Interview de M. Christophe Castaner, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à Radio Classique le 31 mai 2017, sur la composition du Gouvernement et l'avenir du compte pénibilité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

GUILLAUME DURAND
Bienvenue à vous tous. C'est Christophe CASTANER, d'ailleurs, bonjour.
CHRISTOPHE CASTANER
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Et bienvenu sur l'antenne de Radio Classique et Paris Première et qui est porte-parole du gouvernement, notamment, avec qui nous allons parler évidemment de l'actualité économique et de l'actualité sociale, avec les négociations, donc, avec les partenaires sociaux, concernant notamment la future loi travail.
(…)
GUILLAUME DURAND
Nous allons balayer, d'ailleurs, bienvenu, toutes les questions à caractère politique, mais au fond, quel est l'intérêt pour vous, je ne dis pas de sanctionner, mais de mettre en retrait... de ne pas mettre en retrait Richard FERRAND ?
CHRISTOPHE CASTANER
Eh bien tout simplement parce qu'il faut une base pour cela, et que la loi donne raison à Richard FERRAND. Aujourd'hui, qui devrait être le juge ? Le juge dit, le procureur national financier, le procureur de Brest : il n'y a pas d'affaire FERRAND. Il y a un débat, il y a un débat parfaitement légitime.
GUILLAUME DURAND
Il y a une affaire morale, même s'il n'y a pas d'affaire financière.
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, mais qui est juge de la morale ? Vous ? Moi ? Le Premier ministre ? La réalité.
GUILLAUME DURAND
Lui, quand il a attaqué François FILLON.
CHRISTOPHE CASTANER
Non, la différence c'est que François FILLON est mis en examen et qu'il y a eu un système organisé de détournements de fonds. Là on est sur une époque où Richard FERRAND n'est pas en politique, il n'est pas député, il fait des actes, qui sont des actes réguliers, et qui aujourd'hui, parce qu'il est devenu un homme politique, peuvent apparaitre comme choquants. Et moi j'entends le fait que les Français puissent être choqués. Ce qui m'intéresse, c'est comment faire en sorte que l'on fixe des règles claires, qui empêchent aujourd'hui tout débordement, qui vont vers cette exigence de moralisation.
GUILLAUME DURAND
Mais pourquoi ne pas demander une enquête dans ce cas-là ? Parce que finalement, entre le dossier du Monde qui montre qu'il a conduit une négociation qui a abouti à pouvoir faire gagner de l'argent à sa compagne, et les communiqués qu'il a donnés en disant « jamais il n'a été question de ça », est-ce qu'il ne serait pas tout simplement question de lui dire : « Mettez-vous en retrait de fonctions gouvernementales le temps des législatives et le temps d'une enquête » ?
CHRISTOPHE CASTANER
Guillaume DURAND, vous me dites : est-ce qu'il faut faire une enquête ? Mais moi j'y suis favorable. S'il y a des éléments qui nous conduisent, ou la justice, ou la police, ou la gendarmerie, à penser qu'il faut faire une enquête, il n'y a aucune difficulté là-dessus, la justice est libre, et heureusement, et personne ne fera obstruction à cela. Mais ce n'est pas au Premier ministre, ce n'est pas au porte-parole du gouvernement, de déclencher des enquêtes. La justice politique n'existe pas dans ce pays, et tant mieux, elle nous protège, elle vous protège vous aussi des journalistes. Toute la difficulté est qu'on est aujourd'hui dans un débat, qui est un débat sur la moralisation, qui est un débat majeur, et je comprends cette exigence.
GUILLAUME DURAND
Un débat que vous avez porté, c'est pour ça que les journaux, regardez, Libération ce matin « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».
CHRISTOPHE CASTANER
C'est pour ça que ça brouille le message, mais est-ce qu'on peut reprocher à l'homme politique, Richard FERRAND, des faits qui dans ses fonctions politiques l'empêcheraient d'être ministre ? Non. Et vous le savez très bien. Et toute la difficulté, elle est qu'il y a une suspicion, dans un débat où on aurait besoin de clarté pour effectivement porter ces engagements présidentiels, et ça sera la première loi sur laquelle le Parlement va devoir travailler, qui est celui de la transparence, de l'exigence, de la moralisation.
GUILLAUME DURAND
Je suis ravi de vous recevoir ce matin, mais pourquoi François BAYROU est-il muet ? Parce que lui, dans cette affaire-là, plus l'affaire Marielle de SARNEZ, il est garde des Sceaux, on ne l'entend pas.
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, d'abord, pourquoi est-ce qu'il est muet ? Tout simplement parce que le garde des Sceaux n'a pas vocation à commenter ce qui peut être demain une enquête judiciaire, et je pense qu'il a raison de se prémunir de cela. Deuxième élément, il n'y a pas d'affaire Marielle de SARNEZ, il y a une députée FN, qui a fait une lettre de dénonciation.
GUILLAUME DURAND
Sophie MONTEL.
CHRISTOPHE CASTANER
Il y a une enquête qui est en cours, et Marielle de SARNEZ, contrairement à Marine LE PEN, si elle devait être convoquée par la police, répondrait à la police ou répondrait à la justice. Mais, ne parlons pas d'affaire alors que l'on est sur une simple lettre de dénonciation, qui met en cause une assistance parlementaire qui a manifestement travaillé dans le cadre de ses fonctions. J'étais député il y a quelques jours, j'ai quatre assistants parlementaire, un à Paris, en circonscription, et je vous promets qu'ils bossent tous. S'il y a une lettre de dénonciation, il sera normal qu'il y ait une enquête sur le travail réel de mes collaborateurs, mais ne me condamnez pas, et ne condamnez pas Marielle de SARNEZ, avant cette enquête.
GUILLAUME DURAND
Sur le terrain, dans les Alpes-de-Haute-Provence, est-ce que vous considérez par exemple, et là, j'élargis, pas simplement une circonscription, qu'il y a quand même un malaise. C'est-à-dire que vous avez des sondages extrêmement positifs pour ces législatives, mais est-ce qu'il va y avoir un prix à payer à ces affaires en suspens ?
CHRISTOPHE CASTANER
Alors, est-ce qu'il y a un malaise ? Oui, vous avez raison...
GUILLAUME DURAND
Est-ce que vous avez ce sentiment-là ?
CHRISTOPHE CASTANER
... bien sûr, cette interrogation et cette exigence, et je crois que ceux qui ont voté pour Emmanuel MACRON sont plus exigeants encore, parce que nous avons porté ce nouveau monde. Mais, soyons jugés sur ce que nous allons faire, c'est-à-dire cette grande loi de moralisation. Mais le malaise, il est perceptible. J'étais sur le terrain dans les Alpes-de-Haute-Provence ce week-end, effectivement j'ai ressenti ce malaise. Donc il nous faut répondre, répondre par la transparence, par la clarté, c'est ce que fera Richard FERRAND dans quelques minutes chez un de vos confrères, parce qu'il veut aussi assumer de tout montrer, pour déterminer le fait qu'il n'a commis aucun fait qui est reprochable par la justice.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que le président de la République, est-ce que dans son attitude, est-ce qu'on peut être dur avec POUTINE et gentil avec FERRAND ? Parce qu'il a été quand même assez musclé avec Vladimir POUTINE.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais parce que son boulot c'est justement d'être dur pour défendre les intérêts de la France. Et il n'a pas vocation à être dur avec Richard FERRAND, parce que Richard FERRAND il faut lui reprocher quelque chose. Peut-être qu'on a deux, trois choses à reprocher au président POUTINE, il l'a fait, sur des sujets majeurs, comme par exemple la défense des droits des LGBT. Jamais un président n'avait osé affronter le président POUTINE comme il l'a fait, tant mieux, il fait son rôle. Ensuite, il ne faut pas demander au président d'être le commentateur des commentaires journalistiques, qui sont légitimes, mais il n'appartient pas au président de se mêler de ce débat-là.
GUILLAUME DURAND
Et est-ce que c'est pour cette raison qu'on est en train de décaler la loi sur la moralisation de la vie publique qui interviendra après le premier tour des législatives ?
CHRISTOPHE CASTANER
En fait, on s'est engagé à ce qu'elle soit débattue en Conseil des ministres avant les élections, elle le sera avant le second tour des élections et pas avant le premier tour. Il n'y a pas de retard, mais il y a un délai de travail d'instruction, le Conseil d'Etat est saisi, il faut un peu de temps au Conseil d'Etat. Le texte est prêt, il a été transmis au Conseil d'Etat et il sera soumis au conseil des ministres avant les élections législatives.
GUILLAUME DURAND
Mais j'entends tous vos arguments, mais il y a aussi la réflexion, par exemple de quelqu'un qui a soutenu En Marche !, c'est Daniel COHN-BENDIT. Au fond, il dit : « Etant donn tous les chantiers massifs qui attendent la République En Marche ! et le gouvernement et le président de la République, pourquoi ne pas demander à Richard FERRAND de se mettre en retrait, peut-être l'annoncera-t-il dans quelques instants, de ses positions gouvernementales, quitte à revenir si la vérité est faite, après ? Ça désamorcerait tout. Je ne suis pas conseiller, mais c'est une question qui vous est posée par Daniel COHN-BENDIT.
CHRISTOPHE CASTANER
Mais, il a raison Daniel COHN-BENDIT, il est efficace politiquement. Mais moralement, qu'est-ce qui me permet, moi, de dire : « Richard FERRAND, vous n'avez pas fait d'actes illégaux, les juges considèrent que ce n'est pas illégal, mais parce que la Presse vous met à poil, et c'est logique, je pense qu'il est nécessaire qu'on le soit tous, parce que la transparence, elle s'applique d'abord à nous, et parce que la Presse fait un travail de détail sur des opérations légales, mais bénéfiques, que vous avez réalisées avec votre compagne il y a quelques années, je vous demande de partir ». C'est très compliqué quand même. Qui je suis et...
GUILLAUME DURAND
Donc c'est un peu, c'est un bras de fer que finalement Emmanuel MACRON fait avec la Presse.
CHRISTOPHE CASTANER
Non, mais il n'y a pas de bras de fer. La Presse fait son boulot, et elle est légitime à faire son boulot, et on doit être encore plus transparents, nous, que d'autres. Et donc, moi, je ne reprocherai aux journalistes, il y a quatre journalistes du Monde qui ont travaillé sur cet article, il n'y a pas de faits qui sont contestés, il y a la façon dont c'est écrit, qui peu romancer de façon différente, mais ça, chacun a sa responsabilité, et donc on doit laisser la Presse travailler. Il n'y a pas de bras de fer. Par contre, moi, j'aimerais qu'on parle un peu plus du fond, et j'espère que quand on présentera dans quelques jours ce texte de moralisation, on verra que nous rentrons dans un nouveau monde.
GUILLAUME DURAND
Nous essaierons de le faire. BAROIN, CAMBADELIS, donc vouez, ça vient de partout, ils demandent solennellement la démission de FERRAND.
CHRISTOPHE CASTANER
Oui, enfin ça, c'est le jeu politique, ça fait des années, pour l'un, qui a été condamné, pour l'autre qu'il a le même discours, c'est toujours de montrer du doigt ses adversaires et de ne pas regarder ce qui se passe chez soi. Donc, objectivement, ils sont dans leur jeu politique, mais ce jeu-là n'intéresse plus nos concitoyens.
GUILLAUME DURAND
Dernière question sur ce thème, qui est celle de l'avenir. Vous avez toujours souhaité que des gens qui viennent de ce que l'on appelle la société civile, c'est-à-dire en clair du privé, intègrent, et ça va être le cas, puisqu'il y a forcément de nouveaux députés qui vont arriver, intègrent la vie politique, pour qu'il y ait une navigation entre le privé et le public. Mais est-ce que, ça chaque fois, ça ne va pas reposer le même problème ? C'est-à-dire que des gens qui viennent du privé, qu'ils soient médecins, ils ont travaillé avec des labos, qu'ils soient restaurateurs, ils ont travaillé avec des groupes alimentaires, est-ce qu'à chaque fois ne va pas se reposer le même problème avec les nouveaux arrivants ?
CHRISTOPHE CASTANER
Vous avez raison, c'est une prise de risques, mais je trouve que cette prise de risques elle est nécessaire. La moitié du gouvernement, aujourd'hui, 11 membres sur 22, est composée de femmes et d'hommes qui n'étaient pas en politique, et qui effectivement, on pourrait reprocher à la ministre de la Culture d'être en conflit d'intérêts, parce qu'elle va diriger, présider les intérêts du Centre national du livre, elle était elle-même à la tête d'une grande maison d'édition. Mais, est-ce que c'est un problème d'avoir des gens qui sachent de quoi ils parlent, pour en parler quand ils sont en politique ? Je crois qu'il faut évidemment couper ce qu'on appelle le déport, tout lien de dépendance économique, mais avoir un médecin qui est capable de s'intéresser à la loi sur la Sécurité sociale, je trouve que c'est plutôt une bonne chose.
GUILLAUME DURAND
Question, elle est aussi importante, il s'agit évidemment des questions qui relèvent de l'économie, on a appris que la croissance était plutôt favorable pour ce départ de quinquennat, est-ce que cette embellie économique ne va pas réviser à la baisse les ambitions que vous vous êtes données ? Finalement, vous vous dites : ça va beaucoup mieux, pourquoi réformer plus ?
CHRISTOPHE CASTANER
Eh bien au contraire, si ça va mieux, il faut réformer plus, pour que vraiment ça aille bien. Parce que même si ça va mieux, on ne va pas se satisfaire d'un 0,4 % de taux de croissance. Donc il n'est nécessaire d'aller plus loin, de moderniser notre pays, de libérer le travail, parce qu'aujourd'hui, moi je continue à rencontrer, dans mon département, à Manosque, à Barcelonnette, des gens qui me disent : « Mais je ne vais pas embaucher, c'est trop compliqué » et donc au bout du compte, l'entreprise elle ferme, elle ne trouve pas de repreneur. C'est vraiment du vécu sur le terrain. Je connais des chefs d'entreprise qui ne veulent surtout pas dépasser le seuil de 49 emplois, parce qu'après c'est une usine à gaz, et ils disent « oh non, mais j'interdis mon DRH d'aller au-delà, et je préfère ne pas augmenter ma capacité de production ». Et derrière, ce sont des emplois qui ne sont pas créés. Il faut libérer le travail, ça ne veut pas dire diminuer les droits des travailleurs, mais faire en sorte qu'on puisse être dans une société qui bouge.
GUILLAUME DURAND
Et justement, sur la question fondamentale, puisque ça a été présenté aux partenaires sociaux, encore une fois hier, du compte pénibilité. Le patronat n'en veut absolument pas de cette affaire, et les syndicats s'y accrochent mordicus. Vous êtes porte-parole du gouvernement, que va faire le gouvernement ?
CHRISTOPHE CASTANER
Le compte pénibilité est important. Le Premier ministre a réaffirmé l'importance du compte pénibilité. Et donc, il a commencé à être mis en oeuvre, depuis le 1er janvier, aujourd'hui il y a des salariés qui bénéficient de points, du fait de leurs tâches pénibles dans le travail, et c'est normal, nous maintenons ces droits. Par contre, il faut faire la différence entre des droits réels et des droits formels. En France on a cette capacité à déclarer des choses. Un jour on a voté une loi pour avoir un droit au logement opposable. Est-ce que ça a réglé le problème du logement ? Non. Et on voit que sur le compte pénibilité, il y a certains items, conditions qui génèrent des droits pénibilité, qui sont très difficiles à mettre en oeuvre. Donc on a dit : on va prendre le temps de trouver sur ces sujets, des indicateurs simples, simples pour l'employeur, simples pour le salarié, et nous les mettrons en oeuvre. Donc, notre objectif est d'avoir un compte pénibilité, et de ne pas le remettre en cause, mais un compte pénibilité qui soit faisable, qui soit pragmatique, qui soit intelligent.
GUILLAUME DURAND
Mais négocier dans chaque entreprise ou avec une loi ?
CHRISTOPHE CASTANER
Il faudra un cadre. Nous, nous sommes plutôt partisans de la négociation au plus près de l'entreprise, sur la pénibilité comme sur tout, mais il faut un cadre. Sur la réforme du droit du travail, le cadre c'est quoi ? Le salaire minimum, la durée à 35 heures du travail, et l'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations. Et ensuite, on renvoie au plus près du terrain, la discussion.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup Christophe CASTANER, donc, qui est porte-parole du gouvernement, et il est secrétaire d'Etat, donc, aux Relations au Parlement. Je rappelle que vous êtes candidat aux législatives, donc, en ce moment. Les législatives auront lieu, donc, du 11 au 18 juin prochain, enfin, premier tour le 11, deuxième tour le 18 juin prochain. Merci, bonne journée à vous.
CHRISTOPHE CASTANER
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er juin 2017