Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est naturellement avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve ce soir. Vous êtes les artisans passionnés et rigoureux d'une presse qui permet à nos concitoyens d'y voir plus clair dans un secteur - je dois le reconnaître - marqué trop souvent par la complexité des droits, le dédale des procédures et la lourdeur des mécanismes de décision. Alors même que les enjeux du champ social et les terrains d'intervention de ses acteurs sont eux très populaires et bien identifiés par le grand public, puisqu'il s'agit d'organiser le combat de la société contre la maladie, les inégalités, la perte d'autonomie ou le chômage. Qui plus est, ce champ mobilise, vous le savez, des fonds publics considérables et chaque assuré, chaque contribuable, est en droit de savoir mieux ce que nous faisons en matière de solidarité. Nos concitoyens attendent donc des réponses concrètes, lisibles, des pouvoirs publics.
Par votre sérieux et votre diversité, vous permettez la diffusion de l'information auprès de la population et des professionnels, vous alimentez constamment les grands débats en cours et vous participez à l'évolution des pratiques. À ces divers titres, vous remplissez une mission indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie moderne et je tenais, simplement, à vous en remercier.
S'agissant de faire vivre le débat démocratique, à l'évidence, vous ne manquerez pas de travail dans les mois qui viennent. Car, d'une part nous vivons actuellement les derniers mois de l'action du Gouvernement de Lionel Jospin (la législature s'achèvera le 22 février prochain) et la période est donc propice à un travail de bilan - et en matière sociale, ce bilan est considérable puisqu'il s'agit du champ d'intervention privilégié de la gauche. D'autre part, les questions sociales figurent toujours parmi les priorités des français et les campagnes électorales présidentielles et législatives seront l'occasion de débattre sur de nouvelles perspectives.
Le bilan de ce gouvernement en matière sociale est exceptionnel et il montre à quel point, dans notre pays, le pouvoir politique :
- peut changer significativement la vie des gens,
- en traduisant ses engagements de campagne en actions concrètes.
J'ai la conviction que, dans les mois qui viennent, les Français seront très vigilants sur ce dernier point : qui veut et qui peut vraiment changer la France ? Je n'ai pas d'inquiétude sur leur lucidité en la matière éclairée par les bilans des uns et des autres. Au besoin, nous saurons leur rafraîchir la mémoire.
Faire un bilan c'est rendre des comptes, c'est faire la preuve de la sincérité et de l'honnêteté en politique, c'est enfin une démarche citoyenne dans la tradition républicaine. Mais le bilan que les Français auront à apprécier est aussi celui d'un septennat, qui comprend deux années de Gouvernement JUPPÉ également riche en matière sociale, pour d'autres raisons.
L'opposition cherche à escamoter notre bilan et attribue nos bons résultats à une conjoncture économique favorable. Or, il est désormais bien établi que l'opposition d'aujourd'hui a fait moins bien que nos partenaires européens lorsqu'elle était au pouvoir et que, inversement, la majorité plurielle a fait bien mieux que la moyenne européenne depuis 1997 dans un contexte international commun. Il y a donc eu en France un " effet gauche plurielle " ou un " effet JOSPIN ".
Au fond, notre méthode a été simple : traduire en actes concrets et forts notre engagement de tenir la lutte contre le chômage comme priorité n°1 :
-nous voulions stopper la croissance du chômage des jeunes : nous avons créé 350 000 emplois jeunes. C'est à dire que nous avons débloqué les moyens nécessaires pour qu'un nouveau dispositif leur assure immédiatement un emploi stable et utile, une formation, un revenu et surtout une perspective personnelle ;
-nous voulions alléger efficacement les charges des entreprises : nous l'avons fait avec en contrepartie une obligation d'embauche dans le cadre des 35 heures ;
-nous voulions soutenir le pouvoir d'achat : nous avons procédé à une baisse des prélèvements sans précédent, tout en revalorisant fortement les minima sociaux et en créant la Prime pour l'emploi.
Ce ne sont que des exemples et c'est ainsi que nous avons su articuler le soutien à l'activité économique et le progrès social ; ce que vous appelez dans vos colonnes " l'enrichissement de la croissance en emplois ". C'est ce cocktail qui a réussi, c'est cette volonté qui nous a permis de créer 1,5 millions d'emplois.
Sur quel contrat le gouvernement de Lionel JOSPIN a-t-il été élu, sur quels mandats ai-je moi même travaillé rue de Grenelle ?
1) D'abord mettre fin au chômage de masse et garder le cap d'un plein emploi de qualité
2) ensuite assurer la protection sociale et au premier rang celle des plus fragiles
3) enfin répondre aux nouveaux besoins en portant un nouveau regard sur la société.
1 - Nous gardons le cap d'un plein emploi de qualité.
Il est vrai que nous nous trouvons depuis 6 mois de nouveau dans une période d'incertitude. Toutefois, je souligne que nos politiques volontaristes ont encore un effet sur la conjoncture et notre pays en sort mieux protégé que ses partenaires tels que l'Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume Uni. Même si nous ne savons pas dire combien de mois nous connaîtrons un taux de chômage à la hausse, nous sommes convaincus que ce retournement de conjoncture n'a rien de durable ou de structurel.
Je laisse de côté la réaction de ceux qui cachent à peine leur satisfaction de voir la France en difficulté. Les 100 000 chômeurs de plus des 6 derniers mois doivent être mis au regard des 970 000 en moins gagnés depuis juin 1997. Surtout, il ne faut pas que ses mauvaises nouvelles cachent notre victoire, contre le chômage de longue durée, confortée mois après mois, qui poursuit sa baisse encore en octobre (- 40 % depuis 1997). Un chiffre spectaculaire donne une idée du chemin parcouru : la part du chômage de longue durée chez les jeunes aujourd'hui est celle que la France connaissait en 1977 !
Nos bons résultats passés, notre bonne résistance d'aujourd'hui, et notre optimisme pour demain se nourrissent d'ingrédients que vous connaissez :
-350 000 emplois jeunes embauchés et un plan de consolidation annoncé le 6 juin dernier ;
-au moins 360 000 emplois liés aux 35 heures ;
-45 000 emplois prévus dans le secteur hospitalier dans le cadre des 35 heures ;
-des milliers d'emplois générés par la mise en uvre progressive de l'APA à compter du 1er janvier 2002 ;
-le doublement du programme TRACE à hauteur de 120 000 pour 2002 ;
-le développement d'une politique de retour à l'emploi caractérisée par l'individualisation, l'accompagnement programmé et la diversité de l'offre ;
Plus récemment, le gouvernement a encore renforcé sa mobilisation pour l'emploi :
-100 000 stages et contrats d'aide au retour à l'emploi,
-mobilisation exceptionnelle du service public de l'emploi,
-sécurisation du passage aux 35 heures dans les PME-PMI,
-plan de soutien à la croissance qui vise les ménages et les entreprises.
Je souhaite également dire quelques mots de notre politique active de prévention des licenciements collectifs qui sont vécus comme des injustices profondes par des régions entières. Le Projet de loi de modernisation sociale - si souvent critiqué à droite dans les hémicycles, mais dont les effets sont très attendus par les députés de l'opposition lorsqu'ils arpentent leurs circonscriptions - prévoit de mieux protéger les salariés sous la menace d'un licenciement collectif. Il s'agit de :
-responsabiliser les employeurs en les incitant à faire prévaloir des logiques plus favorables à l'emploi ;
-lutter contre le recours abusif aux licenciements, notamment par une transparence accrue ;
-s'assurer que les moyens de la réindustrialisation des sites sont mobilisés.
Les vociférations de certains face à cette loi ne m'émeuvent pas beaucoup. Ce sont les mêmes qui lorsque le contexte économique était plus favorable nous expliquaient qu'il le serait davantage encore avec un peu plus de flexibilité. Quel que soit la période, je leur reconnais une attitude constante : le parti pris de la libéralisation tout azimut. La vérité, c'est qu'au prétexte d'une conjoncture délicate, certains employeurs sont tentés par le licenciement abusif pour répondre à des critères de rentabilité financière mortifères pour l'économie du pays ou pour masquer les insuffisances de leur politique de formation du personnel. Le droit du travail devait être adapté en conséquence et les représentants du peuple se devait d'adresser un message clair aux apprentis sorciers du libéralisme.
Le Gouvernement fait donc face. Nous savons qu'il nous reste beaucoup à faire pour les 2 millions de nos concitoyens qui attendent de trouver un emploi. Si la pauvreté recule comme le reconnaît une récente étude du Secours catholique, la lutte contre la pauvreté demeure quant à elle un combat permanent. À ce titre, j'ai annoncé en juillet dernier un Programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion qui vient compléter les mesures prévues par la loi de lutte contre les exclusions pour faciliter davantage encore l'accès à l'emploi et aux droits fondamentaux, sans lesquels toute démarche d'insertion est vaine. Je citerai comme illustration de ce programme trois exemples significatifs :
-la création d'une bourse d'accès à l'emploi de 300 Euros par mois pour consolider la situation financière des jeunes qui s'engage dans un parcours d'insertion ;
-la création d'un minimum alimentaire insaisissable sur le compte bancaire (égal au RMI) ;
-la création des maisons de la solidarité pour regrouper en un même lieu les informations sur les droits (50 projets en 2002 et 50 projets en 2003).
Lutter contre la pauvreté, c'est aussi lutter contre le travail précaire, en renchérissant le coût de l'intérim (PLMS), veiller à la revalorisation des minima sociaux et traiter la situation spécifique des chômeurs âgés qui doivent pouvoir attendre de percevoir leur retraite dans des conditions dignes (je pense à la création de l'allocation équivalent retraite).
2 - Autre grand objectif que nous nous étions assignés : garantir une protection sociale solidaire, notamment au profit des plus fragiles
Il faut bien se souvenir que lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, l'idée de la pérennité d'une protection sociale pour chacun basée sur la solidarité était mise à mal. Les actions de lutte contre la grande pauvreté étaient réputées dispendieuses et inefficaces. L'idée d'une pauvreté incompressible et acceptée par ceux qui la subissent faisait même son chemin.
Sous l'impulsion de Martine Aubry, la loi contre les exclusions renversait la vapeur. Puis la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) a permis d'offrir des droits nouveaux, tellement essentiels qu'on oublierait qu'il y a à peine cinq ans près de 5,2 millions de personnes ne bénéficiaient pas d'une couverture maladie de haut niveau et que bon nombre d'entre elles bénéficiaient de l'aide médicale gratuite des départements, soit une couverture souvent plus faible et surtout inégale sur l'ensemble du territoire. Je rappelle d'ailleurs que j'ai récemment proposé un nouveau dispositif (lettre au Président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs et aux Présidents des Fédérations ou groupements d'organismes dispensateurs de couvertures maladie complémentaires) pour que dès 2002, toutes les personnes, ressortissantes du régime général de la sécurité sociale, dont les ressources n'excèdent pas de plus de 10 % le plafond de ressources de la CMU (entre 3 600 et 3 960 francs par mois pour les personnes isolées), bénéficient à titre pérenne d'une aide versée par les caisses primaires d'assurance maladie pour acquérir un contrat assurant une couverture maladie complémentaire équivalente à celle procurée par la CMU.
Nos résultats en matière d'emploi ont permis à la Sécurité sociale de bénéficier d'un financement stable et durable. Le dynamisme des recettes de la sécurité sociale au cours de cette législature a permis de financer les avancées essentielles de la protection sociale des Français, et de dégager des excédents significatifs à partir de 1999. [Même en prenant en compte l'année 1998 qui était encore marquée par un déficit, nous serons en mesure d'atteindre un quasi-équilibre du régime général sur les quatre exercices 1998 à 2001. Comment ne pas mettre ce résultat au regard des lourds déficits enregistrés entre 1993 et 1997, dont le total se monte à 265 milliards de francs ? !]
Mais l'excédent n'est pas une fin en soi. Ce sont les avancées qu'il permet qui nous donnent satisfaction.
Je pense en particulier à la politique conduite en faveur des familles, de toutes les familles,- qui s'est traduite par le développement de l'accueil de la petite enfance, la réforme de l'allocation de présence parentale, ou encore la création du congé paternité.
Autre motif de fierté pour ce gouvernement, l'effort sans précédent conduit en faveur des handicapés : nous avons mis en uvre un programme gouvernemental pluriannuel et des plans spécifiques favorisant à la fois l'intégration sociale, l'autonomie des personnes handicapées et la création de structures pour celles qui sont les plus lourdement handicapées. Rien que sur la période 2001 - 2003, la réalisation de la suite du plan quinquennal lancé en 1999 portant sur les établissements pour adultes handicapés, portera un effort global en faveur des personnes handicapées à 2,52 milliards de francs supplémentaires.
S'agissant des soins de ville, notre politique du médicament a résolument pris le contre pied de la pratique du déremboursement et s'est appuyée sur la baisse des prix négociée avec l'industrie pharmaceutique et la relance du développement des génériques.
Vous savez également que le Parlement a adopté ma proposition de réforme des relations conventionnelles qui lient les caisses et les professionnels des soins de ville. Le cadre adopté est le fruit d'une concertation patiente et méthodique et s'inscrit dans un ensemble de propositions qui vise à la promotion de la qualité du système de soins et en particulier la prise en charge des urgences, le partage de l'information, la formation et l'évaluation des pratiques.
S'agissant de l'hôpital, l'effort global du Gouvernement depuis 1997 en faveur du service public a été constant et à la hauteur des besoins auxquels il n'avait pas été répondu jusqu'alors : à travers plusieurs protocoles d'accord avec les personnels de toute catégorie et les campagnes budgétaires successives, ce sont près de 27 milliards de francs supplémentaires qui ont été accordés. Doivent s'y ajouter les mesures que j'ai proposées au Parlement (au PLFSS 2002) pour un montant de 11,7 milliards de francs et qui comprennent notamment le financement des 45 000 nouveaux emplois liés à l'application des 35 heures dans la fonction publique hospitalière. Ces nouveaux crédits sont autant de moyens investis au profit de la création de nouveaux postes, de la formation des personnels, de la revalorisation de leurs carrières et de l'amélioration de leurs conditions matérielles de travail. Au final, ce sont surtout des soins de meilleures qualités pour le patient.
Nous n'avons pas négligé les cliniques privées dont les salariés méritent aussi le soutien de la collectivité au regard de la part d'activité hospitalière qu'ils prennent en charge. Moyennant des engagements des employeurs en matière de politique salariale et de transparence, 1,7 milliards supplémentaires ont été accordés aux cliniques privées.
Parallèlement, nous sommes sur le point d'achever une réforme de grande ampleur avec la prise en compte du droit des malades. Cette réforme d'ensemble du fonctionnement du système de santé permettra de démocratiser et moderniser la prise en charge des malades autour de trois axes :
-la définition légale et le respect des droits des patients ;
-les obligations des professionnels de santé pour garantir la qualité de la médecine ;
-la réparation des risques sanitaires en cas de dommage.
Enfin, nous n'avons cessé de développer les grandes campagnes de prévention, je pense notamment au plan de dépistage du cancer du sein, alors que 300 000 femmes vivent actuellement avec ce cancer qui est responsable de 40 % des décès prématurés et qui constitue la première cause de mortalité avant 65 ans.
3 - Répondre aux nouveaux besoins en portant un nouveau retard sur la société.
Mais je crois que ce qui caractérise principalement l'action de ce gouvernement c'est sa compréhension d'une France qui change et sa capacité à préparer et à mettre en uvre des réformes qui accompagnent ou anticipent ces changements.
Le regard de la société a changé, nous avons contribué à faire plus de place à l'aspiration à l'autonomie de nos concitoyens. 35 heures, égalité professionnelle hommes et femmes, libertés individuelles : PACS, réforme de la famille. Il nous appartient demain de veiller à garantir les conditions d'une vie harmonieuse en société. C'est pourquoi je vais prendre une grande initiative publique contre les violences sociales.
Plusieurs grandes lois illustrent bien la capacité de ce Gouvernement à conduire sans relâche des réformes ambitieuses, attendues et qui correspondent bien aux nécessités de ce nouveau siècle.
La loi " Allocation personnalisée d'autonomie " (APA) qui permettra dès le 1er janvier 2002 pour chacune des 800 000 personnes âgées en perte d'autonomie de vieillir dans la dignité, à la fois à domicile et en établissement. Cette allocation remplace la prestation spécifique dépendance PSD qui ne concernait, selon des modalités très inégales d'un département à l'autre, que 135 000 personnes.
La loi de lutte contre les discriminations, qui étend le champ des motifs de discriminations (sexuelles, apparence physique, âge...) en matière d'emploi, renverse la charge de la preuve au profit du salarié et étend le droit à agir aux associations et aux syndicats en ce domaine.
La loi sur l'égalité professionnelle hommes / femmes qui modifie en profondeur le régime des élections professionnelles pour faire davantage de place aux femmes et qui favorisera l'égalité entre les hommes et les femmes tant dans le secteur privé que dans la fonction publique. Cette loi crée également un cadre légal au travail de nuit des hommes et des femmes.
La loi relative à " l'allocation d'autonomie pour les jeunes " qui, par Création d'une Commission nationale pour l'autonomie des jeunes. Les travaux de cette Commission nous permettront de bien préparer la réponse que notre société devra apporter dans les années à venir à la demande d'autonomie qu'exprime la jeunesse de France dont les besoins de formation et de mobilité évoluent considérablement.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 19 décembre 2001)