Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur le traitement et la prévention de l'asthme, Paris le 29 septembre 2001.

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Circonstance : Huitièmes Etats généraux de l'asthme en Europe à Paris le 29 septembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs
C'est un grand plaisir d'être aujourd'hui parmi vous à ces VIIIème Etats Généraux de l'asthme. Je suis, en effet préoccupé par cette pathologie fréquente et grave qui touche 5 à 7% des enfants et 10% des adultes. Vous connaissez les chiffres : 3,5 millions de personnes touchées, le plus souvent des enfants et des jeunes adultes ; une prévalence en constante augmentation ; 2 000 décès chaque année, en grande partie évitable. Ces chiffres, nous ne pouvons plus les accepter alors même que nous avons à disposition des traitements efficaces et qu'il est possible de prévenir la crise asthmatique. C'est ce constat qui m'a amené à proposer, dans mon programme de santé publique annoncé en mars 2001, l'asthme comme une priorité de santé.
Les objectifs de ce programme sont en cours d'élaboration. J'ai chargé le Professeur Philippe GODARD d'animer un comité de pilotage associant des professionnels de santé hospitaliers et libéraux, des représentants d'associations de malades, et les différents services administratifs et agences concernées par l'asthme.
En janvier prochain, je serrais en mesure de vous annoncer ce programme, qui sera pluriannuel. Plusieurs axes seront développés :
1 - Il me paraît d'abord essentiel d'améliorer la prise en charge des asthmes graves, qui n'est pas toujours optimale comme l'a encore récemment montré une étude française réalisée dans les services d'urgences. Un quart des patients ayant consulté aux urgences présentaient un asthme grave. La prise en charge médicale de ces crises sévères était trop souvent insuffisante : l'hospitalisation n'était pas systématique et les corticoïdes trop peu utilisés. Ce constat est préoccupant et nous allons faire des efforts particuliers pour améliorer la qualité et la coordination des soins pour les personnes asthmatiques qui ont recours à l'hôpital.
2 - Je souhaite promouvoir le travail en réseau. Car seule une étroite coordination entre les différents intervenants permet une prise en charge efficace du patient asthmatique. L'asthme est, en effet, une maladie chronique et les malades et les professionnels doivent intégrer cette dimension et la nécessité d'un traitement de fond.
Le médecin généraliste a un rôle très important pour le dépistage précoce, le suivi du patient, et l'information et l'éducation du patient. Il doit veiller à l'observance du traitement et proposer des règles d'hygiène de vie et des mesures de prévention concernant l'exposition aux allergènes.
Le pneumologue intervient en fonction de la gravité de la maladie pour faire un bilan de cet asthme, adapter le traitement et évaluer régulièrement la fonction respiratoire.
Le pharmacien a des contacts privilégiés avec les patients ; lorsqu'il leur délivre les médicaments, c'est à lui qu'il revient de donner les explications nécessaires et de réitérer les conseils d'observance thérapeutique.
Des infirmières, des kinésithérapeutes, des psychologues participent, avec des médecins, aux actions d'éducation thérapeutique dans le cadre d'équipes pluridisciplinaires.
Enfin, il ne faut pas oublier le rôle important que jouent les conseillers en environnement qui peuvent aller au domicile du patient afin d'adapter les mesures de prévention environnementales.
Vous l'avez compris les réseaux représentent un outil majeur de développement de l'éducation thérapeutique.
3 - Il est également nécessaire de développer l'éducation thérapeutique. Près de 50% des personnes asthmatiques ne suivent pas le traitement prescrit. Un asthme mal traité peut évoluer vers un asthme grave lourdement handicapant et être à l'origine de crises sévères qui mettent en danger la vie des patients. L'intérêt des actions d'éducation thérapeutique, dans la prise charge de certaines maladies comme l'asthme ou le diabète est évident. Comme pour toute maladie chronique, je crois essentiel d'éduquer, d'informer et de motiver les personnes malades et de donner les moyens aux professionnels de santé pour permettre cette éducation.
L'ANAES vient de valider des recommandations sur l'éducation thérapeutique de l'adulte et de l'adolescent et le travail est en cours pour les enfants. Elles seront rendues publiques prochainement. Je souhaite maintenant qu'elles soient mises en oeuvre de manière très concrète.
4 - Il convient, également, d'améliorer le dépistage précoce et pour cela je compte mobiliser les pédiatres, les médecins généralistes, les médecins de santé scolaire et de la protection maternelle et infantile et les médecins du travail. Leur rôle dans ce domaine est essentiel en particulier pour les actions de proximité.
5 - Améliorer la prévention constitue une priorité. L'augmentation de l'asthme ne doit pas être considérée comme inexorable
La loi sur l'air est un pas important pour réduire l'exposition aux polluants atmosphériques et pour informer les personnes sensibles en cas de pic de pollution afin qu'elles puissent se protéger. Chaque région doit disposer maintenant d'un Plan Régional de la Qualité de l'Air, mais il faut poursuivre.
L'observatoire de la qualité de l'air intérieur, créé en décembre 1999, est une étape supplémentaire. Cet observatoire nous permettra d'améliorer notre connaissance sur la présence des allergènes dans l'habitat.
Enfin, un effort particulier doit être fait également en milieu professionnel. N'oublions pas que 5 à 10% des asthmes de l'adulte sont d'origine professionnelle et les experts estiment le nombre de nouveaux cas par an entre 2 à 4000 dont seulement 300 sont déclarés au titre des maladies professionnelles.
Mais tout ceci ne doit pas faire oublier la lutte contre le tabagisme. Car le tabac est probablement, en partie, responsable de l'augmentation de la fréquence de l'asthme. Vous connaissez mon engagement dans ce domaine. Le tabagisme passif est un problème majeur de santé. L'Académie de médecine, je vous le rappelle, considère que le tabagisme passif est responsable en France de 2 500 à 3 000 décès annuels. Il augmente considérablement le risque d'infection en particulier chez l'enfant. C'est pour cela que nous devons renforcer notre action de protection des non-fumeurs dont le principe, je vous le rappelle, figure dans la loi Evin et constitue donc une obligation légale. Les professionnels et les responsables de la santé mais également l'ensemble des agents de l'Etat doivent dans ce domaine être exemplaires. J'ai saisi l'ensemble de mes collègues ministres pour que l'opération " ministère sans tabac " soit étendue à toutes nos administrations. Je souhaite que les dispositions de la loi Evin relatives à la protection des non-fumeurs figurent dans le règlement intérieur de l'ensemble des établissements scolaires, y compris les universités, et le ministère de la santé soutiendra toutes les initiatives " Ecoles sans tabac ", " Université sans tabac " impliquant la mobilisation de l'ensemble des personnels, des parents et des élèves. Dans les entreprises, il est nécessaire aussi d'avancer plus rapidement. Il reste beaucoup à faire mais je sais pouvoir compter sur votre appui et votre engagement. Je tiens enfin à remercier tous ceux qui au sein des associations, chaque jour, à tous les niveaux, contribuent à rendre plus efficace la lutte contre le tabagisme.
6 - Enfin dernier axe, informer les personnes asthmatiques. Vous le savez, pour bien gérer sa maladie, chaque patient doit pouvoir en permanence accéder à des informations notamment sur les bons comportements, sur les mesures de prévention dans l'habitat, sur la législation dans le domaine social et du travail. Il existe déjà différents sites sur internet mis en place avec l'aide de professionnels de santé de grande qualité mais cet outil n'est pas encore accessible à tous. Comme pour les autres maladies chroniques, nous allons réfléchir aux meilleures stratégies pour répondre à ce besoin d'information.
Toutefois, sans attendre et parce que l'information des patients me semble primordiale, j'ai demandé à la Direction Générale de la Santé d'étudier avec l'association Asthme la faisabilité de la mise en place d'un numéro vert qui permettra à chaque patient et à leur famille d'obtenir gratuitement les informations nécessaires. Une expérimentation sera financée dès cette année. Ce premier projet constitue déjà une réponse concrète aux attentes des personnes asthmatiques.
Je souhaite évoquer ici le projet au niveau européen visant à autoriser la publicité grand public pour les médicaments asthmatiques. Elle serait autorisée pour trois groupes d'affections : le sida, l'asthme et les affections broncho-pulmonaires chroniques, le diabète. Cette proposition est contraire à la réglementation française sur le médicament. Bien entendu, les pouvoirs publics sont conscients de l'attente d'une meilleure information du patient sur tout ce qui touche sa santé ; information qui favorise la compréhension et donc l'adhésion du patient au traitement. Cependant, cela ne doit pas conduire à accroître la promotion pharmaceutique dans notre pays. Je souhaite donc que se développe une réflexion sur les moyens les plus adaptés de procurer aux français cette information complexe qui à mon sens relève de la responsabilité du médecin et du pharmacien et non pas de la publicité grand public.
Avant de conclure, j'aimerai également vous parler du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, que je présenterai mardi prochain à l'assemblée nationale. Il contient plusieurs dispositions importantes qui vont profondément modifier notre système de santé.
D'abord la création d'un Institut de Prévention qui exercera sous la tutelle du ministre chargé de la santé une mission d'expertise en matière de prévention et de promotion de la santé. Un comité technique national de prévention, présidé par le ministre de la santé, réunira les représentants de l'ensemble des ministères concernés, de l'assurance maladie et des collectivités territoriales. Pour une maladie comme l'asthme, dont les facteurs de risque sont multiples, cette nouvelle capacité donnée au ministre de la santé, de coordonner l'ensemble des actions de prévention, est une avancée majeure.
Ce projet contient également de nombreuses mesures permettant de réaffirmer les droits des malades, de rééquilibrer les relations entre les professionnels de santé et le malade et de mettre en place les bases de l'expression et de la participation des usagers d système de santé.
Il permettra également de renforcer le travail en réseau. Cette organisation autour du malade est essentielle pour favoriser le partage de l'information, la mise en place d'actions concertées autour de la personne malade, associant l'ensemble des professionnels et pour permettre, enfin, l'éducation thérapeutique de groupe qui ne peut se développer dans notre pays faute de cadre d'organisation et de financement.
Mesdames, Messieurs, il me reste à vous encourager dans vos travaux, dans votre réflexion. Je vous remercie de votre mobilisation pour l'amélioration de la prise en charge des asthmatiques et plus généralement dans la lutte contre la maladie asthmatique. Je serai attentif aux résultats de vos travaux. Il me reste à vous donner rendez-vous dans quelques mois pour l'annonce de mon programme d'action " Asthme ".
( source http://www.sante.gouv.fr, le 08 octobre 2001)