Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la place du département du Lot et Garonne dans la politique d'aménagement du territoire, à Agen le 4 novembre 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement de M. Edouard Balladur, à Agen, dans le cadre du forum des solidarités Nord - Sud-visite à la préfecture du Lot et Garonne, Agen le 4 novembre 1994

Texte intégral


Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le président du conseil régional,
Mesdames et messieurs,
Le douzième forum des solidarités Nord-Sud se tenant à Agen, j'ai tenu à avoir une rencontre avec les élus et les représentants économiques du Lot-et-Garonne. Je vous remercie de l'accueil que vous m'avez réservé.
L'avenir de ce département est marqué par sa tradition rurale à laquelle il est, par ailleurs, très attaché. C'est une richesse pour la France. L'avenir de l'agriculture et l'évolution de la politique d'aménagement du territoire, constituent donc des facteurs importants de son progrès.
Je sais la place qu'occupe l'agriculture dans votre département.
Elle bénéficie d'une remarquable tradition de qualité. Il faut la préserver et la valoriser en développant ainsi que vous le faites, une politique de "certification" et de "labellisation".
La force de votre agriculture repose aussi sur la vitalité des entreprises de transformation. La filière agro-alimentaire est ici renforcée par la réalisation de l'agropole pour lequel vous avez fait preuve de grande clairvoyance.
L'agriculture lot-et-garonnaise a connu ces dernière années des difficultés particulières, liées notamment à la chute des marchés de fruits et légumes entre 1990 et 1993, ainsi qu'à une succession de calamités agricoles.
C'est pourquoi je me suis attaché, dès la formation du Gouvernement, à mettre en place les moyens de surmonter les difficultés de la conjoncture, mais aussi de préparer, à plus long terme, l'avenir.
D'importantes mesures d'allègement des charges fiscales, sociales ou financières ont été adoptées. Je sais que le dispositif d'aménagement de la dette financière arrêté pour l'année 1994 a rencontré un large intérêt dans votre département et que vous avez exprimé des demandes d'enveloppes complémentaires. Je puis vous annoncer que le Lot-et-Garonne bénéficiera des compléments suivants : 46 millions de francs au titre de la consolidation des prêts portant ainsi l'enveloppe totale à 144 millions de francs, et 37 millions de francs au titre de l'allongement de la durée des prêts bonifiés portant l'enveloppe consacrée à cette mesure à 110 millions de francs.
Le Lot-et-Garonne est le département qui a bénéficié du montant le plus élevé de prêts de consolidation. En fonction de la consommation des enveloppes déléguées à la fin du mois d'octobre, un abondement supplémentaire pourra être envisagé.
Grâce à ces dispositions, grâce aussi au redressement des marchés et à la baisse des taux d'intérêt, la situation de l'agriculture du Lot-et-Garonne est aujourd'hui moins fragile.
L'agriculture française doit faire face à de nouveaux défis économiques, à l'issue de la réforme de la politique agricole commune et des récents accords du GATT.
Grâce aux aménagements obtenus par le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, la politique agricole commune est mieux acceptée. Le mémorandum que nous avons déposé à Bruxelles en septembre dernier, intitulé "pour une agriculture européenne et ambitieuse", connaît aujourd'hui ses premières applications. La France vient d'obtenir une réduction de trois points du taux de jachère pour la campagne 1995-1996. Cette décision démontre que le taux de 15 % n'est pas intangible et qu'il peut baisser lorsque les conditions de marché sont réunies. La Communauté confirme ainsi sa vocation exportatrice.
Le retour à un meilleur équilibre des marchés doit guider la réforme des organisations de marché. C'est notamment le cas pour les fruits et légumes. Les autorités françaises, en liaison avec la profession agricole, ont défini les principes sur lesquels doit se construire la nouvelle organisation. La préférence communautaire doit être appliquée avec détermination, la connaissance du marché améliorée, le rôle des groupements de producteurs renforcé. Enfin, les contrôles doivent être effectués avec rigueur et de façon homogène dans la Communauté.
Ces principes permettront de conforter les efforts que vous avez entrepris pour améliorer la commercialisation de vos produits et qui se sont traduits par la signature d'accords entre la production, le négoce et la distribution.
Notre agriculture doit améliorer encore ses performances de façon à rester compétitive et exportatrice. Elle doit aussi contribuer pleinement à l'équilibre de notre territoire. Ce sont les deux objectifs du projet de loi de modernisation de l'agriculture, présenté par M. Jean PUECH en Conseil des ministres, le 26 octobre dernier.
Améliorer le niveau de performance, c'est en particulier alléger les charges fiscales et sociales qui pèsent sur l'agriculture. Le projet de loi prévoit d'importantes mesures à cette fin. En particulier, l'assiette des charges sociales des agriculteurs qui exploitent des terres dont ils sont propriétaires, sera réduite.
Ce texte prévoit aussi de faire droit à une revendication ancienne du monde agricole en autorisant le cumul entre la pension de reversion et les droits à la retraite acquis à titre personnel. Il s'agit d'une mesure d'équité et de solidarité dont la mise en oeuvre avait été trop longtemps différée du fait de son coût.
L'agriculture a également pour mission de "tenir" le territoire. L'un des objectifs prioritaires de cette loi est de renforcer la politique d'installation des jeunes. Le dispositif de pré-retraite sera ainsi réorienté pour qu'il serve prioritairement à l'installation. Les droits de mutation à titre onéreux ainsi que l'impôt foncier non bâti seront allégés pour les jeunes agriculteurs.
Mais la politique de développement du territoire est une action globale. Une croissance retrouvée, une politique de l'emploi soucieuse des disparités géographiques, un développement ordonné des grands équipements, une répartition équitable des services publics, une définition claire des compétences et une péréquation entre collectivités, tels sont les moyens de notre action.
Le Lot-et-Garonne est une bonne illustration des effets de cette politique globale d'aménagement du territoire que le Gouvernement a placée au rang de ses priorités.
Je rappelle d'abord le renouveau que le Gouvernement a apporté à la politique de la ville. L'agglomération agenaise en bénéficie.
Je rappelle également que les crédits affectés aux contrats de plan ont été à la fois modulés en fonction de la richesse relative des régions et en forte augmentation. La méthode de négociation a été renouvelée. Je salue les conditions dans lesquelles ces négociations se sont déroulées en Aquitaine grâce à l'action de M. Jacques VALADE, président du conseil régional. Les intérêts du Lot-et-Garonne ont été largement pris en considération. Un premier département d'IUT sera réalisé grâce à l'enveloppe exceptionnelle que j'ai décidée en janvier dernier. La réalisation d'un second département mérite des études complémentaires.
Enfin, la cartographie des zones d'aménagement du territoire a été totalement revue depuis le début de l'année. Le Lot-et-Garonne est concerné par tous les dispositifs existants, sauf ceux qui concernent la reconversion industrielle.
Ainsi, le département est éligible aux fonds européens, et, au plan national, il est considéré comme territoire rural de développement prioritaire, certains cantons étant estimés en situation très fragile. Le département est également éligible à la prime à l'aménagement du territoire.
Etre considérée comme zone rurale par la Commission Européenne renvoi à des négociations que le Gouvernement a voulu déconcentrées. Elles ont été conduites par le préfet de région, en concertation avec les collectivités, et dans le prolongement du troisième contrat de plan Etat-région. Je n'en rappellerai donc ni le contenu, ni les aspects financiers même s'il s'agit d'incitations significatives pour l'activité économique et la qualité de vie.
Je souhaite surtout vous préciser les conséquences qu'aura au 1er janvier 1995 l'adoption par le Parlement de la loi sur l'aménagement du territoire présentée par M. Charles PASQUA et par M. Daniel HOEFFEL.
La prime à l'aménagement du territoire est une aide à la création d'emploi. Elle a été revalorisée de 40 % au comité interministériel d'aménagement du territoire de Troyes pour être portée à 50 000 F par emploi créé. Elle concerne surtout les projets d'investissement important. Etre éligible à cette prime ouvre droit pour les collectivités qui le souhaitent, à des exonérations de fiscalité locale : taxe professionnelle et droit de mutation. Seulement 40 % de la population métropolitaine bénéficie de ce dispositif, soit environ 23 millions d'habitants.
Les territoires ruraux de développement prioritaire concernent, quant à eux, 13 millions d'habitants en France. Une dotation aux jeunes entrepreneurs dans les communes de moins de 2 000 habitants a été créée dans ces territoires pour faciliter les activités artisanales. Par ailleurs, l'embauche des deuxième et troisième salariés est exonérée des charges sociales patronales pendant un an.
Dans ces zones, la loi sur l'aménagement du territoire permettra également l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour toute création d'entreprise avant l'an 2000. Le fonds pour le développement des entreprises permettra de renforcer les fonds propres des PME et leur facilitera l'accès au crédit bancaire. En outre, dans les communes de moins de 5 000 habitants, le droit de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle, sera réduit de 6 % à 0 %.
Pour les cantons qui en France, sont les plus fragiles, des mesures supplémentaires sont prévues. Elles concerneront environ 3 millions d'habitants. L'Etat compensera l'exonération de taxe professionnelle décidée par la collectivité locale. Les entrepreneurs bénéficieront d'un régime dérogatoire pour l'amortissement de leurs installations. La prise en charge des allocations familiales par l'Etat telle qu'elle est définie dans la loi quinquennale pour l'emploi jusqu'en 1998, se fera dès 1995. L'exonération des charges patronales pendant un an sera étendue au-delà de la troisième embauche.
La liste de ces dispositions démontre qu'en fonction du degré de fragilité économique des espaces considérés, le coût du travail est réduit et les mesures d'incitation sont renforcées. C'est bien un dispositif global et progressif qui est mis en place pour corriger les handicaps géographiques.
Mais il ne s'agit pas seulement de veiller à l'équilibre géographique du pays. Il s'agit de rendre le pays tout entier plus compétitif, plus cohérent et toujours plus fidèle aux principes fondamentaux qui sont l'égalité des chances et la liberté d'entreprendre.
Le Gouvernement a donc pris ou propose au Parlement des mesures plus générales.
Faciliter les communications est une des priorités. La réforme du système autoroutier et l'accélération de ces travaux profiteront à la région. C'est ainsi que le tracé de l'autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand qui permettra l'accès à Genève, a été défini ces derniers mois et qu'environ 10 milliards de francs seront affectés à sa réalisation dans les cinq prochaines années. Il en est de même des inflexions apportées dès 1993 au programme routier national et au programme des lignes TGV. L'accélération des travaux des routes centre Europe-Atlantique et Lyon-Toulouse, ainsi que la perspective ouverte en janvier dernier, de prolonger la ligne nouvelle du TGV de Tours jusqu'à Bordeaux, sont des facteurs d'ouverture importants auxquels le Lot-et-Garonne doit se préparer. La modernisation de la RN 21 qui de Limoges va à Tarbes, en est un des éléments. Plus de 280 millions de travaux seront réalisés sur cet axe avant décembre 1998.
Il faut aussi inciter les cadres du secteur privé à se déplacer. La mobilité des salariés qui quittent la région lle-de-France sera donc rendue plus aisée. L'installation en province de chercheurs du secteur privé sera facilitée.
Les conditions d'organisation des services publics sont également modifiées. Dorénavant, les entreprises nationales chargées d'un service public devront veiller à l'équité des Français dans l'accès aux services. C'est ainsi que, pour la première fois, le contrat de plan que la Poste vient de conclure avec l'Etat, comporte des objectifs d'aménagement du territoire. En milieu rural, le moratoire de la fermeture des services publics a ouvert la voie à de nombreuses études pour une meilleure organisation. En matière culturelle, pour la première fois aussi, des dispositions ont été prises le 20 septembre dernier, à Troyes, pour corriger les inégalités entre Paris et la province. Il a ainsi été décidé de transférer en province le budget consacré aux grands travaux parisiens, soit environ 800 millions de francs en cinq ans. Des crédits exceptionnels ont également été consacrés, dès cette année, à la mise en réseau des biens et équipements culturels existant dans une même région.
La méthode utilisée par le Gouvernement a permis des décisions importantes et bien acceptées, pour répartir différemment les emplois publics. L'union des élus et la qualité du plaidoyer qui a été développé par M. le député Paul CHOLET, m'ont conduit à choisir l'agglomération agenaise pour accueillir l'école nationale d'administration pénitentiaire. Ce sont 300 MF d'investissement, 170 emplois permanents, 950 stagiaires rémunérés et 115 MF de dépenses annuelles de fonctionnement qui reviennent à un département rural.
Je souhaite que cette implantation soit réussie et bientôt, citée en exemple.
Enfin, il est un projet que le Gouvernement a décidé de retenir comme d'intérêt national pour le développement rural ; c'est l'aménagement de la vallée du Lot.
Le projet est ambitieux : il concerne quatre régions et cinq départements, il permet de nouvelles activités économiques par une valorisation de l'environnement et de soutien général aux activités des PME. Il mobilisera d'importants crédits sur plusieurs années.
Je salue l'action de M. Jean FRANCOIS-PONCET qui a ouvert un dossier qui, de fait, conditionne aussi l'avenir du tourisme fluvial dans le Sud-Ouest de la France. L'Etat s'engagera aux côtés des autres partenaires pour que ce projet voit le jour. Il assurera sa part de financement.
Dès aujourd'hui nul ne peut contester que la politique d'aménagement du territoire a été l'un des terrains privilégiés de l'action du Gouvernement depuis dix huit mois. Une vision globale, un souci de très grande concertation et une volonté de réforme ont permis au Gouvernement de redonner vie à une politique qui avait été délaissée.
La méthode a porté ses fruits. Les moyens sont aujourd'hui en place pour obtenir un progrès économique qui soit géographiquement harmonieux, pour préserver l'unité du pays et pour restaurer l'égalité des chances.Il nous appartient à présent d'utiliser tous ces moyens. Je suis persuadé que dans ce département, vous en avez la volonté. Vous contribuerez ainsi à répondre aux besoins que les Français ont exprimés et à forger ce nouvel exemple français pour lequel le pays nous a fait confiance.