Déclaration de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, sur les perturbateurs endocriniens et la santé publique, à Lille le 10 octobre 2017.

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Circonstance : Rencontre "Des villes et territoires sans perturbateurs endocriniens", à Lille le 10 octobre 2017

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un moment fort que de clôturer cet après-midi cette 1ère rencontre européenne des villes et territoires sans perturbateurs endocriniens.
Je veux tout d'abord ici saluer le Réseau Environnement Santé et son Président, André Cicolella, infatigable militant de la santé publique et grand pourfendeur des perturbateurs endocriniens, pour son action depuis de nombreuses années et pour cette nouvelle initiative. Car au-delà des actions réglementaires européennes et nationales relatives aux substances et produits chimiques, la mobilisation des citoyens mais aussi des Villes et des territoires est désormais essentielle dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens.
Les perturbateurs endocriniens ne constituent pas une simple question de santé publique : il s'agit bel et bien d'un défi majeur et atypique.
Un défi scientifique, un défi d'expertise, un défi réglementaire, un défi technologique, et bien sûr un défi sanitaire et environnemental.
Un enjeu scientifique de compréhension des mécanismes toxicologiques d'action de ces substances, un enjeu réglementaire d'identification et de gestion dans un cadre rigoureux et harmonisé, un enjeu technologique d'identification de substituts sûrs et efficaces. Les enjeux de santé quant à eux sont désormais largement connus et ont été par le passé pointés par l'Organisation Mondiale pour la Santé : pathologies chroniques multiples, troubles de la reproduction, troubles métaboliques, ... Il s'agit aussi d'un enjeu financier puisque certaines études évaluent à près de 150 milliards d'euros par an en Europe les coûts liés à l'exposition de nos concitoyens aux perturbateurs endocriniens. Enfin et peut être surtout, il s'agit d'un enjeu de crédibilité pour notre expertise sanitaire et sa capacité à appuyer la décision publique, dans un cadre de transparence indispensable, au niveau national ou européen.
La France s'est montrée pionnière dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens par son travail de fond sur ces questions, symbolisée par son action sur le bisphenol A, mais le chemin reste encore long et difficile …
Le travail est d'abord européen. La France a sans relâche insisté pour qu'une définition exigeante des perturbateurs endocriniens soit arrêtée au niveau européen. Bien que les textes réglementaires l'aient imposé depuis 2013, l'Europe reste à ce jour sans critères officiels permettant de faire entrer en vigueur une interdiction des substances reconnues comme PE dans les pesticides. Dans ce contexte, la France prend acte du vote récent du Parlement européen sur la définition des perturbateurs endocriniens, ainsi que de la demande formulée par le Parlement à la Commission de soumettre sans délai un nouveau projet de règlement. Face aux enjeux sanitaires et environnementaux, il y a plus que jamais urgence à agir : nous invitons donc la Commission européenne à soumettre une nouvelle proposition ambitieuse et rigoureuse. Dans ce contexte, Nicolas Hulot et moi avons écrit ce jour au Commissaire européen compétent pour lui demander de remettre sur la table, sans délai, une nouvelle proposition prenant notamment acte de la nécessité de revenir sur la question des exemptions.
Par ailleurs, la France rappelle qu'elle est prête à travailler avec la Commission et ses partenaires européens pour accélérer la mise en œuvre d'une stratégie globale sur les perturbateurs endocriniens en proposant de nouvelles réglementations dans les secteurs prioritaires des jouets, des cosmétiques ou des emballages alimentaires. En effet, au-delà des pesticides, la question des perturbateurs endocriniens concerne d'abord notre environnement quotidien et les produits de consommation courante de nos concitoyens : alimentation, emballages alimentaires, cosmétiques ou encore jouets. Nicolas Hulot interviendra ce vendredi à Bruxelles, devant ses homologues et la Commission européenne, pour demander un haut niveau d'ambition dans ce domaine. Ces questions supposent un effort communautaire considérable en matière de recherche, en matière d'expertise, en matière d'encadrement réglementaire. Il formulera également des propositions pour améliorer le fonctionnement de l'Europe sur ces questions de santé-environnement, qu'il s'agisse des perturbateurs endocriniens, des nanomatériaux, des produits phytosanitaires ou des nouvelles biotechnologies.
Nous ne pouvons néanmoins tout attendre du seul niveau européen. C'est pourquoi nous avons décidé de prolonger ou d'initier au niveau national de nouvelles actions sur la question des perturbateurs endocriniens. Ainsi :
Dès l'été prochain, l'information du public sera considérablement renforcée. Cela se traduira notamment par un site Internet dédié avec des exemples concrets et des conseils personnalisés, ainsi qu'une campagne de communication visant à toucher tous les citoyens. Une journée nationale sur les perturbateurs endocriniens sera par ailleurs organisée en 2018 et permettra de mettre en valeur les enjeux sanitaires et environnementaux mais aussi des outils pour permettre à tous les Français d'accéder à une bonne information et d'adopter les gestes pour réduire leur exposition à ces substances. Dans ce contexte, nous étudions également avec les autres ministères concernés les possibilités techniques et juridiques pour mettre en place un étiquetage identifiant la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits de grande consommation. Enfin, la liste des produits « pesticides » qui contiennent des substances identifiées par la Commission européenne comme potentiellement perturbatrices endocriniennes a été rendue publique.
Comme vous le savez, la première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a donné lieu à de multiples initiatives. Arrivée à terme, elle fait actuellement l'objet d'une évaluation. Le rapport d'évaluation de cette stratégie sera rendu public et donnera lieu à une large concertation avec les parties prenantes afin de décider des nouvelles actions à engager pour les prochaines années.
En matière d'expertise et d'encadrement réglementaire, à la demande du ministère, l'Anses poursuivra un programme ambitieux d'évaluation de substances visant à leur encadrement dans le cadre des règlements REACH et CLP, à l'instar de la démarche initiée sur le bisphenol A.
Enfin, pour avancer dans la connaissance des effets sanitaires et environnementaux des perturbateurs endocriniens, nous devons encore accroître nos efforts de recherche. Aussi, en complément des crédits d'ores et déjà disponibles, j'ai décidé d'affecter en 2018 deux millions d'euros de mon département ministériel au financement d'un programme de recherche sur les perturbateurs endocriniens. Ce montant viendra en addition des sommes consacrées chaque année par l'Anses dans le cadre du programme national de recherche en environnement santé travail (PNREST). Il fera l'objet d'un appel à projets spécifiques dans le cadre de ce programme, pour ouvrir le plus largement possible ce financement aux meilleures équipes de recherche.
Mais l'action sur les perturbateurs endocriniens ne doit pas rester une action isolée, sans cohérence d'ensemble et sans démarche plus systémique. Notre ministère s'inscrira pleinement dans la future stratégie de santé, qui sera élaborée en cette fin d'année. Nicolas Hulot et moi-même avons souhaité, et obtenu de la part d'Agnès Buzyn, que la santé-environnement soit un des axes majeurs de cette stratégie nationale de santé. Cela rejoint d'ailleurs les préconisations du Haut-Conseil de santé publique qui cet été a identifié les sujets santé-environnement, et notamment l'exposition aux produits chimiques, comme l'un des 4 grands risques de santé pour les prochaines années. A cette occasion, le gouvernement élaborera une feuille de route santé-environnement qui permettra de donner une approche globale et ambitieuse de notre action collective. Le Groupe Santé-Environnement (GSE) , auquel le RES participe activement,sera très prochainement réuni, en présence de nos deux ministres, pour débattre des priorités à inclure dans cette feuille de route et dans la stratégie nationale de santé.
Toutes les opportunités d'action doivent être saisies : les Etats généraux de l'alimentation en constituent une. Je ne reviendrai pas ici sur les débats relatifs au glyphosate, vous savez l'engagement de notre ministère et de notre ministre d'Etat pour protéger la santé des agriculteurs, de notre population et de notre éco-système. De façon plus générale, ces Etats généraux doivent être l'occasion de trouver le chemin qui permet d'apporter :
* les garanties nécessaires sur la protection de nos citoyens, qu'il s'agisse des produits phytosanitaires, des perturbateurs endocriniens ou des nanomatériaux que nous pouvons retrouver dans notre alimentation ;
* les conditions techniques et économiques soutenables pour les acteurs concernés. La promotion de la santé environnementale n'est pas qu'une question de principe, c'est aussi une question de mise en oeuvre concrète qui nécessite de se donner les moyens financiers ;
* une vision commune, et partagée, car lorsque les acteurs économiques et institutionnels prennent conscience des enjeux, leur ambition et leurs actions se tournent tout naturellement dans la bonne direction.
Ces Etats généraux sont divisés en deux chantiers. Le chantier 2, qui commence cette semaine, permettra d'aborder les sujets concernant les liens entre la santé-environnement et l'alimentation. Le Président de la République aura l'occasion, demain, de donner ses grandes priorités pour ce chantier crucial.
Tous ces éléments témoignent de l'action forte de notre gouvernement sur l'enjeu majeur que constituent la santé environnement et les perturbateurs endocriniens. Cette action constitue à l'évidence le socle des nécessaires progrès en matière de réduction de l'exposition de l'environnement et de nos concitoyens à ces substances préoccupantes. Elle doit aussi être accompagnée de développements technologiques et d'actions d'accompagnement industrielles ambitieuses. Mais cette action suppose bien plus encore. Elle suppose l'engagement citoyen de chacun dans le cadre de nos villes et territoires. C'est pourquoi je souhaite encore saluer votre initiative, votre engagement et l'écho qui en sera donné, en France et en Europe.
Source http://www.reseau-environnement-sante.fr, le 23 octobre 2017