Interview de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, à La Chaîne Info le 29 novembre 2001, sur la fin du service national, le projet de loi sur la statut de la Corse et sur la politique de baisse des impôts.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser On est le 29 novembre, c'est la fin du service militaire. Eprouvez-vous une petite émotion ou trouvez-vous cela normal ?
- "C'est une décision qui a été prise par le chef de l'Etat, qui est appliquée. Maintenant, cette réforme est derrière nous. Reste qu'au fond de moi - je parle là non pas comme ministre, mais comme citoyen -, je suis toujours un peu perplexe quand on touche à ces liens qui attachaient les citoyens à la Nation, à l'Etat, ces liens républicains, des liens citoyens, qui s'appellent le service militaire, l'instruction civique à l'école, l'impôts - qui est une contribution citoyenne... Je me dis qu'après, il est de plus en plus dur de faire vivre la citoyenneté, que quand on retire un lien, il faut peut-être penser à en fabriquer d'autres. C'est un vrai sujet d'actualité."
Vous pensez à J.-P. Chevènement ?
- "Non, pas du tout..."
Il parle beaucoup de citoyenneté...
- "Je n'ai pas besoin de J.-P. Chevènement, pour qui j'ai beaucoup de respect, d'estime et d'amitié, pour parler moi-même de citoyenneté, je n'ai pas de maître à penser."
Vous regrettez donc le temps des conscrits. Je voudrais que l'on parle de la Corse, c'est un sujet que vous connaissez bien, vous avez fait un rapport sur les problèmes économiques de la Corse, il y a quelques années, lorsque vous étiez député. Avez-vous suivi la deuxième lecture du projet de loi ?
- "Oui, bien sûr."
Donc vous avez suivi le détricotage de l'article 12. On avait dit que le Sénat avait défait le projet de loi, qu'il l'avait dénaturé, mais l'Assemblée n'a pas été trop mal non plus...
- "Vous ne pouvez pas dire cela. Au Sénat, il y a eu une volonté très politicienne de défaire un texte qui avait un équilibre d'ensemble. C'est de la péripétie politicienne. L'Assemblée a voulu reprendre le processus pour le remettre d'équerre, dans le droit fil de ce qui avait été discuté avec l'ensemble des élus de la Corse. Sur l'article 12, l'Assemblée a défait en deuxième lecture ce qu'elle avait fait en première lecture."
Elle ne l'avait pas défait en commission, il a quand même fallu attendre la deuxième lecture en séance, pour voir qu'il avait risque de bétonnage !
- "Il faut reconnaître que depuis le début, cet article 12 fait discussion : est-ce que l'on doit donner beaucoup d'autonomie, sur le terrain de l'aménagement du littoral, aux élus corses et leur permettre de faire exception à la loi littoral qui protège notre littoral qui, malheureusement, ne l'a protégé que tardivement - depuis seulement quelques années - parce qu'on a bétonné partout les côtes françaises ? On n'est pas toujours bien placé pour donner des leçons aux Corses. Est-ce qu'il fallait leur donner cette autonomie ou au contraire permettre que la loi littoral s'exerce aussi en Corse ? Cela fait débat depuis le début. Certains élus corses, pas tous, demandaient cette autonomie, d'autres non. Au niveau national, en première lecture, on a plutôt penché vers une dérogation de la loi littoral et en deuxième lecture, on dit que finalement, il vaut mieux protéger le littoral corse. Personnellement, moi qui suis un amoureux des paysages et des côtes de la Corse, j'y trouve mon compte, parce que je trouve que l'on peut construire un avenir en Corse sans prendre le risque de la bétonisation des côtes."
J. Rossi qui défend le projet, même si ce n'est pas un de vos amis politiques, dit : "On n'est pas des indiens". Qu'est-ce que vous répondez ?
- "J. Rossi peut penser ce qui veut, mais est-il représentatif d'une majorité de Corses ?"
C'est un élu !
- "Oui, bien sûr, mais c'est un élu qui aura, lui aussi, rendez-vous devant le suffrage universel et il faudra donc qu'il assume ses positions. Il y a de nombreux élus en Corse qui considèrent que protéger le littoral est un impératif. J. Rossi n'est donc pas le seul à pouvoir s'exprimer sur le sujet."
Derrière cela apparaissent quand même des problèmes politiques, puisqu'on a vu que le Gouvernement n'a plus de majorité pour faire voter cet article.
- "Il y a une majorité pour que ce soit adopté sous cette forme. Le texte sera adopté mardi prochain, tout va bien."
Vous êtes sûr qu'il sera adopté ?
- "Oui, je n'ai pas de doute."
La nuit dernière, avant la fin de l'examen, on a renforcé le contrôle du Parlement, c'est-à-dire que l'on a réduit la portée de l'article 1. En fait, le texte est un peu dénaturé.
- "Je ne peux pas vous laissez dire cela, le texte garde son équilibre d'ensemble et sa cohérence qui est conforme avec ce qui avait été discuté avec l'ensemble des élus corses, dans leur totalité. Simplement, le Parlement français, à la fin de la discussion, a dit que s'il devait y avoir des évolutions, nous, les parlementaires qui faisons cette loi, nous voulons en évaluer l'application. Très bien. Le Parlement français est dans son rôle quand il souhaite, par une disposition précise, organiser l'évaluation de l'application d'une loi. Cela me parait tout à fait conforme au droit et aux devoirs-mêmes du Parlement."
Le ministre de l'Intérieur n'est pas affaibli ?
- "Non, au contraire, je le trouve renforcer par le fait qu'il mène cette discussion au bout et que ce processus suive son cours contre vents et marées, parce que le processus de Matignon a été attaqué par beaucoup qui, d'ailleurs, n'ont rien d'autre à proposer. On critique systématiquement, mais on ne propose rien d'autre. Je trouve que c'est tout à l'honneur de D. Vaillant que de mener ce texte au bout."
Vous parliez des impôts et de la citoyenneté tout à l'heure. Hier, le volet économique du projet du PS a été présenté et on parle effectivement de "personnalisation de l'impôt". Vous dites qu'il faut "réhabiliter l'impôt" ?
- "Je le disais tout à l'heure à propos de la citoyenneté. J'ai été totalement solidaire du Gouvernement auquel j'appartiens, - c'était la moindre des choses - quand nous avons décidé des baisses importantes d'impôts, ce qu'aucun Gouvernement n'avait fait auparavant. Je trouve que c'était une bonne chose pour les Français, parce que trop d'impôts tuent l'impôt. Le taux de prélèvement obligatoire avait sans doute atteint des records sous le gouvernement Juppé - on n'en parle pas ! - et maintenant, il fallait les baisser, parce ce type de record n'est pas glorieux. La pression fiscale peut avoir un caractère insupportable. On s'est engagé dans ces baisses d'impôts et c'est très bien."
Maintenant, ça suffit ?
- "Non, je ne dis pas "ça suffit". A chaque fois qu'on pourra le refaire, il faudra le refaire, sans en avoir l'obsession, parce que quand on peut faire une baisse d'impôts, il faut la faire, mais il ne faut pas la présenter comme le B.A.-BA. de l'action politique. Parce je pense aussi - et c'est la citoyenneté dont je parlais - qu'il faut réhabiliter l'impôt. Je pense - c'est une belle formule de J. Delors - que les Français sont prêts à payer de l'impôt s'il en ont pour leur argent. Ils veulent comprendre, savoir, apprécier à quoi sert leur impôt et nous avons besoin de faire cette pédagogie de la réhabilitation de l'impôt."
Cela veut dire que l'on ne gagne pas les élections en baissant les impôts ? Alors, sur quoi les gagne-t-on ?
- "Je n'ai pas dit que l'on ne gagnait pas les élections en baissant l'impôt. Le fait que l'on ait baissé les impôts, qu'on ait été le premier gouvernement à le faire, c'est un signe de rupture par rapport à cette espèce de course folle aux prélèvements obligatoires."
Sur quoi gagne-t-on les élections ?
- "Sur un bilan - on a baissé les impôts -, mais aussi sur un projet. Il faut donner une perspective, un sens. La France a beaucoup changé depuis 10 20, 30 ans, énormément : le mode de vie des Français, la famille, la structure familiale, l'entreprise, le travail, tout cela a beaucoup changé. Il est peut-être temps de donner un sens, quand on gagne les élections - si on sait donner un sens -, à l'avenir des Français."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 29 novembre 201)