Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les mesures et les priorités du Gouvernement en direction des jeunes, notamment dans le secteur de l'enseignement, de l'emploi, du logement, de la vie associative, culturelle et politique et en direction des jeunes en grande difficulté, Marly le Roy le 30 novembre 1997.

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Circonstance : Rencontres nationales pour la jeunesse à Marly-le-Roy les 29 et 30 novembre 1997

Texte intégral


Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de clôturer ce matin les rencontres nationales de la jeunesse de Marly-le-Roi, même si le plaisir que j'éprouve à prendre la parole devant vous est teinté de tristesse en pensant à celui qui fut le maire de cette commune, François-Henri de VIRIEU, récemment disparu.
Ma présence aujourd'hui témoigne d'une volonté déterminée, et affirmée dès mon discours de politique générale de juin dernier , de nouer avec les Français et plus particulièrement avec la jeunesse un nouveau pacte républicain.
Cette volonté est partagée par la ministre de la jeunesse et des sports. Dès sa prise de fonctions, Marie-Georges BUFFET m'a fait part de son souhait de rétablir un réel équilibre entre les deux grands domaines qui relèvent de sa responsabilité, d'une part les sports, d'autre part la jeunesse, équilibre qui avait été un peu perdu de vue au cours de ces dernières années. C'est pourquoi elle a souhaité organiser une manifestation symbolique et forte offrant aux jeunes l'occasion de s'exprimer. Les 1 700 rencontres locales mises sur pied dans toute la France au cours de ces derniers mois, et le point d'orgue que représentent les rencontres de cette fin de semaine, concrétisent cet engagement.
Mais la volonté de la ministre est celle du gouvernement tout entier. La présence, hier, de quatre ministres à ces rencontres en atteste. L'action qui est menée depuis maintenant quelque six mois en témoigne. Nous avons en effet affirmé la priorité que représente à nos yeux la jeunesse (I), mis en oeuvre une méthode au service de l'écoute des jeunes (II), cherché à définir avec eux les orientations à privilégier pour l'avenir (III).
I Une priorité affirmée pour les préoccupations de la jeunesse.
Trois des cinq lois qui ont été promulguées depuis la mise en place de ce gouvernement vous concernent directement : l'emploi des jeunes, la fin du service national, l'inscription automatique sur les listes électorales. D'autres décisions touchent aussi à des champs qui vous préoccupent.
Dans ma déclaration de politique générale devant l'Assemblée Nationale et qui valait programme gouvernemental, j'avais souligné le 19 juin dernier, que "l'emploi doit surtout bénéficier aux jeunes et que le programme connu sous le nom de "700 000 jeunes", est une priorité absolue et que ce dispositif devrait porter ses fruits dès cet automne".
Comme vous le savez, la loi relative à l'emploi des jeunes et qui concerne les
350 000 emplois-jeunes du secteur public a été votée le 13 octobre. Elle a pour objectif de créer 50 000 emplois pour la fin de l'année 1997, 100 000 supplémentaires en 1998 et d'atteindre les 350 000 emplois prévus d'ici l'an 2000.
L'objectif fixé pour 1997 est en voie d'être atteint grâce aux dispositions particulières prises pour l'éducation nationale et le ministère de l'intérieur, c'est-à-dire le financement à 100 % par l'Etat. A ce jour, 15 000 recrutements sur les 40 000 prévus pour l'éducation sont effectifs et le solde sera atteint d'ici janvier 1998. Pour les autres emplois jeunes, pour lesquels un financement à hauteur des 20 % doit être négocié avec les collectivités territoriales ou le milieu associatif, le délai de mise en oeuvre est nécessairement plus long, mais la signature des contrats d'objectifs est en cours. Là aussi, l'objectif fixé pour 1998 devrait être atteint.
J'avais indiqué, ensuite, que "la participation des jeunes à la vie démocratique représentait un enjeu d'une particulière importance et que l'inscription de chaque citoyen sur les listes électorales sera rendue automatique l'année de sa majorité".
Cette décision est essentielle pour les jeunes. La situation en ce domaine n'était pas satisfaisante et certains d'entre vous avaient eu le sentiment d'avoir été piégés à l'occasion de la dissolution d'avril dernier. J'ai voulu remédier à cette situation. Depuis le 10 novembre 1997, c'est chose faite avec la loi sur l'inscription d'office sur les listes électorales. En dépit de certaines difficultés techniques de mise en oeuvre, les échéances électorales importantes de 1998 se dérouleront sous ce nouveau régime.
J'avais enfin indiqué, toujours dans mon discours de politique générale qu'en ce qui concerne "la suspension du service national, le gouvernement recherchera avec le Parlement l'assentiment le plus large possible sur le dispositif qu'il conviendra de retenir".
Votée en novembre dernier, la loi portant réforme du service national, qui résulte de décisions antérieures mais change profondément la donne pour la très grande majorité des jeunes gens, a permis de régler la question des dernières classes d'âge concernées.
Cette priorité a aussi été affirmée grâce aux décisions prises dans le secteur, stratégique pour les jeunes, de l'éducation.
J'avais précisé le 19 juin que "le retour à la priorité à l'éducation, abandonnée depuis quatre ans, est une obligation nationale".
Là encore, les actes sont au rendez-vous :
Le budget du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie va, dans un contexte particulièrement difficile, bénéficier en 1998 d'une augmentation sensible de ses crédits ;
un plan important de lutte contre la violence scolaire a été lancé. Il prévoit, là où ils sont particulièrement nécessaires, des efforts particuliers de prévention des phénomènes de violence en mettant en place un partenariat important avec d'autres ministères ;
mercredi dernier, le ministre de l'enseignement scolaire a présenté au Conseil des ministres le plan pour l'éducation civique, qui vise à accorder davantage de moyens à cet enseignement, trop souvent négligé et qui participe directement de la démocratie lycéenne.
A ces premières orientations s'ajoutent une méthode et un état d'esprit.
II Une méthode pour le dialogue.
Il nous faut d'abord mieux écouter les jeunes. Mieux, vous entendre.
Grâce aux 1 700 rencontres locales organisées dans les villes, les départements, les régions, vous avez pu exprimer votre point de vue sur la manière dont vous vivez votre scolarité, vos études, vos loisirs, vos relations avec le monde du travail, vos problèmes de santé, de logement.
Dialoguer avec vous directement ou par l'intermédiaire de vos représentants dans les associations de jeunes, tel est l'objectif de cette écoute.
Et c'est encore ce que le gouvernement a fait hier et aujourd'hui, à l'initiative du ministre de la jeunesse et des sports. Plusieurs ministres ont pu, au cours de la journée d'hier, en participant à des ateliers, avoir un dialogue direct avec vous.
Mais il ne s'agit pas d'écouter pour écouter. Il s'agit de dialoguer pour proposer, à l'issue de ces rencontres, des mesures destinées à répondre aux difficultés que vous vivez et aux exigences que vous formulez.
Tout ne sera pas forcément possible, en tout cas tout de suite. Nous vous le dirons honnêtement. Mais les mesures arrêtées après un large travail interministériel, seront, dans leur quasi-totalité, mises en place dès l'année 1998.
Je ne veux pas d'annonces qui ne soient pas suivies d'effets, je veux me garder des illusions et des désillusions. L'ensemble des mesures détaillées par Mme Marie-Georges BUFFET ce matin pourront effectivement être mises en oeuvre dans des délais rapides.
Ces mesures sont importantes. Elles témoignent de la volonté du gouvernement d'apporter une réponse précise à certaines des attentes que vous avez fait émerger.
Déjà, il y a un énorme effort d'information à faire et ce dans tous les domaines. Même si beaucoup de choses ont déjà été entreprises, l'impression qui prévaut est que la réponse apportée actuellement par les institutions de notre pays n'est pas à la mesure des besoins des jeunes et plus particulièrement de ceux qui vivent dans les quartiers défavorisés. Là aussi, il faut renverser la vapeur et privilégier les efforts d'information. A cet égard, la mise à disposition du guide du droit des jeunes dans l'ensemble des établissements scolaires représentera un progrès important. Mais il ne sera pas suffisant et il nous faudra sans cesse revenir à la charge dans ce domaine névralgique.
Ces mesures ne répondent pas à toutes vos demandes. Certaines d'entre elles nécessitent en effet des réflexions complémentaires. Il nous faudra alors débattre avec vous, avec vos représentants, des suites qui pourront être données, ou constater, en adultes responsables, jeunes ou moins jeunes, l'impossibilité d'y donner suite ou la difficulté à le faire immédiatement.
Quelles sont pour autant les orientations que nous pouvons nous fixer pour l'avenir ?
III Des orientations pour l'avenir.
Je ne ferai ici qu'en indiquer les grandes lignes. Mais celles-ci déboucheront bien entendu sur des dispositifs concrets. Elles visent à :
1·) Donner aux jeunes les moyens de s'insérer dans la société.
par une formation scolaire et universitaire qui, plaçant l'élève et l'étudiant au centre du système éducatif, lui donne les moyens de réussir.
Les efforts entrepris et réaffirmés par ce gouvernement devront être poursuivis. Le dossier complexe et difficile du plan social étudiant, laissé en déshérence par le gouvernement précédent, sera débattu devant le Parlement en 1998.
par une aide à l'emploi.
Au-delà de la dynamique des emplois-jeunes du secteur public, l'accent sera aussi mis, dans la continuité de la conférence nationale sur l'emploi, les salaires et le temps de travail du 10 octobre, sur la nécessité d'engager un processus de négociation avec les partenaires sociaux avec pour objectif de parvenir à des accords par branche permettant d'augmenter la part des jeunes employés dans les entreprises.
par une aide au logement, condition nécessaire à l'indépendance des jeunes.
Le Secrétaire d'État chargé du logement prépare actuellement un projet de loi créant un secteur du logement conventionné dans le parc privé, complémentaire du secteur HLM, garantissant aux propriétaires, en contrepartie d'une modération des loyers, les impayés dont ils sont parfois victimes, permettant ainsi une réduction du coût de la caution.
Cette évolution de notre politique du logement s'adresse aux personnes aux revenus modestes : les jeunes en seront donc les premiers bénéficiaires.
2·) Donner aux jeunes la place et les responsabilités qui leur reviennent dans les institutions qui les concernent.
Cela concerne aussi bien les structures scolaires et universitaires (conseils de classes, conseils d'administration des établissements), avec le développement de la démocratie lycéenne, que le champ particulièrement ouvert et riche de la vie associative.
La présence des jeunes dans la vie associative doit bien entendu être encouragée. Une présence accrue des jeunes mineurs dans les assemblées générales et dans les bureaux des associations serait profitable : elle représente, en effet, une excellente formation pratique et une bonne préparation à la vie citoyenne.
3·) Encourager la démarche de projet chez les jeunes.
Cette démarche doit trouver d'abord un terrain d'élection dans la sphère associative. Celle-ci peut fournir un excellent terrain pour favoriser une démarche de projet que cela soit au sein des associations classiques (loi de 1901) ou "d'associations de jeunes".
En ce qui concerne les associations classiques, je souhaite que le dossier délicat de la majorité associative à moins de 18 ans soit réinstruit par les ministres compétents. Ce sujet avait été engagé par le ministre de la jeunesse et des sports en 1992 mais n'avait pu aboutir en dépit d'une volonté politique très fortement affirmée.
Pour ce qui concerne les "associations de jeunes" il faut examiner de quelle manière et à quelles conditions des associations de ce type pourraient être créées en application de la Convention internationale des droits de l'enfant. En l'absence de textes d'application, cette disposition qui doit aussi être considérée au regard de la réaffirmation de l'autorité parentale est pour l'instant restée lettre morte.
Là encore, je souhaite une instruction complète de ce dossier de la part des ministres concernés.
Cette démarche de projet peut aussi s'appliquer aux projets de création d'entreprise prévus par le ministre des Affaires sociales et de l'emploi.
Le ministère encourage ainsi l'initiative des jeunes créateurs en les aidant avant la concrétisation de leur projet d'entreprise, et pendant la période cruciale du démarrage du projet.
4·) Réconcilier les jeunes avec les institutions de la République.
par une approche rénovée de l'action des services publics en direction des jeunes.
Cette question demande d'importants efforts d'écoute, de dialogue entre les fonctionnaires et les jeunes usagers. C'est souvent le cas. Des progrès sensibles ont été accomplis par exemple pour restaurer le dialogue entre les forces de police et les jeunes. Mais le service public ne saurait tolérer des comportements irrespectueux ou violents en provenance de certains jeunes qui portent atteinte aux personnels et aux biens. Les sanctions des dérives doivent être appliquées.
Elles le seront fermement. Mais elles le seront plus facilement si le climat de dialogue et de compréhension prévaut par ailleurs.
par un effort accru de formation citoyenne, à l'école, dans les associations, dans les mairies où les conseils municipaux d'enfants doivent être encouragés.
par un encouragement systématique de l'exercice des responsabilités par les jeunes dans la vie sociale et culturelle, et dans la vie politique, même si ces choix relèvent des libres choix des partis politiques.
5·) Apporter une attention particulière aux jeunes en grande difficulté.
Je confirme sur ce point les engagements déjà pris devant le Parlement au nom de la solidarité et de l'égalité entre les générations. Tout les enquêtes récentes montrent la montée de la précarité chez les jeunes de 16 à 25 ans. Les chiffres fournis à cet égard par une enquête de Médecins du Monde sont tristement éclairants : alors que cette tranche d'âge représente 6 % des consultations classiques en médecine de ville, elle représente 20 % des consultations assurées dans les 31 centre d'accueil, d'orientation et de soins gratuits dépendant de Médecins du Monde et répartis sur l'ensemble du territoire. C'est dire l'importance, pour ce qui concerne certains jeunes, de l'engagement pris par nous de "mettre en place l'assurance-maladie universelle".
Comme vous le savez, par ailleurs, j'ai également décidé de reprendre, en lui donnant un contenu plus substantiel, le projet de loi sur l'exclusion qui n'a pas été discuté au Parlement en raison de la dissolution d'avril 1997. Ce projet de loi, qui bien entendu concernera également les jeunes en situation d'exclusion, sera présenté au Parlement au printemps 1998.
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La politique du gouvernement en direction de la jeunesse implique de nombreux départements ministériels.
Nous avons commencé à le montrer sur l'emploi.
C'est ce qu'il nous faudra poursuivre dans les autres secteurs.
Nous le ferons dans la durée, en faisant, chaque fois que cela sera nécessaire, évoluer notre droit.
Mme le Ministre de la Jeunesse et des sports participera à la coordination de cette politique. Elle sait pouvoir compter sur moi et sur ses collègues pour faire des jeunes les acteurs du changement et de la construction de l'avenir.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mai 2001)