Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci Gérald DARMANIN. Aujourd'hui vous êtes ici avec nous, alors bienvenu et bonjour d'abord.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Cette nuit, l'intersyndicale n'a donc pas trouvé d'accord pour des actions communes contre votre politique sociale et contre les ordonnances. Elle va se revoir le 24 et d'ici-là, la CGT va protester à sa manière toute seule le 19 octobre. Ces divisions stratégiques du monde syndical, est-ce que c'est une preuve que le monde syndical est en train d'évoluer lui aussi ?
GERALD DARMANIN
Il y a une partie du monde syndical qui évolue et qui évolue vers le sens de la réforme. Qui préfère plutôt que le blocage la réforme et la négociation. Ç'a déjà été le cas depuis ce début de mandat. Mais moi, je suis un républicain et je suis un démocrate. Je suis un républicain parce que je crois qu'il est important de garder un droit de manifester, un droit de grève.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Evidemment.
GERALD DARMANIN
Evidemment. Et en même temps, je suis un démocrate. La majorité s'est exprimée dans les urnes pour que nous fassions ces réformes et nous allons les faire en négociant, en discutant mais nous allons les faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais avec l'échec d'hier, il n'y a pas de front syndical uni. Est-ce que ça veut dire que pour vous, vous avez les mains libres pour agir à votre guise ?
GERALD DARMANIN
Non. Il faut être modeste en toute chose. D'abord, la France est un pays qui souffre, qui a élu madame LE PEN à 11 millions de voix au second tour de la présidentielle, qui connaît un chômage très élevé, beaucoup de gens qui sont en difficulté. Dans ce que disent les syndicats, il y a aussi des vérités sur les conditions de travail des travailleurs par exemple. Il faut l'entendre, il faut l'écouter et il faut en même temps réformer la France, ne pas avoir peur non plus des blocages.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que vous entendez le malaise et même l'angoisse qui s'exprime et qui va s'exprimer aujourd'hui ?
GERALD DARMANIN
Il y a une partie effectivement de la population française qui travaille et une partie de la population française qui ne travaille pas, qui est effectivement dans une angoisse et il faut réparer cette angoisse. C'est d'ailleurs pour ça, je crois, qu'Emmanuel MACRON a été élu. C'est d'ailleurs pour ça qu'il a composé un gouvernement qui fait fi des clivages partisans et qui travaille pour l'intérêt général.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites « ceux qui travaillent », c'est-à-dire les 5,4 millions de fonctionnaires, sans parler de ceux qui ne travaillent pas, qui n'ont pas de travail, qui sont les chômeurs et les retraités.
GERALD DARMANIN
Vous avez à la fois une difficulté que le travail ne paye pas assez dans notre pays. Nous allons réparer ça en supprimant des cotisations, en augmentant dès le mois de janvier prochain la feuille de paie. Et puis il y a tous ceux qui ne travaillent pas parce qu'ils sont issus du système. Malheureusement, on pense souvent aux premiers c'est très important et on ne pense pas aux seconds, comment on remet les seconds au travail, comment on les aide à retrouver un travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous aimeriez voir les chômeurs manifester ou, au contraire, trouver un emploi. Mais les fonctionnaires aujourd'hui entament une grève massive avec à peu près 130 manifestations à travers tout le pays, mais Philippe MARTINEZ va défiler à Paris, Jean-Claude MAILLY à Lyon et Laurent BERGER à La Roche-sur-Yon en Vendée. Vous ne pouviez pas rêver mieux.
GERALD DARMANIN
Ecoutez, d'abord on verra ce soir quelle a été la mobilisation. Moi, je veux dire aux agents publics que je comprends à quel point aujourd'hui ils souhaitent de nouveau faire partie de ce pacte républicain qui a fait la grandeur de la France depuis 1945. Personnellement, je suis très fier d'être leur ministre. Je vais entendre les manifestants. J'ai reçu plus d'une trentaine de fois les organisations syndicales en cinq mois de fonction à mon ministère. Je continuerai à les recevoir et dès le 17 octobre, dès la semaine prochaine, nous voyons avec l'ensemble des syndicats
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous deviez les voir aujourd'hui.
GERALD DARMANIN
Oui. On a considéré que le jour d'une manifestation et d'une grève, ce serait un peu provocant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce n'est pas que vous n'étiez pas prêts.
GERALD DARMANIN
Non, bien sûr que non. Le Premier ministre d'ailleurs a dit hier très justement quelles étaient les compensations que nous ferions pour les agents publics.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va y arriver, on va y arriver.
GERALD DARMANIN
Aucun agent public ne verra son salaire baisser évidemment dès le mois de janvier prochain.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais si les manifestations sont importantes, si l'engagement est massif, est-ce que ça peut faire changer votre propre politique ?
GERALD DARMANIN
Non, parce que ce que nous faisons, c'est d'abord plusieurs choses qui consistent à remettre la France dans un système positif de croissance, de baisse des dépenses publiques et de transformation. Et qu'effectivement il va falloir que chacun comprenne que cette élection a changé le mode opératoire finalement des Français.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais que ça ne se fasse pas aux dépens des fonctionnaires ou de la fonction publique telle qu'elle est.
GERALD DARMANIN
Mais évidemment. Nous sommes là pour rassurer les agents publics. Vous savez, dans ma mairie de Tourcoing, moi je les vois tous les jours les fonctionnaires qui travaillent, qui sont au service de la population et qui rendent des grands services effectivement à l'intérêt général. Et on va les rassurer en leur disant qu'évidemment il n'y aura pas de perte de pouvoir d'achat. Il y a même une augmentation de pouvoir d'achat. Cette année, c'est 4 % d'augmentation en moyenne pour les agents publics.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
2017. 2018 ?
GERALD DARMANIN
Voilà. Ce qu'on appelle le GVT, le Glissement Vieillesse Technicité, plus le PPCR, ce qu'a négocié l'ancien gouvernement. 4 % d'augmentation de pouvoir d'achat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ils ne le ressentent pas ainsi.
GERALD DARMANIN
C'est la première fois depuis quinze ans qu'il y a une telle augmentation. Aucun salarié du privé n'a en moyenne 4 % d'augmentation. Alors qu'ici ou là il y ait des métiers dans la fonction publique je pense notamment aux catégories C qui connaissent peut-être une revalorisation nécessaire, nous allons y travailler et nous allons en discuter. Avec Jean-Michel BLANQUER, nous allons parler des ATSEM qui font un travail formidable dans les écoles. Avec madame la Ministre de la Justice, nous allons parler des surveillants de prison. On va travailler effectivement pour les métiers de la fonction publique et on en parlera évidemment avec les syndicats.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Au 1er janvier, la CSG, la contribution sociale généralisée, va augmenter de 1.7 point. Elle sera compensée pour les salariés par une baisse des cotisations sociales. Mais pour les fonctionnaires, dit le Premier ministre, la hausse de la CSG sera neutre. Qu'est-ce ça veut dire ?
GERALD DARMANIN
Ça veut dire que nous allons également la compenser. Aucun agent public ne perdra de l'argent
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire la compenser avec des primes.
GERALD DARMANIN
Soit on va supprimer aussi des cotisations : les fonctionnaires ne paient pas les mêmes cotisations que les salariés. Par exemple l1 %, ce qu'on appelle le 1 % qui a été créé voilà quelques années, on va proposer de supprimer cette cotisation. Il y a des contractuels de la fonction publique qui paient le 0,75, les mêmes que les salariés, nous allons proposer de les supprimer. Soit effectivement pour ceux qui ne payent pas ces cotisations, qu'on ne peut donc pas supprimer, une prime qui va permettre effectivement de compenser intégralement cette augmentation de CSG.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quel est le montant de ces primes globalement ?
GERALD DARMANIN
A proportion de 1,7 % de votre augmentation de salaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire qu'il n'y a ni perdant, ni gagnant.
GERALD DARMANIN
Il n'y aura aucun perdant et chaque agent public verra au mois de janvier le même voire plus d'argent à la fin du mois.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites 4 % d'augmentation en 2017. Et en 2018 ?
GERALD DARMANIN
Ce sera en moyenne 2 %
JEAN-PIERRE ELKABBACH
2 % moins 1 % d'inflation, c'est-à-dire 1 % d'augmentation.
GERALD DARMANIN
Oui, mais vous aurez constaté qu'il y aura donc une augmentation et qu'il y a beaucoup de salariés du privé qui aimeraient avoir cette augmentation de 2 à 4 % chaque année. Cependant, il y a dans la fonction publique des gens qui sont effectivement mal payés et j'ai dit aux syndicats de la fonction publique à la demande du président de la République et du Premier ministre ce qui avait été négocié sous l'ancien gouvernement, peu financé puisqu'il y a 4 milliards à débourser entre maintenant et 2020 nous le tiendrons. Donc les accords PPCR seront maintenus.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous voulez dire les engagements du précédent quinquennat, vous les tenez.
GERALD DARMANIN
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Sur la revalorisation des carrières et les destins et le sort des fonctionnaires.
GERALD DARMANIN
Nous tiendrons tout PPCR et on va expliquer aux syndicats qu'effectivement
JEAN-PIERRE ELKABBACH
PPCR, traduisez.
GERALD DARMANIN
C'est grosso modo l'augmentation pour un certain nombre d'agents de la fonction publique de la rémunération par métier. C'est le cas des militaires du rang, c'est le cas des policiers, c'est le cas des enseignants.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien. Ce que vous dites, est-ce que ce sont des mesures valables une année, 2018, ou plusieurs années ? Les primes et les compensations ?
GERALD DARMANIN
Ce que nous souhaitons, c'est qu'effectivement ce soit pérenne. Il n'y a pas chez les agents publics une volonté de leur diminuer leur pouvoir d'achat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc décision pérenne annoncée.
GERALD DARMANIN
Nous avons un rendez-vous syndical le 17 octobre. Nous proposerons qu'effectivement les compensations que nous proposons aux agents publics soient pérennes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais les compensations, ce n'est pas une augmentation. Laurent BERGER dit : « Il faut augmenter les rémunérations. »
GERALD DARMANIN
Mais j'entends ce que dit Laurent BERGER. Moi, j'ai beaucoup de respect pour les demandes syndicales, elles sont souvent légitimes. Je dis à Laurent BERGER que quand vous regardez l'augmentation en moyenne de la rémunération des agents publics, c'est 4 % cette année. Quel agent du privé a en moyenne 4 % d'augmentation ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais vous répétez les 4 % cette année, mais eux ils s'intéressent à ce qui va arriver en 2018, 2019, et cætera.
GERALD DARMANIN
L'année prochaine, la suppression des cotisations sociales c'est 1,4 % d'augmentation de la rémunération brute de tous les salariés. Tous les salariés l'année prochaine, quelqu'un qui est au SMIC va connaître à peu près 60 euros d'augmentation de pouvoir d'achat grâce à la suppression des cotisations. C'est 2 % pour les fonctionnaires.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Gérald DARMANIN, est-ce qu'il faut rappeler que le candidat Emmanuel MACRON prévoyait un gain de pouvoir d'achat pour tous les salariés agents publics ? Est-ce que vous dites ici que la promesse sera tenue ?
GERALD DARMANIN
Mais toutes les promesses du président de la République seront tenues. Les baisses d'impôts comme les économies, comme les augmentations de pouvoir d'achat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'autant plus qu'il a répété hier, et vous étiez là, devant des élus de la Commission des affaires sociales et des républicains En Marche, il leur a dit : « La boussole c'est le travail, et en même temps, l'augmentation des rémunérations dans certains cas. »
GERALD DARMANIN
Exactement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il le fera et vous le ferez.
GERALD DARMANIN
Et le président de la République est très attaché, et c'est pour ça d'ailleurs que j'ai choisi de le suivre, que le travail paye, que notre budget soit le budget de la feuille de paie, et moi je suis très heureux de porter cette politique sociale.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous allez engager une grande réflexion à partir de la semaine prochaine. Vous deviez commencer aujourd'hui, vous le faites la semaine prochaine. Lors de cette réflexion prévue avec les syndicats de fonctionnaires, est-ce que vous allez envisager ensemble les conséquences de la numérisation accélérée, progressive de la société française ?
GERALD DARMANIN
Vous avez tout à fait raison. Nous allons lancer dans l'administration dans le pays une réflexion, à la lumière de ce que peut-être madame PENICAUD a fait sur le travail, sur quelles sont les missions du service public aujourd'hui. Ça veut dire quoi aujourd'hui le service public ? En 1945, le général de GAULLE, aidé par les partis de la résistance, ont créé un statut, ont aidé. Moi je pense qu'il faut effectivement réfléchir à la demande du président de la République et du Premier ministre sur les missions du service public. Une fois qu'on aura défini ces missions, on y mettra les moyens et le nombre d'agents publics qui dépendent de ces missions. Est-ce que l'Etat doit continuer toutes ces missions ? Est-ce qu'il doit faire mieux notamment dans les territoires ruraux ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les collectivités locales aussi.
GERALD DARMANIN
Est-ce qu'il doit mieux mutualiser ? Est-ce qu'on doit travailler encore plus avec les collectivités locales ? Est-ce qu'on doit faire des nouvelles missions ? Comment on doit numériser ? Je regardais par exemple mon administration qui est celle des impôts. Voici une administration qui a su se moderniser. Elle a réussi de manière tout à fait spectaculaire. Je pense que les Français, même si parfois ils renâclent à payer ces impôts, peuvent voir que l'impôt en ligne, la numérisation par ce qu'on appelle la DGFIP, la Direction des finances publiques, ça rend des services énormes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et ça va se développer.
GERALD DARMANIN
Je pense que ça démontre que l'on peut à la fois moderniser l'administration et avoir confiance au service public.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En 2018, il y a 1 600 des emplois qui vont être supprimés. On dit c'est 50 000 emplois que vous voulez supprimer ou 120 000 en cinq ans ?
GERALD DARMANIN
120 000 suppressions d'emplois en cinq ans, 70 000 dans les collectivités, 50 000 dans l'Etat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
50 000 dans l'Etat.
GERALD DARMANIN
C'est la promesse du président de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec 1 600 de moins, il vous reste 48 400 en quatre ans. Avec quel rythme ?
GERALD DARMANIN
Moi, je ne suis pas un comptable, monsieur ELKABBACH. Derrière tout ça, il y a des réalités, il y a des services publics, il y a des villes et des villages de France qui ont besoin aussi de ce service public. Faire le rabot, faire le un sur deux, ça a ses limites. Aujourd'hui, on va réfléchir aux missions. Je rappelle que l'année dernière, mon prédécesseur a créé 14 000 postes et nous, on en supprime 1 6000. Donc vous voyez quand même une différence d'une année à l'autre. Mais je signale aussi aux syndicats de la fonction publique qu'avant de supprimer des postes, avant de savoir ce qu'on va faire, il faut regarder quelles sont les missions. Comment on numérise ? Comment on permet les procédures simplifiées ?
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On tient compte des évolutions technologiques.
GERALD DARMANIN
D'abord, nous allons travailler à ce constat et ensuite, on en tirera des conséquences.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Aujourd'hui, la Commission des finances de l'Assemblée nationale va vous écouter. Vous allez présenter le budget 2018, le premier du quinquennat Macron. D'abord, est-ce que vous allez, comme on l'entend dire, défiscaliser les heures supplémentaires ?
GERALD DARMANIN
Dans le projet du président de la République, il y a l'exonération de cotisations sociales pour les heures supplémentaires. Moi, j'y suis extrêmement attaché. Ce n'est pas dans le budget de l'année qui vient puisqu'on a choisi de faire la suppression des cotisations pour des heures qui ne sont pas supplémentaires, pour j'allais dire le travail de tout un chacun. Mais dans les années qui viennent, et j'espère le plus rapidement possible pour ce qui me concerne, cette promesse du président de la République comme toutes les promesses sera tenue et il y aura cette exonération.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Même si ce n'est pas dans le budget, vous pouvez commencer à l'appliquer en 2018.
GERALD DARMANIN
En 2018, nous avons la suppression des cotisations, c'est-à-dire une augmentation de pouvoir d'achat extrêmement importante pour tous les concitoyens, un 13ème pour quelqu'un qui est au SMIC. Ce sera le travail que nous ferons avec la suppression de la taxe d'habitation. Nous supprimons également dans ce budget-ci la taxe d'habitation. Je vois d'ailleurs qu'une partie des dirigeants des Républicains ont déposé des amendements pour ne pas qu'on supprime cette taxe d'habitation. Donc ils sont pour une augmentation de la fiscalité, ce qui me différencie fondamentalement d'une partie des dirigeants des Républicains.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors qu'ils vous demandent une baisse des impôts.
GERALD DARMANIN
Oui. Ce n'est pas la première contradiction que j'ai relevée de mes amis puisqu'ils défendaient la fin des contrats aidés voilà encore quatre mois et désormais, ils souhaitent qu'on garde ces contrats.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pour la mesure dont vous parlez, est-ce que vous en avez les moyens budgétaires ?
GERALD DARMANIN
Bien sûr qu'on en a les moyens budgétaires. Mais vous savez, ce qui est important c'est une dynamique, la politique économique. C'est la confiance. Aucun gouvernement n'a autant redonné de pouvoir d'achat à nos concitoyens et aucun gouvernement n'a autant baissé les impôts pour les entreprises et pour les particuliers.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On va y venir.
GERALD DARMANIN
Nous voulons créer un choc de confiance et c'est cette confiance qui va créer la croissance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, oui, mais le problème c'est que ça ne passe pas mais on va voir pourquoi. Votre prédécesseur à Bercy, Michel SAPIN, répète que ce budget n'est pas favorable aux riches, il est favorable aux très, très riches.
GERALD DARMANIN
Oui, mais Michel SAPIN n'est pas hypocrite ou insincère : il est très, très hypocrite ou très, très insincère. Voilà un homme qui a présenté un budget dont la première fois la Cour des comptes a dit qu'il avait des biais d'insincérité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais là, il dément. Il dément.
GERALD DARMANIN
Oui, il dément mais il est venu s'expliquer devant la Commission j'allais dire post-nomination du gouvernement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais répondez-lui sur le fond. Est-ce que ce budget illustre l'injustice sociale ?
GERALD DARMANIN
Monsieur SAPIN est très, très insincère parce que non seulement il a présenté un budget en partie insincère avec 3,4 % de déficit au lieu de 2,7 sur lequel il s'était engagé. C'est beaucoup. 5 milliards de sous-budgétisation, c'est beaucoup. Mais en plus, il avait créé une taxe, le gouvernement précédent, la taxe à 3 % sur les entreprises, 7 milliards de recettes fiscales, dont le Conseil constitutionnel vient de dire la semaine dernière que c'était une taxe illégale. Donc non seulement il a présenté un budget insincère en partie et, en plus, il a fait une taxe illégale que nous allons devoir rembourser. Je pense que quand on est à ce niveau d'irresponsabilité, je crois que le mieux effectivement est de ne plus commenter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La meilleure des choses, c'est qu'un jour vous discutiez, vous débattiez tous les deux et, par exemple, à CNews. Vous y êtes prêt éventuellement ?
GERALD DARMANIN
Moi ce qui m'intéresse, c'est de parler avec des hommes d'avenir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça, c'est cruel.
GERALD DARMANIN
Non, c'est vrai. Voilà un homme
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Là, il va être conseiller de François HOLLANDE.
GERALD DARMANIN
Oui, chacun fait ce qu'il souhaite. Moi, je respecte Michel SAPIN en tant qu'homme ; en tant que ministre, je peux quand même constater que l'ardoise est très forte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Comment un président de la République et un gouvernement qui voulait être ni de droite ni de gauche arrive à avoir l'étiquette qui leur colle à la peau de président et gouvernement des riches ? Comment on en arrive là ?
GERALD DARMANIN
Mais je pense que vous fonctionnez avec les étiquettes du vieux monde. Au début du quinquennat précédent, on a beaucoup
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ne pouvez pas arrêter de parler du vieux monde ? Comme si le monde nouveau commençait au mois de mai dernier. « Le monde nouveau est arrivé. » Avant Jésus et après Jésus.
GERALD DARMANIN
Vous connaissez la référence de la lumière et des ténèbres des années précédentes. Moi ce que je peux vous dire, c'est que dans le quinquennat précédent, on a beaucoup taxé les plus aisés. Est-ce que les plus pauvres ont été moins pauvres ? Est-ce que les gens de Tourcoing ont été moins au chômage ? Est-ce que ça a réglé les problèmes économiques que de laisser avancer les passions et la jalousie françaises ? Non. Moi ce que je constate aujourd'hui, c'est que nous baissons comme jamais nous baissons la fiscalité. Pour les particuliers, nous supprimons la taxe d'habitation. Pour quelqu'un qui paye 600 euros de taxe d'habitation cette année, c'est 400 euros l'année prochaine, c'est 200 euros de moins dès l'année prochaine, et nous baissons pour les entreprises les charges et les impôts comme jamais, parce que nous voulons remettre les gens au travail.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Là c'est la période des amendements, c'est-à-dire des corrections. C'est la République En Marche, le parti du président, qui réclame que vous taxiez davantage les yachts d'une certaine dimension, les voitures de luxe, les écuries de course, et cætera. Vous, gouvernement, vous accepterez cet amendement ?
GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr. Il ne s'agit pas de toucher la nouvelle assiette de l'IFI, l'assiette sur l'immobilier, mais s'il y a une surtaxe supplémentaire je l'ai dit à Richard FERRAND sur un certain nombre de produits ostentatoires qui ne sont pas productifs ; ce que nous voulons, c'est encourager l'économie productive, c'est que l'argent aille dans l'économie française
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc, vous accepterez.
GERALD DARMANIN
Moi, j'y serai favorable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais alors, pourquoi vous ne l'avez pas prévu avant ? Pourquoi il a fallu qu'il y ait tous ces remous ?
GERALD DARMANIN
Mais c'est le principe même de la démocratie parlementaire. Le Parlement, il est là pour modifier, pour amender, pour proposer davantage que le gouvernement. Et moi, je suis très heureux qu'il y ait un débat avec le Parlement. Il ne fait que commencer, ça va durer trois mois et j'en suis très heureux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce qui est amusant, c'est que le rapporteur général du budget, le Marcheur Joël GIRAUD, qui en principe doit aider le gouvernement, a été un des premiers à porter l'attaque sur le gouvernement. Et c'est le président du groupe, Richard FERRAND, qui va défendre l'amendement dans l'Hémicycle, celui qui vous venez d'accepter. Est-ce qu'il y a déjà des frondeurs chez les Marcheurs ?
GERALD DARMANIN
Non, je ne crois pas. Il y a un dialogue, un dialogue extrêmement important. Est-ce que sur le fond nous sommes d'accord sur la baisse des impôts ? Sur l'augmentation du pouvoir d'achat ? La réponse est oui parce que je peux vous donner un scoop : l'intégralité des promesses du président de la République et des députés, dont Joël GIRAUD qui est mon ami, dont Richard FERRAND qui préside le groupe La République En Marche, sont dans le budget.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ils ont agi sur ordre.
GERALD DARMANIN
Non. Mais moi, je considère qu'il y a un débat et je suis tout à fait favorable à leur amendement de surtaxe.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Encore une question technique. On lit ici et là que le gouvernement pourrait supprimer les allocations des familles les plus aisées selon les conditions de ressources. Est-ce que c'est vrai ou faux ?
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas dans le budget du PLFSS, le budget de la Sécurité sociale que nous présentons avec Agnès BUZYN.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est faux ?
GERALD DARMANIN
Il y a une proposition d'un parlementaire qu'est Olivier VERAN. Je pense que ce débat mérite d'être porté sur la place publique mais il n'est pas dans le budget
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous y êtes favorable ou défavorable ?
GERALD DARMANIN
Je pense que le président de la République a évoqué l'importance de la politique familiale. Il y a aujourd'hui un quinquennat précédent qui a beaucoup supprimé d'allocations pour les plus riches. Personnellement, je suis très attaché aux allocations familiales, à l'universalité des allocations familiales, mais moi je suis surtout favorable à la justice sociale. Et la justice sociale, c'est des familles monoparentales, et dans le budget de la Sécurité sociale que nous proposons avec Agnès BUZYN, il y a une aide comme jamais pour les familles monoparentales.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Gardons un peu de temps pour la politique. C'est le mardi de la vérité.
GERALD DARMANIN
C'était de la politique ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La grande politique, maintenant la politique partisane. Ce soir, votre parti va décider de vous exclure. DARMININ, PHILIPPE, LECORNU, dehors. Pourquoi vous dites au Figaro « Ce n'est pas à moi de partir des Républicains, mais plutôt à eux qui accompagnaient François FILLON au Trocadéro » ?
GERALD DARMANIN
D'abord, ça fait cinq mois qu'ils auraient dû nous exclure et manifestement, ils ont du mal à trouver l'article des statuts qui leur permette d'exclure ceux qui servent l'intérêt général. La deuxième des choses, c'est que je constate personnellement qu'un certain nombre sont plus courageux aujourd'hui alors qu'ils auraient dû l'être au moment où une radicalité assez forte s'exprimait dans le parti politique auquel j'appartiens. Moi, j'ai quitté la campagne au moment du Trocadéro.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le parti est en cours de radicalisation.
GERALD DARMANIN
Une partie, une partie. Une partie de ses dirigeants qui n'a pas su choisir entre le bulletin de vote Marine LE PEN et le bulletin de vote Emmanuel MACRON. Mais c'est très important, ça. Quand on est gaulliste ou démocrate chrétien, on n'hésite pas entre le bulletin de vote Marine LE PEN et le bulletin de vote d'Emmanuel MACRON. C'est incroyable ce qui s'est passé et je pense qu'avant d'exclure, certains feraient mieux de s'excuser.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui. Mais pourquoi vous tenez tellement à un parti qui vous accuse quelques-uns de trahison et qui veut vous chasser. Pourquoi ?
GERALD DARMANIN
J'ai adhéré au RPR, j'avais 16 ans, parce que je croyais en la politique de Philippe SEGUIN, au gaullisme social. Ça fait 17 ans que je suis adhérent dans ma famille politique. Je ne vois pas pourquoi je partirai sous prétexte que quelques-uns désormais font la politique de la droite extrême.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc si ce soir ils vous excluent, vous passez devant la Commission des recours. Ce que j'ai regardé, c'est que vous êtes le président de la Commission des recours. On est en plein dans la drôlerie ou le ridicule.
GERALD DARMANIN
Ce que je constate surtout, c'est qu'on a une famille politique qui, au lieu de se poser la question de pourquoi elle a perdu, pourquoi elle a été éliminée du second tour de la présidentielle, pourquoi elle a porté un programme qui était trop dur avec les faibles, pourquoi il n'y avait pas assez de dimension sociale par exemple, préfère exclure les membres qui pensent différemment ? Ça s'appelle des procès staliniens.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous dites : « Si à la fin le sectarisme l'emportait, je préfèrerais être exclu que de perdre mon âme. » C'est-à-dire ?
GERALD DARMANIN
C'est certain. Je préfèrerais effectivement partir ou me voir exclure que de soutenir la politique que monsieur WAUQUIEZ semble vouloir mener, c'est-à-dire celle de la droite extrême.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais dans quel cas on perd son âme quand on est Républicain ?
GERALD DARMANIN
Quand on ne choisit pas le bulletin de vote entre Emmanuel MACRON et Marine LE PEN. Quand on considère que tout ce qu'on peut dire sur la droite extrême est désormais la ligne politique de ma famille politique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous pensez à qui là ?
GERALD DARMANIN
A Laurent WAUQUIEZ. Quand je vois que monsieur WAUQUIEZ, qui est un garçon intelligent, travailleur, en vient à travestir les propos de la chancelière d'Allemagne pour critiquer le président de la République, je me dis que ma famille politique
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais pourquoi vous l'avez dans le collimateur lui ?
GERALD DARMANIN
Mais non. Mais moi, je trouve que Laurent WAUQUIEZ, que je respecte à titre personnel, aujourd'hui porte assez mal la fonction de chef de mon futur parti et je constaterai qu'à ce moment-là il y a un désaccord extrêmement profond entre lui et moi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que là, vous ne partez pas. Vous attendez que Laurent WAUQUIEZ devienne président.
GERALD DARMANIN
Le pire n'est jamais certain. On va voir l'élection quand même.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et quand vous adhérerez à En Marche ?
GERALD DARMANIN
Ecoutez, la politique politicienne peut être intéressante mais ce qui m'intéresse, c'est d'être au plein service du Premier ministre et du président de la République.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans Le Figaro, vous dites : « Je me sens à l'aise dans la majorité du président MACRON. »
GERALD DARMANIN
Tout à fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Pourquoi ne pas faire le pas ?
GERALD DARMANIN
Je constate que le président MACRON est bien moins sectaire que les dirigeants de ma famille politique, parce que le président MACRON ne m'a jamais demandé de choisir entre mon parti politique et l'intérêt de la France. Il demandé qu'on travaille dans l'intérêt de la France. Madame LE PEN a fait 11 millions de voix.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, on l'a dit tout à l'heure. Si vous êtes exclu, qu'est-ce que vous faites ?
GERALD DARMANIN
Monsieur ELKABBACH, le soir électoral on peut dire : « Plus jamais ça. On a tout compris, on a tout changé » et puis la semaine d'après, on a tout changé, et puis la semaine d'après retourner dans les délices du système comme disait le général de GAULLE. Moi je n'oublie pas que madame LE PEN a fait 11 millions de voix et que dans ma commune, c'est monsieur MELENCHON et madame LE PEN qui sont arrivés en tête. Si on ne comprend pas qu'on a déçu les Français, c'est qu'on n'a rien compris. Emmanuel MACRON l'a compris, manifestement les dirigeants des Républicains ne l'ont pas compris.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avis aux Républicains. Merci d'être venu avec nous et d'avoir répondu sur les fonctionnaires.
GERALD DARMANIN
Merci.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Demain, je recevrai ici Pascal PAVAGEAU qui va succéder dans quelques mois à Jean-Claude MAILLY à la tête de Force Ouvrière. Merci.
GERALD DARMANIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 octobre 2017