Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Jean-Jacques URVOAS, bonjour.
JEAN-JACQUES URVOAS
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Quand c'est flou, il y a un loup, c'est Martine AUBRY qui disait cela !
JEAN-JACQUES URVOAS
En 2011 !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Oui, alors quand c'est flou, là, en l'occurrence avec les chiffres de la primaire, il y a un loup ?
JEAN-JACQUES URVOAS
En tout cas, personne ne conteste l'arrivée en tête de Benoît HAMON, et derrière, Manuel VALLS, donc il y a le sentiment qu'il y a un peu d'amateurisme, disons les choses comme on les ressent, et faisons en sorte que dimanche prochain, il n'y ait pas ce genre de halo d'incertitudes. Je connais bien Thomas CLAY, c'est un universitaire comme moi, il préside la Haute autorité, c'est tout sauf quelqu'un de il est très rigoureux, c'est un juriste, donc il est très rigoureux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a peut-être commis une petite erreur dimanche soir en annonçant que, compte tenu des premiers chiffres de participation, on allait frôler les deux millions
JEAN-JACQUES URVOAS
Allez, d'accord, mais après ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est là
JEAN-JACQUES URVOAS
Mais enfin, ce qui compte, c'est dimanche après, le vote, voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, eh bien, d'accord, bon, oui, mais, les dégâts dans l'opinion, Jean-Jacques URVOAS
JEAN-JACQUES URVOAS
Enfin, je ne suis pas sûr qu'il y ait des dégâts dans l'opinion, ce que j'aimerais, c'est que ça ne dissuade pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon, moi, j'entends les auditeurs ou les téléspectateurs nous dire : encore une fois, les politiques ont voulu tricher, vous voyez, ça va vite !
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui, mais en même temps, deux choses, d'abord, encore une fois, personne ne critique le résultat, le fait que ça soit quand même le choix dimanche prochain entre Benoît HAMON et Manuel VALLS
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les deux, c'est incontestable.
JEAN-JACQUES URVOAS
2°) : il ne faut pas que cette petite polémique, mais qui va s'éteindre ce matin puisque les résultats vont être publiés à 10h, dissuade tous ceux qui ont envie de participer au choix de dimanche prochain. Et moi, je trouve que c'est
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y venir
JEAN-JACQUES URVOAS
C'est une période passionnante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je connais les miracles du PS, c'est ce que nous dit Jean-Luc MELENCHON. Oui, bon, enfin
JEAN-JACQUES URVOAS
Je crois qu'il était laïque, moi
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, Jean-Jacques URVOAS, est-ce que vous irez voter dimanche ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Bien sûr, j'ai été voter dimanche dernier, j'irai dimanche prochain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour qui ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Pour Manuel VALLS.
JEAN-JACQUES BOURDIN
VALLS, tout sauf VALLS, vous avez entendu ça, vous voyez ça ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Je vais vous dire, je trouve cette période passionnante, vraiment passionnante
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon, eh bien alors, dites-moi pourquoi
JEAN-JACQUES URVOAS
Comme militant socialiste, comme ministre, comme citoyen de gauche, je trouve ça passionnant, parce que ça fait des années qu'on nous dit que la gauche, elle défend des idées divergentes, qu'elle a du mal à eh bien, là, on a
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au moins, c'est clair
JEAN-JACQUES URVOAS
Exactement, dimanche prochain, moi, je connais bien les deux, Benoît HAMON, c'est un Brestois, je suis du Finistère, et Manuel, c'est un ami depuis trente ans, j'ai de l'affection en plus pour tous les deux, mais c'est vrai que leurs positions sont des positions qui sont très claires, il y a, d'un côté, et dans le sondage qui a été publié hier soir, ça nous le dit bien, il y a, d'un côté, une partie de l'électorat de gauche qui, en France, comme en Espagne, comme en Angleterre, comme même en Grèce, dit : c'est trop dur de gouverner. Donc la priorité, c'est nos valeurs
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que Benoît HAMON refuse de gouverner ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ça veut dire que son électorat, quand on l'interroge, pourquoi vous avez choisi Benoît HAMON dit : parce que la priorité, c'est de reconstruire la gauche sur des valeurs, et que l'électorat majoritairement ayant voté Manuel VALLS dit : la priorité, c'est de gouverner, parce que la situation est dure, et qu'il faut apporter des réponses, eh bien, moi, je me suis engagé, d'ailleurs, comme tous les deux, Benoît HAMON et Manuel VALLS, derrière Michel ROCARD, eh bien, Michel ROCARD, il affrontait le réel, et il assumait les difficultés
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui veut dire que Benoît HAMON n'affronte pas le réel ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ce qui veut dire que ce que propose Benoît HAMON paraît difficilement concrétisable demain matin, alors que ce que propose Manuel VALLS, c'est de dire que la situation est tellement dure que les socialistes doivent continuer, vous savez, quand j'entends Benoît HAMON dimanche soir dire, ou hier matin, sur France Inter, dire : il faut tourner la page, mais tourner la page de quoi ? De ce bilan ? Moi, je suis très fier de ce que j'ai voté comme parlementaire, et de ce que je fais comme ministre. Et je tournerai la page, par exemple, dans mon domaine, à la Commission des Lois, et aujourd'hui, au ministère de la Justice, de la transparence de la vie politique, du non-cumul des mandats, je tournerai la page de ça ? Mais pas du tout !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, oui, mais Jean-Jacques URVOAS, tout les sépare, le 49.3 citoyen, l'immigration, la sécurité, la laïcité, le revenu universel, les institutions, le droit de vote des étrangers aux élections locales, j'en passe, et tant d'autres ! Tout les sépare !
JEAN-JACQUES URVOAS
Non !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment, non ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, je ne crois pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, non, non, je ne crois pas que tout les sépare, parce que, la preuve, c'est que, il y a un certain nombre de choses
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon, vous avez regardé les programmes des deux ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Bien sûr que j'ai regardé, enfin, je confesse, pour être tout à fait honnête avec vous, que, compte tenu de mon activité quotidienne, ce n'est pas l'essentiel de mon temps
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous aviez autre chose à faire, oui. Non, mais ça, je comprends, oui, ça, j'imagine, oui
JEAN-JACQUES URVOAS
Et donc, du coup, j'ai plutôt regardé la justice telle que la propose Benoît HAMON et ce que propose Manuel VALLS. Et je me retrouve un peu plus chez Manuel VALLS.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, eh bien, ça, je vais y revenir, mais quand même, dites-moi, regardez la situation, un président, c'est un échec, pour cette présidence, un président de la République qui ne peut pas se représenter, un Premier ministre qui est devancé au premier tour d'une élection qui réunit 1,6 million d'électeurs, et un frondeur qui arrive en tête ; quel échec !
JEAN-JACQUES URVOAS
Eh bien, là, vous auriez pu rajouter un ancien président de la République, Nicolas SARKOZY, qui n'arrive pas à être désigné
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non, mais d'accord, ça, c'est l'échec du candidat précédent
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, ce que je veux vous dire, c'est que non, non, non, non
JEAN-JACQUES BOURDIN
Du quinquennat précédent, peut-être
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, cette élection, jusqu'à présent, c'est un chamboule-tout, c'est un chamboule-tout, c'est une élection où on vote
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Eh bien, ça veut dire qu'on vote en contre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire qu'on ne veut plus de vous !
JEAN-JACQUES URVOAS
Ça veut dire qu'on vote en contre, on vote en contre, et moi, je continue à faire de la politique pour proposer des choses, pour agir, je ne suis pas... je ne fais pas partie de la gauche de la protestation, moi, j'appartiens à cette gauche qui veut se confronter à la réalité pour changer la vie des gens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment allez-vous faire pour vous réunir dimanche soir ? Benoît HAMON gagne ; vous acceptez
JEAN-JACQUES URVOAS
Alors, acceptez l'idée que je me mette plutôt dans la configuration où Manuel VALLS passerait. Et donc du coup, j'attendrais de Manuel VALLS qu'il rassemble, comme je l'attendrais de n'importe quel candidat
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, non, mais si Benoît HAMON gagne, vous suivez Benoît HAMON ou comme d'autres, vous allez voir du côté d'Emmanuel MACRON ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Moi, ça fait trente ans que je suis adhérent du Parti socialiste, et pendant des années, j'ai été minoritaire au Parti socialiste, derrière Michel ROCARD, qui était confronté à François MITTERRAND, et j'ai fait des tas de réunions, des tas de campagnes pour François MITTERRAND alors que je n'étais pas favorable à ce que défendait François MITTERRAND, mais j'appartiens à une organisation, personne ne me force à être au PS, personne ne me force, si j'y suis, c'est parce que je partage avec tous ceux avec lesquels je milite à Quimper l'essentiel de mes valeurs. Et donc je n'ai aucun problème à travailler dans ce Parti socialiste, moi, le Parti socialiste, il gagne quand il rassemble
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc suivrez Benoît HAMON s'il gagne ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Je suivrai le vote de dimanche prochain !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous suivrez le vainqueur ?
JEAN-JACQUES URVOAS
S'il y a deux millions de personnes qui font le choix de venir choisir un candidat, je trouve ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux millions
JEAN-JACQUES URVOAS
Pourquoi pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dimanche dernier, il n'y avait pas deux millions, peut-être dimanche
JEAN-JACQUES URVOAS
1,5 million dimanche dernier
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord.
JEAN-JACQUES URVOAS
Si on a deux millions, s'ils viennent faire un choix, moi, je suis dans cette primaire, et donc je me bats pour que Manuel VALLS gagne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, vous suivrez Benoît HAMON dimanche soir s'il gagne ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Mais le candidat de dimanche soir sera le candidat de tous les socialistes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc votre candidat ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Et je suis socialiste.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce sera votre candidat ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ça sera le candidat du Parti socialiste, et donc c'est mon camp
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous comprenez que certains préfèreraient se tourner vers Emmanuel MACRON, franchement ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Moi, je trouve qu'Emmanuel MACRON aurait dû venir dans la primaire, voilà, c'est tout, je trouve que c'est bien d'être dans la primaire, ça permet quand même bon, même si on a une incertitude sur le chiffre, 1,5 millions de personnes qui viennent choisir, c'est plus que n'importe qui, Emmanuel MACRON, il s'est désigné tout seul, c'est plus facile.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le seul reproche que vous avez à lui faire ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Mais pour le moment, sur la justice, il n'a pas dit grand-chose. Donc moi, j'attends
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, sur la justice, mais enfin, sur le reste, vous l'avez vu !
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, honnêtement, non, il est venu faire il fait des meetings, je trouve qu'il est intéressant, il a été ministre de Manuel VALLS, bon, j'ai un peu de mal à
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a connu un gros succès, même en Bretagne, pardon
JEAN-JACQUES URVOAS
Bien sûr, bien sûr, à Quimper, il a fait un très beau meeting, il y a un effet de curiosité, beaucoup de mes amis y assistaient, on ne peut pas dire qu'ils étaient convaincus par la densité du discours, mais bon, il débute dans la campagne, on va voir ce qu'il va dire, moi, ce n'est pas mon sujet, mon sujet, c'est Manuel VALLS.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, Manuel VALLS, alors, parlons
JEAN-JACQUES URVOAS
Et puis surtout ministre de la Justice, si vous me permettez de poser deux, trois choses, comme deux ou trois petits sujets .
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, on est bien d'accord, mais bon, Manuel VALLS, alors parlons des prisons, tiens, ça vous concerne directement
JEAN-JACQUES URVOAS
Pleinement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Manuel VALLS, alors, nous avons besoin de 33 prisons, c'est ce que vous
JEAN-JACQUES URVOAS
Je vais annoncer d'ici quelques jours 33 lieux dans lesquels nous allons construire des maisons d'arrêt.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez annoncer, alors, 33 villes
JEAN-JACQUES URVOAS
33 villes, absolument, dans 33 départements
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans 33 départements, il va y avoir 33 prisons construites, il faut plusieurs années pour construire des prisons
JEAN-JACQUES URVOAS
Eh bien, on va essayer d'aller plus vite qu'avant, avant, il fallait dix ans, et justement, comme notre gouvernement agit vite dans ce domaine, nous allons faire que ça soit plus rapide, parce que nous avons des besoins, vous savez, quand on construit des prisons, d'abord, personne en France n'est pour le tout carcéral, personne ne veut embastiller à tours de bras, de même que personne ne veut libérer à tours de bras des criminels, simplement, nous avons des chiffres, il y a aujourd'hui 68.000 détenus, 68.000 détenus, il y a 58.000 places, il nous manque donc 10.000 places, bien. Et donc moi, je milite pour la dignité en prison, être incarcéré, ce n'est pas être privé de sa dignité, c'est être privé de sa liberté. Et donc, il faut pour cela construire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans combien de temps vous allez essayer de construire ces 33 prisons ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Normalement, une prison, on met dix ans, parce qu'on a beaucoup d'hésitations sur le choix du terrain
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et là ?
JEAN-JACQUES URVOAS
En général, il y a deux à trois ans de polémiques sur les terrains. Les terrains que je vais annoncer d'ici une dizaine de jours sont des terrains sur lesquels les élus sont d'accord pour y aller, et sur lesquels l'Etat a mis des moyens. Donc nous raccourcissons
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de temps pour la construction ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Oh, je pense qu'on doit pouvoir faire ça en cinq ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En cinq ans ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les crédits sont là ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Les crédits sont là pour lancer les projets, on a de quoi
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donnez-moi deux, trois villes, là, tiens ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ah ben non !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ah ben, non
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, vous ne pouvez pas ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, ben, non, non, parce que je dois rendre
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon, ce sont des grandes villes, des villes moyennes, des villes partout en France ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ah, je peux vous dire par exemple, pour parler de la Bretagne, le Morbihan, nous avions une hésitation entre Lorient et Vanne
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez choisi ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Plutôt Vanne, parce que les élus de Vanne sont demandeurs et proposent un terrain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, l'une des prisons sera donc construite à Vanne. Ce n'est pas en construisant de nouvelles places de prison qu'on règlera le problème, qui a dit cela ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Benoît HAMON, il a raison, il a raison parce que
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, alors, on ne construit pas de nouvelles
JEAN-JACQUES URVOAS
Si !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il nous dit : je préfère une meilleure insertion, il faut sortir de la culture de la détention, il propose un renforcement des moyens du service probatoire
JEAN-JACQUES URVOAS
D'insertion et de probation
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pénitentiaire, d'insertion et de probation. Il faut équiper toutes les prisons d'unités de vie familiale, installer des bureaux de vote dans les prisons, revaloriser l'aide juridictionnelle, bon, enfin, c'est un peu en vrac
JEAN-JACQUES URVOAS
C'est beaucoup de choses, mais ce qui est vrai, c'est qu'il n'y a pas une seule réponse à l'acte de délinquance. La privation de liberté, c'est la peine ultime, et donc toutes les peines n'ont pas vocation à être privées de l'enfermement. Et donc quand le candidat Benoît HAMON dit : il ne faut pas construire de prisons, je pense qu'il a tort, pour des raisons de dignité, pour des raisons d'encellulement individuel, pour des raisons de protection de la société sur le radicalisme.
Quand nous avons aujourd'hui actuellement, aujourd'hui où nous parlons, 1 318 détenus radicalisés, 394 détenus terroristes, je préfère que ces détenus soient dans des cellules individuelles pour éviter la diffusion d'une idéologie qui est mortifère donc pour cela. Or aujourd'hui, 40 % de ces détenus sont dans les 9 maisons d'arrêt d'Ile-de-France. Il me faut des prisons mais en même temps, il y a des tas de délinquants qui sont sanctionnés et sur lesquels on peut faire une privation de liberté par un bracelet électronique ou par une contrainte pénale.
Quand Benoît HAMON dit qu'il faut renforcer les services d'insertion et de probation, nous avons créé depuis cinq ans 1 200 postes d'insertion et de probation. Nous faisons cela parce que je crois, moi, à la diversité des réponses. Vous savez Jean-Jacques BOURDIN, ce qui est formidable sur ces sujets, c'est que ce ne sont pas les politiques qui décident : ce sont les juges. Moi quand un magistrat me dit « celui-ci va en prison pour trois mois » ou « celui-ci a un placement électronique » ma responsabilité de ministre, c'est de faire en sorte que l'on fasse appliquer la sanction.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La laïcité. Manuel VALLS veut intégrer dans la constitution une charte de la laïcité. La société française, la république, a-t-elle une part de responsabilité dans le terreau sur lequel le djihadisme a prospéré ? Je vous pose la question ? Parce que si j'écoute Benoît HAMON, Benoît HAMON dit que la laïcité c'est bien mais qu'elle a ses limites.
JEAN-JACQUES URVOAS
Non. La laïcité ne se négocie pas. La laïcité, c'est un atout. Je ne suis pas favorable nécessairement au fait de bouger la constitution. Il ne faut pas toucher à la constitution. Jacques CHIRAC avait mis une charte de l'environnement adossée à la constitution ; je ne suis pas sûr que c'était une bonne idée. La constitution, elle a sa force. Elle est là depuis 1958, elle nous permet d'avoir des alternances, de faire que la droite gouverne, que la gauche gouverne avec la stabilité de nos institutions. Regardez tous les autres pays voisins : ils aimeraient avoir notre stabilité. Donc ne touchons pas trop à cette
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que Benoît HAMON flatte le communautarisme ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Je ne sais pas. Je ne sais pas parce que ça, ce serait une accusation très grave. Oui, ce serait une accusation très grave.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En tous les cas, il y a une grande différence entre Manuel VALLS et Benoît HAMON, pardon.
JEAN-JACQUES URVOAS
Moi, je pense qu'il ne faut pas négocier la laïcité. Il ne faut pas négocier la laïcité. La laïcité, on en mesure la force
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire qu'HAMON veut négocier la laïcité ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Non, je ne dis pas ça. Vous me demandez mon sentiment sur la laïcité, je dis, moi, la laïcité ça ne négocie pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il dit : « Le débat sur le burkini est le symbole de l'échec de la politique française » quand même.
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui. Enfin, le burkini c'était une histoire de cet été. Je préfèrerais qu'on parle des sujets d'aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord. Le projet de loi relatif à la sécurité publique par exemple.
JEAN-JACQUES URVOAS
Par exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au Sénat aujourd'hui. On parle de légitime défense des policiers, policiers comme les gendarmes. La loi permet à un policier ou à un gendarme de garder son arme chez lui hors service. Oui, mais par exemple la loi ne lui permet pas d'entrer dans une salle de spectacle privée. Elle ne lui permet pas de rentrer armé dans une salle de spectacle.
JEAN-JACQUES URVOAS
Il faudrait poser la question à Bruno LE ROUX parce que c'est lui qui porte les articles de ce projet. Ce que je veux vous dire, c'est que ce que j'ai vu dans ce projet de loi justement sur l'armement. Parce que je pense que les ministres sont efficaces quand ils s'occupent de leur domaine d'intervention. Moi, c'est la justice. Dans ce domaine-là, pénitentiaire, j'ai un sujet. C'est-à-dire que j'ai des prisons avec des personnels de l'administration pénitentiaire, tous n'étaient pas armés notamment quand ils font des extractions de détenus. Je trouve que c'était une mise en danger à la fois de la société et des personnels. Dans ce projet de loi, nous allons permettre que ce que je vais créer à partir du 1er février
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des kits de sécurité pénitentiaire.
JEAN-JACQUES URVOAS
Vous me l'enlevez de la bouche. Les équipes de sécurité pénitentiaire seront armées pour tout ce qui est des missions extérieures à la détention. De la même manière que pour être en cohérence avec ce que fait Bruno LE ROUX, tout ce qui sera de la sécurité du périmètre des prisons ne relèvera plus de la gendarmerie ou de la police mais nos équipes de sécurité pénitentiaire auront la responsabilité de surveiller le périmètre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Autour des prisons.
JEAN-JACQUES URVOAS
Nous avons beaucoup d'objets qui rentrent par l'extérieur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
JEAN-JACQUES URVOAS
On a eu j'ai regardé ça parce que j'étais persuadé que vous alliez me poser la question en 2016, nous avons eu 8 864 projections extérieures, c'est-à-dire d'objets qui viennent par-dessus les murs. Aujourd'hui qu'est-ce qui se passe ? Le surveillant de prison qui voit les individus lancer çà, il leur dit : « Ne faites pas ça ». Demain, il pourra sortir de sa prison, aller voir les individus, attraper les individus, les interpeller et les bloquer en attendant que la gendarmerie vienne les interpeller. Ça, ça sera une force. Parce que, vous savez, l'année dernière en prison on a eu 26 000 téléphones portables. 26 000 téléphones portables. Et donc ça, c'est insupportable. Il faut arrêter ça et donc il faut donner des pouvoirs supplémentaires aux surveillants de prison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le centre de déradicalisation de Beaumont-en-Véron en Indre-et-Loire. Trois personnes dans le centre aujourd'hui, c'est ça ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Ils ont commencé à six, si vous me dites qu'ils sont trois. Au début en septembre, quand on a ouvert, ils étaient six.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont trois. L'un d'entre eux a obtenu une permission de sortie, on l'a retrouvé chez lui dans le Bas-Rhin alors qu'il n'aurait jamais dû y être. Il fait partie de la filière djihadiste de Strasbourg. Il a côtoyé l'un des islamistes du Bataclan. Je croyais que dans ces centres il n'y avait pas de fichier S, je croyais qu'il n'y avait pas de personne qui était poursuivie, ce qui est faux apparemment, ça ne marche pas ces centres. Douze, vous aviez annoncé l'ouverture de douze centres.
JEAN-JACQUES URVOAS
C'était une intention et en même temps quand Bernard CAZENEUVE, quand il était ministre de l'Intérieur, a ouvert ce centre puisque c'est un centre qui dépend du ministère de l'Intérieur, il avait dit que c'était une expérimentation qui était basée sur du volontariat. Dans ma responsabilité, je m'occupe des personnes qui sont placées sous la justice mais on a le même sujet. On a le même sujet parce que la déradicalisation ou le fait de sortir quelqu'un d'un processus de violence moi, déradicalisation c'est un terme que je prends avec beaucoup de pincette, parce que je ne sais pas bien comment on fait ; par contre, je sais comment on peut sortir quelqu'un d'un processus de violence.
Nous, nous avons et nous allons dès que nous aurons trouvé un lieu à Paris parce que c'est très dur, nous avons, nous, choisi une association qui va faire ce travail. Nous avons un public pour ça, puisque c'est là c'est une contrainte. Ce sont les magistrats qui vont dire « cet individu doit rentrer dans un processus de déradicalisation. Monsieur le ministre de la Justice, occupez-vous en ».
Moi j'ai fait un marché public, nous avons désigné une association sur l'Ile-de-France qui est candidate, qui a fait un travail fantastique, qui a mobilisé des tas d'équipes pluridisciplinaires, ils sont prêts à travailler. Nous avons le public mais il faut qu'on trouve un lieu à Paris pour le faire. Un lieu qui soit sécurisé, un lieu pour les personnes. On a un peu de mal, on avait plein de lieux mais les riverains ne sont jamais emballés. Et puis moi, je veux que les personnes soient protégées. Mais j'espère qu'en février, on va pouvoir ouvrir ce lieu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'avez pas d'information sur ces centres donc. Sur ces centres qui dépendent du ministère de l'Intérieur, non.
JEAN-JACQUES URVOAS
Sur le centre de Pontourny, je ne sais pas ce qui s'y fait, non. Mais je peux vous dire ce qu'on fera dans les miens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais les douze centres, est-ce que vous pensez que les douze centres prévus existeront ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Je ne crois pas qu'il y ait de projet pour le moment, parce qu'on voulait voir comment Pontourny fonctionnait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Ça, ce n'est pas terrible. A tel point que le député socialiste Laurent BAUMEL est excédé. Excédé par ce qui se passe.
JEAN-JACQUES URVOAS
Mais Laurent BAUMEL est toujours excédé, quel que soit le sujet. Il fait partie des frondeurs qui ont toujours été excédés pendant le quinquennat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces frondeurs qui risquent de prendre le pouvoir là, dites-moi. C'est incroyable ça.
JEAN-JACQUES URVOAS
Vous me ramenez sur Benoît HAMON.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais oui. Quel retour, dites-moi, de l'histoire, non ?
JEAN-JACQUES URVOAS
En ce moment, vous savez, et hier encore, je suis dans les palais de justice parce que c'est le moment des audiences solennelles dans lesquelles les magistrats donnent leur point de vue sur la société et sur la manière dont ils travaillent. J'ai la chance, grâce à Manuel VALLS mais aussi à Bernard CAZENEUVE, d'être le Garde des Sceaux qui a eu le budget le plus fortement augmenté depuis le début du quinquennat. Nous avons 4,5 % d'augmentation ce qui veut dire que dans toutes les juridictions, si vous interrogez un juge et vous les interrogez souvent, ils vont vous dire : « Nous manquons de moyens ». Il manque 450 juges en France aujourd'hui, 450 juges. Nous en avons recruté 1 200 pendant ce quinquennat de plus que la période précédente. Benoît HAMON, par exemple, il n'a pas voté ce budget. Il n'a pas voté ce budget. Et donc moi, je ne vais pas voter pour quelqu'un qui ne me donne pas les moyens comme ministre de la Justice de recruter des juges, de recruter des surveillants de prison, de recruter des greffiers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous revenez sur ce que vous disiez au début : il n'a pas envie de gouverner.
JEAN-JACQUES URVOAS
Je ne vais pas lui dire ça parce qu'il a été ministre, mais pourquoi vous avez une grande partie des électeurs aujourd'hui qui sont intéressés par MELENCHON ? Parce qu'ils se disent « c'est trop fatigant, c'est trop difficile de gouverner. La gauche, il faut qu'elle se ressource, qu'elle reparte dans l'opposition ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre MELENCHON, entre HAMON le frondeur, entre MACRON, pauvre PS !
JEAN-JACQUES URVOAS
Mais ce n'est pas un phénomène français. Regardez ce qu'on fait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. En Grèce, le PS est à combien, le Pasok ?
JEAN-JACQUES URVOAS
Il n'existe quasiment plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
5 %.
JEAN-JACQUES URVOAS
Oui, c'est ça. Mais moi ce qui m'inquiète, c'est de voir que la gauche anglaise, les militants socialistes ou travaillistes dit-on en Grande-Bretagne, ont choisi Jeremy CORBIN. D'ailleurs, le parti est très fort. Il y a des tas de gens qui ont adhéré au parti depuis que CORBIN est là mais ils ne gouvernent pas. Quand je vois ce qu'ont fait les Espagnols, ils ont choisi Podemos. Podemos, c'est formidable. C'est un parti de gauche avec toutes ses valeurs, ils ne gouvernent pas. Moi, je ne fais pas de la politique pour laisser mes adversaires gouverner. Je fais de la politique pour être confronté aux réalités. Je ne démissionne pas quand il y a des difficultés. Je crois au collectif, je ne crois pas aux individualités. C'est ça la force d'un socialiste aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Jacques URVOAS.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 janvier 2017