Interview de M. Robert Hue, président du PCF, à "RTL" le 6 décembre 2001, sur la candidature de M. Lionel Jospin à l'élection présidentielle 2002, les revendications des gendarmes, la sécurité et les relations du PCF avec le gouvernement Jospin.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief Vous êtes donc le candidat du PC et également le président du PC : Jospin probablement candidat, c'est une surprise ?
- "Si on résume son propos d'hier exclusivement à ce mot, cela me semble terriblement maigrelet."
C'est une information, c'est la première fois qu'il le dit aussi clairement.
- "Chacun sait que L. Jospin est dans une posture de candidat depuis un bon moment , non seulement probable, mais certain."
Il vous l'a dit ?
- "J'ai eu l'occasion d'en parler avec lui et je n'ai aucun doute. Ce n'est pas la peine d'épiloguer là-dessus. C'est important comme information d'une façon générale, mais ce n'est pas cela le fond des choses. Je pense qu'hier soir, L. Jospin a beaucoup défendu son bilan. Cela me semble naturel, quand on est Premier ministre, de défendre son bilan. Et son bilan présente un certain nombre de choses positives. J'y suis d'autant plus attentif que nous avons contribué à beaucoup de dispositions de ce bilan, dans les réformes prises qui ancrent à gauche le Gouvernement."
Il doit rester Premier ministre, comme il l'a dit ?
- "J'avoue que j'éprouve un certain malaise quand je l'écoute, parce qu'à toutes les questions, il semble avoir en fait tout bien fait. Je me sens aussi co-responsable de ce qu'il dit de ce point de vue. Mais non, tout n'est pas bien fait. Il y a des choses qui sont bonnes, mais il faut admettre qu'il y en a qui ne vont pas et qu'il faudra modifier encore beaucoup de choses dans la toute prochaine période. Moi, l'idée qu'on devrait être maintenant dans une sorte de sas de cinq mois, pendant lesquels on va être en campagne, où l'on baisse le rideau et on expédie les affaires courantes, y compris celles du Gouvernement quand on est Premier ministre, me semble quelque chose de dangereux. Prenez ce qui s'est passé ces cinq derniers mois dans la vie internationale ou nationale : c'est considérable, cinq mois, dans la vie d'un grand pays comme la France. Je ne pense pas que l'on puisse rester dans une parenthèse présidentielle. La France et les responsables ne doivent pas considérer qu'ils sont le nombril du monde et que le monde tourne autour d'eux. Il y a des dispositions à prendre. Les Françaises et les Français ont des inquiétudes sur le chômage, il y a les problèmes de la précarité qui sont posés. Dans les rencontres que j'ai dans toute la France, avec les communistes, dans la campagne présidentielle, j'entends les gens."
Concrètement, commençons par les gendarmes. Grande manifestation, L. Jospin dit qu'il faut ouvrir le dialogue, A. Richard va l'ouvrir dès samedi et en même temps, il dit que ces manifestations ne sont pas très souhaitables. Qu'est-ce qu'A. Richard, selon vous devrait, proposer ? Et est-ce que les gendarmes devraient avoir un droit syndical, comme d'autres fonctionnaires ?
- "D'abord, la situation des gendarmes est une situation qu'il faut prendre au sérieux. Je suis maire et je rencontre beaucoup de gendarmes. Je sais qu'ils ont des conditions de travail éprouvantes. Ils ont une situation et un statut militaire qui les met certes en dehors d'un certain nombre de dispositions de la loi concernant le temps de travail, mais c'est terriblement difficile d'être gendarme en ce moment. Comme pour un salarié d'une entreprise qui revendiquerait, je suis solidaire d'un certain nombre de leurs revendications sur leurs conditions de travail."
Mais le droit syndical ? Est-ce qu'ils ont le droit de manifester ou est-ce qu'ils doivent le demander ?
- "Il y a toujours un problème pour des gens qui, ayant une activité professionnelle et qui ont des revendications tout à fait naturelles à poser, sont sous le statut militaire. Il y a à trouver les moyens d'entendre effectivement mieux les gendarmes. La preuve, ils sont en mouvement. Il y a une part un peu d'arrière-pensées politiciennes, car j'ai entendu quelques propos comme "au secours J. Chirac", qui ne me semblent pas complètement de nature à être le problème de la revendication des gendarmes eux-mêmes. Mais de toute façon, effectivement, il faut prendre en compte ces attentes. Ce sont un des éléments importants de la tranquillité publique, de la sûreté, de la sécurité."
Je n'ai pas compris : est-ce qu'ils doivent avoir un droit syndical ou pas ?
- "Je ne sais pas s'il faut parler de droit syndical, mais ils doivent avoir les moyens d'exprimer les revendications. Ceci n'est pas choquant, dans la limite naturellement que l'on doit accorder à ce type de démarche, qu'ils expriment en manifestant un certain nombre de choses."
Sur la sécurité, globalement, vous avez été convaincu par L. Jospin ?
- "Je pense qu'en matière de sécurité, le Gouvernement a fait un certain nombre de choses, mais on n'est pas au niveau de ce qu'il conviendrait de faire. Je ne veux pas jouer les Monsieur-plus..."
Vous me l'avez ôté de la bouche !
- "C'est pour cela que je l'ai dit ! Il est clair qu'il faut faire bien plus, et pas seulement en direction de telle ou telle catégorie, comme le renforcement d'effectifs de la police ou de la gendarmerie ou de la justice. Il y a à prendre globalement ce problème comme une grande cause nationale. L'insécurité est un grand problème. Je le dissocie de la violence par ailleurs, une violence qui est inacceptable et vis-à-vis de laquelle il faut avoir une grande fermeté. Il faut mettre un terme avec la plus grande fermeté aux trafics dans un certain nombre de cités, aux mafias qui sont en place et qui empêchent les gens de vivre tranquillement et qui empoisonnent la vie. De même qu'il faut réparer beaucoup plus ce que subissent les victimes. De ce point de vue, j'ai une attitude de fermeté mais, en même temps, il faut donner davantage de moyens aux différents services de l'Etat, avec un décloisonnement dans les cités. Dans le monde rural, ce problème se pose aussi de façon massive."
Concrètement, qu'elle est votre position ? On a l'impression quand même que depuis quelques jours à l'Assemblée nationale, le groupe communiste multiplie les avertissements, mais ne les suit pas. C'est un peu "retenez-moi ou je vais faire un malheur" et puis, sur la Corse, la Sécurité sociale, sur le budget et, à la fin, ils s'abstiennent. Cela n'est pas facile de mener une campagne dans ce cas-là...
- "Nous obtenons beaucoup de choses dans le débat parlementaire. Nous sommes dans une majorité et nous savons ce que c'est que d'être dans une majorité. Qu'on ne parle pas de question de solidarité. J'entendais hier que les communistes avaient sauvé le Gouvernement Jospin et avaient sauvé le soldat Jospin en s'abstenant."
Ce n'est pas le cas ?
- "Nous avons arraché quatre milliards pour les hôpitaux publics. C'est vraiment insuffisant, mais c'est déjà énorme. Dans l'hôpital de ma circonscription - celui d'Argenteuil -, cela va représenter quatre à cinq millions tout de suite. Je ne peux pas négliger cela. Tout ce que nous pouvons arracher dans le cadre de cette bataille parlementaire, nous le ferons."
Et 5 % dans les sondages ? Ce n'est pas beaucoup.
- "Je partage l'opinion qui a été évoquée par A. Duhamel, à savoir que rien n'est stabilisé dans cette affaire. Je suis à peu près au niveau, voire un peu au-dessus des sondages que j'avais il y a sept ans, dans l'élection présidentielle à la même période. Tout cela est ouvert. Attendons - car nous sommes à 5 mois - et surtout, ne nous arrêtons pas. Il y a des besoins importants à satisfaire. Il faut que la politique continue."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 décembre 2001)