Texte intégral
PIERRE WEILL
Aujourd'hui 2 août l'humanité a consommé toutes les ressources que la Terre peut produire en une année, c'est le jour du dépassement de la terre calculé par un institut de recherche en Californie. En sept mois tout a été absorbé, il reste cinq mois et désormais les écosystèmes vont être surexploités. Nicolas HULOT, bonjour.
NICOLAS HULOT
Bonjour.
PIERRE WEILL
Ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire. Donc nous avons collectivement épuisé le potentiel renouvelable de la planète, vous dites « nous avons des raisons d'espérer », alors comment faire pour que cette date arrive plus tard ? En 1985, elle tombait le 5 novembre, en 1998, le 1er octobre, comment on fait maintenant ?
NICOLAS HULOT
Peut-être renouer avec l'étymologie du mot « économie », économiser ce n'est pas dépenser, ce n'est pas piller, ce n'est pas gâcher, ce n'est pas détruire et donc il faut que nous prenions conscience que sur Terre contrairement à l'illusion que nous avons eue jusqu'à peu, la norme n'est pas l'abondance, elle est la rareté, et d'imaginer qu'une croissance infinie est possible dans un monde fini c'est une illusion.
PIERRE WEILL
Alors on économise sur quoi ?
NICOLAS HULOT
D'abord tous les gisements de gâchis, tous les prélèvements indus. Croyez-moi, dans beaucoup de domaines à service et à confort égal, prenez le gâchis alimentaire pour ne parler que de celui-là, prenez dans le stress hydrique que connait la planète des utilisations abusives de l'eau par exemple, prenez certaines pratiques de pêche qui pour trois ou quatre espèces comestibles ou en tout cas qui ont une vocation commerciale on en détruit quelques dizaines d'autres, ce sont tous ces sujets-là. Prenez dans le domaine énergétique ou à confort égal on peut parfois diviser par quatre notre consommation énergétique, c'est tous ces gisements qu'il faut qu'ensemble on identifie et qu'on crée les politiques, les normes, les incitations, les dissuasions qui vont nous permettre de revenir à la notion basique de l'économie. C'est la sobriété, la sobriété ce n'est pas la décroissance, la sobriété ça permet d'éviter de basculer de la rareté à la pénurie parce que quand on tombe dans la pénurie alors là il y a de la tension, là il y a de la colère, là il y a de la violence. On s'est fait la guerre pour le pétrole, qu'en sera-t-il quand des ressources élémentaires comme les ressources halieutiques ou les ressources en eau ou simplement les ressources en terres agricoles deviendront des points de compétition. Ca demande de la gestion, ça demande de la compréhension et ça demande de la fermeté. Et l'économie circulaire notamment qui est un modèle économique qui est en train de se diffuser, qui va permettre encore une fois de passer d'une économie simplement d'exploitation, de prédation et de déchets à une économie où les déchets vont de nouveau devenir des matières premières et personnellement je présenterai un plan, une stratégie d'économie circulaire début 2018.
PIERRE WEILL
Vous parlez de plan, vous présenterez dans une semaine un plan anti-sécheresse sur la gestion de la ressource en eau, quelles mesures seront annoncées ?
NICOLAS HULOT
Non, je ne vais pas les annoncer avant le Conseil des ministres, vous savez, on ne va pas inventer l'eau chaude, ce qui est important c'est dans les usages de l'eau. En période de sécheresse ce qu'il faut bien comprendre c'est que malheureusement cette situation de sécheresse que l'on semble découvrir, qui était jusqu'à présent un peu l'exception elle va devenir assez régulière, on est dans les premières manifestations des changements climatiques. Les incendies de forêts dont on a connu des épisodes douloureux ces derniers jours et d'ailleurs qui ne sont pas encore totalement derrière nous sont les manifestations de ce qu'on appelle les premiers extrêmes climatiques. L'utilisation de l'eau pendant longtemps l'eau est apparue comme une ressource inépuisable mais on voit bien aujourd'hui il va falloir que l'on s'adapte !
PIERRE WEILL
Des économies là encore ?
NICOLAS HULOT
Oui mais qu'on s'adapte, notamment il y a des modes de production aujourd'hui agricoles qui sont très intensifs en consommation d'eau, il va falloir peut-être envisager très sereinement à adapter aussi l'agriculture aux contraintes climatiques d'aujourd'hui.
PIERRE WEILL
Justement vous parlez de l'agriculture, une trentaine d'organisations dont la Fondation pour la nature et l'homme, l'ex-fondation Hulot, dénoncent le quasi arrêt des aides à l'agriculture biologique et exigent plus d'aides, vous partagez ce point de vue ?
NICOLAS HULOT
Je partage l'objectif et moi j'attends beaucoup des Etats généraux de l'alimentation parce que pour moi mon point focus, mon marqueur, ce sont les Etats généraux de l'alimentation. Si les Etats généraux de l'alimentation peuvent avoir entre autre conséquence un rééquilibrage entre les aides à l'agriculture conventionnelle, l'idée n'est pas d'arrêter l'agriculture conventionnelle, et les autres modes de production parmi lesquels l'agroécologie et parmi lesquels l'agriculture biologique, j'attends beaucoup de ces Etats généraux de l'alimentation d'autant que la demande est là.
PIERRE WEILL
Mais vous trouvez acceptable que le ministre de l'Agriculture, Stéphane TRAVERT, annonce que seuls 2 % des aides agricoles européennes affectés à la France sont versés aux paysans bios ?
NICOLAS HULOT
Non mais il ne s'arrête pas à cette situation-là, Stéphane TRAVERT comme moi ce que l'on souhaite c'est évidemment d'encourager et de rééquilibrer notamment dans les aides du pilier 1 qui ont été basculées au pilier 2. Dans un premier temps qu'est-ce qu'a fait Stéphane TRAVERT ? Il a fait en sorte que dans ce basculement du pilier 1 au pilier 2 ça profite aussi à d'autres modèles agricoles et notamment les agricultures de montagne. Moi j'ai évidemment aussi à coeur, et ça sera, je l'espère, l'objectif et la conséquence des Etats généraux de l'alimentation, que l'agriculture bio soit beaucoup mieux dotée, donc rendez-vous à la deuxième étape des Etats généraux de l'alimentation. Et je veux rassurer ceux qui à juste titre s'inquiètent, en tout en ce qui me concerne c'est évidemment une de mes priorités.
PIERRE WEILL
Très peu de crédits pour une agriculture qui a beaucoup de succès, les Français sont de plus en plus fans de bio !
NICOLAS HULOT
Oui mais justement les filières sont en train de s'organiser, d'ailleurs très sincèrement il y a des agriculteurs bios qui s'en sortent très bien une fois que les aides à la conversion qui sont aussi importantes que les aides au maintien et ces aides à la conversion à mon avis qu'il va falloir surtout multiplier pour aider les nombreux jeunes agriculteurs qui ont envie de passer dans ce mode de production qui les réconcilie quelque part avec les consommateurs et qui leur donne une sécurité psychologique, économique et sanitaire.
PIERRE WEILL
Les suites de la Conférence de Paris sur le climat, Nicolas HULOT, une étude américaine publiée lundi affirme qu'il n'y a que 5 % de chance de limiter le réchauffement à deux degrés d'ici la fin du siècle, les températures selon cette étude vont probablement augmenter de deux à cinq degrés, c'est sérieux ?
NICOLAS HULOT
Ecoutez, tout ça ce sont autant de signaux d'alerte qui nous montrent une chose c'est que le seuil de l'irréversible n'est peut-être pas franchi mais il n'est pas loin d'être franchi. Vous avez, c'est BOSSUET qui disait « nous sommes d'étranges créatures qui nous infligeons des effets mais qui continuons à endurer les conséquences », donc il y a simplement un moment où il va falloir qu'on soit cohérent. Soit tout ça est certifié
PIERRE WEILL
Donc ça peut arriver.
NICOLAS HULOT
et la science est en train de donner un verdict et à ce moment-là il va falloir qu'on change radicalement notre modèle énergétique notamment. Et c'est bien pour ça aussi que je le dis aux uns et aux autres, la première chose c'est qu'il faut qu'on sorte des énergies fossiles et sortir des énergies fossiles il faut qu'on en sorte le plus rapidement possible, c'est pour ça que j'ai eu un plan Climat qui soit ambitieux. Mais si dans le même temps on est contre toutes les autres modes de production nergétique et notamment je le dis cela par rapport aux énergies renouvelables qui rencontrent beaucoup de résistance sur le terrain alors que c'est l'avenir de l'énergie, c'est l'avenir de la planète qui se joue, je demande simplement que dans les territoires on fasse preuve de compréhension pour le développement des énergies renouvelables parce que c'est ça qui va nous donner notre autonomie énergétique.
PIERRE WEILL
Mais, Nicolas HULOT, si on veut réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans notre production d'électricité d'ici à 2025 il faudrait fermer probablement 25 réacteurs nucléaires pour y parvenir, c'est ce que vous avez dit. 2025 je veux dire c'est demain, c'est dans huit ans, est-ce qu'on aura alors dans huit ans les énergies renouvelables pour remplacer ces réacteurs nucléaires fermés ?
NICOLAS HULOT
C'est justement la réponse qu'il faut qu'on apporte à cette question et c'est pour ça que j'ai posé ce débat sur la table et la réponse à cette question se fera dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et nous verrons les scénarios réalistes !
PIERRE WEILL
Donc vous n'êtes pas certain qu'on aura ces énergies renouvelables !
NICOLAS HULOT
En tout cas il faudra qu'à un moment ou un autre nous ayons ce point de rencontre, cette programmation, cet exercice qui va se faire collectivement nous apportera un scénario qui soit réaliste. Moi ce qui m'importe encore une fois c'est qu'on se fixe un objectif qui soit réaliste et qui soit irréversible une fois que nous aurons défini la trajectoire. Il faudra réduire la part du nucléaire, chacun le sait, et moi je ne veux pas me contenter simplement de fermer Fessenheim mais je veux une stratégie qui soit cohérente, c'est-à-dire libérer notamment les appels d'offres pour le développement des énergies renouvelables, réduire notre consommation énergétique en encourageant tous les process d'efficacité énergétique et mécaniquement nous allons sur des critères sociaux, économiques et de sécurité fermer un nombre de réacteurs. Le nombre on le dira lorsque nous nous serons mis d'accord sur le scénario et le calendrier aussi mais moi je ne me mettrai pas sur un calendrier qui soit irréaliste, par contre une fois que la date sera fixée il n'y aura pas de retour en arrière.
PIERRE WEILL
Un mot encore du retrait américain de l'accord de Paris, Donald TRUMP lorsqu'il était à Paris avec Emmanuel MACRON a dit que quelque chose pourrait se passer, est-ce qu'il y a actuellement des négociations en coulisses et finalement l'administration TRUMP pourrait changer d'avis, vous avez des informations ?
NICOLAS HULOT
Je n'en sais pas plus sur le « quelque chose », ce que je peux simplement vous confirmer c'est que l'Accord de Paris n'est pas négociable en aucun point.
PIERRE WEILL
Nicolas HULOT est notre invité ce matin, vous pourrez l'interroger dans sept à huit minutes dans Interactiv', 01.45.24.7000 mais là sur Inter et même ailleurs il est huit heures trente-et-une.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 août 2017
Aujourd'hui 2 août l'humanité a consommé toutes les ressources que la Terre peut produire en une année, c'est le jour du dépassement de la terre calculé par un institut de recherche en Californie. En sept mois tout a été absorbé, il reste cinq mois et désormais les écosystèmes vont être surexploités. Nicolas HULOT, bonjour.
NICOLAS HULOT
Bonjour.
PIERRE WEILL
Ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire. Donc nous avons collectivement épuisé le potentiel renouvelable de la planète, vous dites « nous avons des raisons d'espérer », alors comment faire pour que cette date arrive plus tard ? En 1985, elle tombait le 5 novembre, en 1998, le 1er octobre, comment on fait maintenant ?
NICOLAS HULOT
Peut-être renouer avec l'étymologie du mot « économie », économiser ce n'est pas dépenser, ce n'est pas piller, ce n'est pas gâcher, ce n'est pas détruire et donc il faut que nous prenions conscience que sur Terre contrairement à l'illusion que nous avons eue jusqu'à peu, la norme n'est pas l'abondance, elle est la rareté, et d'imaginer qu'une croissance infinie est possible dans un monde fini c'est une illusion.
PIERRE WEILL
Alors on économise sur quoi ?
NICOLAS HULOT
D'abord tous les gisements de gâchis, tous les prélèvements indus. Croyez-moi, dans beaucoup de domaines à service et à confort égal, prenez le gâchis alimentaire pour ne parler que de celui-là, prenez dans le stress hydrique que connait la planète des utilisations abusives de l'eau par exemple, prenez certaines pratiques de pêche qui pour trois ou quatre espèces comestibles ou en tout cas qui ont une vocation commerciale on en détruit quelques dizaines d'autres, ce sont tous ces sujets-là. Prenez dans le domaine énergétique ou à confort égal on peut parfois diviser par quatre notre consommation énergétique, c'est tous ces gisements qu'il faut qu'ensemble on identifie et qu'on crée les politiques, les normes, les incitations, les dissuasions qui vont nous permettre de revenir à la notion basique de l'économie. C'est la sobriété, la sobriété ce n'est pas la décroissance, la sobriété ça permet d'éviter de basculer de la rareté à la pénurie parce que quand on tombe dans la pénurie alors là il y a de la tension, là il y a de la colère, là il y a de la violence. On s'est fait la guerre pour le pétrole, qu'en sera-t-il quand des ressources élémentaires comme les ressources halieutiques ou les ressources en eau ou simplement les ressources en terres agricoles deviendront des points de compétition. Ca demande de la gestion, ça demande de la compréhension et ça demande de la fermeté. Et l'économie circulaire notamment qui est un modèle économique qui est en train de se diffuser, qui va permettre encore une fois de passer d'une économie simplement d'exploitation, de prédation et de déchets à une économie où les déchets vont de nouveau devenir des matières premières et personnellement je présenterai un plan, une stratégie d'économie circulaire début 2018.
PIERRE WEILL
Vous parlez de plan, vous présenterez dans une semaine un plan anti-sécheresse sur la gestion de la ressource en eau, quelles mesures seront annoncées ?
NICOLAS HULOT
Non, je ne vais pas les annoncer avant le Conseil des ministres, vous savez, on ne va pas inventer l'eau chaude, ce qui est important c'est dans les usages de l'eau. En période de sécheresse ce qu'il faut bien comprendre c'est que malheureusement cette situation de sécheresse que l'on semble découvrir, qui était jusqu'à présent un peu l'exception elle va devenir assez régulière, on est dans les premières manifestations des changements climatiques. Les incendies de forêts dont on a connu des épisodes douloureux ces derniers jours et d'ailleurs qui ne sont pas encore totalement derrière nous sont les manifestations de ce qu'on appelle les premiers extrêmes climatiques. L'utilisation de l'eau pendant longtemps l'eau est apparue comme une ressource inépuisable mais on voit bien aujourd'hui il va falloir que l'on s'adapte !
PIERRE WEILL
Des économies là encore ?
NICOLAS HULOT
Oui mais qu'on s'adapte, notamment il y a des modes de production aujourd'hui agricoles qui sont très intensifs en consommation d'eau, il va falloir peut-être envisager très sereinement à adapter aussi l'agriculture aux contraintes climatiques d'aujourd'hui.
PIERRE WEILL
Justement vous parlez de l'agriculture, une trentaine d'organisations dont la Fondation pour la nature et l'homme, l'ex-fondation Hulot, dénoncent le quasi arrêt des aides à l'agriculture biologique et exigent plus d'aides, vous partagez ce point de vue ?
NICOLAS HULOT
Je partage l'objectif et moi j'attends beaucoup des Etats généraux de l'alimentation parce que pour moi mon point focus, mon marqueur, ce sont les Etats généraux de l'alimentation. Si les Etats généraux de l'alimentation peuvent avoir entre autre conséquence un rééquilibrage entre les aides à l'agriculture conventionnelle, l'idée n'est pas d'arrêter l'agriculture conventionnelle, et les autres modes de production parmi lesquels l'agroécologie et parmi lesquels l'agriculture biologique, j'attends beaucoup de ces Etats généraux de l'alimentation d'autant que la demande est là.
PIERRE WEILL
Mais vous trouvez acceptable que le ministre de l'Agriculture, Stéphane TRAVERT, annonce que seuls 2 % des aides agricoles européennes affectés à la France sont versés aux paysans bios ?
NICOLAS HULOT
Non mais il ne s'arrête pas à cette situation-là, Stéphane TRAVERT comme moi ce que l'on souhaite c'est évidemment d'encourager et de rééquilibrer notamment dans les aides du pilier 1 qui ont été basculées au pilier 2. Dans un premier temps qu'est-ce qu'a fait Stéphane TRAVERT ? Il a fait en sorte que dans ce basculement du pilier 1 au pilier 2 ça profite aussi à d'autres modèles agricoles et notamment les agricultures de montagne. Moi j'ai évidemment aussi à coeur, et ça sera, je l'espère, l'objectif et la conséquence des Etats généraux de l'alimentation, que l'agriculture bio soit beaucoup mieux dotée, donc rendez-vous à la deuxième étape des Etats généraux de l'alimentation. Et je veux rassurer ceux qui à juste titre s'inquiètent, en tout en ce qui me concerne c'est évidemment une de mes priorités.
PIERRE WEILL
Très peu de crédits pour une agriculture qui a beaucoup de succès, les Français sont de plus en plus fans de bio !
NICOLAS HULOT
Oui mais justement les filières sont en train de s'organiser, d'ailleurs très sincèrement il y a des agriculteurs bios qui s'en sortent très bien une fois que les aides à la conversion qui sont aussi importantes que les aides au maintien et ces aides à la conversion à mon avis qu'il va falloir surtout multiplier pour aider les nombreux jeunes agriculteurs qui ont envie de passer dans ce mode de production qui les réconcilie quelque part avec les consommateurs et qui leur donne une sécurité psychologique, économique et sanitaire.
PIERRE WEILL
Les suites de la Conférence de Paris sur le climat, Nicolas HULOT, une étude américaine publiée lundi affirme qu'il n'y a que 5 % de chance de limiter le réchauffement à deux degrés d'ici la fin du siècle, les températures selon cette étude vont probablement augmenter de deux à cinq degrés, c'est sérieux ?
NICOLAS HULOT
Ecoutez, tout ça ce sont autant de signaux d'alerte qui nous montrent une chose c'est que le seuil de l'irréversible n'est peut-être pas franchi mais il n'est pas loin d'être franchi. Vous avez, c'est BOSSUET qui disait « nous sommes d'étranges créatures qui nous infligeons des effets mais qui continuons à endurer les conséquences », donc il y a simplement un moment où il va falloir qu'on soit cohérent. Soit tout ça est certifié
PIERRE WEILL
Donc ça peut arriver.
NICOLAS HULOT
et la science est en train de donner un verdict et à ce moment-là il va falloir qu'on change radicalement notre modèle énergétique notamment. Et c'est bien pour ça aussi que je le dis aux uns et aux autres, la première chose c'est qu'il faut qu'on sorte des énergies fossiles et sortir des énergies fossiles il faut qu'on en sorte le plus rapidement possible, c'est pour ça que j'ai eu un plan Climat qui soit ambitieux. Mais si dans le même temps on est contre toutes les autres modes de production nergétique et notamment je le dis cela par rapport aux énergies renouvelables qui rencontrent beaucoup de résistance sur le terrain alors que c'est l'avenir de l'énergie, c'est l'avenir de la planète qui se joue, je demande simplement que dans les territoires on fasse preuve de compréhension pour le développement des énergies renouvelables parce que c'est ça qui va nous donner notre autonomie énergétique.
PIERRE WEILL
Mais, Nicolas HULOT, si on veut réduire de 75 à 50 % la part du nucléaire dans notre production d'électricité d'ici à 2025 il faudrait fermer probablement 25 réacteurs nucléaires pour y parvenir, c'est ce que vous avez dit. 2025 je veux dire c'est demain, c'est dans huit ans, est-ce qu'on aura alors dans huit ans les énergies renouvelables pour remplacer ces réacteurs nucléaires fermés ?
NICOLAS HULOT
C'est justement la réponse qu'il faut qu'on apporte à cette question et c'est pour ça que j'ai posé ce débat sur la table et la réponse à cette question se fera dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et nous verrons les scénarios réalistes !
PIERRE WEILL
Donc vous n'êtes pas certain qu'on aura ces énergies renouvelables !
NICOLAS HULOT
En tout cas il faudra qu'à un moment ou un autre nous ayons ce point de rencontre, cette programmation, cet exercice qui va se faire collectivement nous apportera un scénario qui soit réaliste. Moi ce qui m'importe encore une fois c'est qu'on se fixe un objectif qui soit réaliste et qui soit irréversible une fois que nous aurons défini la trajectoire. Il faudra réduire la part du nucléaire, chacun le sait, et moi je ne veux pas me contenter simplement de fermer Fessenheim mais je veux une stratégie qui soit cohérente, c'est-à-dire libérer notamment les appels d'offres pour le développement des énergies renouvelables, réduire notre consommation énergétique en encourageant tous les process d'efficacité énergétique et mécaniquement nous allons sur des critères sociaux, économiques et de sécurité fermer un nombre de réacteurs. Le nombre on le dira lorsque nous nous serons mis d'accord sur le scénario et le calendrier aussi mais moi je ne me mettrai pas sur un calendrier qui soit irréaliste, par contre une fois que la date sera fixée il n'y aura pas de retour en arrière.
PIERRE WEILL
Un mot encore du retrait américain de l'accord de Paris, Donald TRUMP lorsqu'il était à Paris avec Emmanuel MACRON a dit que quelque chose pourrait se passer, est-ce qu'il y a actuellement des négociations en coulisses et finalement l'administration TRUMP pourrait changer d'avis, vous avez des informations ?
NICOLAS HULOT
Je n'en sais pas plus sur le « quelque chose », ce que je peux simplement vous confirmer c'est que l'Accord de Paris n'est pas négociable en aucun point.
PIERRE WEILL
Nicolas HULOT est notre invité ce matin, vous pourrez l'interroger dans sept à huit minutes dans Interactiv', 01.45.24.7000 mais là sur Inter et même ailleurs il est huit heures trente-et-une.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 août 2017