Déclaration de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat à l'action et aux comptes publics, sur l'impact de la révolution numérique dans la fonction publique, à Paris le 9 février 2018.

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Circonstance : Forum de l'Action publique, à Paris le 9 février 2018

Texte intégral


Monsieur le Préfet de région,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir qui a été le mien au cours de cette séquence régionale du Forum de l'action publique dédiée à l'impact de la révolution numérique dans la fonction publique.
La thématique était large ; la traiter, une gageur… Et je crois que les uns et les autres, qu'il s'agisse des agents qui ont travaillé hier et dont le travail a été restitué ce matin, comme des intervenants à notre table ronde, vous avez su y répondre. Car derrière ce thème « numérique et les ressources humaines dans la fonction publique », il y a au fond deux questions essentielles : celle de l'impact du numérique sur les ressources humaines proprement dites ; mais aussi, et ce sera capital dans les années à venir, celle de l'accompagnement RH des transformations numériques d'ampleur.
Et je crois que la méthode adoptée pour ces forums régionaux de l'action publique nous permet, ensemble, d'esquisser des réponses à ces enjeux. Cette méthode, vous le savez, est fondée sur deux convictions profondes, que je partage pleinement : d'une part, celle que la mobilisation de l'intelligence collective et la participation des agents sont essentielles. Lors de la séquence de restitution ce matin, j'ai pu prendre connaissance des projets élaborés par les agents lors de l'atelier de co-construction et j'y ai vu des choses étonnantes. Comme à chacune de ces séquences, ils m'ont fait part de leur satisfaction d'avoir pu travailler de cette manière décloisonnée et transversale, en associant les trois versants, différents corps, différentes catégories d'agents.
Deuxième conviction : la réflexion s'enrichit beaucoup des regards croisés, et j'ai particulièrement apprécié la qualité des échanges de la table-ronde. Là aussi, nous gagnons à la pluralité des origines et des points de vue. Je tiens d'ailleurs à remercier l'ensemble des intervenants. Je remercie également pour leur participation les représentants de l'Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), partenaire de la DGAFP dans les réflexions du chantier transversal ressources humaines, ainsi la mobilisation des services de la préfecture de la région Ile de France, qui sous votre autorité, Monsieur le Préfet, a rendu cet évènement possible. Je salue enfin les représentants syndicaux qui ont assisté à cette rencontre. Leur association, comme pour toutes les réflexions sur la fonction publique, est essentielle.
I- Impact du numérique sur les ressources humaines et les relations sociales
Je l'ai dit, l'impact réciproque du numérique et des Ressources Humaines sera l'un des enjeux structurants pour l'avenir de la fonction publique. Car interroger l'impact du numérique sur la gestion des ressources humaines, c'est avant tout positionner l'agent au coeur des processus et actions RH.
A cet égard, la feuille de route des systèmes d'information des RH 2022, co-pilotée par la DGAFP et la DINSIC, porte une ambition forte : élaborer une approche centrée sur les usages et les agents avec une « symétrie des attentions ». Autrement dit, ce qui est implémenté pour les usagers doit aussi l'être pour les collaborateurs.
Cela suppose de réduire le décalage que l'agent connait dans l'utilisation du numérique entre sa sphère privé et sa sphère professionnelle, en lui fournissant un environnement de travail adapté, et donc une meilleure qualité de vie au travail.
En pratique, cela signifie qu'un agent doit pouvoir accéder 24H/24 où qu'il soit, aux informations le concernant, par exemple avec France connect agent et l'accès à ses fiches de paie dématérialisées et certifiées en temps réel. Les implications techniques sont lourdes, puisque cela implique une mise à jour au fil de l'eau des informations personnelles des agents. Surtout, cela ouvre des perspectives nouvelles dans des champs très divers des ressources humaines. Qu'il s'agisse de la recherche de poste, des demandes de formation, de la gestion quotidienne des absences, congés ou frais de mission, du suivi de la paie… Tout cela suppose une adaptation technique majeure de nos processus RH. Et en fournissant à l'agent de nouvelles modalités d'actions, ses relations avec les services RH vont nécessairement évoluer. Ce qui se dessine, ce que nous voulons, c'est une transformation en profondeur des métiers RH, au service des agents.
A l'heure des réseaux sociaux, des plateformes, les agents attendent légitimement de pouvoir trouver facilement des informations. Ainsi, si nous souhaitons faciliter les mobilités comme nous l'avons annoncé lors du comité interministériel à la transformation publique du 1er février, nous devons permettre à tous les agents d'accéder facilement à l'ensemble des postes offerts dans les 3 versants la fonction publique, dans leur bassin d'emploi ou au-delà. Nous devons fournir, aussi, une information claire sur les compétences attendues sur ces postes. Bref, nous devons dépasser les logiques de filières spécifiques qui existent aujourd'hui. C'est l'intérêt des recruteurs comme celui des agents.
Autre objectif ambitieux de cette feuille de route : dématérialiser l'ensemble des processus et documents RH pour atteindre à terme l'objectif « 0 papier ». Cette démarche nous conduit à mener analyse critique des processus RH existants, pour les simplifier sans en altérer le sens. Des évolutions réglementaires seront nécessaires, autour notamment de la notion de « force probante des documents » et de la validité de la signature électronique.
N'en doutons pas, la dématérialisation représente un gain réel, tant pour l'agent que pour l'employeur. Je prendrai un exemple : la dématérialisation des bulletins de paie mise en place en 2017 au ministère des finances et au ministère des armées permet à l'agent de disposer de son bulletin de paie dès le dernier jour du mois et à l'employeur de limiter les tâches de mise sous pli et d'affranchissement.
La dématérialisation, c'est aussi un formidable outil de rationalisation, de simplification du cycle des informations, qui permettra de supprimer les demandes multiples de justificatifs. L'objectif est très clair : il s'agit d'alléger la charge des agents et des gestionnaires, tout en disposant de données justes et accessibles, dans de strictes conditions de sécurité. Cette dématérialisation permettra également des échanges enrichis lors de l'entretien professionnel, avec une dématérialisation du compte rendu et des souhaits de formation. C'est un moyen très utile, je crois, pour aller vers une reconnaissance des compétences plus simple et plus rapide.
Enfin, et c'est essentiel, cet effort de dématérialisation sera bénéfique au dialogue social. Je pense à la préparation des élections professionnelles et au vote électronique bien entendu, mais aussi à la mise à dispositions des organisations syndicales d'éléments pour préparer les CAP, les comités techniques ou les CHSCT.
II- L'accompagnement RH des transformations numériques
La transformation numérique est donc un levier majeur de simplification et de modernisation des organisations et des modes de travail. Mais elle génère également de nouveaux besoins et des attentes des usagers vis-à-vis des services publics. Cette seconde question, celle de l'accompagnement RH des transformations numériques, se pose peut-être de façon encore plus aigüe que la première. Vous le savez, c'était l'un des deux volets du 1er comité interministériel de la transformation publique. La presse s'en est malheureusement encore peu saisie, alors je souhaite rappeler ici l'ambition du Gouvernement. Notre objectif est ambitieux et très clair : au 1er janvier 2022, la totalité des services publics doivent être accessibles en ligne.
Pour cela, le premier axe de travail concerne l'intégration des services numériques dans la conception des politiques publiques. Le schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l'Etat pour la période 2018/2020 qui sera prochainement diffusé prévoit cet effet plusieurs actions qui vont dans ce sens.
Pour atteindre cet objectif, il est indispensable que l'ensemble des agents partagent une même culture des outils numériques. C'est pourquoi une offre de formation à distance sera mise en place pour permettre aux agents d'accéder à des modules de formation, mais aussi à des dispositifs permettant d'évaluer leurs compétences, voire de les certifier lorsqu'elles ont été acquises.
Des actions de sensibilisation et de formation de tous les acteurs aux enjeux du numérique seront également menées pour assurer leur prise en compte dans la conception et le suivi des politiques publiques. Cet objectif doit d'ores et déjà être pris en compte aussi bien en formation initiale qu'en formation continue.
Les administrations doivent enfin se doter des compétences techniques nécessaires, aujourd'hui et demain, à l'accompagnement de cette évolution. L'acquisition et le développement de ces compétences doit se faire en interne, en accompagnant les transitions professionnelles des agents qui souhaitent intégrer ces métiers. Je pense par exemple à la conduite des projets SI ou au traitement et à l'analyse de données en masse. Cet accompagnement passe par la valorisation ces compétences. Dans un premier temps, il faudra donc créer des parcours de formations labellisés. Dans un second temps, cette reconnaissance des compétences devra passer par l'accès à des certifications ou des diplômes.
Cet enjeu de professionnalisation a également été pris en compte par le schéma directeur de la formation professionnelle. Les services des ministères et les opérateurs de formation devront mobiliser les modes de transmission des compétences les plus innovants sur les plans technique et pédagogique pour accompagner cette évolution, en formation initiale comme en formation continue.
Avec cette séquence parisienne, nous concluons la série de ces forums régionaux. L'objectif de ces rencontres était de couvrir l'ensemble des enjeux qui se définiront la fonction publique de demain : la reconnaissance professionnelle en Bourgogne-Franche-Comté ; la participation des agents en Occitanie ; les parcours professionnels en Pays de Loire, l'attractivité de la fonction publique en Hauts de France ; la Formation en région Grand Est… Avec le numérique ce matin, nous concluons donc un cycle de réflexion et de concertation. Vous le savez, la consultation numérique est en cours, et je ne peux que vous inviter à y contribuer activement. L'ensemble de ces réflexions feront prochainement l'objet d'un évènement national de restitution. Vous le savez, d'autres cycles de concertation, syndicale cette fois, vont également s'ouvrir très vite. Car notre volonté, notre détermination à proposer une fonction publique plus moderne, des services publics encore plus efficaces, est entière. Mais, et vous le savez aussi, nous souhaitons réformer dans la dialogue, dans la concertation. Et je vous le garantis, la parole des agents est entendue.
Source https://www.fonction-publique.gouv.fr, le 30 mars 2018