d'efficacité pour les chômeurs et d'économies budgétaires pour la collectivité.
Quant au besoin de recapitalisation éventuel des entreprises auxquelles l'Etat est présent au capital, il n'a jamais été tenu compte dans les précédents budgets de décisions qui par définition ne sont pas encore prises. Il serait d'ailleurs irresponsable, autant vis-à-vis de ces entreprises que des marchés, de préjuger de mesures qui sont en cours d'évaluation. Par ailleurs, comme il est d'usage, l'Etat fera face aux évolutions futures de ces dossiers, par une gestion avisée de ses participations.
Au final, l'ajustement que nous aurons réalisé sur l'ensemble du quinquennat aura permis de stabiliser enfin la dette publique après 10 années de hausse continue. Sur l'ensemble du quinquennat, la dette aura augmenté d'un peu plus de 6 points de PIB contre plus de 25 points sur le quinquennat précédent.
Ce budget est sérieux mais c'est également un budget qui est bon pour la croissance et l'emploi et c'est un budget favorable au pouvoir d'achat des ménages et au renforcement de la justice sociale.
Les engagements envers les entreprises auront été tenus : au total, ce sont l'équivalent de 40 milliards d'euros de mesures de soutien aux entreprises qui auront été mis en oeuvre en 2017. En effet, si la dernière étape du Pacte de responsabilité et de solidarité prend une forme différente de sa forme initiale, cela ne change pas ce total car lui ont été progressivement substituées d'autres mesures plus ciblées au travers du plan de soutien à l'investissement, avec la mesure de suramortissement, et du plan de soutien à l'emploi, avec la prime à l'embauche.
Cette démarche sera poursuivie dans la durée. Le Crédit d'impôt compétitivité emploi se voit renforcé avec un taux qui passe de 6 à 7 % pour les salaires versés en 2017. Celui-ci bénéficiera immédiatement aux entreprises qui l'inscriront dans leurs comptes et pourront le préfinancer.
L'engagement de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés au niveau de la moyenne européenne de 28 % d'ici 2020 sera réalisé en 4 étapes, en commençant par les PME puis d'ici à 2020, en étendant l'application de ce taux à tous les bénéfices de toutes les entreprises. Nous proposons au Parlement de voter d'emblée l'ensemble de cette trajectoire, afin d'offrir la prévisibilité nécessaires aux entreprises, notamment les grandes, qui ont des cycles d'investissements pluriannuels. Les PME, qui connaissent des cycles plus courts, sont ainsi traitées en priorité puisqu'elles verront leur taux passer à 28 % dès 2017, pour leur bénéfice jusqu'à 75 000 euros.
Y compris parmi les entreprises, nous aurons renforcé la justice de notre système fiscal. Là où l'écart d'imposition à l'impôt sur les sociétés entre grandes et petites entreprises atteignait 11 points en 2010 en défaveur des PME, nous l'avons ramené à 5 points en 2015, notamment grâce à la limitation de la déductibilité des intérêts.
Notre action en faveur des entreprises ne s'arrête pas là. Comme l'a annoncé le Premier ministre, le gouvernement souhaite que le renforcement du CICE puisse être accompagné d'une baisse du coût du travail dans le secteur associatif. Cette mesure, qui sera concertée avec le secteur dans les jours à venir, pourra être introduite durant les débats.
Par ailleurs, nous travaillons également à la concrétisation du Compte entrepreneur-investisseur (CEI) qui incitera les entrepreneurs qui sont parvenus à développer leur société et à la faire croître à réaliser leurs plus-values en cédant tout ou partie de leur entreprise pour apporter leurs capitaux dans de nouvelles sociétés en création ou en développement. Ceci permettra de développer un écosystème de « Business Angels » en mesure d'accompagner les jeunes PME dans leur croissance. Cette mesure trouvera sa place en loi de finances rectificative.
Les engagements en faveur des ménages auront également été tenus : une quatrième baisse consécutive de l'impôt sur le revenu est inscrite dans cette loi de finances pour un montant 1 Md€, au bénéfice de 5 millions de foyers. Depuis 2014, les baisses cumulées de l'impôt sur le revenu atteindront ainsi 6 milliards d'euros l'an prochain. Au total, ces réformes successives du barème, concentrées entre le 4ème et 8ème décile des revenus, ont fait nettement baisser l'impôt acquitté par les classes moyennes. Ces mesures ont clairement renforcé la progressivité de l'impôt sur le revenu.
Enfin, et c'est une mesure historique, sur laquelle Christian ECKERT reviendra dans un instant, cette loi des finances 2017 confirme l'instauration du prélèvement à la source pour les entreprises dès 2018. Régulièrement annoncée et repoussée depuis 50 ans, le gouvernement portera donc cette grande réforme, désormais irréversible.
J'aimerais conclure en disant un mot sur 2018 car je voudrais tordre le cou une bonne fois pour toutes à certaines idées que j'entends ici ou là, y compris de la part d'institutions réputées sérieuses et indépendantes :
Nous n'avons en rien entamé les recettes de 2018. Christian ECKERT vous détaillera ces mesures fiscales dans un instant, mais soyez assuré qui si elles renforcent les recettes de 2017, elles n'amputent en rien celles de 2018. Ces mesures sont pérennes.
Ensuite, nous ne reportons pas non plus les baisses d'impôt que nous avions prévues en 2017 en 2018. Malgré la réorientation du Pacte de responsabilité et de solidarité, les entreprises bénéficieront bien de 40 milliards de mesures de soutien en 2017, j'en ai parlé. Par ailleurs, nous avions déjà prévu dans notre trajectoire pluriannuelle une baisse supplémentaire des prélèvements de l'ordre de 5 milliards en 2018. Cette baisse est désormais intégralement détaillée avec le renforcement du CICE et la généralisation graduelle de la baisse de l'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, ce n'est pas parce que les élections sont demain qu'on ne va pas donner de la lisibilité aux entreprises.
Contrairement à ce que j'ai pu lire, cela ne fragilise en rien la trajectoire des finances publiques et le respect de nos engagements européens. Cela appellera une maîtrise des dépenses équivalente en 2018 à celle de 2017, à savoir une progression globale des dépenses de l'ordre de +1,6 %. Je compte sur chacun, à l'avenir, pour faire preuve de cette même discipline.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 29 septembre 2016