Texte intégral
YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez donc ce matin le secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique, Olivier DUSSOPT.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et merci beaucoup d'être avec nous dans ce studio de RTL. On a évidemment énormément de questions à vous poser. Vous serez le pilote, avec Gérald DARMANIN, du chantier explosif annoncé hier : moderniser la Fonction publique, le président l'avait promis, vous êtes passé à l'attaque hier. Parenthèse, enfin ça n'est pas une parenthèse, c'est important, est-ce que vous les aviez prévenus, les syndicats ?
OLIVIER DUSSOPT
Nous avons des contacts assez réguliers, et les syndicats savaient que, hier, des annonces sur ce que l'on appelle le chantier des ressources humaines, seraient faites.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ceux qui disent à nos micros : « On n'a été prévenu de rien, on prévient les journalistes avant nous », vous dites...
OLIVIER DUSSOPT
Il y a de tout, il y a des discussions informelles, il y a des échanges, il y a des rencontres bilatérales un peu plus formelles. L'ampleur du plan était peut-être une surprise, ça je l'entends bien, mais aujourd'hui, ce qui compte, et d'ailleurs votre question pose celle de la méthode, ce qui compte c'est que nous avons devant nous, presque un an de concertations, puisque le président de la République et le Premier ministre ont eu l'occasion de le dire hier, la concertation s'ouvre sur les quatre chantiers, avec des objectifs qui sont prévus, définis et l'atterrissage de tout cela c'est début 2019, donc il va falloir discuter, encore discuter et trouver ensemble les points d'atterrissage.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais pour être précis, Gérald DARMANIN ou vous, vous aviez par exemple évoqué l'annonce ou la discussion à venir sur un plan de départs volontaires, dans la Fonction publique, aux syndicats.
OLIVIER DUSSOPT
On n'avait pas forcément évoqué les...
ELIZABETH MARTICHOUX
Ah bon ?
OLIVIER DUSSOPT
... les choses en ces termes-là, les syndicats et la plupart de nos interlocuteurs savaient que, à l'occasion de ce premier Comité interministériel, serait lancée la concertation sur la modernisation de la Fonction publique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ah bon, donc ils savaient sans savoir.
OLIVIER DUSSOPT
C'est un peu plus compliqué que cela.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils ne sont pas complètement dans le faux quand ils disent qu'ils sont un peu surpris. Plus de contractuels, statut assoupli, plus de rémunération au mérite, vous touchez à trois fondamentaux quand même de la Fonction publique. Vous assumez ? On va venir dans le détail.
OLIVIER DUSSOPT
Nous assumons et nous considérons que c'est même un préalable essentiel. Nous ne pouvons pas dire que nous allons transformer les choses, transformer le pays, mettre en place des réformes structurantes dans le cadre de l'action publique 2022, des réformes sectorielles qui sera annoncées fin avril début mai par le président de la République et le Premier ministre, et en même temps faire comme s'il ne se passait rien pour la sphère publique. Il faut moderniser, il faut assouplir, il faut rendre nos administrations, que ce soit les instructions des trois versants, versant Fonction publique d'Etat, versant Fonction publique hospitalière, versant Fonction publique territoriale, plus véloce, plus agile et plus armée. Donc nous avons des pistes de travail et nous voulons le faire dans la discussion, parce qu'un changement aussi profond ne peut pas être décidé seul, et donc nous allons discuter, tant avec les organisations syndicales qu'avec les employeurs territoriaux ou hospitaliers. Discuter notamment du plan de départs volontaires, c'est la première fois qu'on entend cette formule appliquée à l'administration. Ça existe déjà à titre individuel, dans certains cas, c'est assez rare...
OLIVIER DUSSOPT
Oui, c'était l'indemnité de départ volontaire.
ELIZABETH MARTICHOUX
... avec un chèque d'indemnités, entre 40 et 60 000, c'est ça, pour quelques personnes.
OLIVIER DUSSOPT
En réalité, l'indemnité de départ volontaire existe, pour des personnes qui sont à plus de 5 ans de la retraite, c'est extrêmement diverse. Si vous êtes concerné par une restructuration, ça concerne les trois versants. Si vous êtes dans un cadre de projet de création d'entreprise, ça concerne deux des trois versants, si c'est un projet personnel, ça ne concerne qu'un versant et avec une indemnité limitée à deux ans de salaire. Donc les choses sont diverses, mal utilisées, et ce que nous voulons c'est non pas généraliser les départs volontaires, ce n'est pas l'objectif, c'est de dire que lorsque l'on restructure, lorsque l'on est amené à fusionner, par exemple deux établissements publics et que les agents concernés par ces établissements se retrouvent en sureffectifs, parce que la fusion entraîne la nécessité de restructurer et d'organiser des départs, plutôt que de dire seulement : si vous voulez rester dans la Fonction publique, vous restez, et c'est un droit, et on accompagne votre mobilité vers un autre établissement, on accompagne votre mobilité d'un versant à l'autre, on ajoute une possibilité qui consiste à dire : si vous voulez saisir cette opportunité, que vous l'ayez anticipée ou pas anticipée, mais si vous voulez saisir cette opportunité, nous vous accompagnons aussi pour faire autre chose, pour changer de vie, et nous avons aussi des agents publics, qui à un moment ou un autre de leur carrière, de leur vie, peuvent être amenés à souhaiter quitter la Fonction publique pour aller vers d'autres horizons.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ce sont des fusions de services, des rapprochements d'établissements publics, on va dire des maisons de retraite de secteur public, par exemple...
OLIVIER DUSSOPT
De révisions de politiques publiques...
ELIZABETH MARTICHOUX
... qui se regroupent, ou...
OLIVIER DUSSOPT
Vous prenez un mauvais exemple, si vous me permettez, parce que vous parlez des maisons de retraite alors qu'on sait que dans ces établissements, il y a une tension, il y a un rythme de travail qui est énorme. Nous, nous pensons plutôt à des organismes administratifs...
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais par exemple, des DRH d'un ministère ?
OLIVIER DUSSOPT
Ça peut être des DRH des Directions des finances, nous avons, je le répète, un an. L'objectif, et ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que nous ne nous présentons pas devant les 5,5 millions d'agents publics de France, trois versants confondus, en leur disant : qui veut partir ? Nous disons que là où il y aura des restructurations, et il faut laisser le temps au dialogue et aux annonces d'Action publique 2022. Là où il y a restructuration, là où il y a rapprochements, là où la numérisation, l'évolution des métiers, l'évolution des technologies, nous amène à tant constater qu'il y aurait des sureffectifs, qu'on pourrait gérer des départs, plutôt que de gérer uniquement des reclassements, proposer aux salariés et aux agents publics concernés, cette formule de départs volontaires.
ELIZABETH MARTICHOUX
Des plans départ volontaire. Mais ça pourrait être des plans circonscrits, ça veut dire que ce ne sont pas des plans massifs.
OLIVIER DUSSOPT
Ce ne sont pas des plans massifs et ce sont des réponses apportées à telle ou telle entreprise de restructuration.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et ça va être sur la durée du quinquennat ou c'est temporaire, c'est-à-dire que vous négociez, et puis l'année prochaine ça se met en place et après on n'en parle plus.
OLIVIER DUSSOPT
La négociation va durer un an, et...
ELIZABETH MARTICHOUX
Un an.
OLIVIER DUSSOPT
Et sur les modalités, sur le périmètre, sur la durée de cette possibilité-là, il faut aussi laisser la place à la concertation. Je ne suis pas devant vous ce matin...
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous ne répondez pas à cette question. C'est financé déjà ? Vous avez une enveloppe ?
OLIVIER DUSSOPT
Juste, d'abord, l'intégralité de tout ça sera financé, c'est évident, mais quand vous dites « vous ne répondez pas à la question », si je répondais à une question aussi précise ce matin sur les modalités, ça serait nier la concertation que nous allons avoir et ouvrir pendant l'année qui vient.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, il y aura des indemnités, comme aujourd'hui pour les quelques cas, les partants auront droit au chômage ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est l'objectif. C'est l'objectif et donc il faut articuler...
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, contrairement à ce qui est le cas aujourd'hui, aujourd'hui ceux qui font un départ volontaire, ils n'ont pas droit de chômage.
OLIVIER DUSSOPT
Il faut articuler cette réforme avec l'ensemble des discussions qui sont en cours...
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc là ils auront droit au chômage.
OLIVIER DUSSOPT
... y compris la discussion avec les partenaires sociaux. Je ne dis pas « ils auront droit au chômage », je dis « c'est l'objectif » et tout ça doit intégrer les discussions.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et ils pourront revenir dans la Fonction publique, par exemple, aussi ?
OLIVIER DUSSOPT
Pourquoi pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi pas, donc finalement tout est sur la table.
OLIVIER DUSSOPT
Aujourd'hui, tout est sur la table, et de la même manière que nous souhaitons que la Fonction publique soit enrichie par des talents qui viennent du secteur privé, que nous puissions assouplir les modalités de recrutement, il faut aussi avoir en tête que le secteur privé peut être enrichi par des gens qui viennent du secteur public.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez valoriser...
OLIVIER DUSSOPT
Et favoriser les allers retours, favoriser les mobilités.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez aussi valoriser les passages par le privé quand on recrute dans le public, c'est ça qu'on dit ?
OLIVIER DUSSOPT
Il faut favoriser les mobilités. Les mobilités, ça n'est pas faire du passage par le privé, une religion qui rendrait les gens plus compétents ou meilleurs pour intégrer le public, c'est de dire simplement que dans la vie qu'on peut avoir une fonction, un job dans le public et venir dans le privé ou à l'inverse être dans le privé et venir dans le public.
ELIZABETH MARTICHOUX
La CGT disait hier : ça veut dire que des missions vont disparaître, sinon pourquoi inciter les gens à partir ?
OLIVIER DUSSOPT
Pourquoi poser ce préalable ? Pourquoi poser ce préalable et en même temps...
ELIZABETH MARTICHOUX
Et pourquoi ne pas le poser ?
OLIVIER DUSSOPT
C'est ce que je viens de vous dire.
ELIZABETH MARTICHOUX
La numérisation va conduire à la disparition de missions.
OLIVIER DUSSOPT
Ce ne sont pas des missions, ce sont des fonctions. Ce sont des fonctions.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, à une redéfinition du périmètre de l'Etat avec une disparition éventuelle de mission.
OLIVIER DUSSOPT
Je prends un exemple.
ELIZABETH MARTICHOUX
La privatisation.
OLIVIER DUSSOPT
Je prends un exemple. Aujourd'hui nous avons des fonctionnaires dans un certain nombre de services et notamment le service des impôts par exemple qui passent du temps, c'est leur rôle, ils le font bien, c'est leur implication à contrôler des déclarations de revenus, à contrôler un certain nombre d'éléments de votre patrimoine ou de vos revenus. Aujourd'hui nous savions...
ELIZABETH MARTICHOUX
On voit très bien ce que cela veut dire.
OLIVIER DUSSOPT
... que tout ça est en cours de numérisation, que le pourcentage des contribuables qui déclarent leurs revenus sur Internet est en train d'exploser et évidemment très majoritaire par rapport à ceux qui maintiennent une déclaration papier. La possibilité d'analyser ces données par des systèmes informatiques existe, et donc cela remet en cause, ça réinterroge les missions des contrôleurs et de celles et ceux qui vous me pardonnez cette expression mais, épluchent vos déclarations. Donc il faut à la fois accompagner le changement de mission de ces personnes-là et s'interroger en se disant peut-être qu'il y a un certain nombre de fonctions qui n'ont plus lieu d'être. Ça ne veut pas dire que l'Etat renonce à la mission de contrôle, ça veut dire qu'il l'exerce différemment.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour mettre de l'huile dans les rouages de la Fonction publique, le Premier ministre annonce aussi plus de contractuels. Il y en a à peu près 20 % pour l'instant...
OLIVIER DUSSOPT
17,3 pour être précis.
ELIZABETH MARTICHOUX
17,3. Bon. Les syndicats disent 20 %. Ils n'ont pas la garantie de l'emploi, et leurs contrats, on va dire ont leur propres règles, notamment en termes de rémunération, est-ce que dans le fond, on peut imaginer que dans un avenir proche, pour les fonctions régaliennes, il y a toujours cet emploi à vie, je veux dire ce statut de la Fonction publique maintenu, et puis pour toutes les autres missions, vous privilégiez les contractuels. Est-ce qu'il peut y avoir cette répartition-là ?
OLIVIER DUSSOPT
L'objectif premier est de permettre à celles et ceux qui recrutent, de recruter plus librement et de s'adjoindre les compétences qui leur sont nécessaires...
ELIZABETH MARTICHOUX
Etat, hôpital et collectivités territoriales.
OLIVIER DUSSOPT
Dans les trois versants en non pas généralisant mais banalisant le recours aux contractuels. Vous avez cité l'exemple qui est souvent cité des fonctions régaliennes, en disant : on réserve aux fonctions régaliennes le statut de la Fonction publique et pour les autres, ce n'est pas le cas. Ça n'est pas tout à fait l'objectif est d'ailleurs ce n'est pas la réalité. Aujourd'hui la première des fonctions régaliennes c'est la défense, et tous nos milliards sont en contrat.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et il y a beaucoup de contractuels.
OLIVIER DUSSOPT
Pas beaucoup.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y en a de plus en plus.
OLIVIER DUSSOPT
Tous nos militaires sont en contrat, et tous les militaires qui sont en opération sur le terrain, en opérations extérieures, sont en contrat. L'objectif est de permettre pour tous les postes qui n'ont pas de spécificité publiques particulière, de banaliser le recours aux contrats, ça ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de statutaires, nous allons continuer à avoir des magistrats titulaires, nous allons continuer à avoir des policiers titulaires, nous allons continuer à avoir une Fonction publique hospitalière. Par contre, nous voulons donner à celles et ceux qui recrutent la possibilité de recruter plus librement et lorsqu'ils ont besoin d'une compétence particulière, c'est par exemple le cas dans le secteur de l'informatique, de recruter en contrat. Nous allons aussi donner la possibilité, et nous le voulons...
ELIZABETH MARTICHOUX
Aujourd'hui, on essaie de comprendre...
OLIVIER DUSSOPT
De recruter temporairement, c'est important.
ELIZABETH MARTICHOUX
Temporairement, mais aujourd'hui ce sont déjà des CDD, les contractuels dans la Fonction publique.
OLIVIER DUSSOPT
Oui mais je vais aller plus loin si...
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire sur des missions ?
OLIVIER DUSSOPT
J'ai été maire d'une commune pendant 10 ans, j'ai mené des programmes et je mène encore avec mon équipe municipale des programmes de rénovation urbaine, des programmes politique de la ville, qui durent 5 ans, qui durent six ans, pourquoi « nous obliger » à recruter du personnel titulaire et donc pour la durée de leur carrière, alors que nous avons besoin d'un chef de projet en aménagement urbain pour 5 ans, nous avons besoin d'un chef de projet politique de la ville pour 6 ans c'est ça aussi qu'il faut prévoir.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc sur des missions qui peuvent durer plusieurs années.
OLIVIER DUSSOPT
Sur des missions qui peuvent durer quelques années, nous l'avons fait dans les ordonnances sur la loi travail, avec les contrats de projets.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voulez faire évoluer le statut de la Fonction publique territoriale ?
OLIVIER DUSSOPT
Territoriales, parce que nous savons que là, nous avons besoin de souplesse et plus que de dire simplement : nous voulons faire évoluer le statut de la Fonction publique territoriale, le Premier ministre, lors de la conférence des territoires du 14 décembre, a dit que c'était celui des trois versants par lequel il fallait commencer le travail.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc donner plus de souplesse pour les rémunérations par exemple.
OLIVIER DUSSOPT
Les rémunérations c'est le cas avec le déploiement du RIFSEEP et l'introduction d'une reconnaissance de l'efficacité des carrières individuelles et donner plus de souplesse dans le recrutement, notamment avec le recours aux contractuels.
ELIZABETH MARTICHOUX
Voilà, ça ne fait que commencer les questions, et les réponses ce matin d'Olivier DUSSOPT, au micro de RTL sur cet énorme chantier lancé hier. Merci à vous.
OLIVIER DUSSOPT
Merci.
YVES CALVI
Olivier DUSSOPT, qui confirme un an de concertation. Il faut moderniser et assouplir notre Fonction publique, sur les départs volontaires c'est bien une proposition circonscrite dans la durée et les administrations, et enfin la possibilité de recrutement temporaire doit aussi se développer en fonction de nos besoins, vient de nous dire le secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique. L'entretien est à retrouver dans son intégralité sur le site RTL.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 février 2018