Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes agées, sur la modernisation et le développement de l'aide à domicile grâce à l'allocation personnalisée d'autonomie, Bordeaux le 8 novembre 2001.

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Circonstance : Déplacement à Bordeaux (Gironde) le 8 novembre 2001

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
La mise en uvre de l'APA suscite de fortes attentes. Les publics que je rencontre ont pris conscience de l'ampleur des mutations liées à la réforme. En même temps, une réforme de cette nature génère de multiples questions, des inquiétudes inévitables sur les modalités de transition.
C'est pourquoi je voudrai dire la volonté qui nous anime, le projet que nous avons pour les personnes âgées et leur famille.
Notre projet, c'est plus de justice et plus d'égalité. C'est faire en sorte de développer de véritables droits pour les personnes âgées et que la perte d'autonomie ne s'accompagne pas d'une perte de citoyenneté.
Notre projet, c'est de faire bouger le regard porté sur la vieillesse. Cette image a évolué, pour ce qui est des jeunes retraités ou des personnes âgées les plus autonomes. Mais notre plus sérieux défi, c'est de changer l'image des personnes en perte d'autonomie, et de mettre fin à ce qui quelque part constitue un déni de reconnaissance.
Notre projet, c'est comme, pour l'ensemble du social, de croire que le développement social ne représente pas qu'un coût pour la collectivité mais constitue au contraire un puissant levier économique et d'animation des territoires.
Notre projet, c'est de mettre en place et de faire vivre une politique globale, articulant plusieurs volets :
la réponse aux besoins de prise en charge grâce à l'APA et l'augmentation des budgets soins dans les établissements d'accueil pour personnes âgées ;
la modernisation et le développement de l'aide à domicile grâce là aussi à l'APA et particulièrement au fonds de modernisation de l'aide à domicile;
l'amélioration de la qualité de la vie dans les établissements, avec les conventions tripartites ;
la coordination de l'information et du conseil aux personnes et aux familles, la mise en relation avec les intervenants, la prévention des situations de crise ou d'orientation "en catastrophe", avec les C.L.I.C ; 1.000 CLIC seront ainsi ouverts d'ici 2004. A cette date, 9 CLIC seront crées dans le seul département de la Gironde.
l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital et une véritable reconnaissance de la gériatrie ; c'est en ce sens que nous avons inscrit dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale les crédits pour financer un plan en faveur de la gériatrie et l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital à travers la constitution d'équipes mobiles ou le développement de services d'accueil de court séjour pour les populations les plus âgées.
le diagnostic précoce et une prise en charge diversifiée et de qualité pour les patients atteints de maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés ; le plan qu'Elisabeth GUIGOU, Bernard KOUCHNER et moi venons d'annoncer visera à développer l'accueil de jour, + de 7.000 places seront ainsi financées, mais aussi à promouvoir les lieux de diagnostic précoce ;
la diversification des modalités d'accueil des personnes âgées en perte d'autonomie, avec notamment le développement de l'accueil de jour ou temporaire ;
l'atténuation de la coupure entre domicile et institutions. Il faut recréer du domicile ou du "chez soi" dans les établissements, appuyer le développement de domiciles collectifs ou de petites unités de vie, apporter au domicile des prestations plus professionnelles, plus diverses et mieux coordonnées.
Oui, je crois profondément que nous construisons aujourd'hui une vraie politique en faveur des personnes âgées mais je crois également que l'Etat seul ne peut pas tout faire.
C'est pourquoi, chaque fois que cela est possible, nous avons fait le choix de nous appuyer sur les compétences existantes, de mobiliser tous les acteurs et toutes les formes de solidarité.
C'est le cas pour l'APA.
L'APA est unanimement reconnue. Tout au plus n'entendons-nous que deux critiques sur cette allocation.
La première concerne les modalités de gestion. Nous avons, au gouvernement, écouté les partisans d'un nouveau risque de sécurité sociale. Que souhaitaient ces défenseurs du 5ème risque ?
Ils souhaitaient une allocation qui sorte d'une logique d'aide sociale. Universelle et proportionnelle aux revenus, non soumise au recours sur la succession du bénéficiaire, l'APA s'inscrit dans la ligne des prestations de protection sociale.
Ils souhaitaient une allocation plus égalitaire. L'APA, basée sur des plans d'aide construits à l'intérieur de barèmes nationaux répond également à cet objectif.
Nous avons donc répondu aux deux principales caractéristiques fondatrices des prestations de sécurité sociale. Mais nous y avons ajouté la personnalisation de l'aide et la gestion de proximité.
Pour cela nous nous appuyons sur l'action des travailleurs sociaux et des professionnels de santé dans le cadre des départements. Le choix des départements constitue un approfondissement de la décentralisation et conforte l'avenir du département comme niveau privilégié pour la décentralisation du social.
Nous avons ainsi fait le choix d'une gestion de proximité.
Par ailleurs, l'Etat s'est engagé à accompagner les départements dans le financement de l'APA et je veux ici répondre aux critiques liées au financement de l'APA.
Parce que nous avions conscience de l'effort supplémentaire qui leur était demandé, la loi a crée un fonds de financement de l'APA qui prendra en charge la moitié de dépenses nouvelles demandées aux départements.
Les déclarations alarmistes de quelques présidents de conseils généraux relèvent à mon sens plus de la rhétorique que de la sincérité des comptes.
J'en veux pour preuve deux exemples.
D'une part, les dépenses d'APA progresseront au cours de l'année 2002 puis 2003 alors que le fonds apportera son soutien financier dès le début 2002.
C'est ainsi que les conseils généraux ont déjà inscrit dans leur budget la totalité des recettes en provenance du fonds.
Cela sous-entend que, si une hausse des dépenses est à prévoir, elle peut tout à fait être lissée dans le temps. Aussi il ne faudrait pas que, sous peine de proximité d'échéance électorale cantonale en 2003, quelques majorités départementales fassent peser l'intégralité d'une charge pluriannuelle sur une seule année. Il ne faudrait pas qu'elles fassent croire ainsi que le gouvernement leur impose des dépenses qu'ils ne pourraient maîtriser que par une forte hausse de la pression fiscale locale.
Je voudrais dire aussi que, d'autre part, et dans un souci de dialogue et de transparence, le gouvernement a inscrit dans la loi un bilan d'étape assez proche puisque la représentation nationale aura à se prononcer sur le bilan quantitatif et qualitatif de l'APA dès 2003, que l'on commencera à préparer dès 2002, comme l'a rappelé récemment le Ministre de l'Intérieur au congrès de l'ADF.
Enfin, je voudrais, vous dire, que l'effort demandé aujourd'hui aux départements, particulièrement à ceux qui n'ont pas eu au cours des dernières années des politiques sociales ambitieuses, n'est que le rattrapage de ce qu'ils auraient pu faire s'ils n'avaient réalisé des économies sur l'aide sociale aux personnes âgées grâce à la PSD. S'il n'y avait pas eu la PSD, la projection des dépenses d'allocation compensatrice aux personnes de plus de 60 ans non autonomes aboutirait à un surcoût légèrement supérieur à celui de l'APA. Je rappelle que ni l'allocation compensatrice, ni la PSD ne faisaient l'objet d'aucune compensation en termes de solidarité nationale.
Je voudrais maintenant évoquer deux points qui me paraissent être les deux socles de la prise en charge des personnes âgées.
Je veux bien évidemment parler de l'aide à domicile et de l'accueil en établissement.
Sur l'aide à domicile
- Vous connaissez le maître mot de notre politique : c'est la professionnalisation. L'aide à domicile constitue un vrai métier, difficile, très insuffisamment reconnu.
Sans développer tous les axes d'une politique que j'aurai l'occasion de détailler à partir d'une communication au Conseil des Ministres au mois de décembre, j'insisterai sur 3 points :
La reconnaissance des professionnels passe par la publication des nouveaux textes sur les formations de l'aide à domicile, à intervenir dans les semaines à venir. Elle passe aussi par un effort de construction et de valorisation des carrières : convention collective unique, meilleure prise en compte de la qualification des personnels, validation des acquis, généralisation du remboursement des frais de trajet, reconnaissance et promotion de responsables de secteurs en matière d'aide à domicile.
Sur ces objectifs, j'ai enregistré un accueil favorable des partenaires sociaux de la branche de l'aide à domicile. Pour la première fois, et c'est vraiment un cap historique, ces partenaires ont manifesté leur accord pour aboutir à une convention collective unifiée.
C'est par ce travail sur les carrières et les conditions de travail que nous pourrons rendre plus attractifs les métiers de l'aide à domicile, et créer effectivement les dizaines de milliers d'emploi que permettra de financer l'APA.
Parallèlement nous renforcerons notre communication sur les métiers et mobiliserons le service public de l'emploi et ses partenaires locaux.
La priorité a reconnaître aux prestataires de service pour les handicaps les plus lourds a été nettement affirmée par le législateur.
La priorité affirmée pour les prestataires de services ne signifie en rien, bien au contraire, qu'ils n'auront plus à prendre en charge des handicaps plus légers. Au contraire, il faut mieux reconnaître le travail de prévention qui peut être accompli à ce stade. J'y travaille avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse et la Mutualité Sociale Agricole.
Malgré cela, j'entends parfois dire que les associations et les CCAS n'auront plus à intervenir dans le champ des GIR 4,5,6 et que le dispositif APA privilégie le gré à gré. A ces rumeurs, j'oppose le démenti le plus catégorique. C'est exactement l'inverse de ce que nous sommes en train de faire.
La politique de reconnaissance des professionnels et de professionnalisation du secteur, pour être parfaitement efficace, doit être soutenue par toutes les institutions, notamment les départements et les caisses. J'ai le sentiment que mes idées sur ce sujet ont rencontré un écho positif.
L'association des départements de France a manifesté son accord avec les dispositions des décrets qui assurent le respect des conventions collectives dans le financement des interventions à domicile prévues par les plans d'aide.
J'ai lancé par ailleurs une expérience de conventionnement entre prestataires de services, départements, caisse, pour assurer la diversification de l'offre de services, l'amélioration de la qualité des services, la qualification des personnels, et pour permettre aux gestionnaires de travailler dans le cadre de prévisions pluriannuelles d'activité. Cette idée a sur le terrain une forte résonance, une concrétisation est en cours dans une quinzaine de départements déjà.
Enfin, je voudrai terminer sur l'aide à domicile en attirant votre attention sur la large palette de services que l'APA permettra de financer. Rémunération d'intervenants à domicile bien entendu mais aussi aides techniques, adaptation du logement, règlement de frais transport, paiement d'accueil de jour ou d'accueil temporaire. Tout ceci démontre notre volonté de prendre en considération les besoins réels de chaque personne et donc ainsi de promouvoir le maintien à domicile.
Cette préoccupation d'amélioration de la qualité de la prise en charge notre vision des établissements.
La mise en place d'un nouveau régime de financement des établissements.
La réforme de la tarification, initiée en 1997, a d'abord été vivement critiquée.
Elle est entrée maintenant dans une nouvelle phase, celle de l'acceptation dans ses fondements, même si des difficultés opérationnelles de mise en uvre demeurent.
A ce jour, trop peu de conventions ont été signées au regard des possibilités ouvertes.
Je l'ai dit et je le redirai à chaque occasion qui me sera donnée, il n'y a jamais eu un effort aussi considérable en faveur des établissements. Cet effort est de 6 milliards sur 5 ans et j'entends que ces crédits nouveaux soient affectés rapidement aux établissements qui en ont besoin sur la base de règles du jeu clairement définies par le contenu des conventions tripartites. Je viens d'ailleurs d'autoriser la publication d'une circulaire délégant fin octobre une nouvelle enveloppe de plus de 250 millions de francs de moyens supplémentaires sur l'exercice 2001.
Ainsi, sur la seule région Aquitaine, ce sont plus de 45 Millions de francs qui ont été alloué pour accompagner les conventions. En Midi-Pyrénées, ce chiffre est d'environ 36 Millions de francs.
Ces moyens nouveaux représentent, pour la seule année 2001, ajoutés à l'extension du nombre de places de SSIAD, un accroissement des dotations régionales " médico-social personnes âgées " d'environ 15% pour chacune de ces deux régions.
Alors je dis qu'aujourd'hui le temps n'est plus à l'attentisme, aux considérations passéistes mais au contraire que nous devons tous ensemble avancer pour offrir collectivement un accueil d'une plus grande qualité encore à nos aînés
J'ai souhaité à mon arrivée au Secrétariat d'Etat qu'un bilan précis soit fait de la situation des résidents dans les EHPAD. Toutes les études démontrent que les effets conjoints de la réforme de la tarification et de la mise en uvre de l'APA entraîneront sauf exceptions assez rares, une diminution de la facture demandée à chaque personne accueillie.
J'ai pu personnellement me rendre compte en co-signant certaines conventions de l'effet de cette baisse qui peut parfois atteindre 50 francs voire 100 francs par jour pour les personnes les moins dépendantes.
Dans cette attente de signature, nous devions faire en sorte que l'ensemble des personnes hébergées puissent néanmoins bénéficier de l'APA dès le 1er janvier si elles le souhaitaient. Les départements seront de toute manière conduits à arrêter des budgets "dépendance" dès l'exercice 2002.
C'est pourquoi, je vous engage tous, représentants des établissements ici présents, représentants des conseils généraux, fonctionnaires de l'Etat, à conclure des conventions tripartites qui fixeront l'avenir de chaque structure pour les cinq prochaines années. Bien sûr des conventions peuvent être signées dès aujourd'hui et comporter avant le délai de 5 ans une clause de rendez-vous, y compris dans des délais très brefs, qui permettra d'adapter la convention au cas par cas.
Je crois en ces conventions parce que tout simplement, elles replacent la personne âgée au centre d'un dispositif promouvant la qualité de la vie.
Conclusion
J'ai confiance dans votre action parce que je sais votre engagement pour la cause que représente aujourd'hui la prise en charge des personnes âgées les plus fragilisées. Ce n'est que par la synergie de nos efforts que nous pourrons faire vivre une société pour tous les âges.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 20 novembre 2001)