Texte intégral
Je n'ignore rien des efforts que vous faites au quotidien, de votre engagement, du professionnalisme et de l'énergie que vous mettez à accomplir une mission d'intérêt général. Chacun d'entre vous a une excellente connaissance des occupants, des locataires, de leurs besoins.
On mesure chaque jour ce que votre travail de proximité apporte au lien social et à la qualité de la vie dans nos villes. Je sais aussi que nous devons tous État, collectivités, organismes Hlm évoluer. Je sais d'ailleurs que nombre d'entre vous savent que votre Mouvement a la capacité d'évoluer, de se transformer, de mutualiser et de se rassembler.
Je sais aussi que la discussion avec votre Mouvement sur la question qui a été posée par le gouvernement, par le président de la République, de la baisse des loyers, doit se poursuivre et se poursuivra dans les mois qui viennent. Je le sais parce que nous partageons au fond les mêmes ambitions et les mêmes objectifs, le même désir, celui de favoriser l'accès au logement digne et abordable pour les Français qui en ont besoin.
Nous savons que trois millions de Français vivent dans des conditions de logement très difficiles, en y consacrant une part trop importante de leur revenu, pour des logements où ils se trouvent souvent dans des situations difficiles, parfois d'inconfort et de surpopulation.
Cette détresse nous oblige à agir. Au-delà de tous les efforts qui ont été accomplis, la situation doit et peut être améliorée. En Île-de-France, il faut en moyenne deux à huit ans pour avoir accès à un logement très social. Le taux de mobilité dans le logement social est inférieur à 10 %. Ces chiffres illustrent une partie de ce qui ne fonctionne pas et ces constats sont globalement partagés. Ces difficultés sont d'autant plus dramatiques que le logement est au coeur de l'intégration sociale. Trop souvent, il demeure un marqueur social et assigne les individus, les citoyens à des destins sociaux au lieu de les en libérer.
Dans les territoires en zones tendues, où se concentre le plus l'activité économique, l'offre est insuffisante et les prix immobiliers en forte hausse. Cette situation que nous connaissons tous a un impact économique et social important. En parallèle, tous les promoteurs et les constructeurs le savent, les normes de construction ont été de plus en plus nombreuses et exigeantes. Elles ont renchéri les coûts de construction, y compris du logement social. Il y a eu 90 nouveaux textes réglementaires ces cinq dernières années. Cela prive les publics les plus fragiles, les jeunes, les familles monoparentales dans l'accès à un logement, y compris dans le parc social.
Par ailleurs, les fractures territoriales se sont creusées depuis plusieurs décennies. Et vous le savez, puisque la lutte contre ces disparités est le thème au coeur des réflexions de votre Congrès cette année. Et s'il y a aujourd'hui un ministre de la Cohésion des territoires, c'est justement pour essayer de travailler à réduire les fractures territoriales. Nous avons décidé d'accélérer la couverture numérique. Et nous allons lancer, dès le début 2018, un vaste plan pour la rénovation de nos villes moyennes dont beaucoup d'entre elles ont malheureusement souffert.
Ces constats nous conduisent à une ambition commune, celle d'offrir un logement adapté aux besoins de chacun, de libérer l'innovation, la créativité, de faire du logement non pas un frein mais un outil puissant au service de l'épanouissement de nos concitoyens.
Dans ce contexte, la stratégie du gouvernement présente un ensemble de mesures qui doit permettre de mieux répondre à la demande des Français. Construire plus, moins cher et tenter de faire baisser les loyers à moyen terme. Cette baisse des loyers est aussi possible par d'autres moyens complémentaires ayant un impact rapide. C'est le sens de la réforme des allocations proposées par le gouvernement, devenue indispensable, comme en attestent de nombreux rapports de la Cour des comptes, du Parlement. Les dépenses publiques qui y sont consacrées ont atteint, ces dernières années, 18 milliards d'euros sans que les conditions d'accès au logement des Français se soient sensiblement améliorées. Le choix qui a été fait est celui d'une réforme qui ne pèse pas et ne pèsera pas sur les ménages, comme l'a rappelé le président de la République ; il s'inscrit dans un équilibre général.
Ce choix suscite votre inquiétude, je le comprends. Si je mesure l'effort qui est demandé, je serai à vos côtés aujourd'hui comme dans les prochains mois pour m'assurer que cette réforme ne mette pas en péril votre équilibre financier et pour parvenir, avec vous, à définir les justes compensations qui vous permettent d'aller dans ce sens. La discussion doit se poursuivre et je suis là pour cela et je l'assume. Le président de la République l'a écrit ce matin au Président Dumont, nous avons une ambition que nous maintiendrons. En revanche, nous voulons que les discussions se poursuivent pour trouver les meilleurs moyens de la mettre en oeuvre. Le temps du dialogue n'est pas fini. Toutes vos idées et propositions pour simplifier le fonctionnement du logement social, moderniser la gestion, améliorer en permanence le service aux locataires, seront les bienvenues.
Ce matin, le président de la République a écrit directement au Président Dumont, et je vais vous citer l'essentiel de son courrier. « Cette stratégie ambitieuse en matière de logement s'appuiera nécessairement sur les acteurs du logement que sont les bailleurs sociaux. Votre rôle dans la production et la location de logement aux ménages français est reconnue et incontestable. Comme vous le savez, nous souhaitons apporter aux bailleurs sociaux dont nous connaissons la diversité des situations, des moyens financiers supplémentaires et leur demandons de les affecter à des baisses de loyer pour les ménages les plus modestes, avec une baisse concomitante des APL. Le gouvernement présentera une disposition en ce sens dans le PLF 2018. Je souhaite que les discussions se poursuivent avec les ministres en charge pour trouver les meilleurs moyens de baisser les loyers du parc social au bénéfice des locataires. La disposition envisagée pourra être adaptée si un consensus se dégage avec les bailleurs sociaux. Cette réforme structurelle ne doit pas faire de perdants : ni les bailleurs sociaux, ni les allocataires, ni votre capacité collective à construire plus et moins cher, ne doivent être affectés. »
Ce qui veut dire que le dialogue doit et peut réussir. Et je suis chargé de maintenir cette volonté de dialogue dans le cadre que je viens d'indiquer et qui constitue une réelle et claire ouverture.
Par ailleurs, à partir de 2019, car ne cela ne peut se faire en quelques semaines au plan pratique, nous calculerons les droits des allocataires à partir des revenus de l'année, au lieu d'utiliser les ressources d'il y a deux ans. C'est plus juste, car les situations changent en deux ans. Aujourd'hui, quand un allocataire perd son emploi, son allocation s'ajuste automatiquement. À l'inverse, quand la vie change positivement, les allocataires continuent de recevoir des aides qui correspondent à leur situation d'il y a deux ans. Notre conviction est que l'aide doit correspondre aux besoins.
Nous proposerons également des mécanismes de lissage pour protéger les allocataires des changements trop importants de leurs aides, notamment un allocataire qui n'a pas de revenu régulier, qui peut avoir un travail précaire, ne pas travailler quelques mois, retravailler un mois, un travail de court terme ne doit pas avoir de changement trop fort de ces aides en cours d'année.
Je l'ai dit, nous devons construire plus vite et moins cher. C'est un objectif partagé. Nous soutiendrons la nécessaire augmentation de la dynamique de construction de logements sociaux et il faut aller contre les idées reçues.
Nous sommes dans ce pays moins pourvus en logement social que d'autres pays européens.
Cet été, nous avons entendu que nous voulions assouplir la loi SRU, que nous voulions repousser les échéances pour les communes carencées, aménager les amendes, faiblir par rapport aux maires récalcitrants. Rien de tout cela ne sera fait, car la France a besoin de logements sociaux. Et je l'assure, ces allégations étaient infondées et nous ne toucherons pas en l'état à la loi SRU.
Pour construire plus de logements, nous activerons un premier levier, qui est la libération du foncier en zones tendues. Le foncier, c'est entre 30 et 50 % du coût final de la construction. Et pourtant, le foncier disponible n'est pas rare, ni en zone tendue. Aujourd'hui, cela est la réalité. La fiscalité encourage la rétention du foncier. Plus la détention d'un bien est longue, plus la fiscalité est avantageuse. Demain, nous proposerons dans la Loi de finances, un abattement fiscal exceptionnel sur les plus-values immobilières pour les ventes conclues avant 2020. Cet abattement bénéficiera à ceux qui construisent plus et sera particulièrement favorable pour ceux qui construisent du logement social, puisque l'abattement sera porté à 100 % de la plus-value et à 85 % pour le logement intermédiaire.
Par ailleurs, nous proposerons un taux réduit d'impôt sur les sociétés de 19 % pour les cessions de bureaux, de locaux commerciaux ou industriels en vue de leur transformation en logements. Enfin, nous souhaitons intéresser les communes à la construction de logements, en leur proposant un avantage fiscal, qui sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires réunissant les représentants des collectivités et qui fera des propositions dans le cadre de la réforme des impôts locaux. Les travaux de la conférence débuteront cette semaine et une nouvelle conférence se réunira en fin d'année pour arrêter le contrat de mandature.
Le deuxième levier pour construire plus, sera la réforme des grandes opérations d'aménagement. Trop d'entre elles sont en effet au point mort. C'est vrai en Île-de-France, dans d'autres métropoles ; c'est vrai aussi dans les villes moyennes. Par contre, ce n'est pas vrai dans les grandes métropoles internationales. Nous voulons relancer les grandes opérations d'urbanisme à travers les projets partenariaux d'aménagement. Il s'agira d'un contrat de partenariat, entre les collectivités concernées par le projet, et l'État, portant sur les conditions et modalités de réalisation de grosses opérations d'urbanisme. Ce partenariat ira jusqu'à avoir une société d'aménagement dédiée entre l'établissement dépendant de l'État et la collectivité pour rompre le cercle vicieux qui conduit les collectivités à construire peu ou à préférer la construction de bureaux aux logements.
Par ailleurs, nous sommes partisans de faciliter l'accession des locataires à la propriété. Cela soutiendra aussi l'effort de construction. Le gouvernement souhaite que les discussions qui ont commencé entre Action Logement et votre Mouvement permettent de faciliter cela. Ce qui permettra de soutenir le développement de parcours de vie, pour les Français qui le souhaitent, et vous savez, le symbole fort que représente la possibilité d'acquérir le logement pour un ménage.
Ensuite, c'est une évolution au bénéfice des bailleurs sociaux qui redonnera des moyens à ceux qui activent cette possibilité.
De plus, les investissements pour la construction et la rénovation des logements et équipements publics, dans les quartiers prioritaires de la ville, seront significativement augmentés pour atteindre le doublement. La dynamique engagée avec le premier programme de rénovation urbaine a fait ses preuves. Le nouveau programme de rénovation, initié par la précédente majorité gouvernementale, sera poursuivi dans cette dynamique vertueuse. Elle sera amplifiée. L'État mettra un milliard d'euros, conformément à l'engagement qui a été pris.
Par ailleurs, je le dis solennellement ici, les crédits de la politique de la ville, indispensables aux associations qui oeuvrent sur le terrain, seront sanctuarisés au niveau actuel pour le quinquennat.
Enfin, nous agirons sur un troisième levier, en levant les freins à la construction. Le corpus réglementaire sera simplifié en transformant les normes prescriptives de moyens en des objectifs de résultats à atteindre. Une pause normative, hors sécurité, est également indispensable dans un secteur où la réglementation est foisonnante et en constante évolution. Il y sera mis fin.
Certaines procédures administratives devront être accélérées. Nous prolongerons pour les bailleurs sociaux, pour trois ans en zones tendues, la procédure de conception-réalisation, qui permet d'économiser des délais.
Les recours abusifs, que nous subissons dans nos territoires contre les autorisations de construire, la durée des procédures juridictionnelles qui restent, malgré quelques évolutions récentes, seront limités. Ces mesures nouvelles, nous allons les prendre dans le cadre du projet de loi logement dans le respect du droit au recours.
Par ailleurs, nous souhaitons que soit facilitée la mobilité. Nous y avons travaillé ensemble dans le cadre de l'élaboration de la stratégie logement. Beaucoup de nos concitoyens partagent cet objectif. Il faut réexaminer la situation de chaque locataire au bout de six ans, car si nous reconnaissons le droit pour le locataire à rester dans le parc social tout au long de sa vie, il doit avoir un logement adapté à la réalité de ses besoins. C'est une nécessité et nous le savons tous. Il ne s'agit pas d'expulser quiconque.
Enfin, le président de la République l'a exprimé à Toulouse, le 11 septembre, pour le logement d'abord, car en dépensant des moyens sans cesse augmentés, depuis les années 2000, la situation des sans-abri et des mal-logés demeure difficile. Il y a un paradoxe. Jamais le budget consacré à l'hébergement, et ce sera encore le cas aujourd'hui, n'a été aussi élevé, alors que les tensions sur le 115 restent fortes. Là aussi, il y a urgence à changer de logique pour que les plus précaires accèdent directement au logement. Les rencontres que j'ai pu avoir avec le monde des acteurs de l'hébergement, du logement, me font dire que nous sommes collectivement unis pour nous y engagés résolument.
Cette réforme que nous conduirons ensemble, et avec les associations, s'inscrit dans une dynamique innovante d'investissement social qui sort de la gestion en urgence, maintes fois dénoncée pour ses effets pervers sur les personnes et sur les finances publiques.
Dès 2018, nous produirons et mobiliserons plus de logements abordables et adaptés aux besoins des personnes sans abri et mal logées. Durant le quinquennat, nous financerons 40 000 logements très sociaux, ouvriront 10 000 places en pension de famille et mobiliserons, grâce aux associations qui nous accompagnent, 40 000 logements dans le parc privé grâce à l'intermédiation locative.
Je vous ai parlé d'une ambition commune, cette philosophie est inscrite dans l'histoire du logement social depuis plus d'un siècle. Nous ne devons jamais oublier que ce qui nous oblige, c'est de changer la vie des Français ; plus encore celle de ceux qui souffrent le plus au quotidien. Je veux dire que je suis personnellement attaché à ce que nous échanges soient constants, qu'il n'y a pas entre vos attentes et nos demandes de défiance, de tabou. Je souhaite que ces échanges dans la diversité qui les caractérisent, que ce Congrès soit une étape supplémentaire dans cette direction.
(Extraits)
source https://ressourceshlm.union-habitat.org, le 11 janvier 2018