Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui afin de participer à ce colloque sur la ville organisé par la Caisse des Dépôts et Consignations, car la Caisse constitue depuis des années un partenaire essentiel de la politique de la ville. J'attache par ailleurs une grande importance à vos réflexions. Celles-ci doivent aider à bâtir des villes solidaires et équilibrées pour le XXIème siècle.
La ville est devenue le lieu de vie de quatre français sur cinq. Elle constitue aujourd'hui le cur des échanges économiques et culturels. Elle est aussi l'espace privilégié des mutations sociales et des innovations. A travers ses différentes dimensions, la ville se pose ainsi comme un enjeu majeur du début du siècle prochain.
Depuis juin 1997, le gouvernement s'est déjà fortement engagé sur le sujet, tant en terme de volonté politique qu'en terme de moyens financiers. Je ne rappellerai pas ici les mesures et les engagements pris lors des deux Comités Interministériels des Villes présidés par le Premier ministre en 1998. Je ne m'attarderai pas sur l'augmentation de plus de 30 pour cent des crédits de mon ministère et du budget global des politiques de la ville. En fait, létape qui me paraît la plus forte est la circulaire que le Premier ministre a adressée aux préfets le 31 décembre 1998, dans laquelle il affiche clairement sa volonté de voir la politique de la ville considérée comme une priorité des prochains contrats de plan Etat-région. Vous le voyez donc, Mesdames et Messieurs, le gouvernement s'est donné les moyens d'une politique pour les villes véritablement ambitieuse.
Cette année 1999 doit être l'occasion de franchir une nouvelle étape. Beaucoup de faits graves, parfois dramatiques dans l'actualité récente montrent qu'il nous faudra réussir une mobilisation sans précédent dans les années à venir. L'Etat et les collectivités locales bien entendu, mais aussi l'Europe, les partenaires économiques, associatifs et institutionnels et les habitants, nous devons tous être acteurs d'un changement qui impose à la fois une réforme de nos pratiques et une révolution des esprits. La politique de la ville que j'entends conduire aspire en effet à une révision profonde des modes d'intervention publique. Je souhaite ici vous présenter les lignes de force de cette nouvelle ambition pour les villes.
La démocratie
Tout d'abord, l'objectif politique poursuivi doit être clair. Nous ne devons pas accepter la résignation qui conduit à cette ville libérale, produit de choix individuels non maîtrisés collectivement et porteur de ségrégation spatiale et de dissolution du lien social. Nous ne devons pas non plus accepter la dérive qui conduit à une ville, produit du choix de quelques "experts". La ville du XXIème siècle doit être le résultat d'un vrai choix collectif à travers une démarche résolument démocratique.
Cela suppose deux évolutions majeures pour loutil de transformation que constituent les contrats de ville.
D'une part, ils devront reposer sur un vrai projet politique à l'échelle de l'agglomération, lui-même décliné en projets de ville ou en projets de quartier là où une politique plus ambitieuse de solidarité locale apparaîtra nécessaire.
D'autre part, les contrats de ville devront intégrer les modalités de la participation des habitants. On y retrouvera ainsi la manière de préparer dans la concertation les actions engagées sur le terrain mais aussi les démarches entreprises par les services publics de proximité pour établir un dialogue permanent avec la population. Lenquête publiée à loccasion de ce colloque montre que nous sommes loin du compte en ce domaine.
Lemploi et lactivité économique
Réussir à bâtir des villes plus solidaires pour le XXIème siècle impose par ailleurs de s'attaquer au problème de l'emploi et de la revitalisation économique de nos quartiers. Sur ce sujet, les inspections générales des affaires sociales et des finances viennent de révéler lefficacité limitée des politiques de zonage mises en place par le gouvernement précédent, et surtout leur faible impact sur l'emploi des populations des quartiers. Qui plus est, sur la dizaine de sites où les résultats ont été les plus probants, les rapporteurs ont insisté sur le fait quil sagissait des villes où la politique de la ville était la plus développée. Il nous faut donc aujourdhui aller plus loin et ne plus croire qu'un seul dispositif permettra d'atteindre à la fois l'objectif de création d'emploi et celui du développement de lactivité dans les quartiers.
C'est pourquoi, après avoir remis aux parlementaires la synthèse des rapports d'évaluation des dispositifs ZFU et ZRU, après en avoir discuté avec mes collègues du gouvernement et les élus locaux, j'entends approfondir la dimension économique de la politique de la ville et mettre en uvre, avec Martine AUBRY, de nouveaux outils de politique publique territorialisée. L'objectif sera de stimuler l'activité dans nos quartiers, de réinscrire ces derniers dans la dynamique économique de lagglomération et de permettre aux habitants, et notamment les plus jeunes, de pouvoir s'intégrer au monde du travail. En plus des contingents d'emplois-jeunes et de parcours TRACE réservés au bénéfice de nos quartiers, la politique de la ville devra notamment permettre de contractualiser avec les acteurs économiques locaux sur cet objectif d'insertion professionnelle, afin de concilier logique de compétitivité et logique de solidarité.
C'est ici sans doute qu'une révolution des esprits apparaît la plus nécessaire. Car, dans les villes où le monde économique local et les acteurs publics ont déjà réussi à travailler ensemble intelligemment, les effets sur l'implantation d'entreprises et le chômage des jeunes dans les quartiers en difficulté ont été positifs. En partant des expériences les plus abouties au niveau local, j'engagerai donc en 1999 une série dactions qui permettront de diffuser et de développer ces pratiques, car, bien qu'exemplaires, celles-ci se sont parfois heurtées à des modes d'intervention publique inadaptés. Dès 1999, j'attends également de la Caisse des Dépôts et Consignations un engagement fort sur ce thème.
La sécurité et la prévention
Un autre défi à relever dans nos villes est celui de la sécurité, et plus particulièrement la lutte contre les violences urbaines dont la médiatisation a pris aujourd'hui une dimension telle que nous avons parfois quelques difficultés à appréhender la réalité des évolutions. Concrètement, il est vrai que dans une partie des quartiers relevant de la politique de la ville, une augmentation significative de la délinquance violente est observée et que des tensions très fortes se sont développées entre certains groupes de jeunes et les forces de police, voire l'ensemble des agents publics. Cette situation est mal vécue par tous. Au sentiment de " victimisation " des jeunes répond le plus souvent un sentiment d'impuissance des agents publics et parfois une fuite dans lextrêmisme de certains adultes.
Soyons clairs, une solution miracle et à court terme n'existe pas sur ce sujet, même si des réponses visibles doivent être apportées rapidement par lEtat. Pour être efficace, il ne peut y avoir qu'une réponse globale et collective, fédérant l'ensemble des champs des politiques urbaines autour dun projet et mobilisant tous les acteurs, y compris la population. Aucune institution publique ne pourra jamais pallier une démission collective des adultes. Il faut donc réussir à restaurer leur autorité.
L'Etat doit engager une réforme profonde des pratiques professionnelles. Pour la police, Jean-Pierre CHEVENEMENT l'a dit, il faut réussir le passage à une vraie police de proximité, fondée sur des équipes à même dapporter des réponses concrètes à la population de chaque quartier, et plaçant au cur de ses objectifs le dialogue quotidien avec la population, notamment les jeunes.
La légitimité de l'intervention policière repose en effet sur un sentiment de justice. Or, dans certains quartiers, tout laisse supposer que cette justice n'existe pas. Discriminations à l'embauche, expression dun racisme latent, insuffisance des services publics, moindre attention à l'entretien des espaces, tout cela concourt naturellement à alimenter un sentiment d'injustice : il faut le combattre par des actions en faveur de l'emploi, de l'éducation, du cadre de vie mais aussi par une régulation permanente des représentations des uns et des autres, et donc par un dialogue constructif.
Des méthodes existent aujourd'hui. Elles supposent de nouvelles relations hiérarchiques entre agents de terrain et responsables, mais aussi une adaptation des dispositifs de formation des agents publics, et surtout lélaboration de projets communs, entre agents de terrain, et avec la population. Mon objectif pour 1999 est de réussir à développer ces pratiques au cur de tous les services publics.
Comme ont pu le montrer certains contrats locaux de sécurité, il est par ailleurs indispensable de bien cerner les sources de tension et didentifier les besoins des habitants, afin dapporter les réponses les plus appropriées aux différents problèmes posés. En matière de prévention et de sécurité, une réponse juste est beaucoup plus efficace quune réponse massive. Cela exige bien entendu plus de savoir-faire.
Toutes ces réflexions seront au centre des discussions lors des rencontres nationales des acteurs de la prévention que jorganiserai les 17 et 18 mars prochains à Montpellier. Il sagira pour nous à cette occasion de refonder la politique de prévention, afin de la rendre plus efficace dans le cadre de la nouvelle politique de sécurité mise en oeuvre par ce gouvernement.
Léducation
Cette évolution des pratiques doit également toucher la politique de l'éducation, qui est aussi la première des politiques de prévention et, à ce titre, trop souvent accusée de tous les maux de notre société. Pour répondre aux mutations sociales actuelles, l'éducation doit se réformer sans pour autant abandonner son principe d'égalité et son statut de service public.
Tout d'abord, la complexité de notre société actuelle, la multiplication des sources de savoirs nécessitent une réponse plus transversale. Il est évident aujourd'hui que la politique de l'éducation n'est pas de la seule responsabilité de l'éducation nationale. Si la notion de projet éducatif local émerge actuellement, c'est précisément parce qu'il est devenu plus que jamais nécessaire de fédérer l'ensemble des acteurs de l'éducation autour d'un projet territorial. Claude ALLEGRE, Ségolène ROYAL et moi-même avons souhaité nous inscrire dans cette perspective en affichant notre volonté de bâtir un texte d'orientation commun qui sera prochainement publié. Cette action déjà fortement symbolique devra ensuite être concrétisée en inscrivant la réforme des pratiques dans la formation des agents. C'est là que se situe le véritable levier.
Par ailleurs, la relance des zones déducation prioritaires, les contrats éducatifs locaux, la signature des nouveaux contrats de ville devront, en cette année charnière, permettre de mieux promouvoir la réussite tant scolaire que sociale des enfants et des jeunes.
Des " Grands Projets pour les Villes "
Il nous faut enfin recomposer nos villes, repenser les liens entre les différents quartiers en combattant la dynamique de ségrégation et, surtout, rendre les quartiers d'habitat social plus attrayants. Il faut donner à chacun le sentiment de vivre la ville, faire que les habitants de nos quartiers populaires puissent sentir qu'ils appartiennent à la même communauté de vie que les résidents des centres-villes et des quartiers plus favorisés. Ce sentiment de justice que j'évoquais tout à l'heure repose aussi sur une équité de traitement des espaces, sur le sentiment d'habiter un quartier normal. Grâce à sa persévérance, Louis BESSON a d'ailleurs démontré à Chambéry qu'une telle politique apportait des résultats concrets.
Il faut aujourd'hui accélérer le mouvement, et sur un certain nombre de quartiers, engager d'ambitieuses opérations de restructuration urbaine. Lenjeu est de reconquérir le coeur de nos agglomérations, de refaire la ville sur elle-même et donc de limiter lextension urbaine dans une perspective de développement durable. Lobjectif est aussi dengager de vastes opérations de renouvellement urbain avec des opérations de démolition, de restructuration et de reconstruction de logements, des aménagements paysagers, un traitement des coupures urbaines, mais aussi une diversification des fonctions du quartier par limplantation dactivités économiques.
Les Comités Interministériels des Villes du 30 juin et du 2 décembre 1998 ont affiché cette ambition. Le ministère de la ville, le ministère de l'équipement, du logement et des transports et la Caisse des Dépôts et Consignations à travers son programme "renouvellement urbain" se mobiliseront fortement sur cet enjeu. Mais la réussite ne pourra être au rendez-vous que si d'autres partenaires publics et privés sassocient à cette démarche.
Ainsi, des " Grands Projets pour les Villes " seront engagés. Grâce à lexpérience des Grands Projets Urbains auxquels ils succéderont, nous savons désormais les orientations qui devront présider à leur élaboration et leur mise en uvre, afin quils soient porteurs dune dynamique nouvelle. Je souhaite que cinq grands principes soient respectés.
En premier lieu, les Grands Projets devront sappuyer sur un vrai projet politique à léchelle de l'agglomération et du quartier. Il ne sagit pas en effet de démolir pour expulser les populations résidantes les plus paupérisées, et ainsi déplacer les problèmes. Il ne sagit pas non plus de démolir pour changer simplement la forme urbaine. Cest lavenir même du quartier dans lagglomération qui doit être défini.
Ces Grands Projets devront en outre reposer sur un vrai partenariat dans le contrat de ville. Cela suppose notamment l'implication des acteurs économiques, comme je lindiquais tout à lheure, et l'aboutissement de l'intercommunalité. Jinsiste sur ce dernier point avec dautant plus de détermination que le projet de loi dorientation et daménagement durable du territoire est examiné aujourdhui même à lAssemblée nationale.
Lun des enseignements les plus forts des Grands Projets Urbains est la nécessité dun projet global. Les Grands Projets de la politique de la ville ne devront donc pas être uniquement des projets urbains. L'articulation du projet spatial avec les actions sociales, économiques, éducatives, culturelles et la dimension "sécurité" sera lune des clés de la réussite.
Deux autres principes me paraissent enfin essentiels : l'implication des habitants dans l'élaboration et la mise en uvre du projet, et l'engagement des différents acteurs à mettre en place sur le quartier une gestion urbaine de proximité participative et de qualité. Cest en effet grâce à cela que lon pourra réconcilier le temps long du projet urbain et les attentes à court et moyen terme de la population. Cela permettra également une mobilisation citoyenne sans laquelle les politiques publiques restent dun effet limité.
Au cours du mois d'octobre, j'organiserai des Assises nationales avec l'ensemble des partenaires, afin de lancer officiellement ces " Grands Projets pour les Villes ". Les expériences les plus significatives recensées dans les Grands Projets Urbains et dans dautres sites de la politique de la ville y seront notamment présentées. Je souhaite que, dici la fin de lannée, plusieurs dizaines de Grands Projets de ce type puissent être labellisés en fonction des cinq critères énoncés précédemment, afin dêtre intégrés dans les futurs contrats de ville.
Dans la perspective de ce colloque, je fais donc appel à vous, Mesdames et Messieurs. J'ai déjà confié à l'architecte Philippe VIGNAUD la mission de me proposer une charte de qualité pour ces Grands Projets après avoir consulté le plus largement possible tous les professionnels. J'ai demandé à l'Institut pour la Ville, qui sera officiellement installé à la fin du mois d'avril et dont la mission de préfiguration a été confiée à Georges CAVALLIER, de faire émerger en priorité l'état des savoirs et des savoir-faire sur cette même question.
Ces actions symbolisent toute l'attention que je porte à ce sujet et ma détermination à réussir ces " Grands Projets pour les Villes ". Le rendez-vous d'octobre en déterminera toute la philosophie à travers des exemples concrets, nationaux ou étrangers. Pour ce faire, je serai toujours à l'écoute de toutes les propositions, tout comme la Délégation Interministérielle à la Ville, aujourd'hui redynamisée.
Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, c'est en représentant d'un Premier ministre et de tout un gouvernement déterminés à agir que je me suis exprimé devant vous. La ville et les enjeux de société qu'elle soulève, qui débordent le périmètre strict des agglomérations et concernent tout le monde, sont en effet au chapitre des priorités de tous les ministres.
Mesdames et Messieurs, je viens de mentionner plusieurs rendez-vous qui nous permettrons tout au long de cette année dapprofondir ces orientations. Je ne saurai oublier, parmi ceux-ci, le premier festival international de la ville qui se tiendra à Créteil du 24 au 26 septembre prochains. Je vous invite tous ici présents, en mon nom et en celui de Laurent CATHALA, député-maire de cette ville et vice-président du Conseil National des Villes, à participer à cette manifestation qui se veut carrefour de multiples rencontres sur les thèmes qui font la ville. Pendant trois jours, nous aurons loccasion de débattre, de partager des expériences et de participer à des événements culturels dont la variété sera le signe de la vitalité de nos villes.
Ainsi, 1999 doit être l'année de la mobilisation générale, l'année d'une nouvelle impulsion des politiques de la ville afin de répondre à l'un des enjeux les plus importants de ce début de XXIème siècle. Il faudra une réforme des pratiques et une révolution des esprits ; le gouvernement est déterminé à s'engager dans cette voie avec l'ensemble des partenaires publics et privés et avec les habitants.
(Source http//www.ville.gouv.fr, le 26 mai 1999)
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui afin de participer à ce colloque sur la ville organisé par la Caisse des Dépôts et Consignations, car la Caisse constitue depuis des années un partenaire essentiel de la politique de la ville. J'attache par ailleurs une grande importance à vos réflexions. Celles-ci doivent aider à bâtir des villes solidaires et équilibrées pour le XXIème siècle.
La ville est devenue le lieu de vie de quatre français sur cinq. Elle constitue aujourd'hui le cur des échanges économiques et culturels. Elle est aussi l'espace privilégié des mutations sociales et des innovations. A travers ses différentes dimensions, la ville se pose ainsi comme un enjeu majeur du début du siècle prochain.
Depuis juin 1997, le gouvernement s'est déjà fortement engagé sur le sujet, tant en terme de volonté politique qu'en terme de moyens financiers. Je ne rappellerai pas ici les mesures et les engagements pris lors des deux Comités Interministériels des Villes présidés par le Premier ministre en 1998. Je ne m'attarderai pas sur l'augmentation de plus de 30 pour cent des crédits de mon ministère et du budget global des politiques de la ville. En fait, létape qui me paraît la plus forte est la circulaire que le Premier ministre a adressée aux préfets le 31 décembre 1998, dans laquelle il affiche clairement sa volonté de voir la politique de la ville considérée comme une priorité des prochains contrats de plan Etat-région. Vous le voyez donc, Mesdames et Messieurs, le gouvernement s'est donné les moyens d'une politique pour les villes véritablement ambitieuse.
Cette année 1999 doit être l'occasion de franchir une nouvelle étape. Beaucoup de faits graves, parfois dramatiques dans l'actualité récente montrent qu'il nous faudra réussir une mobilisation sans précédent dans les années à venir. L'Etat et les collectivités locales bien entendu, mais aussi l'Europe, les partenaires économiques, associatifs et institutionnels et les habitants, nous devons tous être acteurs d'un changement qui impose à la fois une réforme de nos pratiques et une révolution des esprits. La politique de la ville que j'entends conduire aspire en effet à une révision profonde des modes d'intervention publique. Je souhaite ici vous présenter les lignes de force de cette nouvelle ambition pour les villes.
La démocratie
Tout d'abord, l'objectif politique poursuivi doit être clair. Nous ne devons pas accepter la résignation qui conduit à cette ville libérale, produit de choix individuels non maîtrisés collectivement et porteur de ségrégation spatiale et de dissolution du lien social. Nous ne devons pas non plus accepter la dérive qui conduit à une ville, produit du choix de quelques "experts". La ville du XXIème siècle doit être le résultat d'un vrai choix collectif à travers une démarche résolument démocratique.
Cela suppose deux évolutions majeures pour loutil de transformation que constituent les contrats de ville.
D'une part, ils devront reposer sur un vrai projet politique à l'échelle de l'agglomération, lui-même décliné en projets de ville ou en projets de quartier là où une politique plus ambitieuse de solidarité locale apparaîtra nécessaire.
D'autre part, les contrats de ville devront intégrer les modalités de la participation des habitants. On y retrouvera ainsi la manière de préparer dans la concertation les actions engagées sur le terrain mais aussi les démarches entreprises par les services publics de proximité pour établir un dialogue permanent avec la population. Lenquête publiée à loccasion de ce colloque montre que nous sommes loin du compte en ce domaine.
Lemploi et lactivité économique
Réussir à bâtir des villes plus solidaires pour le XXIème siècle impose par ailleurs de s'attaquer au problème de l'emploi et de la revitalisation économique de nos quartiers. Sur ce sujet, les inspections générales des affaires sociales et des finances viennent de révéler lefficacité limitée des politiques de zonage mises en place par le gouvernement précédent, et surtout leur faible impact sur l'emploi des populations des quartiers. Qui plus est, sur la dizaine de sites où les résultats ont été les plus probants, les rapporteurs ont insisté sur le fait quil sagissait des villes où la politique de la ville était la plus développée. Il nous faut donc aujourdhui aller plus loin et ne plus croire qu'un seul dispositif permettra d'atteindre à la fois l'objectif de création d'emploi et celui du développement de lactivité dans les quartiers.
C'est pourquoi, après avoir remis aux parlementaires la synthèse des rapports d'évaluation des dispositifs ZFU et ZRU, après en avoir discuté avec mes collègues du gouvernement et les élus locaux, j'entends approfondir la dimension économique de la politique de la ville et mettre en uvre, avec Martine AUBRY, de nouveaux outils de politique publique territorialisée. L'objectif sera de stimuler l'activité dans nos quartiers, de réinscrire ces derniers dans la dynamique économique de lagglomération et de permettre aux habitants, et notamment les plus jeunes, de pouvoir s'intégrer au monde du travail. En plus des contingents d'emplois-jeunes et de parcours TRACE réservés au bénéfice de nos quartiers, la politique de la ville devra notamment permettre de contractualiser avec les acteurs économiques locaux sur cet objectif d'insertion professionnelle, afin de concilier logique de compétitivité et logique de solidarité.
C'est ici sans doute qu'une révolution des esprits apparaît la plus nécessaire. Car, dans les villes où le monde économique local et les acteurs publics ont déjà réussi à travailler ensemble intelligemment, les effets sur l'implantation d'entreprises et le chômage des jeunes dans les quartiers en difficulté ont été positifs. En partant des expériences les plus abouties au niveau local, j'engagerai donc en 1999 une série dactions qui permettront de diffuser et de développer ces pratiques, car, bien qu'exemplaires, celles-ci se sont parfois heurtées à des modes d'intervention publique inadaptés. Dès 1999, j'attends également de la Caisse des Dépôts et Consignations un engagement fort sur ce thème.
La sécurité et la prévention
Un autre défi à relever dans nos villes est celui de la sécurité, et plus particulièrement la lutte contre les violences urbaines dont la médiatisation a pris aujourd'hui une dimension telle que nous avons parfois quelques difficultés à appréhender la réalité des évolutions. Concrètement, il est vrai que dans une partie des quartiers relevant de la politique de la ville, une augmentation significative de la délinquance violente est observée et que des tensions très fortes se sont développées entre certains groupes de jeunes et les forces de police, voire l'ensemble des agents publics. Cette situation est mal vécue par tous. Au sentiment de " victimisation " des jeunes répond le plus souvent un sentiment d'impuissance des agents publics et parfois une fuite dans lextrêmisme de certains adultes.
Soyons clairs, une solution miracle et à court terme n'existe pas sur ce sujet, même si des réponses visibles doivent être apportées rapidement par lEtat. Pour être efficace, il ne peut y avoir qu'une réponse globale et collective, fédérant l'ensemble des champs des politiques urbaines autour dun projet et mobilisant tous les acteurs, y compris la population. Aucune institution publique ne pourra jamais pallier une démission collective des adultes. Il faut donc réussir à restaurer leur autorité.
L'Etat doit engager une réforme profonde des pratiques professionnelles. Pour la police, Jean-Pierre CHEVENEMENT l'a dit, il faut réussir le passage à une vraie police de proximité, fondée sur des équipes à même dapporter des réponses concrètes à la population de chaque quartier, et plaçant au cur de ses objectifs le dialogue quotidien avec la population, notamment les jeunes.
La légitimité de l'intervention policière repose en effet sur un sentiment de justice. Or, dans certains quartiers, tout laisse supposer que cette justice n'existe pas. Discriminations à l'embauche, expression dun racisme latent, insuffisance des services publics, moindre attention à l'entretien des espaces, tout cela concourt naturellement à alimenter un sentiment d'injustice : il faut le combattre par des actions en faveur de l'emploi, de l'éducation, du cadre de vie mais aussi par une régulation permanente des représentations des uns et des autres, et donc par un dialogue constructif.
Des méthodes existent aujourd'hui. Elles supposent de nouvelles relations hiérarchiques entre agents de terrain et responsables, mais aussi une adaptation des dispositifs de formation des agents publics, et surtout lélaboration de projets communs, entre agents de terrain, et avec la population. Mon objectif pour 1999 est de réussir à développer ces pratiques au cur de tous les services publics.
Comme ont pu le montrer certains contrats locaux de sécurité, il est par ailleurs indispensable de bien cerner les sources de tension et didentifier les besoins des habitants, afin dapporter les réponses les plus appropriées aux différents problèmes posés. En matière de prévention et de sécurité, une réponse juste est beaucoup plus efficace quune réponse massive. Cela exige bien entendu plus de savoir-faire.
Toutes ces réflexions seront au centre des discussions lors des rencontres nationales des acteurs de la prévention que jorganiserai les 17 et 18 mars prochains à Montpellier. Il sagira pour nous à cette occasion de refonder la politique de prévention, afin de la rendre plus efficace dans le cadre de la nouvelle politique de sécurité mise en oeuvre par ce gouvernement.
Léducation
Cette évolution des pratiques doit également toucher la politique de l'éducation, qui est aussi la première des politiques de prévention et, à ce titre, trop souvent accusée de tous les maux de notre société. Pour répondre aux mutations sociales actuelles, l'éducation doit se réformer sans pour autant abandonner son principe d'égalité et son statut de service public.
Tout d'abord, la complexité de notre société actuelle, la multiplication des sources de savoirs nécessitent une réponse plus transversale. Il est évident aujourd'hui que la politique de l'éducation n'est pas de la seule responsabilité de l'éducation nationale. Si la notion de projet éducatif local émerge actuellement, c'est précisément parce qu'il est devenu plus que jamais nécessaire de fédérer l'ensemble des acteurs de l'éducation autour d'un projet territorial. Claude ALLEGRE, Ségolène ROYAL et moi-même avons souhaité nous inscrire dans cette perspective en affichant notre volonté de bâtir un texte d'orientation commun qui sera prochainement publié. Cette action déjà fortement symbolique devra ensuite être concrétisée en inscrivant la réforme des pratiques dans la formation des agents. C'est là que se situe le véritable levier.
Par ailleurs, la relance des zones déducation prioritaires, les contrats éducatifs locaux, la signature des nouveaux contrats de ville devront, en cette année charnière, permettre de mieux promouvoir la réussite tant scolaire que sociale des enfants et des jeunes.
Des " Grands Projets pour les Villes "
Il nous faut enfin recomposer nos villes, repenser les liens entre les différents quartiers en combattant la dynamique de ségrégation et, surtout, rendre les quartiers d'habitat social plus attrayants. Il faut donner à chacun le sentiment de vivre la ville, faire que les habitants de nos quartiers populaires puissent sentir qu'ils appartiennent à la même communauté de vie que les résidents des centres-villes et des quartiers plus favorisés. Ce sentiment de justice que j'évoquais tout à l'heure repose aussi sur une équité de traitement des espaces, sur le sentiment d'habiter un quartier normal. Grâce à sa persévérance, Louis BESSON a d'ailleurs démontré à Chambéry qu'une telle politique apportait des résultats concrets.
Il faut aujourd'hui accélérer le mouvement, et sur un certain nombre de quartiers, engager d'ambitieuses opérations de restructuration urbaine. Lenjeu est de reconquérir le coeur de nos agglomérations, de refaire la ville sur elle-même et donc de limiter lextension urbaine dans une perspective de développement durable. Lobjectif est aussi dengager de vastes opérations de renouvellement urbain avec des opérations de démolition, de restructuration et de reconstruction de logements, des aménagements paysagers, un traitement des coupures urbaines, mais aussi une diversification des fonctions du quartier par limplantation dactivités économiques.
Les Comités Interministériels des Villes du 30 juin et du 2 décembre 1998 ont affiché cette ambition. Le ministère de la ville, le ministère de l'équipement, du logement et des transports et la Caisse des Dépôts et Consignations à travers son programme "renouvellement urbain" se mobiliseront fortement sur cet enjeu. Mais la réussite ne pourra être au rendez-vous que si d'autres partenaires publics et privés sassocient à cette démarche.
Ainsi, des " Grands Projets pour les Villes " seront engagés. Grâce à lexpérience des Grands Projets Urbains auxquels ils succéderont, nous savons désormais les orientations qui devront présider à leur élaboration et leur mise en uvre, afin quils soient porteurs dune dynamique nouvelle. Je souhaite que cinq grands principes soient respectés.
En premier lieu, les Grands Projets devront sappuyer sur un vrai projet politique à léchelle de l'agglomération et du quartier. Il ne sagit pas en effet de démolir pour expulser les populations résidantes les plus paupérisées, et ainsi déplacer les problèmes. Il ne sagit pas non plus de démolir pour changer simplement la forme urbaine. Cest lavenir même du quartier dans lagglomération qui doit être défini.
Ces Grands Projets devront en outre reposer sur un vrai partenariat dans le contrat de ville. Cela suppose notamment l'implication des acteurs économiques, comme je lindiquais tout à lheure, et l'aboutissement de l'intercommunalité. Jinsiste sur ce dernier point avec dautant plus de détermination que le projet de loi dorientation et daménagement durable du territoire est examiné aujourdhui même à lAssemblée nationale.
Lun des enseignements les plus forts des Grands Projets Urbains est la nécessité dun projet global. Les Grands Projets de la politique de la ville ne devront donc pas être uniquement des projets urbains. L'articulation du projet spatial avec les actions sociales, économiques, éducatives, culturelles et la dimension "sécurité" sera lune des clés de la réussite.
Deux autres principes me paraissent enfin essentiels : l'implication des habitants dans l'élaboration et la mise en uvre du projet, et l'engagement des différents acteurs à mettre en place sur le quartier une gestion urbaine de proximité participative et de qualité. Cest en effet grâce à cela que lon pourra réconcilier le temps long du projet urbain et les attentes à court et moyen terme de la population. Cela permettra également une mobilisation citoyenne sans laquelle les politiques publiques restent dun effet limité.
Au cours du mois d'octobre, j'organiserai des Assises nationales avec l'ensemble des partenaires, afin de lancer officiellement ces " Grands Projets pour les Villes ". Les expériences les plus significatives recensées dans les Grands Projets Urbains et dans dautres sites de la politique de la ville y seront notamment présentées. Je souhaite que, dici la fin de lannée, plusieurs dizaines de Grands Projets de ce type puissent être labellisés en fonction des cinq critères énoncés précédemment, afin dêtre intégrés dans les futurs contrats de ville.
Dans la perspective de ce colloque, je fais donc appel à vous, Mesdames et Messieurs. J'ai déjà confié à l'architecte Philippe VIGNAUD la mission de me proposer une charte de qualité pour ces Grands Projets après avoir consulté le plus largement possible tous les professionnels. J'ai demandé à l'Institut pour la Ville, qui sera officiellement installé à la fin du mois d'avril et dont la mission de préfiguration a été confiée à Georges CAVALLIER, de faire émerger en priorité l'état des savoirs et des savoir-faire sur cette même question.
Ces actions symbolisent toute l'attention que je porte à ce sujet et ma détermination à réussir ces " Grands Projets pour les Villes ". Le rendez-vous d'octobre en déterminera toute la philosophie à travers des exemples concrets, nationaux ou étrangers. Pour ce faire, je serai toujours à l'écoute de toutes les propositions, tout comme la Délégation Interministérielle à la Ville, aujourd'hui redynamisée.
Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, c'est en représentant d'un Premier ministre et de tout un gouvernement déterminés à agir que je me suis exprimé devant vous. La ville et les enjeux de société qu'elle soulève, qui débordent le périmètre strict des agglomérations et concernent tout le monde, sont en effet au chapitre des priorités de tous les ministres.
Mesdames et Messieurs, je viens de mentionner plusieurs rendez-vous qui nous permettrons tout au long de cette année dapprofondir ces orientations. Je ne saurai oublier, parmi ceux-ci, le premier festival international de la ville qui se tiendra à Créteil du 24 au 26 septembre prochains. Je vous invite tous ici présents, en mon nom et en celui de Laurent CATHALA, député-maire de cette ville et vice-président du Conseil National des Villes, à participer à cette manifestation qui se veut carrefour de multiples rencontres sur les thèmes qui font la ville. Pendant trois jours, nous aurons loccasion de débattre, de partager des expériences et de participer à des événements culturels dont la variété sera le signe de la vitalité de nos villes.
Ainsi, 1999 doit être l'année de la mobilisation générale, l'année d'une nouvelle impulsion des politiques de la ville afin de répondre à l'un des enjeux les plus importants de ce début de XXIème siècle. Il faudra une réforme des pratiques et une révolution des esprits ; le gouvernement est déterminé à s'engager dans cette voie avec l'ensemble des partenaires publics et privés et avec les habitants.
(Source http//www.ville.gouv.fr, le 26 mai 1999)