Déclaration de Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique, sur la garantie de l'égalité d'accès aux services publics en zone rurale et de montagne et la place et le rôle de la fonction publique dans les territoires les plus isolés, à Guillestre le 20 juin 2016.

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Circonstance : Déplacement à Saint-Firmin, Remollon, Savines-le-Lac et Guillestre (Hautes-Alpes) le 20 juin 2016

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Monsieur le député, cher Joël Giraud,
Monsieur le maire de Guillestre,
Monsieur le vice-président du conseil départemental,
Madame la vice-présidente du conseil régional,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le directeur,
Mesdames et messieurs,
C'est avec un réel plaisir que je suis aujourd'hui devant vous pour évoquer un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur : celui de la fonction publique dans les territoires les plus enclavés. Et par là, j'entends son implantation durable, son efficacité mais aussi sa continuité. Tout au long de cette journée, j'ai arpenté ce magnifique département des Hautes-Alpes. Après avoir assistée à l'inauguration ce matin de la Maison de santé du Valgaudemar à Saint-Firmin puis à celle de la Maison des services publics de Remollon, je suis allé à la rencontre des gendarmes et des pompiers de Savines-le-Lac.
C'est aujourd'hui ma première visite dans cette commune de Guillestre et j'aimerais saluer les fonctionnaires de l'EHPAD Guil-Ecrins Augustin Guillaume pour la qualité de leur accueil.
J'apprécie particulièrement ces moments de dialogue et d'échange avec les agents. C'est surtout l'occasion de valoriser ce qui fonctionne en matière de service public mais aussi de pointer les principaux dysfonctionnements qui entrave parfois son déploiement.
J'ai bien conscience que nous ne sommes pas dans un territoire comme les autres. Et si les spécificités géographiques de ce département représentent une richesse considérable, on ne peut nier qu'elles peuvent constituer des freins au développement de vos communes.
C'est la raison pour laquelle je souhaitais m'adresser à vous aujourd'hui. Vous qui habitez dans ces zones dites isolées, encastrées dans les plus belles montagnes d'Europe, vous qui êtes attachés à votre territoire et à la préservation de son patrimoine naturel, vous qui aspirez comme tous les Français à avoir accès à un service public de qualité.
Pour cela, nous devons profondément changer le regard que nous portons sur la ruralité et sur la montagne. Il apparait à ce titre indispensable de sortir des clichés et des visions passéistes qui ont trop longtemps prévalues pour appréhender ces territoires dans leur réalité mais aussi dans leur complexité.
Et si je me sens particulièrement concernée pour en parler, c'est que je viens moi-même d'un territoire éloigné bien trop souvent oublié par les Français. Un territoire d'Outre-mer niché au large des côtes canadiennes composé de quelques 6 000 habitants pour lequel je n'ai cessé de me battre tout au long de ma vie politique. Ce territoire c'est Saint Pierre et Miquelon.
Et même si la comparaison est audacieuse, elle n'est pas si fantaisiste. Sentiment d'isolement, éloignement, cloisonnement, faible densité de population, la fonction publique joue dans ces territoires un rôle considérable.
Un rôle de désenclavement bien sûr, mais aussi un rôle d'intermédiaire entre l'Etat et les citoyens. Nul ne doit pouvoir se sentir exclu de l'accompagnement qu'offre l'Etat. Nul ne doit pouvoir se sentir laissé au bord de la route. Il en va de notre modèle social et solidaire.
Cette question soulève plusieurs enjeux majeurs. Ces enjeux je les connais bien. Et sachez que je partage avec vous cette volonté d'améliorer et de soutenir la continuité d'un service public de qualité sur ces territoires dits « isolés ». C'est l'une des missions qui m'a été confiée par le Président de la République et par le Premier ministre lors de ma nomination.
Alors soyons francs, j'ai bien conscience que des inquiétudes persistent quant au maintien des services publics de proximité sur ce type de territoire. Les élus locaux peuvent être rassurés, c'est une priorité du gouvernement et le ministère de la fonction publique prend au sérieux son rôle pour garantir le bon maillage territorial du service public. J'ai la conviction que l'État doit assurer une offre de services accessible à tous et particulièrement aux populations les plus vulnérables.
Ceci étant dit, la topographie de votre territoire interroge la manière même de rendre le service public. J'aimerais à ce titre explorer deux dimensions qui structurent vos territoires.
La ruralité de vos territoires
Tout d'abord la dimension rurale. Prenant la mesure du sentiment d'abandon éprouvé dans certains territoires reculés, le Gouvernement, à l'occasion des comités interministériels aux ruralités de mars 2015, septembre 2015 et mai 2016, a acté plusieurs mesures afin de garantir à tous l'égalité d'accès aux services publics.
Je pense notamment aux mesures visant à lutter contre les déserts médicaux, ou encore au déploiement d'un réseau de maisons des services publics. J'ai la conviction qu'il appartient à l'État d'assurer une présence équilibrée en s'appuyant sur les implantations territoriales de ses administrations et de ses opérateurs. L'ouverture de la Maison des services publics de Remollon s'inscrit dans cette démarche.
Il lui incombe également, lorsque c'est possible, de favoriser les solutions de mutualisation qui permettent de maintenir une présence physique de proximité et de qualité, qui s'appuie sur un accueil polyvalent, sur des outils numériques et sur un travail partenarial des différents acteurs qui remplissent des missions de service public ou d'intérêt général.
En France, la situation des espaces ruraux est contrastée. Leur potentiel naturel et agronomique constitue un levier pour répondre aux besoins alimentaires locaux et mondiaux ainsi qu'au défi de la transition énergétique. De même, la qualité du cadre de vie est un avantage à valoriser.
La proximité et la confiance mutuelle qu'elle permet sont des atouts pour développer le tissu économique. L'accessibilité physique et numérique, souvent lacunaire dans le rural, est essentielle. L'accès aux services publics, aux commerces aux services ou aux soins de proximité importe, d'autant que la part de personnes âgées est plus élevée dans ces territoires. La hausse des mobilités contribue ainsi à créer une communauté de destin entre grandes villes et espaces ruraux.
La montagne
Le deuxième aspect que j'aimerais évoquer avec vous est la dimension montagnarde de vos territoires. La remise au Premier ministre d'un rapport pour préparer l'Acte II de la loi Montagne par les députés Annie Genevard et Bernadette Laclais a marqué la volonté du gouvernement d'avancer sur la manière de rendre le service public dans ces territoires peu accessibles. Les auteurs de ce rapport notent notamment la difficulté de l'accès aux services pour les citoyens et y réaffirment le rôle central de l'Etat dans le processus de désenclavement. L'Etat doit rester le garant de l'intérêt public et je sais que, tout comme le gouvernement, le député Joël Giraud est attentif à ces préoccupations.
Cette mission parlementaire a établi, au terme d'une large concertation avec les élus et les professionnels de la Montagne, un tableau précis des grands enjeux auxquels sont confrontés ces territoires. Sur cette base, elle a formulé des propositions actualisant et complétant la loi Montagne avec l'objectif de construire l'avenir des territoires de montagne, d'en préserver l'attractivité mais aussi de défendre le maintien d'un service public de qualité. Le département des Hautes-Alpes est pleinement concerné par cette dynamique.
La montagne est un espace d'opportunité pour le développement économique mais aussi un atout pour la qualité de vie et l'emploi. Elle est également un lieu d'innovation et de ressourcement. Pour autant, la vie quotidienne de ses habitants reste parfois difficile notamment en matière de soins.
C'est d'ailleurs le dernier sujet que je souhaitais évoquer devant vous :celui de l'accès aux soins. Pour faire face aux déserts médicaux, plusieurs initiatives ambitieuses ont déjà été prises par le gouvernement.
Mais la prise en charge doit être cohérente sur l'ensemble des territoires, d'où la mise en place des pactes territoire-santé initiée par la ministre de la santé Marisol Touraine.
À titre d'exemple, dans les Hautes-Alpes, trois maisons de santé pluriprofessionnelles ont été installés, à Saint Jean Saint Nicolas, Saint Firmin et Saint Bonnet. On peut également évoquer la cration d'un centre de santé à Embrun. Ces installations s'inscrivent pleinement dans la mise en place des pactes territoire-santé et vise à renforcer l'offre de soins au service des habitants du départements.
Mais au-delà de ces préoccupation importantes, la question fondamentale qui nous est posée collectivement c'est bien celle de la place et du rôle de la fonction publique dans les territoires les plus isolés. Isolés géographiquement ne doit pas signifier abandonnés. L'Etat se doit d'assurer sa présence sur tous les territoires qui constituent son unité. Il en va de notre pacte républicain. Il en va de l'indivisibilité même de la République.
Les zones de montagne comme les territoires ruraux ne sont pas réductibles à leur dimension agricole, environnementale ou paysagère bien qu'elle fonde une grande part de leur identité.
Dans un contexte de réforme territoriale et du remplacement partiel des fonctionnaires d'État partant à la retraite, assurer un service public de qualité pour une population en forte croissance et vieillissante constitue un enjeu de politique publique.
En matière de ressources humaines, se posent les questions de renouvellement du personnel et de transmission des compétences. Si les départs sont plus nombreux pour les agents de catégorie C, une part plus importante d'agents de catégorie A sera touchée.
La fonction publique territoriale sera particulièrement concernée par les départs en retraite de cadres, qui seront plus fréquents que dans les autres fonctions publiques, d'État et hospitalière.
J'espère vous avoir fait partager, à travers ces quelques mots, ma vision d'un service public dynamique, moderne et ouvert aux spécificités de vos territoires. C'est en faisant preuve d'innovation et d'inventivité que nous parviendrons à construire la Fonction publique du XXIème siècle.
Je crois à l'adaptabilité des territoires, à leurs talents, en leurs atouts, à leur dynamisme, et à la force des initiatives et à leur volonté d'avancer. Et c'est en étant fidèle à cette diversité, tout en épousant pleinement les exigences et les évolutions de notre temps que la fonction publique saura être forte demain, donner le meilleur d'elle-même et offrir un avenir à ceux qui souhaitent s'y engager.
À l'heure où certains n'ont de cesse de vouloir opposer les Français les uns aux autres, d'exploiter leurs doutes, leurs inquiétudes légitimes et leurs colères, nous devons être à la hauteur et prendre nos responsabilités en montrant qu'un autre chemin est possible pour ces territoires et leurs habitants.
J'ai la conviction qu'il nous faut de l'ambition pour les territoires montagnards et ruraux car ils sont porteurs des valeurs du vivre ensemble et renforcent le lien social. Il s'agit en définitive de rester fidèle aux principes qui sont les nôtres. Les principes de la République !
Je vous remerciesource http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 10 octobre 2016