Interview de M. Julien Denormandie, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires, à RTL le 13 septembre 2017, sur la baisse de l'aide personnalisée au logement et le gel du taux du livret A pendant deux ans.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez ce matin le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, Julien DENORMANDIE.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Julien DENORMANDIE.
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour ceux qui ne vous connaissent pas, il faut dire que vous êtes très discret, c'est d'ailleurs votre première matinale radio, on vous en remercie, je rappelle que vous êtes d'abord un très proche d'Emmanuel MACRON, vous avez été son directeur adjoint lorsqu'il était à Bercy, au cabinet. Quand il a envisagé de créer une société à l'été 2014, vous en étiez, entre autre.
JULIEN DENORMANDIE
C'est vrai.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne l'avez pas quitté d'une semelle pendant la campagne, vous vous occupiez d'En Marche. Et vous avez donc été bombardé au gouvernement auprès de Jacques MEZARD, vous êtes entre autre en charge du dossier logement, qui est un dossier énorme, capital, beaucoup d'argent, et effectivement, c'est la vie des Français au plus près de leur quotidien. Il y a eu beaucoup d'informations ces dernières heures, ces derniers jours, on va essayer de faire le clair. La France dépense beaucoup d'argent pour le logement, pour des résultats qui ne sont pas toujours efficaces. Est-ce que le budget du logement baissera l'an prochain ?
JULIEN DENORMANDIE
Vous avez raison de le rappeler, la France dépense beaucoup d'argent pour le logement. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que la France dépense chaque année quarante milliards d'euros pour le logement, quarante milliards d'euros, c'est plus que le budget de la Défense nationale, par exemple. Et en même temps, on voit que nos concitoyens sont de plus en plus dans une précarité de logement. Aujourd'hui, vous avez un Français sur six, un Français sur six, qui se considère en précarité de logement. C'est-à-dire que le logement est soit trop cher, soit trop petit, soit de mauvaise qualité…
ELIZABETH MARTICHOUX
Beaucoup d'argent, et une efficacité contestable. Et donc ?
JULIEN DENORMANDIE
Et donc, il faut dépenser moins et faire mieux, c'est ça la stratégie…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, il faut dépenser moins, la première partie de la phrase, c'est que le budget du logement va baisser pour 2018.
JULIEN DENORMANDIE
Mais vous savez, il ne faut pas avoir une lecture…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais c'est pour dire les choses claires, clairement…
JULIEN DENORMANDIE
Non, mais, il ne faut pas avoir une lecture comptable, ce qui importe, c'est, à la fin, avoir un meilleur résultat, si pour avoir ce meilleur résultat, on peut dpenser moins, eh bien, à ce moment-là, tout le monde est content.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous confirmez qu'on va dépenser moins ?
JULIEN DENORMANDIE
Je confirme que l'objectif, c'est de faire mieux en dépensant moins, exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et en baissant le budget, disons les choses clairement, ce sera quand même beaucoup plus simple, vous confirmez ? Bon. Deuxièmement, est-ce que les APL, ça, c'est un sujet qui, ces dernières heures, a fait couler beaucoup d'encre, est-ce que les allocations logement vont baisser dans le secteur des HLM, et ce sera, ensuite, compensé à proportion par une baisse des loyers, est-ce que c'est dans le plan logement qui va être présenté la semaine prochaine ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors, le plan logement réformera effectivement les APL, premier point. Deuxième point, les locataires qui, aujourd'hui, bénéficient de ces APL, ne perdront pas un euro, pas un euro, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la réforme des APL que nous allons faire, c'est une réforme qui ne doit pas coûter aux locataires. Le problème des APL, ce n'est pas les APL en tant que telles, les APL, on dépense dix-huit milliards, c'est énorme, évidemment, il faut diminuer ce coût, mais le problème de fond, ce n'est pas les APL, le problème de fond, ce sont les loyers, aujourd'hui, pourquoi les APL sont aussi élevées ? Parce que les loyers n'ont cessé d'augmenter depuis des décennies, et donc on va prendre le problème à la racine, on va arrêter cette augmentation incessante du montant des loyers en France.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous faites en sorte que, effectivement, les Français ne soient pas trop inquiets par les annonces, il y aura des baisses de loyers qui seront proportionnées aux baisses des APL, mais Julien DENORMANDIE, vous faites des économies, le premier motif qui est derrière ces annonces, c'est de faire des économies sur le budget !
JULIEN DENORMANDIE
Mais Madame MARTICHOUX, je vais vous prendre un autre exemple sur les APL, aujourd'hui, ce système des APL, il est donc lié à l'augmentation des loyers, mais un deuxième point, le système des APL aujourd'hui, il est injuste, vous savez pourquoi, quand vous calculez les APL, quand vous calculez les APL, on prend le revenu qui était le vôtre il y a deux ans, c'est-à-dire que j'étais au chômage il y a deux ans, et maintenant, j'ai retrouvé un emploi, eh bien, je continue à percevoir des APL alors que je n'en ai pas besoin. Ça, très clairement, c'est une mesure d'économies qui peut rapporter jusqu'à 1,3 milliard par an, 1,3 milliard, c'est plus juste…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez chasser les bénéficiaires abusifs des APL, c'est ce que vous êtes en train de nous dire ?
JULIEN DENORMANDIE
Je ne suis pas en train de vous dire ça, je vous dis qu'il faut remettre de la justesse, de la justice dans le système des APL…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, est-ce que vous allez aussi réformer les conditions d'attribution des APL ?
JULIEN DENORMANDIE
On ne va pas réformer les conditions d'attribution des APL, on ne les réformera pas, on ne les réformera pas…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, vous n'y toucherez pas ?
JULIEN DENORMANDIE
On n'y touchera pas. Ce qu'on fera, c'est que, on luttera contre le mal à sa racine, c'est-à-dire, le montant des loyers, premièrement, et deuxièmement, on rendra le système plus juste, parce qu'on définira le montant des APL en fonction des revenus que vous gagnez effectivement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et est-ce que les étudiants auront toujours droit aux APL ?
JULIEN DENORMANDIE
Les étudiants, bien évidemment, auront toujours droit aux APL, toutes les personnes qui aujourd'hui ont le droit aux APL continueront, et elles ne perdront pas…
ELIZABETH MARTICHOUX
Et avec les mêmes critères d'attribution…
JULIEN DENORMANDIE
Et elles ne perdront pas un euro.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous dites que les bailleurs sociaux vont donc, dans le secteur HLM, baisser les loyers, proportionnellement à a baisse des APL, 50, 60 euros en moins ?
JULIEN DENORMANDIE
50, 60 euros, le chiffre n'est pas…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais est-ce que c'est un ordre de grandeur qui vous paraît intéressant ? Est-ce que c'est ça ?
JULIEN DENORMANDIE
En fait, très honnêtement, très honnêtement, le chiffre n'est pas encore connu, tout simplement parce que nous sommes en train de discuter avec les bailleurs sociaux…
ELIZABETH MARTICHOUX
J'entends bien, il y a encore de quoi négocier, vous leur dites ce matin, on a dix jours encore pour négocier ça ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais bien entendu, il y a encore de quoi négocier, pourquoi, parce que, pourquoi vous pouvez baisser le loyer dans le parc social…
ELIZABETH MARTICHOUX
Le secteur social…
JULIEN DENORMANDIE
Pourquoi vous pouvez le baisser, parce que c'est l'Etat qui finance les bailleurs sociaux, c'est l'Etat, c'est la CAISSE DES DEPÔTS, c'est donc l'Etat qui a la main sur les conditions de financement, et bien évidemment, si vous améliorez les conditions…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous allez pouvoir leur imposer cette baisse, autour de 50 euros, un peu plus, un peu moins, vous dites, ce n'est pas arbitré, mais juste l'ordre de grandeur, ça vous paraît intéressant ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais, non, vraiment, ce n'est pas arbitré, ça dépend…
ELIZABETH MARTICHOUX
Une prudence absolue de Julien DENORMANDIE, donc vous avez la possibilité de leur imposer ça en modifiant le code de l'habitat, si j'ai bien compris, ils vont hurler, parce que, pour eux, ça fait énormément d'argent en moins, prenons 50 euros, multipliés par 12 mois, multipliés par le nombre d'allocataires, ça fait des sommes gigantesques, comment vous faites pour compenser ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais parce que vous partez d'un fait qui est : on leur imposera, mais, moi, je passe mes journées avec les organismes sociaux à discuter, quand vous êtes…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils sont déjà très inquiets depuis hier…
JULIEN DENORMANDIE
Ils sont déjà très inquiets, mais c'est assez normal, j'imagine qu'ils ne vont pas dire qu'ils sont ravis, je le conçois. Maintenant, qu'est-ce qu'on propose aux bailleurs sociaux ? On propose d'améliorer toutes leurs conditions de financement, quand vous améliorez leurs conditions de financement, de facto, ils peuvent…
ELIZABETH MARTICHOUX
Comment ? Comment ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors, c'est très technique, mais typiquement, quand vous empruntez auprès de la CAISSE DES DEPÔTS et que vous êtes un bailleur social, si vous pouvez emprunter sur une plus longue durée, ça vous coûte moins cher. C'est très technique…
ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple, c'est une piste, ça, d'accord, mais est-ce que vous pourriez aussi geler le taux de rémunération du LIVRET A, pendant deux ans, 0,75, pour que, précisément, les bailleurs sociaux puissent emprunte moins cher ? Voilà, c'est comme ça que ça fonctionne…
JULIEN DENORMANDIE
Oui, oui, oui…
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce que ça, c'est une piste ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui, c'est une piste, et c'est une bonne idée. Et vous savez pourquoi c'est une bonne idée ? Parce que le LIVRET A, qu'est-ce que c'est ? C'est l'épargne des Français, c'est l'épargne des Français. Et le LIVRET A, toutes ces dernières années, tous les six mois, la BANQUE DE FRANCE vient voir le gouvernement en disant : il faut diminuer ce taux du LIVRET A. Il faut le diminuer. Nous, ce qu'on dit, pour préserver l'épargne des Français, c'est très bien si ce taux du LIVRET A est maintenu stable pendant un certain nombre d'années.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc il ne baissera pas, il n'augmentera pas, il serait donc fixé à 0,75 pendant deux ans, pour permettre aux bailleurs sociaux d'obtenir ces taux d'emprunt intéressants. C'est ça ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais vous savez, ceux qui vous disent : le taux du LIVRET A, il doit augmenter, à chaque fois, ils vous disent : il doit augmenter parce que l'inflation augmente. Elle est de combien l'inflation aujourd'hui ?
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous dites : nous, on protège les Français d'une nouvelle baisse qui nous est demandée.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. Exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Emmanuel MACRON a plusieurs fois répété lundi, alors qu'il parlait du logement, il faut faire tourner le parc, il faut faire tourner le parc, ça veut dire quoi, ça veut dire que, aujourd'hui, il y a combien de personnes qui sont logées dans le parc, alors qu'elles n'y auraient plus droit ? C'est ça, l'idée, c'est de…
JULIEN DENORMANDIE
Non, le parc social aujourd'hui, le parc social, c'est six millions et demi de personnes. Vous savez combien il y a de personnes qui sont en attente d'un logement ? Plus de deux millions, deux millions de personnes ont fait la demande…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc c'est elles qu'il faut faire rentrer dans le parc ?
JULIEN DENORMANDIE
Il faut avoir une approche pragmatique, aujourd'hui, vous avez des personnes qui, une fois qu'elles sont dans le parc social, doivent absolument rester dans le parc social, on ne remet pas en cause le droit de rester autant de temps que nécessaire dans le parc social, jamais…
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc par exemple l'idée de mettre un bail de six ans pour réviser la…
JULIEN DENORMANDIE
Si, si, si…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, vous abandonnez ça ?
JULIEN DENORMANDIE
Ce n'est pas qu'on l'abandonne, c'est que c'est une idée qui n'a jamais été sur la table, qui a été reprise par des commentateurs…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'était une idée de faire un bail révisable à six ans…
JULIEN DENORMANDIE
En revanche, ce qu'on mettra en place, c'est un système qui consiste à dire : la commission qui, chaque année, attribue les logements sociaux, une fois qu'elle a attribué le logement social, elle ne se pose plus la question de savoir si la personne qui habite aujourd'hui dans un T5, alors qu'elle n'a plus d'enfants, pourrait très bien habiter dans un T2, toujours dans le parc social, donc ce qu'on dit, c'est que cette commission, tous les trois ans, tous les six ans, elle révisera la situation des personnes, mais sans jamais les exclure du parc social, jamais…
ELIZABETH MARTICHOUX
Sans jamais les exclure ?
JULIEN DENORMANDIE
Jamais.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et en revanche, celles qui par exemple ont des revenus supérieurs, dépassent les plafonds d'attribution, elles pourraient se voir infliger, si je puis dire, un surloyer ?
JULIEN DENORMANDIE
Oui, mais vous savez, c'est déjà la loi…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, oui…
JULIEN DENORMANDIE
Mais tout à fait, mais c'est déjà la loi…
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, si, la loi…
JULIEN DENORMANDIE
Mais c'est de la justice sociale, encore une fois, une personne dont les revenus sont supérieurs aux revenus pour être dans le parc social, le fait qu'elle paie un surloyer, non seulement, c'est déjà la loi, mais surtout, je pense que tous les Français le comprennent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Encore un tout petit mot malheureusement, on reviendra, vous reviendrez parler du logement, le prêt à taux zéro, qui permet un apport pour les primo-accédants, comme on dit, les jeunes par exemple, vous le gardez tel quel ou vous le réformez, vous le limitez ?
JULIEN DENORMANDIE
Alors, le prêt à taux zéro…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous le supprimez…
JULIEN DENORMANDIE
La loi dit qu'il va s'arrêter le 31 décembre 2017. On va le reconduire, on le reconduira, en revanche, de manière plus ciblée, c'est-à-dire, on ne le reconduira pas de la même manière partout sur le territoire, on le reconduira là où il est le plus nécessaire pour les Français…
ELIZABETH MARTICHOUX
Dans les zones par exemple plus ou moins tendues…
JULIEN DENORMANDIE
Exactement…
ELIZABETH MARTICHOUX
En fonction des zones, on aura droit ou pas au taux zéro ?
JULIEN DENORMANDIE
Exactement, mais…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est ce que vous nous dites ce matin…
JULIEN DENORMANDIE
Complètement, mais on le reconduira.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un tout petit mot avant de se quitter, Irma, la reconstruction est énorme, ça fait partie aussi de vos attributions…
JULIEN DENORMANDIE
Tout à fait.
ELIZABETH MARTICHOUX
Dans combien de temps, et quels moyens seront attribués à ce chantier énorme ?
JULIEN DENORMANDIE
Irma, il y a deux choses, gérer pour mon ministère le logement d'urgence, c'est-à-dire envoyer les tentes, envoyer des Algeco, envoyer toutes les habitations nécessaires pour gérer l'urgence de la situation sur le terrain actuellement, et on a déjà commencé et préparé toute la reconstruction ; préparer cette reconstruction, il faudra qu'on aille très vite, ce sera compliqué, il y aura des sujets de savoir comment on reconstruit, est-ce qu'il faut que toutes les habitations puissent résister à un cyclone, est-ce qu'il faut développer des abris spécifiques, et donc ça, nos experts sont déjà sur place, on les a tous envoyés depuis déjà près d'une semaine.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et c'est là-dessus aussi que vous planchez, et plan logement, en tout cas, début du plan logement, la semaine prochaine, vendredi, en Conseil des ministres, avant le projet de loi cet automne…
JULIEN DENORMANDIE
Exactement…
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup Julien DENORMANDIE, d'avoir été avec nous ce matin…
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous.
YVES CALVI
Beaucoup d'informations. Les locataires ne perdront pas un euro, nous dit le secrétaire d'Etat, en dépit de la réforme à venir sur les APL. Les négociations avec les bailleurs sociaux vont aboutir à des baisses de loyers non encore définies quant à leur montant. Enfin, le secrétaire d'Etat annonce un gel du LIVRET A à 0,75, pour plusieurs années, un turn-over sans exclusion du parc social dans notre pays, et un taux zéro, lui aussi, reconduit dans des zones ciblées.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2017