Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame la Procureure,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de m'exprimer devant vous à l'occasion de cette conférence de haut niveau organisée par la France et le Sénégal dans le cadre de la facilitation sur la coopération de l'assemblée des États parties à la Cour pénale internationale, qui porte sur un aspect important des enquêtes financières : le recouvrement des avoirs.
Je me réjouis de la présence de près d'une cinquantaine de délégations, et de la qualité des représentants présents aujourd'hui, qui témoignent de l'importance accordée à ce sujet par les plus hautes autorités des États parties au Statut de Rome. Je tiens également à remercier les hautes autorités de la Cour qui nous font l'honneur de participer à cet évènement.
La France est attachée à la lutte contre l'impunité partout dans le monde. Cette lutte est une constante de notre politique étrangère, car le règne de l'impunité encourage les auteurs des crimes les plus graves à poursuivre leurs exactions et à augmenter le nombre des victimes. L'impunité désespère les citoyens qui renoncent à voir un jour justice rendue et obtenir réparation.
Le sentiment d'impunité favorise ainsi le risque que les victimes ne choisissent de se faire justice elles-mêmes, les incitant alors de se tourner vers la violence, nourrissant la spirale de l'instabilité et les conflits. Ce risque existe partout où l'appareil judiciaire a disparu ou lorsque celui-ci est défaillant et partial. Une lutte contre l'impunité effective est aussi un signe de bonne santé de l'État de droit, car elle suppose un fonctionnement efficace de la Justice, de l'indépendance des juges, des magistrats. Les verdicts rendus doivent ainsi faire réfléchir ceux qui seraient tenté d'enfreindre les règles les plus élémentaires du droit international des droits de l'Homme.
Lutter contre l'impunité des crimes commis est donc à la fois un impératif de justice et un gage de stabilité et de réconciliation nationale. C'est pourquoi la communauté internationale a progressivement tiré les leçons de la seconde guerre mondiale et de multiples conflits qui ont parcouru notre monde et mis en place des tribunaux internationaux, comme en Yougoslavie, au Rwanda, au Cambodge... On peut également mentionner récemment la condamnation d'Hissène Habré par les Chambres africaines extraordinaires à Dakar qui a permis de rendre la justice à ses victimes ou encore la création de mécanismes internationaux destinés à documenter les crimes commis et collecter les preuves pour préparer - à terme - le travail de la justice - tel le Mécanisme d'enquête international indépendant sur la Syrie crée par l'assemblée générale des Nations unies en décembre 2016.
Plus récemment, l'adoption de la résolution 2379 sur la lutte contre les crimes commis par Daech en Irak par le conseil de sécurité lors de la session du 21 septembre où je représentais la France, constitue une première étape essentielle qui devra être mise en oeuvre dans le respect des standards internationaux.
Comme vous le savez, la France s'est particulièrement investie dans la création de la Cour pénale internationale, pour toutes les raisons mentionnées précédemment, afin de pallier les lacunes des créations successives de tribunaux ad hoc. Elle souhaitait qu'une institution dédiée à la justice pénale internationale pérenne et universelle soit créée pour lutter contre l'impunité des crimes les plus graves - crime de guerre, crime contre l'humanité, génocide - de façon indépendante, avec une expérience des différentes traditions juridiques et un financement suffisant. Cet attachement ne s'est pas démenti. Nous sommes aujourd'hui le premier État coopérant avec la CPI dans le cadre de ses enquêtes et procédures en cours, hors pays dans lesquels ces dernières se déroulent.
De ce point de vue, la création de la Cour a constitué une avancée spectaculaire au regard de cette noble ambition. Elle a ainsi attiré de nombreux États soucieux de répondre aux aspirations de leurs citoyens à la justice. Et même si elle n'est pas totalement universelle, elle regroupe 124 États membres aujourd'hui. Elle bénéficie de notre plein soutien et nous souhaitons l'accompagner dans la recherche de la rigueur et de l'exemplarité avec lesquelles elle se doit de gérer les missions qui lui sont confiées.
Mais pour être crédible et efficace, pour exercer pleinement ses missions, la Cour doit pouvoir compter aussi sur ses États membres et leur pleine coopération.
La qualité et l'effectivité de la coopération des États avec la Cour est fondamental. Ce séminaire d'aujourd'hui, qui nous réunit, constitue un point d'application essentiel de cette coopération et de notre souhait de progresser dans la prise en compte des victimes.
À l'instar des actions menées dans la lutte contre le terrorisme ou la prolifération d'organisations criminelles et de trafics divers, la traçabilité et l'identification des avoirs ainsi que des flux financiers qui ont servi à commettre les crimes pour lesquelles la Cour pénale internationale est compétente, sont en effet déterminantes. Le recouvrement des avoir en constitue une pièce maîtresse pour pouvoir obtenir réparation des actions criminelles commises et mieux indemniser les victimes.
Mesdames et Messieurs,
C'est dans cet esprit que le Sénégal et la France souhaitent vous présenter le projet d'une déclaration renforçant les moyens de coopération des États avec la Cour en la matière. Ce projet a pour objectif d'être ensuite examiné à l'occasion de la réunion plénière sur la coopération qui se tiendra dans le cadre de la prochaine assemblée des États parties au mois de décembre à New York.
Je vous remercie de votre attention, et souhaite que les échanges au cours de ce séminaire soient fructueux et constructifs, dans l'intérêt de la Cour comme dans celui des États parties.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 octobre 2017