Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la création d'emplois dans le domaine de l'environnement, Paris le 30 octobre 1997.

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Circonstance : Entretiens de Ségur sur le thême :"Emplois et environnement" à Paris le 30 octobre 1997

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour clôturer cet Entretien de Ségur consacré à l'emploi dans le domaine de l'environnement.
Je le suis d'autant plus que cette manifestation fait suite à celle qui s'est tenue hier, à l'initiative de l'ADEME. Et elle précède la première convention emploi/jeunes que je devrais signer avec Martine Aubry, le 25 novembre prochain. Il est très important, au moment du lancement du plan emplois-jeunes, de rassembler ainsi les énergies : l'engagement des collectivités locales, des bureaux d'études et des associations est indispensable si nous voulons relever ce défi de l'emploi qui revêt, à mes yeux, la plus grande importance.
La journée organisée par l'ADEME portait sur le thème des emplois dans le secteur des déchets. Il s'agit là d'un secteur en plein développement comme le montrent les expériences présentées ici par celles et ceux qui en ont la responsabilité au sein des municipalités et des entreprises.
Cet entretien de Ségur s'inscrit dans le droit fil de la politique du ministère de l'environnement qui, depuis de nombreuses années, a fait du thème " emploi et environnement " l'une de ses priorités. Nous avons, aujourd'hui, associé la protection de l'environnement et l'aménagement du territoire. Cette réunification sera, j'en suis sûre, féconde en terme d'activités et donc d'emplois et permettra de dépasser, je l'espère, certains des écueuils sur lesquels ont buté les politiques de mes prédecesseurs.
Je n'ai pu assiter à vos travaux. Mais je sais qu'ils ont été fructueux et qu'ils ont permis de valider un point essentiel : les politiques de protection de l'environnement sont génératrices d'emplois.
Quelques chiffres illustrent cette observation.
Les emplois du secteur environnement représentent aujourd'hui près de 440 000 personnes en France, soit près de 2 % des actifs (les seuls emplois directs sont au nombre de 280 000). Leur progression a, ces dernières années, varié entre 1 % et 2 % par an, ce qui est important dans le contexte général plutôt morose que nous connaissons.
L'attention de plus en plus grande que portent les Français à la protection de l'environnement et l'action des gouvernements successifs sont à l'origine de la croissance du nombre de ces emplois. La dépense nationale de protection de l'environnement a augmenté significativement. Deux domaines méritent d'être cités.
-> L'eau. Sous l'impulsion des sixièmes programmes des agences de l'eau (1992 - 1996), 33 000 emplois ont été créés selon l'estimation réalisée par le laboratoire ERASME de l'Ecole centrale de Paris. Cette tendance va continuer avec la mise en uvre des septièmes programmes pour lesquels les agences de l'eau devraient consentir 105 milliards de francs d'investissements d'ici à 2002.
-> Le second domaine est celui des déchets. La loi du 13 juillet 1992 a généré quelque 10 000 emplois directs entre 1990 et 1995. Le respect des objectifs fixés dans le cadre des directives européennes relatives à la mise en décharge impose la poursuite de l'effort engagé ces dernières années en faveur du recyclage.
Et ce n'est pas tout. Car les programmes d'investissements dans les domaines de l'eau et des déchets vont se traduire par un fort développement des activités qui leur sont associées. Au total, 143 000 nouveaux emplois seront globalement induits dans l'économie au cours des dix années par ces programmes : 87 000 emplois pour l'eau et 66 000 emplois pour les déchets.
De plus, si ces emplois sont encore fortement concentrés dans les secteurs de l'eau et des déchets, de nouveaux domaines d'activités sont en train d'émerger.
La lutte contre la pollution de l'air en constitue un premier exemple : la loi de 1995 entraîne le développement des activités de production des équipements de mesure et de contrôle de la qualité de l'air.
De façon plus générale, le plan emplois-jeunes, qui vient d'être voté, va contribuer, je le souhaite, au développement de nouveaux métiers de l'environnement dans diverses activités, notamment l'entretien et la restauration des rivières, l'entretien des forêts et des espaces verts urbains, le conseil et l'éducation à l'environnement.... En résumé, des emplois devraient émerger dans des domaines encore non solvables où le secteur privé ne s'est pas investi.
A ce titre, le bilan national des emplois verts qui doit m'être remis en fin d'année par la Mission d'inspection spécialisée de l'environnement (MISE) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) devrait nous être utile. Ces expériences passées de soutien de l'emploi sont en effet riches d'enseignements : elles montrent que la participation des acteurs au montage des projets et la pérennisation des emplois locaux est une condition indispensable à la réussite de ces actions.
Pour cette raison, mon ministère attache une grande importance à ce que les collectivités locales, les associations et les entreprises soient partie prenante des projets de développement. Le plan emplois-jeunes, dont Guy HASCOËT a présenté les grandes lignes, s'est ainsi appuyé sur une large consultation d'acteurs locaux.
Ce plan a suscité un espoir immense. Même si les demandes que reçoivent mes collaborateurs sont moins nombreuses que celles qui s'adressent au ministère de l'éducation nationale, elles témoignent du vif intérêt que les jeunes portent à l'environnement. Je voudrais faire à ce sujet deux remarques.

-> Tout d'abord, je voudrais rappeler que je souhaite avant tout favoriser la création d'emplois pérennes. Notre ambition peut sembler modérée au regard des chiffres annoncés dans d'autres domaines mais elle est réaliste. Si notre objectif est atteint, le nombre total des emplois environnementaux aura augmenté de 15 à 20 % dans cinq ans.
-> Ma seconde remarque concerne le décalage entre l'offre et la demande d'emplois environnementaux. Les statistiques le montrent - je vous renvoie au " quatre pages " de l'Ifen - les emplois offerts par les entreprises correspondent surtout aux métiers de la gestion des déchets et de l'eau, alors que les demandes d'emplois se portent en grand nombre vers la protection de la nature. Il faut aider les candidats à dépasser leur vision un peu idylique de la protection de la nature ( " sauver les ours ), pour construire un véritable projet professionnel dans un créneau porteur.

Afin de mesurer l'efficacité du plan, la loi prévoit la mise sur pied d'un système de suivi statistique avec la réalisation, à la fin de 1998, d'un premier bilan. L'Institut français de l'environnement (IFEN) a mis en place un observatoire, l'ORME, qui assure le recueil des données et l'animation d'un réseau sur les métiers de l'environnement. Il aura désormais pour tâche d'organiser le suivi du plan Emploi dans notre secteur en liaison, bien sûr, avec le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Ce plan sera durable si nous savons y faire participer toutes les catégories sociales. Pour ce faire, nous devons inventer de nouvelles formes d'entreprises et d'associations. Entre les entreprises agissant sur les marchés et les associations exerçant des activités basées sur le bénévolat, il me semble qu'il y a une place pour ce qu'on peut appeler les entreprises à but social.
Ce nouveau type d'entreprises, qui a déjà fait l'objet de réflexions, serait bien adapté au cas de plusieurs secteurs environnementaux, comme l'entretien de sites particulièrement intéressants ou les activités de prévention contre les incendies.
La création d'entreprises dans ces secteurs est difficile en raison de la quasi-absence de marché. L'Etat se doit de faciliter l'émergence de ces activités, tout en prévoyant de se retirer à terme. C'est une voie encore peu explorée. C'est pourquoi, j'attends avec impatience les résultats des recherches qui vont être lancées en liaison avec le Centre d'études de l'emploi.
On a mesuré, ces dernières années, l'ampleur des difficultés auxquelles doivent faire face les petites entreprises de l'environnement et, peut-être plus encore, les associations. Tant que nous n'aurons pas une vue claire des conditions qui permettent de pérenniser les emplois environnementaux, nous ne pourrons lever ces obstacles. Je souhaite vivement que nous puissions avancer dans cette analyse.

Je voudrais terminer en évoquant la question de l'éducation à l'environnement, qui représente à la fois une fonction indispensable pour la mutation vers une société de développement durable et un gisement important d'emplois.
Il s'agit d'éveiller les citoyens à l'environnement, de leur permettre la compréhension des enjeux, de susciter l'adhésion et la coopération de la population. Dès à présent, le rapport HASCOET a estimé de 3500 à 4500 le nombre de personnes qui exercent un métier lié à l'éducation à l'environnement.
Des emplois-jeunes peuvent être créés dans ce domaine : ils répondent à une demande croissante et forte du public, qui exprime très souvent une demande de connaissance et de participation à la préservation des ressources.
Cette ouverture à l'environnement, vous y contribuez également, grâce à vos études, vos écrits et vos recherches. C'est pourquoi je voudrais vous remercier de votre participation à cette journée, marquant ainsi votre intérêt pour une question devenue, malheureusement, d'importance nationale.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 30 novembre 2001)