Interview de Mme Juliette Méadel, secrétaire d'Etat à l'aide aux victimes, à France 2 le 9 décembre 2016, sur la prorogation de l'état d'urgence, le projet de prise en compte du préjudice d'angoisse et d'attente dans l'indemnisation des victimes d'attentats et l'organisation des primaires de la gauche de gouvernement pour l'élection présidentielle.

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Média : France 2

Texte intégral

WILLIAM LEYMERGIE
Pour l'instant, ce sont « Les 4 vérités ». Jeff WITTENBERG reçoit ce matin, Juliette MEADEL, la secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, qui est chargée de l'Aide aux Victimes.
JEFF WITTENBERG
Effectivement. Avec elle, nous allons parler de cette aide aux victimes des attentats terroristes, mais aussi de politique.
- Jingle -
JEFF WITTENBERG
Bonjour à vous, Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Bonjour.
JEFF WITTENBERG
71 % des Français, si l'on en croit un sondage publié ce matin, redoutent un attentat pour la période des fêtes. Vous comprenez cette crainte, ce sentiment ? Et que peut fait le gouvernement pour tenter de rassurer les Français ?
JULIETTE MEADEL
Bien sûr, c'est une crainte, c'est une crainte que je partage, et au moment des fêtes, c'est précisément ces moments-là où on se sent vulnérable. La menace existe, elle est présente, le gouvernement va présenter un projet de loi pour prolonger l'état d'urgence, c'est ce qui nous protège, parce que ça veut dire qu'on a un niveau de sécurité qui est maximum, une mobilisation des services de police, des forces de l'ordre, et bien entendu aussi, une vigilance citoyenne, car ça compte, que chacun soit alerté, sans évidemment céder à la panique, mais ces dernières années ont été particulièrement difficiles de ce point de vue-là.
JEFF WITTENBERG
Alors, pour les victimes, vous venez d'accepter la création, la prise en compte d'un préjudice d'angoisse et d'attente. Préjudice d'angoisse et d'attente, est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi il s'agit ?
JULIETTE MEADEL
Quand vous voyez la mort arriver, ça produit, psychologiquement, les psychiatres l'ont démontré, un trouble, un trouble grave qui peut avoir aussi des répercussions sur la santé, des répercussions physiques. Et c'est une souffrance qui doit être prise en compte. Qui doit être prise en compte évidemment, par les...
JEFF WITTENBERG
Qui ne l'est pas actuellement.
JULIETTE MEADEL
Qui n'est pas encore prise en compte, ça veut dire qu'aujourd'hui cette souffrance-là, on ne considère pas que c'est un préjudice. Et moi, je veux qu'elle soit, qu'elle fasse l'objet d'une réparation. Je veux que le préjudice d'attente, le préjudice d'angoisse, fasse l'objet d'une réparation. Le gouvernement l'a donc reconnu, et j'installe donc aujourd'hui avec Michel SAPIN et Jean-Jacques URVOAS, un groupe de travail, qui va plancher sur comment on répare ce préjudice d'angoisse et d'attente, et qui va rendre ses conclusions à la fin du mois de février.
JEFF WITTENBERG
Alors, plus d'indemnisations, plus d'efficacité pour les vraies victimes, et pour les fausses, comment réagissez-vous à l'affaire que l'on évoquait dans le journal de 07h30 ? Cette escroquerie, un couple qui s'est fait passer, qui se faisait passer pour des victimes de l'attentat au Stade de France et qui finalement avait pu toucher 30 000 €. Ils sont condamnés par la justice, ça veut dire que l'Etat n'a pas été assez vigilant ?
JULIETTE MEADEL
Bien au contraire. Ça signifie que sur des milliers de cas d'indemnisations, il y a 5 000 dossiers aujourd'hui qui sont en cours d'examen pour voir justement si ce sont des victimes qui seront indemnisées. Eh bien il y a quelques cas, qui sont des cas scandaleux, cette escroquerie-là est évidemment une insulte à la mémoire des vraies victimes qui sont décédées, et aussi à la mémoire des personnes qui étant décédées là, ne peuvent plus, évidemment, se...
JEFF WITTENBERG
Ça veut dire que vos services vont être plus vigilants, pour justement détecter les escrocs à ce genre d'indemnisation ?
JULIETTE MEADEL
Bien entendu, ça signifie que les services sont mobilisés pour éviter ce type de situation, mais c'est bien la preuve que l'Etat est présent et vigilant, mais il faut aussi penser que ce type de situation doit absolument cesser, et c'est tout l'enjeu du travail que nous menons aujourd'hui, avec le fonds qui s'occupe de ces demandes, qui s'appelle le FGTI, et qui fait un travail considérable, avec encore une fois un nombre de victimes à indemniser qui hélas a considérablement augmenté.
JEFF WITTENBERG
Alors, on va parler des prochaines échéances électorales et en particulier des primaires de la gauche. Vous avez apporté votre soutien à Manuel VALLS, nouveau candidat qui se présente donc à la primaire socialiste. On ne peut pas dire que ça se bouscule au portillon pour l'instant, parmi les membres du gouvernement, on sent plutôt une frilosité à l'endroit de leur ancien chef. Comment vous l'expliquez ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je soutiens Manuel VALLS et je considère qu'aujourd'hui...
JEFF WITTENBERG
Vous êtes une des rares, il y a quatre ministres et secrétaires d'Etat pour l'instant.
JULIETTE MEADEL
Aujourd'hui, on est évidemment membre du gouvernement, chacun est à sa tâche. Il y a cette primaire qui est engagée, chacun s'engage évidemment personnellement en son âme et conscience, mais attention, nous sommes aussi complètement dédiés et engagés sur nos tâches ; voyez, moi je m'occupe des victimes, je suis venue aujourd'hui vous parler du préjudice d'angoisse et d'attente, mais bien entendu, Manuel VALLS est pour moi le candidat, qui est le candidat le mieux à même de défendre le bilan qui a été le nôtre.
JEFF WITTENBERG
Mieux que ne l'aurait été François HOLLANDE, selon vous ?
JULIETTE MEADEL
Aujourd'hui, Manuel VALLS est candidat dans le cadre de cette primaire...
JEFF WITTENBERG
Vous ne répondez pas à ma question.
JULIETTE MEADEL
... et il est le mieux à même de défendre ce bilan. Et moi je considère que nous avons aussi des raisons d'être fiers du bilan, même si tout n'a pas été parfait, loin de là, et on aura peut-être l'occasion d'en parler, mais je trouve que l'essentiel a été préservé. Les comptes publics, aujourd'hui, sont à l'équilibre, que ce soit les comptes de la Sécurité sociale ou les comptes de l'Etat, et ça c'est essentiel, et les services publics ont été préservés.
JEFF WITTENBERG
Alors, on va parler du bilan, et peut-être des réserves que vous pourriez avoir, mais néanmoins, je le répète, cette réserve qu'ont certains ministres pour s'engager clairement derrière Manuel VALLS, cela signifie-t-il que finalement ils ne digèrent pas le renoncement de François HOLLANDE ? Est-ce que vous, vous pensez qu'il a pris la bonne décision, par exemple ?
JULIETTE MEADEL
Moi, j'ai été touchée par évidemment la décision de François HOLLANDE. D'abord parce que c'est un homme engagé et honnête qui s'est battu, et bien sûr que j'ai été touchée...
JEFF WITTENBERG
Mais certains ministres sont orphelins de sa candidature. Est-ce votre cas ?
JULIETTE MEADEL
Mais bien sûr que j'ai été touchée, et je ne vais pas parler au nom des autres ministres, mais je vous parle aussi au nom des militants avec lesquels j'étais encore hier soit tard, en Seine-et-Marne, et bien entendu, et je veux aussi saluer, et ça n'a pas été suffisamment souligné par les éditorialistes, et je le regrette, mais la décision de François HOLLANDE est inédite dans la 5ème République, et il a vraiment fait preuve d'une modernité dans son rapport au pouvoir, car il y a peu de responsables politiques à ces niveaux-là, qui renoncent au pouvoir.
JEFF WITTENBERG
Aujourd'hui, ce sera donc Manuel VALLS, qui est candidat à la candidature. Vous lui dites qu'il faut faire un droit d'inventaire sur ce qui a été fait, bien ou moins bien, pendant ces cinq ans ?
JULIETTE MEADEL
Le président de la République a dit lui-même il y a quelques semaines, qu'il ferait...
JEFF WITTENBERG
Il a parlé de la déchéance de nationalité, comme seul regret.
JULIETTE MEADEL
... preuve de vigilance, et, oui, la déchéance de nationalité est réellement, pour moi aussi, un regret. Je trouve aussi que c'est une façon très moderne de faire de la politique, que le président de la République dise qu'il regrette ce qu'il a fait, je n'ai jamais entendu un seul responsable politique de droite et en particulier Nicolas SARKOZY, émettre le moindre regret sur son action.
JEFF WITTENBERG
Et vous, vous avez d'autres regrets sur ce qui a été fait pendant 5 ans ?
JULIETTE MEADEL
Moi, je crois que l'on peut travailler en effet à faire un peu, à commencer à regarder si les entreprises ont joué le jeu, comme on s'y attendait, notamment à l'occasion du pacte de responsabilité, on aura l'occasion d'y revenir. On voit que grâce aux efforts qui ont été mis en place dans le cadre du pacte, le chômage commence à baisser, mais j'aurais voulu que ça aille plus vite, et peut-être qu'on peut regarder un peu de ce point de vue-là si les entreprises ont bien joué le jeu de la contrepartie.
JEFF WITTENBERG
Alors vous, Juliette MEADEL, vous étiez candidate à une autre candidature, celle de représentante su Parti socialiste aux législatives. Vous deviez vous soumettre au vote des militants hier soir, quel a été le verdict ?
JULIETTE MEADEL
Oui, je me suis soumise au vote des militants, parce que moi je crois en la démocratie interne, et donc je veux que les règles soient respectées. Je me suis soumise à ce vote, et ce vote je l'ai gagné à 67,6 % des militants de Seine-et-Marne.
JEFF WITTENBERG
Ça veut dire que vous serez candidate aux législatives, au mois de juin, en Seine-et Marne.
JULIETTE MEADEL
Ça veut dire que je serai candidate, au nom du Parti socialiste, et je veux remercier ici les militants qui se sont fortement mobilisés, et la candidate locale qui également a fait preuve d'un beau courage dans cette campagne.
JEFF WITTENBERG
Mais c'est un message, vous nous le disiez tout à l'heure, pour ceux qui refusent finalement de se présenter aux électeurs, Emmanuel MACRON, par exemple.
JULIETTE MEADEL
Moi, je crois qu'Emmanuel MACRON devrait effectivement jouer le jeu de la démocratie dans la cadre de sa famille politique, et je n'ai pas la même conception que lui du débat démocratique. Moi je crois que quand on porte un projet progressiste, eh bien on doit d'abord être le représentant de tous ceux qui veulent défendre ce projet progressiste, c'est-à-dire la gauche et être ainsi capable d'être à la hauteur de la fonction à laquelle on aspire.
JEFF WITTENBERG
Dernière question, très rapide : comment une gauche aussi émiettée, qu'on le voit aujourd'hui, Jean-Luc MELENCHON, Emmanuel MACRON, le futur candidat socialiste, a encore une chose d'accéder au deuxième tour, qui semble promis à François FILLON et Marine LE PEN ? En quelques mots.
JULIETTE MEADEL
C'est précisément le sujet du rassemblement et le discours de Manuel VALLS à Evry était un beau discours, de gauche, rassemblée.
JEFF WITTENBERG
Vous y croyez encore ?
JULIETTE MEADEL
Mais oui, parce que je crois que ce qui nous rassemble est beaucoup plus fort que ce qui nous sépare.
JEFF WITTENBERG
Avec Jean-Luc MELENCHON. C'est ce qu'on verra dans les prochaines semaines. Merci beaucoup Juliette MEADEL.
JULIETTE MEADEL
Merci.Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 décembre 2016