Interview de Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'intérieur, avec Sud radio le 23 novembre 2017, sur les relations entre l'Etat et les communes et sur la police de proximité.

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Média : Emission La Tribune Le Point Sud Radio - Sud Radio

Texte intégral


JOURNALISTE
« Le Grand matin Sud Radio », il est 07h45, voici « Le petit déjeuner politique ». Patrick ROGER, vous recevez Jacqueline GOURAULT, elle est ministre auprès du ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur.
PATRICK ROGER
Bonjour Jacqueline GOURAULT.
JACQUELINE GOURAULT
Bonjour.
PATRICK ROGER
Alors, avant de parler des maires, le remaniement, ça tarde, parce qu'on a appris qu'il y aura plusieurs changements, des secrétaires d'Etat à la Santé, à la Communication, peut-être chargés aussi des Relations avec les petites communes où ça grogne un peu. Alors, c'est confirmé ce matin. Il y a besoin d'un second souffle pour certains, selon vous, Jacqueline GOURAULT, aussi ?
JACQUELINE GOURAULT
Non, non non, je ne crois pas, je crois que c'est seulement le fait...
PATRICK ROGER
Bon, pas de langue de bois, vous savez bien qu'il y a besoin d'un second souffle !
JACQUELINE GOURAULT
Non, pas de langue de bois. Non non, mai second souffle, enfin, je pense que ce n'est pas une expression adaptée.
PATRICK ROGER
Pour certains, non ?
JACQUELINE GOURAULT
Je pense simplement que c'est les circonstances qui font que CASTANER devient président d'En Marche ! et que, voilà, il faut modifier un peu l'organisation.
PATRICK ROGER
Oui, modifier l'organisation et puis peut-être mettre certains secrétaires d'Etat, bouger un petit peu.
JACQUELINE GOURAULT
Eh bien peut-être que le président de la République et le Premier ministre en profitent pour ajuster certaines choses, l'expérience prouve par exemple, dans certains domaines, je pense à la Fonction publique, par exemple, j'ai entendu souvent Gérald DARMANIN dire qu'il...
PATRICK ROGER
Qu'il avait besoin de soutien.
JACQUELINE GOURAULT
Voilà, d'être assisté de quelqu'un pour ce domaine.
PATRICK ROGER
Oui, la Santé également, la Communication.
JACQUELINE GOURAULT
Ecoutez, je n'en sais pas plus, alors je ne vais pas aller...
PATRICK ROGER
Parce qu'Emmanuel MACRON demande aussi des résultats. Il est assez exigeant. Il est dur, ou pas, Emmanuel MACRON, en tant que président ?
JACQUELINE GOURAULT
Non, il n'est pas dur, il est le patron, c'est-à-dire qu'il préside le Conseil des ministres avec beaucoup de volonté, une vraie volonté politique de transformer les choses, mais en même temps il est avec les ministres, extrêmement attentif, à l'écoute.
PATRICK ROGER
Il vous envoie des petits textos, ça dépend, ou... oui ?
JACQUELINE GOURAULT
Moi je n'ai pas l'habitude d'échanger des textos, personnellement, avec le président de la République...
PATRICK ROGER
Il faut faire partie du premier cercle.
JACQUELINE GOURAULT
Non, mais je lui parle, je le vois toutes les semaines au Conseil des ministres, on peut lui parler extrêmement facilement, et si j'ai besoin de lui envoyer un texto, je le ferai, mais bon, je ne suis pas non plus à faire des textos tout le temps.
PATRICK ROGER
En permanence au chef de l'Etat.
JACQUELINE GOURAULT
Voilà.
PATRICK ROGER
Si, vous auriez pu lui envoyer un petit texto, parce que vous connaissez la situation des petites communes, vous avez été maire pendant 25 ans de La-Chaussée-Saint-Victor dans le Loir-et-Cher, vous pourriez lui faire part de cette inquiétude des maires, on en a entendu beaucoup depuis le début de la semaine sur Sud Radio, et il est attendu cet après-midi, Emmanuel MACRON, au Congrès des maires.
JACQUELINE GOURAULT
Vous employez le conditionnel, mais je l'ai fait, parce que j'ai rencontré par exemple le président de la République il y a une dizaine de jours, en tête à tête, pour lui faire part de ce que je ressentais...
PATRICK ROGER
De cette inquiétude.
JACQUELINE GOURAULT
Non, de ce que je ressentais sur le terrain, des questionnements des maires. Effectivement, inquiétude est un mot que l'on peut utiliser.
PATRICK ROGER
La suppression de la taxe d'habitation, 10, 13 milliards.
JACQUELINE GOURAULT
Alors, la taxe d'habitation...
PATRICK ROGER
On va la compenser pendant un an, deux ans, et puis après, derrière c'est terminé, c'est ce que disent les maires.
JACQUELINE GOURAULT
Alors, eh bien il faut faire beaucoup de pédagogie, et expliquer par exemple que la taxe d'habitation n'est pas supprimée, n'est-ce pas ?
PATRICK ROGER
Ah bon ?
JACQUELINE GOURAULT
Qu'à la place du contribuable, c'est l'Etat, ce que l'on appelle un dégrèvement, c'est l'Etat qui va prendre la place du...
PATRICK ROGER
Oui, mais l'Etat déjà est endetté, ok faire ça ?
JACQUELINE GOURAULT
Parce que la taxe d'habitation est une taxe qui est très inégale, répartie très inégalement selon les citoyens. Si vous habitez le centre de Paris, avec 70 m², ce qui est déjà énorme au centre de Paris, et un pavillon de banlieue qui a été construit en 1980, vous paierez plus de taxe d'habitation dans le pavillon de banlieue.
PATRICK ROGER
Est-ce qu'il ne fallait pas la réajuster plutôt que de la supprimer ?
JACQUELINE GOURAULT
Oui, mais bien sûr, je le répète, elle n'est pas supprimée, donc il faut profiter des trois années pour revoir la fiscalité locale. Il faut placer ça dans la perspective de la refonte de la fiscalité locale et des ressources pour l'ensemble des collectivités territoriales.
PATRICK ROGER
Est-ce que c'est vraiment juste que finalement il n'y ait plus que quelques ménages qui paient cette taxe d'habitation ? Elle ne va pas être supprimée à 100 %, c'est ce que l'on dit aujourd'hui, qu'elle pourrait être supprimée à 100 % d'ici trois ans.
JACQUELINE GOURAULT
Je ne sais pas si...
PATRICK ROGER
Vous parlez d'injustice !
JACQUELINE GOURAULT
Non mais attendez, je ne sais pas si elle va être supprimée pour 100 %, mais en tout cas, sur le principe, ça ne serait pas une mauvaise idée, puisque c'est un impôt qui a vocation à disparaitre et à être remplacé par un autre impôt. Mais encore faut-il le financer, c'est ça le sujet.
PATRICK ROGER
C'est ça le sujet, mais là il ne restera plus beaucoup d'argent.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, alors, je voudrais aussi dire que, évidemment, les 20 % des gens qui restent et qui vont payer la taxe d'habitation, ne paient pas à la place des autres, parce que j'entends ça aussi, dans les idées reçues ou ce qu'on essaie de faire passer, c'est que, au fond, la charge va peser sur les 20 % qui restent. Non, ceux qui ne paient pas, c'est l'Etat qui prend la place du contribuable.
PATRICK ROGER
Oui, Jacqueline GOURAULT, on est aussi à la veille, finalement, d'un grand Big Bang pour les collectivités locales, non ? Sans doute que...
JACQUELINE GOURAULT
Non. Non, justement.
PATRICK ROGER
Non.
JACQUELINE GOURAULT
Le Président de la République a dit qu'il ne ferait pas de grande réforme territoriale.
PATRICK ROGER
Parce qu'il faut, et vous-même vous en tête consciente, sur le terrain, voir un petit peu les choses.
JACQUELINE GOURAULT
Non mais...
PATRICK ROGER
Il y a un empilement des collectivités territoriales.
JACQUELINE GOURAULT
Il y a eu tellement de réformes dans les cinq dernières années, avec énormément de modifications, sur les intercommunalités, sur les régions, y compris sur les départements où on a changé le mode d'élection, les compétences ont bougé, etc. tous les élus demandaient une pause, et le président de la République a annoncé qu'il ne ferait pas de grande réforme territoriale pendant cinq ans. Ce qui n'empêche pas de faire des ajustements à la marge. Voilà. On pourrait prendre des exemples, mais voilà.
PATRICK ROGER
Jacqueline GOURAULT, ministre d'Etat, ministre auprès du ministre d'Etat et de l'Intérieur. Les questions politiques de Michaël DARMON et Christophe BORDET. Michaël DARMON
MICHAËL DARMON
Puisqu'on regarde les choses comme elles sont, au fond, est-ce qu'on n'est pas face à un immense cinéma et intoxication de la part des maires de France ? Ils ne sont pas finalement dans la situation la plus catastrophique telle qu'ils veulent le dire, en tout cas, tel que leur chef, François BAROIN, veut bien le dire à chaque fois.
JACQUELINE GOURAULT
Je dirais que, effectivement, on a l'impression qu'il y a eu au fond tout une mayonnaise qui a été montée, si je puis dire, dans la mesure où pour la première fois, dans ce budget qui vient d'être voté, il n'y a plus de baisse de la DGF, on ne prend plus sur les ressources directes versées entre l'Etat et les collectivités locales, qu'il y a les dotations d'investissements qui sont à un très haut niveau, 1,8 milliard, et que les fameux 13 milliards dont on parle beaucoup, c'est simplement de demander la maitrise de l'augmentation des dépenses.
MICHAËL DARMON
Oui, parce qu'on a l'impression qu'il est très en colère, très en colère dans la Presse et puis, depuis trois semaines, il rencontre le président toutes les semaines, il dit « ça va bien se passer », mais finalement hier soir, il dit « c'est formidable, il sera accueilli de manière extraordinaire ».
PATRICK ROGER
Il a envie de rentrer au gouvernement, non ?
MICHAËL DARMON
Donc, c'est un jeu, BAROIN joue avec... prend en otage la colère ?
JACQUELINE GOURAULT
En tout cas, moi je peux vous dire que j'ai fait à peu près 15 assemblées générales de maires sur le territoire, dans différents départements français, et que les maires avaient des questions, s'interrogeaient, n'avait pas toujours bien compris un certain nombre de réformes, qu'il fallait faire de la pédagogie, mais qu'il n'y avait pas de rupture, de colère, de révolution, etc. Bon. Il y a, pour être très précise, je dirais par exemple les départements de France dont le président, Dominique BUSSEREAU, a je dirais réclamé un certain nombre, discuté avec le gouvernement, a eu une autre attitude, plus constructive, alors que les départements ont des situations beaucoup plus difficiles à mon avis que la plupart des villes, des communes, etc.
PATRICK ROGER
Christophe BORDET.
CHRISTOPHE BORDET
Deux sujets, trois questions. Jacqueline GOURAULT, essayons d'être concrets. On est à un mois et demi de la mise en oeuvre de cette police, de cette nouvelle police de proximité, pour fin décembre. Toujours pas d'infos, disent les maires sur le nombre d'agents, leur financement, quel budget, etc. On en est où concrètement ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors, concrètement, nous sommes dans une phase de concertation. Concertation, j'en ai fait une récemment cette semaine, ou la semaine dernière, plus exactement, à Montauban, où je suis moi-même allée animer une réunion, avec les élus.
CHRISTOPHE BORDET
Et donc ?
JACQUELINE GOURAULT
On explique les choses. C'est l'idée. La police doit être déchargée d'un certain nombre de tâches qui encombrent la police ou la gendarmerie, on va prendre des exemples concrets. Des gardes statiques, les procurations, les transports de gens...
CHRISTOPHE BORDET
Pénitentiaires.
JACQUELINE GOURAULT
En difficultés, enfin voilà. Tout ça, il faut arrêter cela et faire en sorte que la police et la gendarmerie soient je dirais au quotidien en proximité avec la population. Et c'est quelque chose de très important. Et ça suppose à la fois des réorganisations, à la fois des créations de postes. Je vous rappelle que dans le budget...
CHRISTOPHE BORDET
Combien d'hommes en plus ?
JACQUELINE GOURAULT
10 000 gendarmes et policiers sont budgétés, sur cinq années...
MICHAËL DARMON
Mais pour ces tâches, il y aurait, ce serait délégué au privé, pour les tâches que vous venez d'évoquer ?
JACQUELINE GOURAULT
Non non, là je vous parle de la police et la gendarmerie. Mais on peut...
CHRISTOPHE BORDET
Excusez-moi, encore une petite question... Allez-y.
JACQUELINE GOURAULT
Mais, le ministre de l'Intérieur a déjà déclaré qu'il fallait travailler avec la sécurité privée. Mais la sécurité privée, peut faire des gardes statiques, par exemple, voilà, c'est rien de choquant.
MICHAËL DARMON
Donc la police va déléguer à des sociétés privées, quelque part, des fonctions de surveillance.
PATRICK ROGER
Comme les radars, quoi.
JACQUELINE GOURAULT
Non mais... par exemple, mais pas sur le régalien, je précise bien.
CHRISTOPHE BORDET
Dites-moi, le député PS Olivier DUSSOPT, ex-aubryste, a semble-t-il rencontré le secrétaire général de l'Elysée pour entrer au gouvernement. Bonne pioche ?
JACQUELINE GOURAULT
Alors, je ne sais pas si c'est vrai, mais en tout cas, moi je connais bien Olivier DUSSOPT, il est président...
CHRISTOPHE BORDET
Des petites villes.
JACQUELINE GOURAULT
Des petites villes. C'est quelqu'un avec qui j'ai beaucoup travaillé depuis plusieurs années, il a été le rapporteur de la loi NOTRE, il est très spécialisé sur les collectivités territoriales. Je suis....
CHRISTOPHE BORDET
Donc, bon candidat, bonne pioche.
JACQUELINE GOURAULT
Je suis allée dans son département, c'est-à-dire l'Ardèche...
CHRISTOPHE BORDET
Bon candidat, bonne pioche.
JACQUELINE GOURAULT
Et il y a des bons. C'est amusant, parce que dans l'Ardèche, il y a un autre parlementaire que je connais bien, qui s'appelle Mathieu...
PATRICK ROGER
Ah vous le connaissez bien mais vous oubliez son nom !
JACQUELINE GOURAULT
Non mais c'est un sénateur ! Ah, écoutez, il est tôt.
CHRISTOPHE BORDET
Vous l'évoquez, et c'est un bon.
JACQUELINE GOURAULT
Mais c'est un bon. Il y a, dans ce département, beaucoup de parlementaires actifs.
PATRICK ROGER
Allez, question d'un auditeur aussi.
JACQUELINE GOURAULT
Mathieu DARNAUD ! Mathieu DARNAUD. Merci.
CHRISTOPHE BORDET
Voilà, bravo.
PATRICK ROGER
Question, Jacqueline GOURAULT, d'un auditeur. C'est Mathieu qui vous appelle de Paris et qui vous pose une question. Bonjour Mathieu.
MATHIEU
Oui, bonjour à tous, merci. Je voudrais aborder un sujet tabou, qui subit, j'ai l'impression, une omerta médiatique et politique importante, que sont les 750 zones urbaines sensibles, dont les maires sont très inquiets, pour lesquelles encore aujourd'hui je n'ai pas entendu le président parler une seule fois et se prononcer une seule fois sur des mesures assez radicales, afin que la police, la gendarmerie, les pompiers, les médecins, puissent enfin circuler librement, dans risquer de se faire caillasser...
PATRICK ROGER
Alors Mathieu, la réponse de Jacqueline GOURAULT, effectivement, sur la présence policière dans ces zones sensibles.
JACQUELINE GOURAULT
Oui, eh bien je sais très bien ce dont parle l'auditeur, Mathieu. Il y a, depuis quelques semaines aussi des violences contre les pompiers, des jets de cailloux, etc. c'est inadmissible, et il faut évidemment développer des protections et faire cesser cela, tout bêtement.
PATRICK ROGER
Merci Jacqueline GOURAULT.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2017